Louisa Hanoune a assisté à la réunion entre Abdelmadjid Tebboune et les partis politiques siégeant dans les diverses assemblées législatives, qui sont tout aussi illégitimes que l’initiateur de cette rencontre.
L’opinion publique n’est pas surprise, Louisa Hanoune pratique la politique avec une habileté unique. Comme tout révolutionnaire de papier équilibrant indignation et allégeance, elle excelle dans l’art du politiquement correct pour défendre les droits humains et la démocratie.
Elle sait aussi se positionner derrière la junte militaire et adopte une posture politiquement aiguisée pour protéger l’islam politique. Cela pourrait justifier sa longévité politique, tant dans son parti que dans les sphères du pouvoir, où elle est députée depuis 1997, tout en cherchant à valider et légitimer un pouvoir illégitime.
En effet, une interrogation persiste concernant Louisa Hanoune : bien qu’elle ait été blanchie par le tribunal militaire de Blida, quelle était la raison exacte de sa présence à la fameuse réunion avec les généraux Toufik Mediene et Athman Tartag ? Ne devrait-on pas rappeler à Louisa Hanoune qu’une crise d’État ne se résout pas avec les mêmes méthodes de gouvernance ni les mêmes acteurs qui en sont à l’origine ?
L’élément surprenant, tant en termes de ligne idéologique que de stratégie de combat sur le terrain, a émergé du RCD. Libéré de son ancien leader et fondateur Saïd Sadi, il semble renaître de ses cendres, notamment par la distance qu’il prend avec le système politico-militaire.
Longtemps sous la tutelle des véritables décideurs politiques depuis sa création en 1989, il a constamment approuvé l’option militaire, prétendant protéger l’État et ses institutions du péril islamiste, qui est pourtant l’enfant légitime d’un pouvoir illégitime.
En écoutant le dernier discours d’Athmane Mazouz, il est clair que le RCD aspire à s’émanciper du contrôle du pouvoir. Le parti souhaite renouer avec un esprit de solidarité universelle envers tous les prisonniers politiques, sans distinction d’allégeance, et adhère de plus en plus à l’idée d’un régionalisme dans la gestion des affaires nationales, ce qui pourrait mener à une sortie du marasme économique dans lequel se débat la Kabylie.
Athmane Mazouz ne ménage pas ses critiques et attribue clairement la responsabilité à un pouvoir militaire, fait par les militaires et pour les militaires.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, alors que le RCD identifie les principaux responsables de la crise d’État qui secoue le pays, le FFS choisit de venir en aide au régime politico-militaire contre lequel feu Aït Ahmed avait lutté sans compromis, avec justesse, courage et vision politique.
Le FFS a décidé de prendre part aux prochaines élections présidentielles malgré le hold-up politique subi par le Hirak, la résurgence de la police politique et les prisons qui regorgent de prisonniers d’opinion.
Où est le FFS qui, contrairement à tous les partis démocratiques inféodés au pouvoir, a continué à réclamer un retour à la légitimité populaire après que le FIS soit arrivé aux portes du pouvoir, lors des seules élections libres que le pays ait connues ?
Il confirme sa présence aux prochaines élections présidentielles, dont l’issue est déjà connue, avec Abdelmadjid Tebboune et Saïd Chanegriha dirigeant un État et une assemblée nationale à leur solde.
Karim Tabou, digne successeur de la pensée politique d’Ait Ahmed et leader de l’Union démocratique et sociale, non reconnue officiellement, lutte pour sortir la tête d’un harcèlement judiciaire insupportable et des peines de prison qui l’accablent, surtout depuis le début du Hirak.
Cumulant des peines de prison là où d’autres collectionnent les visites à El Mouradia pour obtenir, dans le meilleur des cas, un strapontin et dans le pire, un rôle de pantin, il endure pour ses positions courageuses et pour avoir perpétué, à sa façon, l’héritage intellectuel d’Aït Ahmed.
Jil Jadid ne pourrait mieux se nommer qu’après avoir démontré à l’opinion publique, au citoyen qui peine pour vivre et à celui qui meurt pour dire, que la nouvelle Algérie de Tebboune est en harmonie avec la nouvelle génération de Djilali Sofiane. Une fois unis, ils verront l’ancien système qui nous dirige se débattre pour survivre, alors que le nouveau hésitera à venir.
Le MDS reste le grand oublié du débat idéologique. Il a toujours rejeté l’idée des présidentielles, critiquant un système qu’il considérait comme rentier et bureaucratique, sans toutefois pointer du doigt les responsables, ni nommer explicitement la junte qui dirige l’État depuis l’indépendance.
Il appelait à une double rupture : à forte raison avec l’islamisme, mais avec une certaine couardise envers la junte qui l’a propulsé au sommet de État. Une ligne rouge ne devait pas être franchie. Suite au décès de son leader El Hachemi Cherif, le MDS s’est vidé de ses militants, jadis experts en rhétorique et en débats d’idées, pour se remplir de vide.
Le courant idéologico-politique qui semble se distinguer dans le tumulte des affaires politiques du pays, oscillant entre les périodes de révolte active et de rébellion passive, est incontestablement le courant islamiste.
Bien que le régime politique emploie de nombreux stratagèmes pour le présenter comme l’adversaire principal, l’islam politique n’a jamais été aussi proche du pouvoir.
Les guerres d’apostasie orchestrées par l’islam politique, de l’extrémisme d’un Ali Benhadj, conscient que les mots ont autant de poids que les armes, à la sournoiserie d’un Abdelkader Bengrina, plus enclin à servir le pouvoir, ont conquis des secteurs clés de la République tels que l’éducation et le social. Il existe un enjeu bien plus sérieux que celui d’éviter la politisation de l’islam : c’est l’urgence de contenir l’islamisation de la politique.
Si l’on accepte l’idée de Marx selon laquelle l’histoire se répète deux fois, d’abord en tant que tragédie, puis comme farce, alors la politique en Algérie peut être vue comme une farce continuelle où le dindon de la farce est le peuple, trahi et sacrifié.
Mohand Ouabdelkader