22 novembre 2024
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La république est-elle vraiment en panne ?

Duel Bouteflika-Ouyahia

La république est-elle vraiment en panne ?

Est-ce que cela pose un problème aux Algériens que le Premier ministre soit si en retrait du président de la République, ou bien s’y sont-ils faits ?

Le fait que le Premier ministre soit au second plan n’est pas un souci en soi, dès lors qu’il n’est pas jugé comme tel, mais plutôt comme un simple coordinateur de l’action gouvernementale.

Le fait que le président gouverne est normalement une hérésie pour les institutions de la république, mais pas du tout pour les algériens qui trouvent la situation normale.

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Si l’idée véhiculée que certains conseillers du président de la République ont plus de pouvoir que le Premier ministre déplait, le côté –président intervenant à coup de directives-, sur les périmètres de ses ministres séduit car il est révélateur d’insuffisances du gouvernement qui est loin de répondre aux aspirations des Algériens. Et c’est ainsi que les directives d’Abdelaziz Bouteflika se sont succédées à un rythme effréné ; elles ne poursuivaient qu’un seul objectif : recadrer, et parfois sévèrement, Ahmed Ouyahia qui a revêtu pour la circonstance le costume du « méchant » vizir.

Comme cette fameuse annonce consacrant « Yennayer » fête nationale, par laquelle le président de la République a surpris son monde et surtout le premier ministre qui, semble-t-il, n’y a pas été associé !

Il y a eu ensuite cette instruction adressée directement à Ahmed Ouyahia et à l’ensemble des ministres qui a été perçue comme une sévère remontrance pleine de sous-entendus. L’objectif recherché par le président de la République consistait, dit-on, à mettre fin aux supputations nées de la polémique engendrée par la « charte pour le Partenariat Public Privé » qui avait mis aux prises le secrétaire général du FLN Djamel Ould Abbès qui reprochait au premier ministre Ahmed Ouyahia son « manque de transparence ».

Le président de la République a décidé aussi de mettre son véto sur les taxes prévues dans le projet de loi de finance manière comme une autre de reprocher au gouvernement d’Ahmed Ouyahia d’accabler les Algériens en ces temps où leur pouvoir d’achat est mis à mal par la mercuriale des prix qui prend les airs ! Dans le même projet figurait aussi un article autorisant les investisseurs étrangers à bénéficier de concessions agricoles : à croire certains médias, cet article a été retiré du projet sur instruction expresse du président de la République.

Ce duel à distance entre le président de la République et le Premier ministre n’a pas échappé aux observateurs qui pensent, tout de même, que cette façon de faire donne le sentiment que le pays est instable, fragile et sans véritable gouvernement.

La capacité du Premier ministre à assumer ce rôle difficile,  en mineur, et le fait qu’il soit juste « toléré » par le président de la République expliquent, sans doute, son effacement. Mais son manque de détermination à s’attaquer aux véritables niches fiscales exacerbe de plus en plus les Algériens. Au lieu de la rigueur dont il se prévaut dans le discours, il évite de regarder pour voir où se trouvent les véritables gisements fiscaux que son éphémère prédécesseur a pourtant très vite identifiés !

Le gouvernement actuel donne aux Algériens l’impression qu’il est de connivence avec les milieux de l’argent et qu’il est réduit, somme toute, à faire juste de l’incantation, quand il n’a pas l’arrière-pensée de revenir sur les acquis sociaux des Algériens.

Ces derniers, faut-il le dire, sont tout de même largement attachés à leur service public en général, à l’éducation et surtout la santé. Ils ont le sentiment que leur modèle social constitue l’une des rares « valeurs ajoutées » de leur pays face à ses voisins ; mais ils ont le sentiment que les gouvernements qui se sont succédés depuis des années essaient de le casser. Ce sentiment est encore plus fort s’agissant du gouvernement d’Ahmed Ouyahia et de son manque de réactivité concernant, par exemple, la grève des médecins résidents qui s’éternise.

Ce qui protège le gouvernement, c’est que l’opposition est largement inaudible, ce qui lui laisse le monopole de l’action. Et surtout de la parole. L’opposition, faut-il le dire, s’est pliée à l’agenda électoral du pouvoir ; les partis qui s’en revendiquent  sont suspendus à l’annonce du président de la République de se porter ou pas candidat en 2019 ! Certes, le président de Jil Jadid, Soufiane  Djilali, a présenté à ses pairs de l’opposition une initiative consistant à présenter un « candidat unique » pour les prochaines présidentielles. Sans succès apparemment.

Il faut dire que les Algériens ont toujours affiché une défiance quasi générale envers les partis politiques et leurs personnels. Leur intérêt pour la politique telle qu’elle est pratiquée ici faiblit de plus en plus. La classe politique dans son ensemble est perçue comme une entité opaque, égoïste, phagocytée par des opportunistes de tout bord qui n’inspirent que peu le respect et surtout ne tiennent pas leurs promesses.

Pour l’heure, la grosse attente à l’égard de l’opposition est avant tout qu’elle définisse clairement la ligne politique qu’elle choisit : nationaliste-conservatrice, social-démocratie assumée, berbériste, aile plus radicale portée aujourd’hui par Louisa Hanoune, ou plus encore islamiste pure et dure avec ses partis qui sont en train de se regrouper. Et qu’elle affiche aussi ses programmes !  

Mais, force est d’admettre que le pluralisme en Algérie n’est qu’illusion : une démocratie de façade, s’accordent à dire les observateurs.  

On vient d’apprendre, par exemple, que d’anciens cadres, partisans et syndicalistes viennent de lancer une initiative politique pour une « refondation démocratique ». On n’en connaît pas les grandes lignes, mais déjà on lui prédit une fin prématurée. Ce qui va, inhiber, encore plus, l’engagement militant qui se réduit comme peau de chagrin. Ce qui a fait dire à quelqu’un que « s’il ne fallait que si peu d’effort pour bousculer l’ordre politique établi, l’Algérie, serait déjà à son énième république ! ».

Pour l’heure, il y a comme un sentiment de très profond mécontentement à l’égard du gouvernement, des partis au pouvoir, voire des syndicats, dans toutes les catégories sociales les plus en difficultés. Un risque d’émeutes, ça et là, est effectivement possible car, pour le moment, en plus d’être mécontentes du gouvernement, ces populations le sont tout autant des élus et de leurs responsables locaux.

Mais la possibilité d’une désespérance (baisser les bras) existe aussi. En résumé, il y a bien un stock d’explosifs mais pas encore d’allumettes, pour reprendre une formule usitée. A moins que la république ne se remette en marche au moment même où le baril de pétrole lui offre un énième sursis.

Auteur
Cherif Ali

 




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