Mercredi 17 juillet 2019
Algérie : peuples, nations et révolutions !
Les porteurs de l’emblème amazigh réprimés sous les ordres du vice-ministre de la Défense, Gaïd Salah. Crédit photo : Zinedine Zebar.
» … La tentative avortée de fonder les institutions de la liberté conduit à l’abolition totale de tous les droits et de toutes les libertés. » Hannah Arendt
Succinctement, et sans s’immerger dans les profondeurs juridiques de sa définition, l’État, est le cadre institutionnel dans lequel s’organise le fonctionnement de la vie législative, exécutive et judiciaire d’un peuple. Il est aussi l’application de la volonté populaire de par une constitution qui définit le système politique souhaité, correspondant aux aspirations de la Nation.
Théoriquement, la création d’un État, suppose l’existence d’un peuple sur un territoire qui lui est propre. Une Nation quant à elle, est l’âme d’un peuple. Elle existe de par l’histoire des victoires et des défaites de celui-ci. Elle s’entretient par le devoir de mémoire des individus, et elle se solidifie grâce à la solidarité naturelle et au sentiment d’un intérêt collectif transcendant le confort individuel.
À l’aune de ce que je viens de d’évoquer, il me semble intéressant de soulever certaines questions concernant cette dynamique enclenchée en Algérie depuis le 16 février 2019, lors de la décisive marche de Kherrata :
Quelle est la vraie volonté de cette dynamique populaire en Algérie ?
Quels sont ses aspirations et ses objectifs ?
Quelles sont les vraies raisons de ce soulèvement ?
Est-elle le fruit d’une maturité politique ou bien, est-elle motivée uniquement par la détérioration de l’état de santé d’Abdelaziz Bouteflika?
Au-delà des commentaires motivants, des slogans ingénieux et des aphorismes fabuleux, existe-t-il une réelle volonté populaire ? Est-elle homogène ?
L’opportunité est sans doute à portée de main. Mais, y a-t-il suffisamment de conscience pour s’en saisir ?
Ce sont là des questions qui trouveront probablement l’élucidation à l’issue de ce soulèvement inédit.
Un soulèvement qui est d’ailleurs constellé par une polysémie d’appellations : contestation, soulèvement, révolte, révolution du sourire, “hirak”…
Chacun de ces termes comporte une sensibilité idéologique, une idée politique et l’espoir d’un changement possible. Néanmoins aucun ne saurait dire, avec certitude, à quel changement aspirent “les révoltés”.
Certaines personnalités qui prônent la démocratie, insistent sur des préalables incontournables qui se résument au respect strict des principes démocratiques universels pour une sortie de crise concrète et effective.
Cependant, pour déambuler dans l’universalité, il faudrait préalablement apprendre à marcher chez soi…
Le premier parcours à réussir pour les Algériens, c’est celui de l’histoire. La véritable histoire, la leur. Ainsi, la première révolution, ce sera la réconciliation avec leur identité amazighe. Ensuite, il faudra concilier le passé –à la fois amer et glorieux– avec un avenir qui aura pour aspiration, une démocratie réelle au sein d’un nouvel environnement social et politique.
L’estime de soi pour une personne est importante pour son épanouissement, son équilibre, la construction de sa personnalité. En somme, sa prospérité dépend en grande partie de l’assurance que procure l’estime de soi. La règle est applicable également aux peuples et Nations. Ils doivent apprendre l’estime de soi qui passe par la vérité et non le mensonge, l’amour et non la haine, la vie et non la mort, la solidarité et non l’indifférence.
La parole s’est libérée en Algérie, mais qu’en est-il de la liberté de pensée et de choisir dans un contexte où l’on va jusqu’à emprisonner des individus pour avoir brandi l’emblème amazigh ? Et cela, sans qu’il y ait eu une solidarité massive pour dire « nous sommes tous des Amazighs » ce qui est très différent et bien plus fort que le slogan, « nous sommes tous des frères » !
Car, le « nous sommes tous des frères » est un acte passif. Par contre clamer son amazighité est, à mon sens, un acte actif et assumé. C’est dans cette direction que les Algériens devraient évoluer afin de déjouer d’éventuelles atteintes à leur identité et à leur histoire réelle, pour pouvoir enfin emprunter le chemin de la liberté.
Il y a sur cette terre d’Afrique du Nord des peuples, qui, en dépit de toutes les conquêtes et dominations, restent viscéralement attachés à leurs terres, leurs identités et à leurs mythes.
Il est vrai que des Nations puissantes et des empires, qui ont pourtant contrôlé le monde, ont fini par disparaitre. La réalité est là, les Nations libres de Tamazgha sont toujours présentes, déterminées à vivre libres sur les terres de leurs ancêtres.
Encore faudrait-il que les éléments qui ont formé ces Nations se regroupent et se consolident. Ce, afin de restaurer ces Nations qui, par la force des choses, se sont disloquées et perdues dans un environnement hostile à la vie et à la liberté !