Le dynamisme des militants identitaires et des populations kabyles rend impossible toute tentative d’éluder l’anniversaire du 20 avril 1980. Les autorités feignent d’ignorer l’anniversaire de la révolte des étudiants et des populations kabyles de 1980. Mais quelques manifestations des autorités trahissent le fait que le 20 avril est bien dans l’agenda gouvernemental.
Le déplacement de la ministre de la Culture à Bejaïa pour inaugurer l’institut régional de formation de la musique Djamel Allam en est une des illustrations. Mais, fait symbolique et significatif, c’est la capitale française, Paris, qui a pris la vedette par l’inauguration du Square Idir à Ménilmontant dans la région parisienne.
Pourtant, sous l’ère du président Bouteflika, des progrès furent enregistrés qui contribuaient à apaiser et à ouvrir le champ au dialogue. C’est ainsi que mêmes les affrontements de 2001 qui ont provoqué la mort de 126 citoyens et plus de 5 000 blessés ont été considérés comme un « mouvement pour le parachèvement de l’identité nationale et la promotion de la citoyenneté ». Ce sont là les termes utilisés par les décrets présidentiels du 07 avril 2002 et du 31 juillet 2005 qui établissaient l’indemnisation des victimes.
Dans le contexte général de reflux de la société civile consécutif aux manifestations du Hirak, et sans paraitre vouloir remettre en cause les avancées réalisées sous les mandats du président Bouteflika, les autorités actuelles ont durci le ton et laissent trop peu de place aux initiatives citoyennes. La célébration de l’anniversaire du 20 avril 1980 devient ainsi source de tensions.
Le constat s’impose donc. Le pouvoir en place pendant le premier mandat du président Tebboune n’arrive pas encore à admettre totalement et à assimiler la pluralité de la société algérienne.
Cette pluralité trouve sa source dans les diversités régionales et culturelles anciennes du pays. Elle connaît une forte évolution avec la croissance démographique, l’accès généralisé à l’éducation et les échanges internationaux accélérés par les progrès des technologiques de la communication et de l’information. Cette pluralité reste contrariée par les conceptions rigides, étroites de l’unité nationale.
Une unité nationale encore frappée du sceau de l’uniformité. Au lieu de constituer une source d’émulation et de dynamisation de la société algérienne, la pluralité culturelle, politique et idéologique risque d’être encore vécue comme une plaie. Le traitement politique actuel de cette question nationale ne contribue pas à une véritable solution unitaire et salutaire pour la Nation et l’État algériens.
Le premier obstacle à une prise en charge lucide de la pluralité de la société algérienne réside dans son assimilation à une question de pouvoir politique. La répression en est une manifestation évidente ; l’extension abusive de la notion de terrorisme à des opinions contestataires, un prolongement dramatique ; les interdictions de célébration des anniversaires fondateurs, le couronnement d’un nihilisme aveugle. Car le raisonnement politique des autorités n’appréhende que l’écume du phénomène, que les manifestations superficielles. Il n’en perçoit que la contestation politique inévitable du fait que l’État négateur du pluralisme de la société devient la cible de la contestation.
En réalité, le terrain des affrontements est choisi par les autorités en place. Le rapport de force est en leur faveur. Elles parviennent à bloquer les rassemblements des citoyens, à empêcher leur organisation en association ou en parti politique et à limiter l’expression des opinions. Ce qui peut leur donner l’impression d’une maîtrise de la situation et d’une consolidation de leur pouvoir. C’est une illusion.
Cette illusion encourage les autorités politiques à ignorer les tendances profondes qui travaillent la société algérienne et la société kabyle en particulier. Un regard lucide sur les activités qui sont déployées par les citoyens de la Région devrait donner à réfléchir. La Kabylie connait, malgré les limites économiques et financières, un déploiement considérable d’activités théâtrales, de groupes musicaux, de cercles littéraires. Les efforts engagés pour l’hygiène et l’environnement, les mouvements de solidarité sont impressionnants.
Beaucoup de villages prennent des initiatives autonomes qui expriment un sens aigu de leur responsabilité citoyenne. Sur le plan de l’entreprenariat, le dynamisme des jeunes est éloquent. Les succès originaux dans la fromagerie et la boulangerie pâtisserie donnent un aperçu du développement de l’esprit d’initiative et d’entreprenariat.
La région kabyle ne vit pas en autarcie. Elle entretient des relations serrées avec les communautés kabyles installées dans les autres régions du pays. Ce qui est un facteur de rapprochement national. Enfin, la Kabylie dispose d’une diaspora sans pareil qui constitue un relai considérable pour son expression et son rayonnement. Cette diaspora contribue considérablement sur le plan de l’essor culturel. Elle accueille régulièrement de jeunes étudiants, des scientifiques et des talents littéraires. La culture kabyle s’épanouit avec intensité en France et au Canada. Au point où Paris et Montréal se présentent comme des pôles de la culture kabyle.
Ce sont là des tendances profondes qui impacteront sensiblement l’avenir de l’Algérie. Elles impacteront bien plus solidement la société kabyle que l’agitation politique parfois fébrile que veut contenir le pouvoir. Elles travaillent durablement la région. Dans quel sens ? Cela dépendra de l’évolution de la nature de l’État algérien.
Depuis l’Indépendance en 1962, l’État central a cru se suffire des réalisations économiques. C’est particulièrement le cas sous l’ère du président Boumediene avec les plans régionaux de développement. L’État central a également accentué l’enseignement de la langue arabe et de l’Islam. C’est principalement ce qui constitue son travail en profondeur. Mais il l’a fait en continuant à nier ce qui constitue l’originalité de la Région. Il a persisté dans son nihilisme, dans son refus de la diversité et du pluralisme. Les révoltes de 1980 et de 2001 témoignent de l’échec de cette voie. Cette voie, c’est la perpétuation du caractère autoritaire de l’État. C’est le renforcement de son caractère centralisateur.
En continuant à heurter les aspirations à l’épanouissement culturel des populations de la Kabylie, l’État autoritaire et centralisateur a produit le séparatisme. Cette opinion encore minoritaire risque dans l’avenir de tirer profit du nihilisme de l’État central. L’État autoritaire alimente cette opinion en rendant contradictoire l’épanouissement régional et culturel avec l’État unitaire.
Or l’unité n’implique pas logiquement le centralisme. L’État unitaire ne se réduit pas à l’État centralisé. Cette confusion, État unitaire – État centralisateur, entretient une opposition entre identité et liberté. Les revendications légitimes liées au respect de la diversité des coutumes, des cultures et des modes de vie sont contrariées par l’État autoritaire et centralisateur. Or, l’épanouissement culturel est inséparable des libertés individuelles. Cette relation entre identité et liberté a été négativement portée par le pouvoir. C’est ainsi que son projet d’arabisation au pas de charge et d’encouragement du conservatisme religieux a correspondu au recul de l’exercice des libertés individuelles dans tout le pays. La sensibilité à cette dégradation du respect des libertés a été plus grande en Kabylie parce qu’elle contrariait encore plus les aspirations culturelles de la Région.
En persistant dans l’autoritarisme et le centralisme, l’État entretient lui-même une autre illusion. En présentant l’État centralisateur comme la seule perspective d’existence de l’État algérien, il fait apparaitre, malgré lui, le séparatisme comme la solution qui réconcilierait identité et liberté. Cette illusion qui anticipe malheureusement favorablement la nature de l’État séparatiste constitue le poison mortel pour l’État unitaire.
Tout dans l’histoire récente de l’Algérie milite en faveur d’un État unitaire. Toute l’expérience universelle des États nationaux atteste de la conciliation possible de l’État unitaire avec le respect de la diversité régionale. Tout dans cette expérience universelle confirme que la démocratie et les libertés individuelles trouvent leur meilleur terrain d’application dans les États décentralisés.
Tout dans cette expérience montre que l’État unitaire se trouve renforcé par la décentralisation, la démocratie et les libertés individuelles. Ce que certains appellent le «problème kabyle » est en réalité un problème algérien.
L’État algérien doit évoluer vers l’État de droit. Il pourra ainsi satisfaire les revendications légitimes des citoyens et des communautés régionales et perpétuer l’aspiration des Algériens à vivre dans un État unitaire respectueux des droits humains fondamentaux.
Saïd Aït Ali Slimane
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Je vous cite » l’aspiration des Algériens à vivre dans un État unitaire respectueux des droits humains fondamentaux. »
Vous délirez en couleurs et le quotidien vous contredie chaque jour mais vous faites l’autruche … heu j’veux dire vous faites le chameau !
Les » algériens » ont choisi de SURVIVRE dans un État UNICISTE respectueux DE LA SHARIA » point barré ni plus ni moins et etre payés sans travailler …
Donc nous Kabyles, on coupe le cordon, heu les chaines et allons depuis le sanglant 14 juin 2001 à l’INDEPENDANCE !
Lâchez les basquettes du 20 Avril, il est KABYLE et rien d’autre …
Cette contribution est un second plaidoyer contre l’indépendance qui ne s’assume pas, après celui sur T. Yacine sur Mammeri.
Indépendance ou Etat unitaire ? Je dirais que tout est relatif. L’indépendance n’est pas forcément un facteur de développement ni même de paix. Beaucoup de pays sont passés de l’indépendance aux guerres civiles ou tribales, et n’ont jamais connu le moindre progrès auquel l’indépendance était sensé les conduire. Les aspirations à l’indépendance qui reposent sur des considérations ethniques ou culturelles vont plutôt dans ce sens. Au risque de m’aliéner les molosses indépendantistes je dirais que l’amazighité ne conduira pas mieux la Kabylie vers le progrès et le développement bien au contraire! Aucun pays africain n’est sorti du sous-développement grâce à son in dépendance. Et le particularisme kabyle n’a pas épargné à la région les affres du sous développement ni ne l’a privilégiée par rapport aux autres régions. Je ne dis pas non plus que l’unité est un facteur automatique de progrès.
Pour moi la question essentielle est celle des droits et libertés individuelles. Droits que la démocratie ou le multipartisme ne garantissent pas forcément. Et un parti unique n’est pas incompatible avec l’Etat de »droits ».