7 mai 2024
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Hier, un seul «héros le peuple», aujourd’hui, un seul «sauveur le peuple»

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Hier, un seul «héros le peuple», aujourd’hui, un seul «sauveur le peuple»

« Un peuple qui prend ses enfants par la main est un peuple qui vivra longtemps » Alain Gilot

Dans toute guerre, les protagonistes nous cachent deux choses importantes, l’histoire et les intérêts. Au lendemain de l’indépendance, l’Algérie a été décapitée par les forces coloniales. En effet, sentant le vent tourné en faveur de l’émancipation des peuples et se rendant compte que l’empire colonial coûtait plus qu’il ne rapportait à la Métropole, la France finit par lâcher ses colonies tout en préservant ses intérêts. «La force de l’histoire contre la force des armes » a finalement triomphée. Militairement, les maquis de l’intérieur ont été décimes par l’armée française et les frontières avec les pays voisins fermées par la construction de deux lignes de barbelés électrifiés (connues sous les noms de lignes Challe et Morice) empêchant l’armée des frontières de pénétrer à partir du Maroc et de la Tunisie. Laquelle armée n’a pu faire son entrée triomphale sur Alger qu’une fois que les armes se sont tues et l’armée française rapatriée.

C’est sur le plan politique et diplomatique que l’Algérie a remporté la plus belle des victoires en ralliant le monde entier à sa cause et en organisant des manifestations populaires en faveur de l’auto-détermination du pays.  Le slogan en vogue à l’époque « un seul héros le peuple » traduisait incontestablement une vérité historique. La décolonisation de l’Afrique s’inscrivait dans le sens de l’histoire. C’est l’endurance de la résistance militaire des maquisards intérieurs qui a permis la victoire politique.

Au moment où la guerre de libération était à son apogée la plus meurtrière, la plus longue et la plus décisive que dans une boutade, le général De Gaule, aurait confié à un de ses interlocuteurs « l’indépendance c’est l’indépendance, prenez-la, messieurs, et supportez-la ; elle ne s’établira pas sans d’incroyables secousses notamment entre algériens mais nous en serons débarrassés ». La messe est dite. « Le ver est dans le fruit ». Un système néo colonial de domination est né. «Quand la hache pénétra la forêt, les arbres dirent le manche est des nôtres ». Il garantit l’influence de la France sur ses anciennes colonies et son accès aux richesses du continent africain. Les services secrets français vont jouer un rôle déterminant.

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« L’indépendance, est comme un pont, au départ personne n’en veut, à l’arrivée tout le monde l’emprunte ». La petite bourgeoisie prend le pouvoir à un moment où l’Etat naissant est fragile. Elle voit toutes ses possibilités d’ascension ouverte. Elle n’a pas meilleure opportunité que de s’investir dans l’appareil de l’Etat postcolonial. Son ascension a été facilitée par la faiblesse de la grande bourgeoisie considérée comme un vestige du régime colonial. Elle ne fait pas partie de la couche sociale dominante aussi pèsera-t-elle d’un poids minimum sur la vie politique.

La participation aux instances supérieures du pouvoir suppose comme condition préalable la participation à la guerre de libération nationale. C’est la « sacralisation des armes » Les pratiques de cooptation qui prévalaient durant la guerre de libération nationale ont survécu après l’indépendance. Ces pratiques fonctionnent toujours à tous les niveaux de la pyramide politique et économique du pouvoir. Ce comportement s’explique par la volonté des responsables militaires de trouver chez les élites intellectuelles, la compétence technique ou économique qui leur manque pour la gestion des administrations et des entreprises publiques. Cependant, cette collaboration est astreinte à une seule condition : la soumission des intellectuels à la suprématie politique des dirigeants militaires issus de la guerre de libération nationale.

Les intellectuels vont dépendre du pouvoir pour survivre. Au lieu de constituer l’âme de la société, ils vont dépendre des ponctions sur la rente. Leur réussite se mesure par leur capacité à bénéficier de privilèges grâce à leurs positions hiérarchiques. Ces positions leur permettant de renoncer à leur fonction critique. C’est l’allégeance et la vassalité.

L’intelligence s’était mise au service de la ruse. Autant la ruse paysanne était salutaire en temps de guerre, autant elle devient mortelle en temps de paix. En temps de guerre, il s’agit de combattre l’ennemi et de le vaincre ; en temps de paix, il s’agit de construire son pays et de faire le bonheur de son peuple. Mais à quoi bon investir ou produire si les « pieds qui jouent » rapportent plus que « la tête qui investit » et les « mains qui produisent ». Puisqu’il s’agit d’amuser la galerie en payant grassement les joueurs « importés » et le reste qui va avec. Cela fait partie de la politique du ventre. Les études académiques mènent vers l’impasse. Le travail productif n’a plus d’intérêt, seule la débrouillardise compte. La fortune en dinars et surtout en devises est devenue l’indicateur principal de la réussite sociale.

Cette Algérie du ventre est devenue au fil des années un pays corrompu, inégalitaire faite misère, de désarroi et de désespoir où règnent à ciel ouvert la corruption, l’arbitraire et la médiocrité. Un pays pauvre où la population s’enfonce dans la souffrance physique et mentale tandis que l’élite politique se gave de produits de luxe importés. Faut-il rappeler que depuis l’indépendance les couches dirigeantes du pays, produits de l’école française pour indigènes, ont pour la plupart adhéré totalement aux valeurs de consommation inspirés de l’occident sans pour autant assimiler les sciences sociales, les techniques de production et de gestion qui les sous-tendent et de surcroît en refusant la liberté de recherche,, de critiques et d’opposition prônée par la culture démocratique européenne pour limiter les abus et arbitraires du pouvoir de l’Etat. C’est pour dire que nous avons enfourché un cheval qui n’est pas le nôtre.

Nous n’avons pas la maîtrise, nous n’avons que la selle. Le nôtre est retourné au désert et depuis nous ne l’avons pas revu. Il est peut-être mort de soif. Nous nous trouvons sans monture et le chemin à pieds est long. 

Il nous semble que la solution définitive à nos problèmes réside dans un changement qualitatif dans nos rapports avec l’Europe, dans la construction d’un Maghreb uni des peuples de la région et dans les bouleversements que nous pouvons apporter à nos institutions, pâles copies de nos « illustres maîtres à penser ». Mais cela suppose une participation de la population à la prise de décision, une vision claire de l’avenir et une réelle maturité des peuples de la région à se prendre en charge sans passer par l’occident triomphant. C’est pourquoi, les élites n’ont pas d’autre choix que « trahir ou se suicider » : vont-elles trahir ? C’est-à-dire servir leurs propres intérêts au détriment des intérêts supérieurs de la nation ; vont-elles se suicider ? C’est-à-dire faire appel à des puissances étrangères pour sortir le pays de la crise.

Ces propos semblent radicaux par leur charge affective mais ne manquent pas de réalisme. Néanmoins, ils ont l’avantage de mettre l’accent sur la responsabilité des hommes devant conduire le destin de la nation. La décadence d’une société commence quand l’homme se demande « que va-t-il arriver ? » au lieu de se dire « que puis-je faire ? ». L’Algérie a la terre. Elle a les hommes. Ce qui lui manque, c’est une bonne politique, une politique centrée sur les populations et non sur les pouvoirs. Les élites doivent s’efforcer de satisfaire en priorité les besoins essentiels des individus par des stratégies de développement centrées sur les intérêts de la population et non sur des pouvoirs. Débat fécond d’idées novatrices à amorcer ou lutte acharnée d’intérêts d’arrière-garde à entretenir et/ou à sauvegarder ?

Des intérêts apparemment contre productifs non créateurs d’emplois. Il nous semble que c’est dans un bouillonnement d’idées et de débats que pourra surgir à notre humble avis une élite sobre et austère, sans treillis ni cravate, ni turban, fidèle à elle-même, ouverte positivement sur l’extérieur qu’il soit d’orient ou d’occident, mettant le souci du bien public avant ses avantages particuliers, créatrice de valeurs et de symboles par son comportement dans ses actes légitimant ainsi un discours réformateur.

La rue a montré la voie, au reste de suivre … Une révolution est en marche, ses mots d’ordre : « silmya silmya », un message de paix aux forces répressives et une lueur d’espoir aux peuples opprimés ; « Yetenahaw ga3 » un cri d’’indignation d’un peuple meurtri. « Quand la hache pénétra dans la forêt, les arbres dirent : le manche est des nôtres ». C’était un certain été 1962, l’été de tous les tourments où le frère tuait son frère pour accéder au trône.

Aujourd’hui, le peuple délivre un message de paix et de fraternité : « khaoua-khaoua ». Quelle leçon d’humanisme. Pauvres sont ceux qui ont troqué son avenir pour « un verre de whisky » avec le sourire complice d’une opposition des « petits fours » aux allures « civilisées » et à une religion tronquée par des enjeux de pouvoir. La révolution du sourire est sortie des stades et non des salons. Elle est l’œuvre du petit peuple méprisé, humilié, opprimé et non des élites arrogantes, hautaines et impuissantes. Le peuple ne demande que le nécessaire, il ne veut que justice et tranquillité, le système veut tout, prétend à tout, tout dominer, tout doit converger vers lui, tout doit se faire avec lui et sous son contrôle.

Les hommes et les groupes rivaux ne se soucient pas de réfléchir aux problèmes fondamentaux de la société, ni de proposer un programme précis pour les résoudre mais seulement de se maintenir ou d’accéder au pouvoir. Le problème majeur de l’Algérie d’aujourd’hui est fondamentalement politique. C’est celui de la légitimité du pouvoir. Il réside dans le fossé qui séparer le peuple de ceux qui sont chargés de conduire son destin. Un régime politique doit finalement être évaluée sur les résultats appréciés du point de vue des intérêts de la population dont chacun s’accorde à reconnaître qu’ils devraient être la préoccupation principale des dirigeants. La crise actuelle de l’Etat providence est une crise financière doublée d’une crise de légitimité.

Le premier droit de l’individu reconnu comme sujet central du politique, c’est le droit à la vie. Il échange sa soumission ou sa participation contre cette garantie fondamentale : être protégé dans son intégrité physique contre toutes les menaces de violences intervenues. Par conséquent le premier devoir de l’Etat consiste à produire la paix civile ; Mais cette sûreté de l’individu implique également la reconnaissance d’un autre droit, celui de la propriété lequel est concomitant à un autre droit celui de l’emploi. L’Etat algérien est appelé à gérer les effets internes de la mondialisation économique suivant une démarche plus rationaliste que nationaliste. C’est dire toute l’importance du choix des hommes devant conduire le destin de la nation. 

 

Auteur
Dr A. Boumezrag

 




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