Six mois de détention, et certains évoquent déjà l’innommable pour notre écrivain âgé de 80 ans. Son éventuel décès en prison sera un séisme pour ceux qui ont décidé sa détention.
Qui se souvient du Dr Kamel–Eddine Fekhar, ce combattant de la liberté mozabite, mort dans les geôles algériennes après avoir succombé à une grève de la faim qui s’est étalée sur 50 jours, jusqu’à cette date fatidique du 28 mai 2019 qui l’a achevé, en plein Hirak ?
Le 19 avril de la même année, le manifestant Ramzi Yettou est mort après avoir été roué de coups par des policiers inassouvis de violence.
Le 11 décembre 2016, le journaliste anglo-algérien Mohamed Tamalt, âgé de 41 ans, est décédé à l’hôpital universitaire de Mohamed Lamine Debaghine à Bab El Oued, à Alger, après une grève de la faim entamée le 27 juin 2016 et qui aura duré cinq mois.
Tout près de chez nous, malgré moult grèves de la faim, Chérif Mellal est toujours embastillé dans les geôles de la honte.
Après des mois sous ISTN et un an de prison, Mohand Taferka est toujours retenu otage d’un système hors la loi.
Est-il nécessaire de continuer ce décompte indigne du mot civilisation ?
Combien d’illustres inconnus ont succombé dans les geôles d’Algérie juste pour un écrit sur Facebook ou quelques pas d’une marche pacifique organisée pour dénoncer l’arbitraire qui règne au pays depuis longtemps, trop longtemps !
Non Boualem Sansal ne doit pas mourir !
Il doit rester vivant, ne serait-ce que pour témoigner des affres des prisons algériennes et des méthodes indignes de dangereux malfrats !
Il doit rester vivant pour que la vie du citoyen soit plus importante que la mort distribuée à tout va par un pouvoir de malfrats !
Non, Boualem Sansal ne doit pas mourir !
Il doit rester l’un des symboles de la liberté confisquée !
Non, Boualem Sansal ne doit pas mourir !
Il doit rester vivant pour que le flambeau de l’espoir ne s’éteigne jamais !
Si d’aucuns croient qu’il est possible d’apitoyer les geôliers d’Alger par des votes d’une assemblée française frileuse, ils se trompent lourdement !
Le pouvoir d’Alger n’en fait qu’à sa tête pour museler et malmener le citoyen. C’est ainsi depuis 1962. En 2025, les tenants du pouvoir s’acharnent à vouloir appliquer les mêmes méthodes contre la communauté algérienne à l’étranger, essentiellement en France. Et ce ne sont pas des résolutions de l’assemblée française, quasiment timides, demandant la libération de Boualem Sansal ou les envolées chaotiques et irréfléchies de Bruno Retailleau qui vont faire plier Alger. Il faut plus que cela ! Beaucoup plus!
Pire que le régime des Pol-Pot, le pouvoir de Tebboune-Changriha ne s’encombrera pas de quelconque pitié, quand bien même tous les prisonniers d’Algérie venaient à succomber à une impitoyable séquestration ! L’Algérie appartient aux FLiN-tox. Elle le restera tant que leurs intérêts ne sont pas en danger.
Et, ce ne sont pas, non plus, les mises en garde tout aussi timides d’Amnesty International qui y changeront quoi que ce soit !
La vie du citoyen doit l’emporter sur la mort !
S’il venait à succomber à cette détention inhumaine, Boualem Sansal deviendrait le symbole de la victoire du pouvoir sur l’Algérie et la France et de celle de la mort sur la vie.
C’est pour cela aussi que Boualem Sansal ne doit pas mourir !
Le député Deloglu avec des manifestants à Marseille.
Ce jeudi 15 mai à Marseille, le député La France insoumise Sébastien Delogu a vu son domicile et sa permanence parlementaire perquisitionnés par la brigade financière.
Officiellement, il est soupçonné de recel de documents volés. Ces mêmes documents qui lui ont permis, en septembre dernier, d’effectuer un signalement au procureur visant des faits potentiellement délictueux dans la gestion de l’entreprise Laser Propreté, prestataire de la RTM et de la gare Saint-Charles.
Un renversement de logique saisissant : le lanceur d’alerte devient la cible d’une enquête pénale.
Un signalement devenu matière à suspicion
À l’automne 2024, Sébastien Delogu et le député Manuel Bompard avaient adressé un courrier au parquet, détaillant des soupçons de faux en écriture comptable, escroquerie, travail dissimulé, abus de biens sociaux et blanchiment, parmi d’autres. L’entreprise visée, Laser Propreté, connaît alors un climat social tendu et des grèves à répétition.
Selon Delogu, les documents transmis aux autorités proviennent de salariés ou de sources internes. Ce sont ces pièces, aujourd’hui, que la justice semble vouloir récupérer — non pas pour instruire les faits dénoncés, mais pour identifier leur origine supposément illégale.
Une justice qui se trompe de cible ?
“Je trouve inacceptable que la justice me perquisitionne pour un recel de documents alors que je dénonçais des faits graves”, déclare le député marseillais à Marsactu. Du côté du parquet, on évoque une enquête préliminaire ouverte pour vol, recel de vol, atteinte à la vie privée, et atteinte au secret des correspondances.
La réaction politique est immédiate. Jean-Luc Mélenchon dénonce “le monde à l’envers”, où celui qui dénonce des malversations est perquisitionné pour savoir comment il a pu les dévoiler. Bompard, lui, interroge : pourquoi seul Delogu est-il visé ? Pourquoi cette opération est-elle médiatisée dans l’instant ? Et surtout, pourquoi la loi sur les lanceurs d’alerte semble ici foulée au pied ?
Une affaire hautement sensible
L’affaire prend une dimension plus large encore lorsqu’on considère l’identité du dirigeant de Laser Propreté, Isidore Aragones, ancien président du CRIF Marseille et soutien assumé de Tsahal. Delogu avait lui-même lié cette posture politique à la gestion controversée de l’entreprise, dans plusieurs publications en ligne. Ce contexte alimente la crainte d’un détournement judiciaire à connotation politique.
Une alerte adressée à la République
Au-delà du cas personnel du député insoumis, c’est l’état de notre démocratie qui se retrouve sur la sellette.
En démocratie, la justice doit protéger ceux qui alertent, pas ceux qu’on alerte.
Si les procédures judiciaires sont utilisées pour intimider ou neutraliser des lanceurs d’alerte, alors ce ne sont pas seulement des individus qui sont visés — c’est le droit de chacun à la vérité, à la transparence et à la probité publique qui vacille.
Les deux filles de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné à cinq ans de prison, sortent de leur silence pour crier leur inquiétude. Elles ont fait part à l’AFP de leur « sentiment d’impuissance totale », depuis la République tchèque où elles habitent, pour obtenir la libération de leur père.
Rencontrées à l’ouverture du salon du livre de Prague, Nawal, 53 ans, et Sabeha, 50 ans, ont réceptionné jeudi un prix pour la promotion de la liberté d’expression décerné à leur père.
« Il est triste que des personnes soient emprisonnées pour avoir librement exprimé leur opinion et malheureusement, notre père est l’une de ces personnes », a déclaré l’aînée après avoir reçu la distinction.
« Dieu seul sait dans quel état mental il se trouve », car il est « isolé sans aucune information », a-t-elle ensuite déploré auprès de l’AFP.
« La seule personne autorisée à lui rendre visite, c’est probablement sa femme, mais nous ne savons rien » et elle est surveillée, a-t-elle ajouté.
Alors que le dissident, atteint d’un cancer, suit « actuellement un traitement de radiothérapie », ses filles ont échangé pour la dernière fois par courrier électronique avec lui en 2023 et n’ont aucune nouvelle, à part des coupures de presse que leur font passer l’ambassade tchèque à Alger.
Elles ont adressé une lettre ouverte au président français Emmanuel Macron et écrit à son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune. « Nous avons aussi écrit à mon père. Mais nous n’avons pas reçu de réponse, il ne s’est rien passé », explique Nawal.
« Monnaie d’échange »
Perdue face aux méandres du système algérien, cette spécialiste en informatique s’est tournée vers l’interface d’intelligence artificielle ChatGPT et sur ses conseils, elle envisage de contacter des organisations comme Amnesty International pour accentuer la pression.
Nées en Algérie, les filles de Boualem Sansal ont vécu en Tchécoslovaquie, le pays de leur mère, après la séparation dans leur petite enfance de leurs parents, qui s’étaient rencontrés dans le cadre d’un échange universitaire.
Le régime communiste tchécoslovaque les surveillait, comme toutes les personnes ayant de la famille à l’étranger, et si elles ont passé leurs vacances à Alger chaque année, Nawal n’y est plus retournée depuis l’âge de 20 ans et n’a pas revu son père depuis.
Sa sœur et elle habitent toujours près de Prague.
Arrêté le 16 novembre à l’aéroport d’Alger, alors qu’il rentrait de Paris, l’écrivain âgé de 80 ans a été condamné fin mars à cinq ans de prison pour, entre autres, atteinte à l’intégrité du territoire algérien.
Il lui est reproché d’avoir émet une opinion sur les frontières algériennes avec le Maroc, selon laquelle le territoire de ce pays aurait été tronqué sous la colonisation française au profit de l’Algérie.
Boualem Sansal a fait appel. Mais se tirera-t-il de cette justice qu’on sait aux ordres du pouvoir en place ? Agé et malade, Boualem Sansal risque de laisser sa vie en prison si une solution pour le libérer n’est pas trouvée. Cependant, il n’est pas le seul détenu d’opinion en Algérie, ils sont près de 250 à croupir derrière les barreaux pour avoir émis une opinion qui ne plait pas au clan au pouvoir.
« Je crois que mon père est un pion ou une monnaie d’échange, une sorte d’otage, parce qu’ils essaient probablement d’obtenir la libération de certains terroristes condamnés en France », a détaillé Nawal, sa sœur Sabeha saluant en lui « un vrai patriote ».
Lahouari Addi est l’une des voix intellectuelles les plus lucides et engagées lorsqu’il s’agit d’analyser les dynamiques sociopolitiques du monde contemporain. Il est chercheur associé au Laboratoire Triangle, ENS, Lyon, et professeur associé à l’Université du Maryland, Comté de Baltimore (UMBC).
Lahouari Addi est reconnu pour son regard critique sur les sociétés musulmanes, les relations internationales et les évolutions géopolitiques globales. À la croisée de la philosophie politique, de la sociologie et de l’analyse géostratégique, ses travaux questionnent les fondements intellectuels des régimes politiques, la place de la religion dans les sociétés modernes, ainsi que les mécanismes de domination mondiale.
Dans cet entretien dense et stimulant, Lahouari Addi aborde plusieurs grandes questions qui traversent l’actualité internationale, en leur donnant une profondeur historique et géopolitique rarement aussi articulée. Il revient sur le conflit israélo-palestinien, qu’il analyse comme un affrontement à la fois colonial et symbolique. Pour lui, ce conflit ne peut se comprendre en dehors des rapports de domination instaurés par le colonialisme, et des récits concurrents que chaque camp porte sur la légitimité, la mémoire et la justice. Loin des lectures réductrices, il met en lumière la dimension profondément politique et morale de cette tragédie qui interroge notre rapport à l’universalité des droits.
L’entretien se poursuit sur le thème du déclin relatif de l’hégémonie américaine, mise au défi par la montée de la Chine et par la fragmentation croissante de l’ordre international. Lahouari Addi décrypte le basculement progressif d’un monde unipolaire, dominé par les États-Unis après la guerre froide, vers une configuration plus multipolaire, marquée par la compétition stratégique, les tensions économiques et les reconfigurations régionales.
Il examine également la guerre en Ukraine, qu’il inscrit dans une perspective de recomposition post-soviétique. Il y voit non seulement une tentative de reconquête d’influence de la part de la Russie, mais aussi un révélateur des failles de l’ordre international hérité de 1991, incapable de prévenir les logiques impériales comme de répondre aux aspirations des peuples à la souveraineté et à la démocratie.
Tout au long de cette conversation, il déploie une pensée exigeante, critique et profondément humaniste. Il met en lumière les dynamiques de puissance qui structurent les relations internationales, mais aussi les illusions idéologiques qui les accompagnent. Ce qui se dessine en filigrane, c’est la nécessité de refonder les bases intellectuelles et morales de l’ordre mondial, non pas en perpétuant les logiques de domination, mais en réaffirmant les principes universels de justice, de rationalité et de dignité.
Pour Lahouari Addi, la modernité ne doit pas être un modèle figé, mais une exigence à réinventer, à la mesure des défis de notre temps.
Le Matin d’Algérie : Vous avez assuré un cours de relations internationales à Sciences-Po Lyon et je voudrais vous poser des questions de géopolitique mondiale. Mais auparavant, j’ai une question au sujet de votre livre La crise du discours religieux musulman. Le nécessaire passage de Platon à Kant dans lequel vous proposez un passage “de Platon à Kant”. Que signifie cette transition conceptuelle et pourquoi est-elle essentielle pour l’évolution des sociétés musulmanes ?
Lahouari Addi : Toute culture ou vision du monde repose sur une métaphysique implicite qui indique ce qui est rationnel et moral. Jusqu’aux 17e-18e siècles, Européens et Musulmans avaient en commun la même métaphysique qui servait de fondement rationnel à leurs cultures religieuses respectives. C’était celle de Platon qui, en Europe, a été remplacée par la métaphysique de Kant. Ce dernier a mis fin à l’hégémonie de la théologie sur le savoir, la morale, le droit et la politique. Il n’a pas remis en cause à la croyance en Dieu ; il l’a simplement sécularisée, c’est-à-dire qu’il l’a rattachée à la conscience de l’homme.
Chez Platon, Dieu observe les hommes à partir d’en haut, et ils doivent lui obéir en utilisant la raison. Chez Kant, ce sont les hommes qui observent Dieu à partir d’en bas, et lui obéissent ou non en fonction de leur conscience. Pour mieux appuyer ma thèse, j’ai ajouté à la seconde édition de mon livre un chapitre consacré à la théorie de la religion de Platon et un autre expliquant celle de Kant.
Des lecteurs m’ont demandé si une lecture kantienne du Coran est possible ? Je réponds oui parce que le Coran affirme qu’il n’y a pas de contrainte en religion, et il contient le postulat moral de la philosophie de Kant : l’homme est une fin en soi. C’est ce que j’ai essayé de montrer dans le livre que vous avez mentionné. J’ai aussi rappelé l’hostilité de la théologie envers la philosophie qui a été marginalisée depuis le livre d’al-Ghazali Tahafout al Falasifa, et je me demande si ce n’est pas l’une des causes du déclin de la civilisation musulmane.
Mon souhait est l’apparition de philosophes locaux qui continueraient la pensée de Averroès. Sa problématique de la double vérité annonce la séparation que fait Kant entre la raison pratique pragmatique et la raison pratique pure. En l’absence d’une philosophie moderne, les élites dans les pays musulmans n’ont pas de grille de lecture intellectuelle du monde contemporain. C’est ce qui explique leur difficulté à s’insérer dans le temps mondial malgré les potentialités des pays musulmans et la richesse de leur passé.
Le Matin d’Algérie : Faites-vous allusion à leur incapacité à aider les Palestiniens ? A ce sujet comment voyez-vous le conflit israélo-palestinien ?
Lahouari Addi : Il y a en effet la question palestinienne que les Arabes ont été incapables de résoudre, mais aussi la situation économique, politique et culturelle des pays arabes. J’ai le sentiment que les dirigeants arabes n’ont pas compris que l’avance de l’Occident est d’abord intellectuelle et ensuite économique et militaire. Concernant le conflit qui oppose Israéliens et Palestiniens, je le perçois comme un conflit colonial, et aussi comme une confrontation symbolique néocoloniale entre les gouvernements occidentaux et les peuples du Sud global qui ont en encore en mémoire la domination coloniale.
Les peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine sont solidaires avec les Palestiniens, comme sont aussi solidaires avec eux les courants anticolonialistes et anti-racistes des opinions publiques en Occident. En 1967, Pierre-Vidal Naquet, lui-même survivant des camps nazis, écrivait dans Le Monde qu’Israël est un Etat colonial créé quand a commencé la décolonisation. Le projet sioniste repose en effet sur une vision coloniale élaborée par des intellectuels juifs européens, pour la plupart sécularisés ou athées, à une période où l’expansion coloniale européenne était à son apogée.
Il est important de rappeler que le judaïsme, religion monothéiste d’où sont issus le christianisme et l’islam, n’est pas à la source du sionisme et n’a rien à voir avec cette entreprise coloniale.
Le judaïsme dans ce cas a été utilisé plus tard comme ressource idéologique pour accuser les Palestiniens d’être antisémites, surtout après ce que les nazis ont fait aux Juifs lors de la Seconde Guerre mondiale. Les Israéliens instrumentalisent, voire salissent, la mémoire des victimes du génocide nazi en tuant des milliers de Palestiniens avec le soutien militaire et diplomatique des gouvernements occidentaux. Mais les Israéliens sont aussi encouragés par la passivité des capitales arabes. Si des armes étaient envoyées aux Palestiniens par l’Egypte, l’armée israélienne se serait retirée de Gaza car elle perdrait beaucoup de soldats.
La particularité de ce conflit réside aussi dans le fait qu’il est devenu une affaire de politique intérieure aux Etats-Unis, au point où critiquer Israël est perçu comme un acte d’hostilité envers les Etats-Unis. La répression contre les expressions de solidarité avec les victimes de Gaza, notamment dans les campus américains, indique le degré d’engagement des USA dans ce conflit. Cela n’a pas été toujours le cas.
Après 1956, lorsque le président Eisenhower avait exigé la fin de l’agression contre l’Egypte par Israël, la Grande-Bretagne et la France, les Israéliens ont compris que, sans la protection des Etats-Unis, leur Etat disparaîtrait. Ils ont alors mis en place l’AIPAC (American-Israeli Public Affairs Committee), créé en 1963 pour influencer la politique étrangère américaine au Moyen-Orient.
En quelques années, l’AIPAC est devenu un puissant lobby à Washington au point où, à quelques exceptions près, aucun candidat ne peut être élu au Congrès s’il ne prête pas allégeance à Israël. C’est ce qui explique l’arrogance des dirigeants israéliens qui rejettent en permanence les résolutions de l’ONU.
Les Israéliens n’occupent pas que la Cisjordanie et le Golan ; ils occupent aussi le Sénat américain, comme l’avait souligné dans les années 1990 le républicain Pat Buchanan.
Sans l’appui aveugle de Washington en effet, les Israéliens auraient accepté depuis longtemps la solution des deux Etats. L’histoire de ce conflit colonial n’est pas finie. La guerre en cours à Gaza a été gagnée militairement, mais elle a été perdue politiquement et moralement par Israël dont le Premier Ministre et le ministre de la Défense ont été condamnés par la Cour Pénale Internationale qui les accuse d’avoir ordonné un génocide.
Pour le droit international, les dirigeants israéliens sont des criminels susceptibles d’être arrêtés à tout moment s’ils voyagent dans l’un des 125 pays signataires du Statut de Rome qui a créé la CPI. Pour cette raison, Israël mérite d’être expulsé de l’ONU jusqu’à qu’il accepte un Etat palestinien. Mais pour cela, il faudrait d’abord libérer le Sénat américain.
Le Matin d’Algérie : Vous dites que la résolution de ce conflit dépend des Etats-Unis. Selon certains experts, la puissance de ce pays est en déclin au vu de la rivalité qui l’oppose à la Chine ? Qu’en pensez-vous ?
Lahouari Addi : La rivalité croissante entre la Chine et les USA est l’expression d’un changement dans l’équilibre géo-économique mondial où l’hégémonie américaine est en effet en déclin. Elle résulte aussi des contradictions du capitalisme qui a approfondi la division internationale du travail en intégrant des espaces périphériques autrefois structurellement sous-développés. Dans les années 1980, les entreprises américaines ont délocalisé vers la Chine et d’autres pays du Sud, estimant que les salaires des ouvriers américains étaient trop élevés.
Elles ont choisi d’approvisionner le marché avec des produits qu’elles fabriquent en Chine, au Mexique, au Vietnam… La conséquence a été la désindustrialisation de ce qui est appelé les « Etats de la ceinture de rouille » (the Rust Belt States) où la pauvreté s’est étendue. En délocalisant, les entreprises américaines ont voulu faire plus de profit au détriment des salaires, ce qui est au passage un aspect de la lutte de classe. Les différentes administrations républicaine et démocrate, qui ont toujours défendu le capital en sacrifiant la classe ouvrière, étaient favorables à ce mouvement de délocalisation vers la Chine avec deux espoirs.
Le premier supposait qu’en fabriquant des jeans et des poupées pour le marché américain, la Chine aura un pouvoir d’achat qui lui permettra d’acheter aux USA des marchandises à forte valeur ajoutée comme les avions et les ordinateurs.
Le second espoir misait sur l’émergence à terme d’un patronat chinois qui deviendrait politiquement puissant pour renverser le parti communiste et établirait un régime allié à l’Amérique. Ces deux calculs ne se sont pas réalisés. Aujourd’hui la Chine est la deuxième puissance mondiale et les économistes prévoient que son PIB dépassera celui des USA très prochainement.
Ce que craignent entre autres les Américains, c’est que la Chine les entraîne vers une course à l’armement qu’ils perdront. Selon des rapports du Pentagone de 2020, la Chine possédait 350 navires militaires contre 293 pour l’US Navy. Elle avait aussi plus de sous-marins (55 contre 53). Les USA ont certes plus d’avions de combat, mais la Chine a doublé en 30 ans son budget de la Défense, ce que ne peuvent se permettre les USA car leur économie est handicapée par un triple déficit. La dette publique, représentant 125% du PIB, s’élève à $34 000 milliards.
Le déficit budgétaire (différence entre les dépenses du gouvernement et les recettes fiscales) est de 1833 milliards de dollars correspondant à 6,4% du PIB. Le déficit de la balance commerciale est de $918,4 milliards en 2024. Ces déficits signifient une chose : l’Amérique vit au-dessus de ses moyens, succombant au privilège d’avoir une monnaie qui est en même temps la devise utilisée par le commerce mondial.
L’Amérique n’a pas la contrainte d’emprunter dans une devise étrangère, ce qui amène le Congrès à jouer aussi le rôle d’Institut d’émission de la monnaie lorsqu’il vote des budgets supérieurs aux recettes fiscales. Jusque-là, le système a fonctionné parce qu’il y a des gouvernements étrangers, des institutions financières et des investisseurs internationaux qui achètent la masse du billet vert imprimé. C’est là l’origine de la dette publique dans laquelle la Chine détient 768,6 milliards$, derrière le Japon qui en détient 1099 milliards de dollars. Chaque année, l’Amérique paye 1000 milliards de dollars sous forme de service de la dette, somme supérieure au budget de la Défense. Comme la dette ne cesse de s’enfler, il y a un risque que les USA soient en cessation de paiement.
Le mal existe depuis les années 1960, ce qui avait incité l’administration Nixon, qui avait besoin de financer la guerre du Vietnam, de supprimer la convertibilité en or. C’était un coup d’Etat monétaire international par lequel Nixon disait aux détenteurs de dollars : si vous voulez restituer les dollars en votre possession, nous vous donnerons en contrepartie des voitures, des armes, des avions, des films de Hollywood, du bourbon du Kentucky… mais pas d’or. Nixon a reporté la crise du dollar pour deux décennies, mais il ne l’a pas réglée. Elle ressurgit aujourd’hui avec plus d’acuité.
Les Américains sont tentés par la dévaluation, mais ce serait escroquer les créanciers. Dévaluer le dollar de 20% par exemple, c’est diminuer la valeur des créances dans la même proportion. Par ailleurs, cela risque de provoquer une vente massive des dollars que les USA n’ont pas les moyens d’acheter avec une autre devise. La mauvaise santé financière des USA est un danger pour la stabilité de la géo-finance mondiale.
Réagissant par impulsion instinctive et non par la raison, Donald Trump considère que le monde entier est en train de voler les richesses des Américains. « They are robbing us » (ils sont en train de nous dépouiller) s’écrie-t-il comme Picsou, le personnage du dessin animé Mickey Mouse. Il s’est engagé à libérer les USA de cette dette colossale en imposant des taxes douanières exorbitantes le 2 avril 2025, journée déclarée « Libération Day ». Dans ses discours, il ne cessait de répéter que les taxes douanières seront payées par les pays exportateurs, alors qu’en réalité elles seront payées par le consommateur américain.
Au lieu d’augmenter les impôts des plus riches, il a choisi d’écrémer le pouvoir d’achat des consommateurs. Le lendemain dudit « Libération Day », la Bourse de New York, et d’autres places financières, ont chuté. Des milliers de milliards de dollars sont partis en fumée en quelques heures. Trump a alors reculé en suspendant sa décision pour 90 jours, et a demandé à négocier avec la Chine qui l’a fait plier. Lors de la réunion du 11 mai, en Suisse, sa délégation a baissé les taxes de 145% à 30%. Les taxes douanières auront un effet boomerang et porteront atteinte au marché américain.
Par exemple, imposer 145% de taxes douanières à des téléphones Apple fabriqués en Chine, c’est tuer l’une des entreprises américaines les plus florissantes. Ce que Trump et ses conseillers n’avaient pas perçu, c’est la profondeur de l’internationalisation du capital et la complexité de la division internationale du travail dans laquelle est imbriquée l’économie américaine. Les conseillers de Trump devraient non seulement relire Adam Smith et David Ricardo, mais aussi Léon Walras qui a montré que les prix sont interdépendants, et toucher à l’un, c’est toucher à tous les autres. C’est ce que les éditoriaux du Wall Street Journal répètent tous les jours en direction de l’administration Trump.
Le Matin d’Algérie : Nous comprenons pourquoi Trump ne veut plus aider financièrement l’Ukraine. Quelle analyse faites-vous de la guerre en Ukraine ?
Lahouari Addi : J’analyse la guerre en Ukraine comme une conséquence tardive de l’effondrement de l’Union Soviétique. Après avoir défait idéologiquement et économiquement l’URSS, l’Occident a voulu une Russie faible encerclée par l’OTAN. Cette organisation militaire aurait dû être dissoute en 1991 avec le Pacte de Varsovie, ou bien aurait dû passer sous l’autorité de l’ONU. La Russie s’est sentie menacée par le déploiement des chars de l’OTAN à ses frontières.
Les Européens ont manqué de lucidité en ignorant la perception de la Russie de sa propre sécurité. Les Etats-Unis envahiraient le Mexique si ce pays autorisait la Chine à installer des bases militaires sur son territoire. Il y a eu un précédent en l’occurrence avec la crise des missiles à Cuba en 1962 qui avait pris fin avec l’ultimatum lancé par John F. Kennedy à Nikita Khroutchev.
Le monde était à deux doigts d’une guerre nucléaire. Tenir compte du sentiment de sécurité d’un pays élimine les conflits selon les théoriciens réaliste et constructiviste des Relations Internationales. Ce n’est pas en alignant des chars à une frontière qu’on évite la guerre.
Au contraire, on la provoque. Mais ce qui est étonnant, c’est que les Occidentaux ont poussé à une guerre qu’ils ne voulaient pas parce que la Russie est une puissance nucléaire. Ils font la guerre à moitié ; or faire la guerre à moitié, c’est la perdre. On invoque le droit international violé par la Russie qui a en effet envahi un Etat souverain. Mais le droit international repose sur le principe de l’auto-détermination des peuples, et il se trouve que les Ukrainiens russophones, se sentant opprimés, ont souhaité soit l’autonomie soit le rattachement à la Russie.
Il ne semble pas par ailleurs qu’il y ait une résistance populaire dans les territoires occupés par l’armée russe, y compris en Crimée, comme ce fut le cas en Irak lorsque les Américains avaient envahi le pays. Poussés par les Britanniques, les Occidentaux ont joué un coup de poker et ont perdu. Ils ont en effet pensé qu’avec les sanctions imposées à la Russie, les oligarques perdraient beaucoup d’argent et renverseraient le régime de Poutine.
Ils ont sous-estimé le nationalisme des citoyens russes qui perçoivent l’OTAN comme une menace existentielle. L’Occident finira par abandonner l’Ukraine comme le fait déjà l’Amérique qui ne la considère pas comme un intérêt stratégique vital. Par ailleurs, l’Union européenne rechigne à l’intégrer dans son sein parce que sa reconstruction coûterait très cher aux contribuables allemands et français entre autres.
Dans ce conflit, le dindon de la farce est l’Ukraine qui a sacrifié des milliers de jeunes hommes morts au combat, et perdu 20% de son territoire, sans compter la Crimée annexée par la Russie en 2014. La géographie de l’Ukraine lui impose d’être neutre sans que cela ne porte atteinte à sa souveraineté. L’Autriche et la Suisse sont des Etats neutres dont la souveraineté est respectée.
Les conséquences à moyen terme de ce conflit sont prévisibles au niveau de l’économie politique internationale. La Russie va abandonner sa politique mercantiliste par laquelle les entreprises européennes écoulant leurs marchandises dans le marché russe en contrepartie du gaz et du pétrole. Le régime de Poutine va s’inspirer du modèle chinois en favorisant la production locale et en encourageant les exportations vers les pays asiatiques, africains et latino-américains. Il pénalisera en outre les entreprises européennes qui perdront l’accès au marché russe au PIB de plus de $2000 milliards au profit des Chinois et des Américains.
Le Matin d’Algérie : Quel serait votre dernier mot ?
Lahouari Addi : Les Occidentaux ne devraient pas craindre le développement de la Chine, de l’Inde, du Vietnam… Ces pays accroissent la richesse mondiale et font sortir de la pauvreté des centaines de millions de personnes qui auraient été tentées d’émigrer clandestinement en Europe et aux Etats-Unis.
L’économie mondiale crée de plus en plus de richesses et il s’agit de trouver la répartition optimale aussi bien en Occident que dans le Sud global. L’économie n’est un jeu à somme nulle. La Chine ou le Vietnam ne prennent pas des richesses à l’Europe ou à l’Amérique. Ils créent des richesses qu’ils vendent au reste du monde. C’est vrai qu’il y a un déclin des économies occidentales, mais c’est un déclin relatif et non absolu. L’Occident n’a jamais créé autant de richesses qu’aujourd’hui. Le problème est celui de leur répartition et non de leur production. S’il y a de la pauvreté en Amérique et en Europe, ce n’est certainement pas la faute à la Chine. Par ailleurs, l’Occident a une dette morale envers les anciennes colonies à qui il avait refusé le développement.
L’Union européenne serait bien inspirée d’aider l’Afrique à se doter d’économies externes nécessaires au développement : éducation, santé, infrastructures, irrigation, électricité, etc. C’est aussi dans son intérêt si elle veut stopper l’immigration clandestine vers ses rivages. Les USA devraient faire la même chose pour les pays pauvres d’Amérique Latine qu’ils ont exploités sans honte dans le cadre de la doctrine Monroe.
L’économiste français François Perroux assignait à l’économie trois objectifs : nourrir, éduquer et soigner les hommes. Obnubilés par les gains virtuels de la bourse, les capitalistes devenus des rentiers, ont oublié cet objectif.
Lahouari Addi est chercheur associé au Laboratoire Triangle, ENS, Lyon, et professeur associé à l’Université du Maryland, Comté de Baltimore (UMBC).
Après plusieurs jours de suspense à couper le souffle (sic !), l’Algérie a confirmé sa participation au sommet de la Ligue des États arabes qui se tient à Bagdad ce 17 mai 2025. Mais sans la personne d’Abdelmadjid Tebboune.
Plusieurs dossiers majeurs y seront abordés : la situation à Gaza, les crises régionales persistantes, ainsi que des enjeux économiques et sociaux partagés par les pays arabes. Les problématiques liées à la sécurité alimentaire, énergétique et hydrique figureront également parmi les priorités, notamment dans le cadre du sommet parallèle consacré au développement.
Abdelmadjid Tebboune a toutefois décidé de ne pas répondre personnellement à l’invitation du pays hôte, confiant la direction de la délégation algérienne à son ministre d’État, ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ahmed Attaf. Ce dernier est arrivé à Bagdad dans la soirée du 15 mai, à la tête d’une délégation réduite.
La décision d’Alger de se limiter à une représentation ministérielle met ainsi fin aux rumeurs d’un possible boycott. Début avril, une campagne relayée sur les réseaux sociaux avait amplifié des messages évoquant une prétendue inquiétude pour la sécurité du chef de l’État en cas de déplacement à Bagdad. Cette agitation numérique, bien que non assumée officiellement, semble avoir été accompagnée – voire préparé – une décision déjà actée : celle d’éviter une présence présidentielle, sans pour autant s’abstenir totalement.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le président Tebboune décline une participation à un sommet arabe. En mars dernier, il s’était déjà abstenu d’assister au sommet extraordinaire du Caire, invoquant des « déséquilibres » dans le processus préparatoire et un manque de coordination autour de la question palestinienne.
La désignation d’Ahmed Attaf permet à Alger de maintenir une présence formelle dans les discussions, tout en exprimant en filigrane sa réserve face à la dynamique interne de la Ligue arabe. Cette stratégie illustre la ligne actuelle de la diplomatie algérienne : une implication prudente mais rarement volontariste.
Mais cette diplomatie d’équilibre, oscillant entre présence institutionnelle et retrait politique, en révèle aussi les limites. Depuis plusieurs années, l’Algérie a perdu de son influence. Elle peine à s’imposer comme une force de proposition dans un contexte régional de plus en plus tendu, où les attentes en matière d’initiatives et de leadership sont fortes. Ce choix en demi-teinte traduit une forme d’évitement politique, là où une position ferme et assumée aurait été attendue.
À force de multiplier les absences aux rendez-vous de haut niveau, Alger donne de plus en plus l’image d’un spectateur passif plutôt que celle d’un acteur moteur de l’action régionale. Cette posture attentiste interroge sur la capacité réelle de sa diplomatie à peser sur le cours des événements et à exercer un leadership crédible, dans un Moyen-Orient fragmenté, confronté à des urgences multiples et à des intérêts souvent contradictoires et divergents.
Au Tchad, l’ancien Premier ministre, Succès Masra, a été interpellé, ce vendredi 16 mai à l’aube, à son domicile.
Le domicile de Succès Masra, président du parti d’opposition les Transformateurs, situé dans le quartier Gassi du VIIe arrondissement de Ndjamena a été investi ce vendredi 16 mai par des dizaines d’hommes armés, membres des corps de défense et de sécurité, qui l’ont amené vers une destination inconnue, annoncent à RFI ses lieutenants. Ceux-ci ajoutent que le motif de son enlèvement n’a pas été communiqué à ceux qui étaient présents sur place.
Affrontements et de nombreux morts dans le sud
Plusieurs dizaines de morts dans des « affrontement violents » dans le village Mandakao, dans la province du Logone Occidental, près de la frontière camerounaise. Selon des sources officielles, le bilan s’élève à 41 morts et plusieurs blessés.
Le village de Mandakao a été attaqué mercredi 14 mai. Selon une source judiciaire, « deux ferriks », des campements nomades et près de 80 cases ont été incendiées.
« Des habitants ont été assassinés, majoritairement des femmes et des enfants », selon la même source. Plusieurs blessés ont été évacués vers l’hôpital du district de Beinamar, à environ 80 kilomètres de Moundou. Certains d’entre eux ont succombé à leurs blessures.
« Affreux »
Plusieurs personnes présentes à Mandakao expliquent qu’un conflit intercommunautaire serait à l’origine de ses affrontements. « Ce genre de conflits existe, précise cette source judiciaire, mais la situation est plus grave que d’habitude ». Avant d’ajouter que « le massacre était affreux. Il a endeuillé tout le village ».
Calme revenu
Les causes exactes sont encore floues, une enquête a été ouverte pour élucider l’affaire. Les forces de défense et de sécurité du Tchad, rapidement déployées sur place, auraient déjà interpellé 82 personnes dans le cadre de l’enquête en cours. Dès jeudi, le ministre de la Sécurité ainsi que celui de l’administration du territoire se sont rendus sur place et le calme est revenu dans le village.
Le président américain, Donald Trump, est arrivé jeudi aux Emirats arabes unis, troisième et dernière étape de sa tournée dans le Golfe, après l’Arabie saoudite et le Qatar, selon deux journalistes de l’AFP.
L’avion présidentiel a atterri à l’aéroport d’Abou Dhabi, où M. Trump espère glaner de nouvelles promesses d’investissements et de commandes, après celles déja engrangées à Riyad et Doha.
Accord historique entre Trump et le Qatar : 1 200 milliards de dollars d’investissements
Lors de son escale officielle au Qatar, le président américain Donald Trump et l’émir du pays, le cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, ont conclu une série d’accords d’une valeur totale estimée à 1 200 milliards de dollars, selon un communiqué de la Maison Blanche. L’un des éléments phares de cette coopération est une commande massive d’avions Boeing par Qatar Airways.
La compagnie qatarie prévoit en effet l’achat de jusqu’à 210 appareils Boeing 777X et 787, pour un montant de 96 milliards de dollars, marquant un succès diplomatique et commercial majeur pour Donald Trump et le constructeur aéronautique américain.
Coopération renforcée et enjeux géopolitiques
En marge de la signature des contrats, les deux dirigeants ont évoqué plusieurs dossiers internationaux sensibles, dont la crise iranienne, la guerre en Ukraine, ainsi que le renforcement des liens bilatéraux dans les domaines de la défense, de l’énergie, de l’éducation, de la cybersécurité et des investissements.
Les préparatifs de la Coupe du monde de football 2026 et des Jeux olympiques de 2028, qui se tiendront aux États-Unis, ont également été abordés.
Une déclaration conjointe de coopération a été signée, ainsi que plusieurs lettres d’offre et d’acceptation concernant l’achat de drones MQ-9B et de systèmes anti-drones FS-LIDS, selon l’agence de presse qatarie.
Donald Trump a chaleureusement remercié son hôte pour l’accueil et a salué le cheikh Tamim comme un « ami de longue date et partenaire de confiance », soulignant des relations « très spéciales » entre les deux pays.
Pression sur l’Iran
Trump a exhorté le Qatar à user de son influence auprès de l’Iran pour aider à conclure un nouvel accord sur le programme nucléaire iranien. Washington espère notamment que Téhéran cesse de soutenir les milices régionales telles que le Hamas, le Hezbollah et les Houthis.
« J’espère que vous pourrez m’aider dans la situation avec l’Iran », a déclaré Trump lors d’un dîner officiel, appelant à une désescalade régionale et à l’abandon des ambitions nucléaires de Téhéran.
Plus tôt, à Riyad, Trump avait déjà déclaré devant les dirigeants du Golfe que l’Iran devait mettre fin à ses guerres par procuration, cesser de « soutenir le terrorisme » et renoncer de manière vérifiable à l’arme nucléaire.
Reprise du dialogue avec la Syrie
Dans un développement inédit, des dirigeants des États-Unis et de la Syrie se sont rencontrés directement pour la première fois depuis 25 ans. Le président intérimaire syrien Ahmad al-Charaa a participé à une rencontre à Riyad avec Donald Trump et le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a assisté à la réunion en visioconférence.
Cette rencontre, qualifiée d’« historique » par Damas, a permis d’aborder la lutte antiterroriste et la reconstruction économique de la Syrie. À Alep, Damas et d’autres villes, des scènes de liesse ont suivi l’annonce d’une possible levée des sanctions américaines, avec danses, applaudissements et tirs de joie.
«Ces sanctions ont été imposées à Assad, mais […] maintenant que la Syrie a été libérée, il y aura un impact positif sur l’industrie, cela stimulera l’économie et encouragera les gens à revenir», a déclaré Zain al-Jabali, 54 ans, propriétaire d’une fabrique de savon à Alep.
Boeing et GE Aerospace, grands gagnants
L’accord avec Qatar Airways représente une victoire stratégique pour Boeing, en particulier dans un contexte concurrentiel tendu face à Airbus et ses modèles A350. Qatar Airways a choisi des moteurs GEnx de GE Aerospace pour ses Boeing 787, et le GE9X — seule option disponible — pour les 777X. Au total, 400 moteurs GE sont concernés, ce qui constitue la plus importante commande jamais enregistrée par l’équipementier américain, selon son PDG Larry Culp.
L’accord porte sur 160 commandes fermes (130 Boeing 787 et 30 777X), avec des options pour 50 appareils supplémentaires. Cette annonce a immédiatement eu un impact en Bourse : +0,6 % pour Boeing et +0,7 % pour GE Aerospace.
Donald Trump, présent lors de la cérémonie aux côtés de l’émir, du PDG de Boeing Kelly Ortberg et de celui de Qatar Airways, Badr Mohammed al-Meer, a souligné qu’il s’agissait de la plus grande commande de jets de l’histoire de Boeing.
Le 777X, toujours en phase de développement, devrait entrer en service à partir de 2026, avec un retard de six ans sur le calendrier initial. Qatar Airways en avait déjà commandé 94 exemplaires, contre 205 pour sa rivale Emirates. Fin avril, le carnet de commandes de Boeing comptait 521 777X et 828 Dreamliner 787.
Jugé en appel depuis le mois de novembre 2024 pour avoir abusé de son pouvoir en vue d’amasser une immense fortune, l’ancien président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz a été condamné à une peine plus lourde qu’en première instance, ce mercredi 14 mai : il écope de quinze ans de prison ferme, au lieu de cinq ans initialement.
Après six mois d’un nouveau procès pendant lequel l’ex-président mauritanien – accusé d’avoir amassé une importante fortune quand il dirigeait le pays – a dû justifier de l’origine de sa richesse, la cour d’appel de Nouakchott a estimé, mercredi 14 mai, que celui-ci s’était non seulement rendu coupable, une nouvelle fois, d’« enrichissement illicite » et de « trafic d’influence », mais aussi de « blanchiment », ce qui l’a conduit à prononcer contre lui une peine beaucoup plus lourde que celle à laquelle il avait été condamné en première instance.
Confirmant la confiscation de ses biens ainsi que la décision de le déchoir de tous ses droits civiques, le tribunal l’a aussi condamné à quinze ans de prison ferme au lieu de cinq ans auparavant, peine que l’ex président – qui a toujours qualifié ce procès de complot politique – a accueilli impassible, selon plusieurs témoins présents au tribunal.
«C’est injustifié, c’est d’ailleurs ça le gros problème. Qu’une décision soit sévère, on peut le comprendre. Mais qu’une peine intervienne comme cela, sans être fondée sur aucun critère légal, ça veut dire qu’il y a d’autres éléments que ceux qui sont dans la procédure qui entrent en jeu », a pour sa part réagi Taleb Khayar, l’un des avocats de l’ex président. De façon plus générale, la défense, qui promet un pourvoi en cassation, estime, elle, que la condamnation de Mohamed Ould Abdel Aziz pour « blanchiment » ne tient pas car la loi sur ce crime a été promulguée après le début du procès, affirme-t-elle.
Descente aux enfers
Face à cet argumentaire, les avocats de la partie civile affirment toutefois, à l’inverse, que la ratification par la Mauritanie d’un certain nombre de conventions internationales permettait de retenir ce délit et que la culpabilité de l’ancien président qui s’est révélé au cours de ce nouveau procès ne fait pas de doute.
«Ould Abdel Aziz n’a pas nié qu’il s’est enrichi illicitement. Voilà donc une décision historique, parce que ce n’est pas très courant qu’un chef d’État soit condamné pour corruption et pour des actes d’enrichissement illicite. On espère que cette décision aura un effet de pédagogie pour le peuple mauritanien et permettra une prise de conscience de la part de la classe politique », déclare ainsi Me Lo Gourmo Abdul.
À 68 ans et après plus de dix ans à la tête de la Mauritanie, Mohamed Ould Abdel Aziz devient l’un des rares ex-chefs d’État condamnés pour enrichissement illicite dans l’exercice du pouvoir.
Détenu depuis le 24 janvier 2023 après avoir déjà passé plusieurs mois en détention en 2021, il poursuit donc sa descente aux enfers sous son successeur, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, qui fut pourtant l’un de ses plus fidèles compagnons par le passé.
Ce samedi 17 mai, à l’occasion de la Nuit Européenne des Musées, la ville de Marseille inaugure en nocturne une exposition majeure : « Tatouage. Histoires de la Méditerranée ». Une traversée artistique et historique du tatouage, de l’Antiquité à nos jours, ponctuée de performances et d’un concert de l’artiste kabyle Akli D.
La Vieille Charité, haut lieu culturel du centre historique de Marseille, accueille jusqu’au 28 septembre une ambitieuse exposition intitulée Tatouage. Histoires de la Méditerranée. Plus de 275 œuvres – objets archéologiques, peintures, vidéos, installations contemporaines – racontent les multiples vies du tatouage dans le bassin méditerranéen, entre rituels, esthétiques populaires, religions et arts contemporains.
Depuis l’Égypte ancienne, la Syrie, les Cyclades ou la Grèce jusqu’aux cités modernes comme Marseille, le tatouage s’est imposé comme une forme d’expression identitaire, tour à tour sacrée, politique, sociale ou personnelle. L’exposition s’appuie sur une approche globale de l’histoire de l’art, croisant également les études de genre, les recherches postcoloniales, et interroge la circulation des symboles, des pratiques et des corps tatoués dans cette région du monde.
L’Algérie y tient une place centrale : Denis Martinez, figure majeure de la scène artistique algérienne, présente une œuvre inédite conçue spécialement pour l’événement. Cofondateur dans les années 1960 du groupe d’avant-garde Aouchem (Tatouages), il activera cette pièce lors d’un rituel inaugural participatif.
L’exposition revient aussi sur l’influence des tatouages traditionnels nord-africains sur les avant-gardes artistiques et féministes. Des œuvres rares de Choukri Mesli, Samta Benyahia, Farid Belkahia, Lalla Essaydi, El Meya ou encore Ahmed Cherkaoui (dont deux dessins acquis récemment par la Ville de Marseille) sont présentées pour la première fois au public.
Une nuit inaugurale entre rituel berbère, art et musique
La soirée du 17 mai sera l’occasion d’un grand moment festif et poétique :
À 20h, Denis Martinez dévoilera Anebdou. Les sept points inauguraux : un rituel inspiré des traditions kabyles, au cours duquel sept personnes apposeront des symboles d’abeilles sur son œuvre, en présence de la chanteuse Nadia Ammour, qui interprétera un chant traditionnel.
À partir de 21h, le public vibrera au son de la troupe Idebalen, formation marseillaise inspirée des rythmes kabyles (ghaïta, bendir, tambour), puis du concert de Akli D, grande voix de la musique kabyle contemporaine. Militant infatigable de la paix, du vivre-ensemble et des libertés, Akli D. fusionne depuis plus de 20 ans les sonorités kabyles, afro-beat, reggae, rock et chaâbi, sur toutes les grandes scènes du monde, aux côtés de Manu Chao, Femi Kuti ou Les Ogres de Barback.
Parallèlement, les visiteurs pourront découvrir des tatouages éphémères au jagua avec Henna Daddou, un photobooth, un café éphémère ainsi que l’installation immersive Mère We Sea de Laure Prouvost dans la chapelle.
Une jeunesse en médiation
Un projet pédagogique mené avec les élèves du lycée Périer de Marseille propose une médiation originale dans les salles, avec un dialogue entre tatouages méditerranéens et arts corporels d’autres continents, en collaboration avec le Musée des Arts Africains, Océaniens et Amérindiens (MAAOA).
Djamal Guettala
Infos pratiques :
Exposition « Tatouage. Histoires de la Méditerranée »
Du 17 mai au 28 septembre 2025 – Centre de la Vieille Charité, Marseille
Inauguration : samedi 17 mai, de 19h à minuit – Entrée libre
Avec Autant en emporte l’enfance, son huitième ouvrage, Jacqueline Brenot nous livre un récit rare, à la croisée de la mémoire intime et de l’histoire collective. Publié chez L’Harmattan, dans la collection Graveurs de Mémoire, le livre s’inscrit dans la grande tradition des témoignages littéraires qui questionnent le passé pour éclairer le présent.
Nous sommes dans les années 1950, à Alger. Une enfant grandit au bas de La Casbah, dans la blancheur aveuglante de la ville coloniale. Son regard, affûté par l’innocence et la conscience naissante, capte les dissonances d’un monde inégal : des rues où les enfants ne partagent ni les mêmes langues, ni les mêmes droits, des gestes d’humiliation, des silences lourds de secrets, et les premières rumeurs d’une guerre qui s’annonce.
Jacqueline Brenot donne voix à cette enfant avec une justesse bouleversante. À travers elle, c’est toute une époque qui se raconte : celle d’un pays sous domination, d’un peuple en résistance, d’une famille prise dans le tumulte. Le père, engagé dans le combat pour l’indépendance, devient une figure lumineuse, discrète mais essentielle, dans ce cheminement vers la conscience.
L’écriture, fine et pénétrante, évite l’écueil du pathos. Elle creuse la mémoire comme on sculpte une plaque sensible : chaque souvenir, chaque émotion, chaque fragment de vie est gravé avec pudeur, mais sans concession. Ce n’est pas seulement un récit d’enfance : c’est un livre sur la construction d’un regard, sur l’injustice comme fracture première, sur la dignité comme repère fondateur.
Jacqueline Brenot, née en Algérie, partage aujourd’hui sa vie entre la région parisienne et Alger. Professeure de Lettres, plasticienne lettriste, chroniqueuse littéraire depuis 2018, elle signe ici une œuvre d’une grande puissance évocatrice. Autant en emporte l’enfance résonne bien au-delà de ses pages — il interroge notre rapport à l’Histoire, à l’oubli, à l’altérité, et à la transmission.
Chez L’Harmattan, dans une collection dédiée aux voix de la mémoire, ce récit s’impose comme un hommage vibrant à l’Algérie plurielle, douloureuse, mais profondément vivante.
Djamal Guettala
NB. L'autrice sera présente au salon du livre du Maghreb prévu à Paris les 28 et 29 juin.
Dans un communiqué publié le 20 novembre 2025, la librairie Transit, à Marseille, revient sur les incidents survenus lors de la présentation du livre...
Dans un communiqué publié le 20 novembre 2025, la librairie Transit, à Marseille, revient sur les incidents survenus lors de la présentation du livre...
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