21.9 C
Alger
mardi, 11 novembre 2025
Accueil Blog Page 207

Du mythe à la haine : comment l’idéologie « Badissia-Novembria » fracture l’Algérie

37
Belghit et ses sbires

De Khetal à Belghit et à l’ancienne députée, Naima Salhi, en passant par Madjid Boutamine — ancien journaliste sportif de l’ENTV aujourd’hui installé sur une chaîne du Golfe — ou encore Houcine Haroun, ex-officier des services secrets réfugié à Londres, la nébuleuse « Badissia-Novembria » ne cesse de s’étendre. À cette galaxie s’ajoutent des figures du passé comme Mahieddine Amimour, ancien ministre sous Boumédiène.

Connus ou moins visibles, ces acteurs partagent une même vision : simplifier à l’extrême l’histoire nationale en l’enfermant dans un récit monolithique, centré sur une identité arabo-islamique exclusive. Leur méthode ? Faire de l’amnésie sélective une stratégie politique.

Quand les réseaux sociaux deviennent terrains de chasse idéologique

L’espace numérique et médiatique, qui aurait pu être un levier pour le débat démocratique, est aujourd’hui colonisé par les tenants de cette vision identitaire. Les réseaux sociaux se transforment en véritables plateformes de chasse idéologique, où ce courant politique diffuse ses récits exclusifs, traque la différence, et banalise la haine. Insultes ciblées, discours stigmatisants, menaces répétées : la violence y est devenue routine, portée par une rhétorique qui réduit l’algérianité à une seule dimension.

Ce phénomène, bien que latent depuis des années, prend une ampleur inquiétante dans un contexte de crise du récit national. Le vivre-ensemble, fondé sur la pluralité culturelle de l’Algérie, vacille face à ces offensives identitaires qui rejettent toute altérité.

Le mythe « Badissia-Novembria » : un bric-à-brac idéologie fondé sur la haine et l’exclusion 

Se réclamant d’un double héritage — celui du réformisme religieux d’Abdelhamid Ben Badis et du nationalisme du 1er Novembre 1954 — le courant dit « Badissia-Novembria » prétend incarner l’orthodoxie nationale. Pourtant, cette synthèse est historiquement artificielle,  une sorte de  bric-à-brac idéologique qui ne résiste pas à l’épreuve du réel. Loin d’unir, elle sert aujourd’hui à imposer une vision rigide de l’algérianité, excluant les composantes amazighe, saharienne et méditerranéenne de la mémoire nationale.

Ce récit déformé réduit l’histoire à une ligne unique, niant la pluralité des contributions à l’indépendance. Il transforme une référence fondatrice en instrument d’exclusion, là où l’esprit de Novembre appelait à la libération de tous.

Kabylophobie : l’instrumentalisation de la haine

Dans cette vision univoque, les citoyens d’expression kabyle deviennent les cibles privilégiées. Soupçonnés de séparatisme, caricaturés, diabolisés, ils subissent une cabale numérique orchestrée au nom d’un nationalisme dévoyé. La « kabylophobie », devenue un outil politique, sert à délégitimer toute revendication culturelle ou engagement démocratique liés à l’amazighité.

Les réseaux sociaux, livrés à eux-mêmes, amplifient cette violence. Des comptes anonymes, parfois bien structurés, diffusent des discours haineux en toute impunité. Face à cette escalade, les institutions se taisent, laissant la haine s’installer durablement dans le débat public.

Belghit : la dérive médiatique incarnée

Parmi les figures qui alimentent cette dérive, Belghit occupe une place de choix. Se présentant comme historien, il s’illustre surtout par ses attaques virulentes contre la langue amazighe et la mémoire référant à la  Kabylie. Révisionniste, il nie délibérément le rôle central joué par cette région  dans la guerre de libération, allant jusqu’à minimiser le congrès de la Soumam et l’engagement de ses figures emblématiques.

Invité sur des plateaux télévisés, y compris publics, Belghit qualifie Tamazight de « produit d’un complot franco-sioniste », niant ainsi l’histoire plurimillénaire d’un peuple. Ce discours, loin d’être marginal, gagne en audience, faute de contradiction ou de sanction.

Pour un militant démocrate, cette rhétorique relève moins d’un débat d’idées que d’un délit : « Belghit est devenu l’une des voix les plus virulentes de la haine identitaire. Il ne propose pas une vision, il criminalise l’existence de milliers de citoyens. Ce n’est pas une opinion, c’est une négation. »

Et d’interpeller l’État : « Comment peut-on tolérer qu’un tel discours bénéficie d’une telle visibilité, alors même que des lois existent contre la haine ? Attaquer la Kabylie, c’est fracturer l’unité nationale. »

Réagir avant qu’il ne soit trop tard

Ce que le colonialisme n’a pas pu briser — l’unité du peuple algérien dans sa diversité — pourrait aujourd’hui vaciller sous le poids d’une haine virale, propagée en toute impunité. Face à cette menace, le silence n’est plus une option.

La réponse doit être collective. Elle passe par une législation rigoureuse contre les discours de haine, une éducation au pluralisme, une revalorisation du récit national dans toute sa richesse. Mais surtout, elle exige le courage des voix citoyennes : intellectuels, enseignants, artistes, religieux… tous ont un rôle à jouer pour restaurer une culture du respect, refuser la logique de l’exclusion et réaffirmer l’idéal d’un vivre-ensemble à la hauteur des promesses de Novembre.

Rabah Aït Abache

- Publicité -

Louisa Hanoune plaide pour le retrait de l’Algérie de la Ligue arabe

10
Louisa Hanoune
Louisa Hanoune, patronne du PT.

La secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, a vivement réagi aux récentes déclarations du prétendu historien Mohamed El-Amine Belghit, lors d’un discours percutant prononcé au congrès de son parti à Béjaïa. Une sortie ferme et engagée qui marque une nouvelle étape dans le débat national sur l’identité, l’histoire et l’appartenance géopolitique de l’Algérie.

Louisa Hanoune n’a pas mâché ses mots : « Nous sommes un peuple amazigh, arabisé par l’Islam, partiellement ou totalement selon les régions. C’est une vérité historique scientifiquement établie, qu’elle plaise ou non. »

Par cette déclaration, elle réfute frontalement les propos tenus par Belghit sur une chaîne étrangère, qualifiant l’amazighité de « projet idéologique sioniste français ». Elle le qualifie d’ailleurs de « docteur autoproclamé en histoire » et dénonce une tentative grave de falsification de la mémoire collective.

Pour Louisa Hanoune, il ne s’agit pas d’un simple débat d’opinion : « Réécrire l’histoire à travers le prisme d’une idéologie particulière n’est ni une opinion ni un travail scientifique. C’est un crime. Dans tous les pays du monde, falsifier l’histoire est une infraction grave. »

Mais la dirigeante va plus loin en remettant en question les fondements mêmes de l’arabisme en Algérie, appelant clairement à un retrait du pays de la Ligue arabe. « L’Algérie n’appartient pas à ce qu’on appelle l’‘Oumma arabe’. Nous sommes une nation à part entière, avec notre histoire, nos langues, notre territoire et notre culture », a-t-elle affirmé.

Selon Louisa Hanoune, la Ligue arabe est devenue un instrument entre les mains de puissances étrangères, qu’elle qualifie sans détour de « sionistes », dénonçant ainsi une contradiction avec le soutien constant de l’Algérie à la cause palestinienne.

En prenant cette position radicale, Louisa Hanoune s’inscrit dans une rupture claire avec le discours officiel d’une partie de l’élite politique algérienne. Elle propose une lecture souverainiste et décoloniale de l’identité nationale, mettant en avant l’héritage amazigh comme fondement civilisationnel et historique de l’Algérie.

Sa déclaration selon laquelle « l’Algérie est une nation complète, souveraine, avec ses deux langues officielles, quoi qu’on en dise » vient poser un jalon dans le débat sur l’identité plurielle du pays.

Samia Naït Iqbal

- Publicité -

Présidentielle en Roumanie, la peste noire envahit l’Europe

1
George Simion, chef du parti de droite souverainiste Alliance pour l’unité des Roumains (AUR)
George Simion, chef du parti de droite souverainiste Alliance pour l’unité des Roumains (AUR) avec Marion Maréchal, la petite-fille d e Jean-Marie Le Pen.

L’élection présidentielle en Roumanie vient de rendre le verdict du premier tour. Comme il était redouté, le candidat George Simion, chef du parti de droite souverainiste Alliance pour l’unité des Roumains (AUR) a réussi son pari au-delà de toutes les prévisions.

Ne nous embarrassons pas d’étudier la nature de ce parti au nom et au programme guerriers, c’est un parti fasciste, rien d’autre à rajouter.

George Simion est le parfait fils spirituel de l’histoire sordide du fascisme et nazisme européen. Ce fils n’a que des bonnes fréquentions d’éducation démocratique, le chef d’état Hongrois, italien et Slovaque. Il est en étroite amitié avec tous les mouvements fascistes en Europe et dans le monde. Il est soutenu par deux immenses démocrates qui dirigent deux pays puissants, Poutine et Trump.

George Simion a le pedigree d’un candidat à la noblesse de sang de la peste noire qui avait dévasté l’Europe et le monde dans un bain de sang, de terreur et de misère. Il entre dans le Panthéon du nom glorieux de l’humanisme. 

Il n’est pas encore élu et devra affronter au second tour le modéré et pro-européen Nicusor Dan, maire de Bucarest. Le résultat semble plié dans un pays dont la majorité de la population a perdu son honneur. Mais même en cas de victoire du clan européen, nous constatons le retour effrayant des partis fascistes.

Tous les pays européens sont rongés par la croissance des partis populistes d’extrême droite qui pour certains sont aux portes du pouvoir ou y sont par un contrat de coalition. La terrible histoire du monde revient frapper aux portes de l’humanité et en a fracassé déjà de nombreuses.

Qu’est-il arrivé à ce vieux continent qui avait gagné la démocratie au prix fort ? Eternellement la même réponse, celle qui définit les circonstances et les discours du populisme.

C’est un phénomène récurrent dans l’histoire, le balancement en alternance entre les forces progressistes et les forces ultra-conservatrices. Elles se relaient par cycle plus ou moins long, 86 ans en Europe si on fait démarrer l’émergence de la doctrine mortifère en 1939.

Hélas, nous n’y pouvons rien car la démocratie et le libéralisme portent aux yeux de ses détracteurs des travers, sociétaux et économiques. Leur résistance aux libertés accordées à ces deux avancées finit par les pousser dans les bras du populisme.

Les peuples se battent farouchement pour la liberté arrachée aux tyrans puis ils se retournent contre elle pour demander ordre et sécurité. Cette liberté les avait grisés, elle leur fait ensuite nourrir une peur instinctive car ils pensent qu’elle va trop loin. Certains ont été les oubliés des avancées économiques, d’autres sont effrayés par la perte relative de la domination de leur culture, langue ou religion.

Les oubliés de la mondialisation, les victimes des avancées libérales se réfugient alors dans les bras de gourous qui leur promettent ordre et défense de la patrie dans ses composantes raciales, culturelles et religieuses.

Le populiste est celui qui sait flairer les craintes de la population. Il met en place une stratégie de discours qu’il sait être efficace pour rallier les peurs en les poussant à lui demander la protection.

Parfois ce sont des mots qu’on brandit à la clameur furieuse des populations, l’un des plus répandus dans notre époque actuelle est le wokisme. Un mot provenant du verbe anglais, walk, marcher, pour  signifier le sens du progrès vers toutes les libertés.

C’est en réalité un fourre-tout de tout ce qui effraie les populations conservatrices ou ceux qui sont démunis de toute possibilité de le comprendre ou d’y accéder.

Alors le populiste promet des barrières « sanitaires » contre ce qu’il clame être les dangers contre la nation. Tout y passe, l’ennemi intérieur et extérieur, la destruction des valeurs morales nationales, la menace contre la religion, l’histoire et les cultures, considérées en Occident comme séculairement la marque civilisationnelle des nations, insérée dans un ordre mondial blanc et chrétien.

Pas de doute sur l’ADN du candidat roumain qui se place sous la bannière de ceux qui veulent défendre un édifice qu’ils disent être menacé.  « C’est la victoire de ceux qui veulent que la Roumanie soit un pays libre et respecté »« Dégagez les voleurs, les patriotes arrivent », des slogans du candidat qui sont une signature attestée du fascisme.

Le gouvernement algérien et une très grande majorité de la population soutiennent les populistes du monde entier qui se présentent soit dans un costume de fascistes soit dans celui de l’illibéralisme.

L’illibéralisme, un mot pour éviter le qualificatif de fascisme sous le couvert d’institutions  à structure démocratique. C’est le cas de la politique de Donald Trump et de tous les populistes en Europe.

Je rejette sans aucun ménagement ce mot nouveau, trompeur et sorti de nulle part (ou du fin fond des écrits). La démocratie est ou ne l’est pas. Allez dire à tous les opprimés, terrorisés ou incarcérés, que l’illibéralisme reste de la démocratie.

Ce qu’oublient les fascistes, par conviction ou griserie du pouvoir, est que le balancier qui les a placés au pouvoir est par définition un aller et retour.

Si c’est le seul espoir qui reste à la démocratie pour un retour à son règne, le choc peut l’assommer pour longtemps.

Boumediene Sid Lakhdar

- Publicité -

Nour-Eddine Boukrouh : « L’Algérien est un Amazigh islamisé, non arabisé»

23
Boukrouh

Dans une tribune publiée sur sa page Facebook, l’ancien homme politique et essayiste Nour-Eddine Boukrouh revient sur la question complexe et sensible de l’identité algérienne. Pour lui, ce débat, loin d’être récent, plonge ses racines dans la période précédant l’indépendance et la Révolution de 1954.

Boukrouh évoque notamment la « crise berbériste » des années 1940 et la répression du Mouvement Culturel Berbère (MCB) dans les années 1980, deux épisodes marquants d’un long combat pour la reconnaissance de l’amazighité.

Bien que les trois composantes de l’identité nationale – l’Amazighité, l’Islamité et l’Arabité – aient été constitutionnalisées, et que la langue amazighe ait obtenu un statut officiel, le débat reste vif. Il a récemment ressurgi avec l’incarcération d’un enseignant ayant contesté le concept d’« Amazigh », lui préférant celui de « Berbère ».

Au cœur de la réflexion de Boukrouh se trouve une formule devenue courante : « Nous sommes des Amazighs arabisés par l’islam ». Il la rejette fermement, la qualifiant de « fausse » et de « non-sens », lui opposant une reformulation qu’il juge plus fidèle à la réalité historique : « Nous sommes des Amazighs islamisés par des Arabes ». Pour lui, la confusion vient de l’usage du mot « arabisés », alors que ce sont les Arabes qui ont introduit l’islam en Afrique du Nord. La langue arabe n’a été adoptée, selon lui, que comme vecteur de la nouvelle religion, faute d’un système d’écriture amazigh à l’époque.

Boukrouh opère une distinction cruciale entre arabité et islamité. La première relèverait d’une appartenance ethnique spécifique, réservée aux descendants des tribus arabes, tandis que la seconde serait une affiliation religieuse universelle. Ainsi, selon lui, en embrassant l’islam, les Algériens n’ont ni renié leur origine amazighe ni adhéré à une race étrangère, mais ont simplement adopté une langue religieuse.

Il rappelle également que la majorité des musulmans dans le monde ne sont pas Arabes, et que de nombreux Arabes ne sont pas musulmans, citant les Coptes d’Égypte comme exemple.

Pour illustrer son propos, il s’appuie sur une célèbre citation de Kateb Yacine : « La langue française est un butin de guerre ». Boukrouh en nuance le sens : adopter une langue n’implique pas l’adoption de l’identité de ceux qui la parlent. De la même manière, apprendre l’anglais ou le chinois ne signifie pas devenir Anglais ou Chinois.

En conclusion, Boukrouh plaide pour une lecture plus lucide et plus nuancée de l’identité algérienne. Il insiste sur la nécessité de reconnaître l’islamisation comme un processus spirituel distinct de toute arabisation ethnique, et réaffirme la centralité de l’amazighité comme socle historique de cette identité.

La rédaction

- Publicité -

L’arabité n’est pas une religion

8
Medghacen
Mausolée des rois amazighs

“Quel pays n’a pas de vieux démons dans ses vieilles caves, quel pays n’a pas ses marchands d’armes et de rêves d’éternité, quel peuple n’a pas dans ses os deux trois gènes cabossés par l’histoire ?” Boualem Sansal, Le village de l’Allemand ou le journal des frères Schiller

Le tumulte actuel sur l’identité nationale trouve ses racines loin dans le passé. Il est ravivé aujourd’hui par les propos provocateurs d’un prétendu intellectuel, qui nie avec un aplomb tragique l’une des dimensions essentielles de la population du pays : son héritage amazigh.

Cette manière de piétiner les racines profondes du peuple n’est pas nouvelle. Depuis des décennies, elle est cultivée par les pouvoirs successifs, sous influence idéologique venue d’ailleurs, au fil des alliances et des transmissions d’idées.

Depuis longtemps, le mépris envers les populations berbères est entretenu par des élites formatées sur un modèle exclusivement arabe. Et tandis que les discours d’exclusion prospèrent, des voix courageuses, parmi les plus lucides et éclairées, comme celles de Boualem Sansal, croupissent en prison pour avoir refusé le silence.

Amazighs islamisés, non arabisés

La question de l’identité collective ne date pas d’hier. Bien avant l’indépendance, bien avant même les premiers soulèvements armés, ce débat agitait déjà les rangs du principal mouvement nationaliste. Il s’est vite transformé en crise ouverte, marquant l’exclusion, l’exil et parfois même la disparition de figures engagées dès les premières heures de la lutte pour l’indépendance.

Dans les années quatre-vingt, c’est en prison qu’étaient jetés ceux qui osaient revendiquer l’existence amazighe.

On avait cru, à tort, que l’affaire était enfin réglée avec l’inscription, dans la Constitution, de toutes les composantes de l’identité nationale — amazighe, islamique, arabe — et la reconnaissance officielle de la langue amazighe. Mais voilà que la polémique ressurgit, cette fois autour de l’incarcération d’un simili-enseignant revendiquant une identité berbère distincte d’une conception amazighe qu’il jugeait instrumentalisée.

À titre personnel, ce contexte m’offre l’occasion de remettre en question une vieille formule devenue presque un serment collectif, répétée à l’envi sans qu’on interroge son sens réel. On ne sait plus très bien qui, au départ, en est l’auteur, est-ce Kateb Yacine, mais elle affirme que les habitants de ce pays seraient des Amazighs « arabisés par l’islam ». Cette expression est trompeuse. Elle occulte une vérité plus simple : ce peuple a été islamisé par des Arabes, non pas arabisé.

Ceux qui ont apporté l’islam venaient de la péninsule arabique, mais ils ne venaient pas transformer les Berbères en Arabes. Ils venaient transmettre une religion, non une identité ethnique. La langue arabe fut le véhicule de la nouvelle religion, imposée faute de système d’écriture amazigh reconnu par ceux qui ont envahi leurs terres. Une fois le message passé, il n’y avait pas d’autre projet, ni d’autre ambition.

Ethnie et religion

L’appartenance arabe est une filiation ethnique, fermée, tandis que l’appartenance islamique est une ouverture que les Arabes voulaient universelle, sans distinction de race ou de peuple. Devenir musulman ne signifie pas renier ses origines. Adopter la langue arabe pour prier ou pour transmettre la foi n’a jamais signifié abandonner ses racines. Les Turcs sont restés des Turcs et les Iraniens des Persans. D’ailleurs, à l’échelle du monde, les musulmans sont de plus en plus nombreux, tandis que les Arabes représentent à peine un quart de ce total.

L’arabité n’est pas une religion, et les Arabes ne sont pas les représentants exclusifs du message islamique. Ils ont été dépassés par les ayatollahs et les talibans qui ne sont pas des Arabes.

Beaucoup d’Arabes sont d’autres confessions comme les Coptes en Egypte ou les Maronites au Liban, et certains peuples arabophones, héritiers d’anciennes civilisations, ne sont ni Arabes ni musulmans.

Kamel Bencheikh

- Publicité -

Drogue en Algérie : double échec, double hypocrisie 

1
Trafic de drogue
Le trafic de drogue explose en Algérie.

Dans une annonce de ce matin, presque quotidienne, un important stock de drogue a été saisi ainsi que l’arrestation de plusieurs trafiquants. Si ce fléau est mondial, l’échec de l’Algérie est fracassant dans ses deux volets, la répression et la prévention, le tout dans une hypocrisie insolente.

Pour l’approche par la répression, aucun pays au monde n’a jamais réussi à endiguer le trafic d’une substance hautement dangereuse et illégale qui ravage l’ensemble des sociétés humaines.

Tout a été fait et plus on en fait, plus le trafic se développe à une vitesse prodigieuse. Si le phénomène de la prise de stupéfiant est vieux comme le monde, ce n’est que dans notre époque contemporaine qu’il est devenu non seulement massif mais menaçant pour toute la population, soit au regard de la santé publique soit à celui de la criminalité. 

Comme toujours dans le cas d’une affaire humaine, on est face à un choix binaire, répression ou prévention ? La réponse spontanée de bon sens est d’affirmer qu’il faut les deux.

Hélas, ni une politique ni l’autre n’ont jamais réussi à venir à bout du fléau mondial encore plus dévastateur qu’une pandémie car il est permanent. De plus, il concerne toutes les couches de la population, dans sa composante générationnelle ou sociale.

Les politiques de lutte contre le trafic ont atteint des sommets de dispositifs de répression policière et judiciaire. Nous avons à faire à une véritable guerre mondiale contre des trafiquants qui n’ont peur de rien et utilisent des procédés tout aussi guerriers jusqu’aux armes lourdes.

Dans les années soixante-dix avait débuté un débat portant sur la question de la légalisation. Certains pays ont été pionniers en la matière comme la Hollande puis plus tard l’Espagne ou quelques États américains. L’objectif est double, éradiquer le trafic et sa violence meurtrière aussi bien que celui de préserver la santé publique. 

Dans ce second cas il était attendu de la légalisation un meilleur contrôle du niveau de dangerosité des composants et, autant que possible, une étude de la sociologie des consommateurs pour adapter les mesures d’éducation et de prévention.

Dans la même idée, on a cru à l’approche par l’éducation scolaire ou par des campagnes médiatiques. C’est un échec retentissant à la hauteur des espoirs et des financements sans fond. Par ce dernier constat une conclusion générale s’impose en matière de drogue, la morale et la crainte de la déchéance physique jusqu’à la mort sont aussi inefficaces qu’un moustique sur la peau d’un éléphant.

L’Algérie, sur ses grands chevaux a échoué lamentablement sur les deux tableaux. Son système répressif est renforcé à outrance, voulant donner à la population l’impression que l’Etat est efficace et qu’il ne laissera rien passer. Les saisies et les arrestations sont systématiquement médiatisées avec tambours et trompettes.

Les pays démocratiques en font de même, c’est incontestable. Mais la différence est que l’Algérie a la prétention de montrer ostentatoirement sa puissance répressive et ses gros muscles. Force est de constater qu’il n’en n’est rien et qu’elle n’échappe pas aux échecs des pays démocratiques comme elle essaie de le faire croire.

Si l’échec est flagrant dans ce volet, il est fracassant dans le second. Le régime algérien s’est toujours vanté que sa politique et ses valeurs morales sont un rempart contre la déchéance des populations occidentales. 

Et la première des valeurs qu’elle brandit est la morale que transmet la religion d’état. Elle est convaincue ou essaie de se convaincre qu’il est impossible dans un pays où la religion est profondément le dogme divin de voir la consommation de drogue faire des ravages. La religion est selon eux le rempart à toutes les dérives perverses de la société.

Non seulement cela s’avère un mensonge, ce qui d’ailleurs était connu, mais l’endoctrinement religieux et nationaliste massif de son système éducatif n’a pas plus de crédibilité dans la lutte contre la drogue pour les générations futures.

Puis encore, l’ordre moral exhibé par ce régime totalitaire n’a jamais empêché les propres enfants des dirigeants et autres puissants de le contredire avec autant de sûreté que donne la puissance de protection du pouvoir.

Je me souviens qu’à l’époque de Boumediene, le trafic de drogue par beaucoup d’officiers militaires basés sur la frontière marocaine était un secret de polichinelle. Seule l’herbe avait le laissez-passer pour traverser la frontière. 

Le régime algérien ne pourra berner que les crédules de sa propagande ou ceux qui créent des diversions pour camoufler d’autres corruptions et tyrannies. 

L’Algérie est un rempart contre la drogue comme une brindille d’herbe sèche voulant arrêter la puissance d’un cours d’eau. 

Boumediene Sid Lakhdar

- Publicité -

Amazighes : plongée au cœur d’une culture ancestrale au Mucem de Marseille

3
Mucem
Le Mucem accueille l'exposition Amazighes.

Imaginez un monde où chaque bijou, chaque motif, chaque geste porte un sens profond. Un monde où la beauté et la protection s’entrelacent, où les symboles racontent l’histoire d’un peuple qui traverse les âges. C’est cette immersion fascinante que propose l’exposition Amazighes. Cycles, parures, motifs, au Mucem de Marseille, du 30 avril au 2 novembre 2025.

Une explosion de couleurs, de formes et de symboles — c’est ainsi que l’on pourrait résumer cette exposition unique en son genre. Amazighes n’est pas simplement une rétrospective ; c’est un voyage sensoriel et visuel au cœur de la culture amazighe, un peuple aux racines profondes, un peuple qui vit à travers ses symboles, ses objets, et surtout à travers ses gestes ancestraux.

L’exposition, fruit de la collaboration entre la Fondation Jardin Majorelle de Marrakech et le Mucem, présente près de 150 pièces exceptionnelles, allant des bijoux d’une beauté à couper le souffle aux céramiques délicates, en passant par des sculptures et des textiles aux motifs envoûtants. Ces objets, souvent porteurs de significations cachées, racontent l’histoire d’une identité forte, d’une culture qui, loin d’être figée, se nourrit et se réinvente au fil du temps.

Une fibule qui parle… et protège

Parmi les trésors exposés, une fibule Tabzimt, venue tout droit de la Grande Kabylie, attire immédiatement l’œil. D’un argent éclatant et décorée de corail, cette pièce unique, datant de la première moitié du XXe siècle, n’est pas seulement un bijou : elle incarne la protection, l’identité et le lien entre le passé et le présent. C’est là l’essence même de la culture amazighe : chaque objet n’est pas seulement décoratif, il est porteur de sens, un amulette spirituelle, une transmission de génération en génération.

« Chaque motif, chaque courbe, chaque matériau a une signification », explique Salima Naji, commissaire de l’exposition et anthropologue. « La parure, ici, n’est pas qu’une simple question d’esthétique. C’est un langage, un moyen de se protéger, de marquer son identité et de relier l’humain à l’univers. »

Le féminin sacré : un voyage au cœur de la culture amazighe

L’exposition se déploie autour d’une figure centrale : la femme amazighe, incarnation de la fertilité, de la sagesse et de la protection. Les gestes des femmes amazighes — vannerie, henné, tatouage, tissage — sont non seulement des savoir-faire ancestraux, mais aussi des rituels qui sculptent le temps et l’espace. À travers ces gestes, les femmes transmettent un savoir profond, presque magique, qui réunit l’art, la nature et la spiritualité.

Les hommes, quant à eux, sont les artisans des objets qui, bien que utilitaires, sont également chargés de symbolisme. L’orfèvrerie amazighe, avec ses lignes épurées et ses motifs sacrés, fait le lien entre le quotidien et le sacré.

Exposition au Mucem

Un succès retentissant

L’exposition a d’ores et déjà conquis le public marseillais. Dès son ouverture, la file d’attente pour accéder à ce voyage fascinant dans l’histoire amazighe a impressionné : un flot continu de visiteurs, impatients de découvrir ce que cache cette culture millénaire. Ce dimanche, le Mucem était noir de monde. Les visiteurs se pressaient pour observer de près les objets et œuvres, chacun voulant s’imprégner de la magie de ce monde ancestral.

Si vous n’avez pas encore eu l’occasion de découvrir l’exposition, il est grand temps de le faire. L’occasion de s’immerger dans une culture riche, complexe et profondément humaine. Amazighes vous invite à une rencontre inédite avec un peuple, une culture et un patrimoine qui, loin de se perdre dans le temps, continue de vivre, de vibrer et de s’exprimer.

Djamal Guettala

Exposition Amazighes. Cycles, parures, motifs

Mucem, Marseille. Du 30 avril au 2 novembre 2025

Entrée libre le mercredi et dimanche après-midi.

Commissariat :

Salima Naji, architecte DPLG et docteure en anthropologie

Alexis Sornin, directeur des musées Yves Saint Laurent Marrakech et Pierre Bergé des arts berbères

D’après une idée originale de la Fondation Jardin Majorelle, en coproduction avec le Mucem.

Image

Fibule Tabzimt, vers 1900-1950, Algérie, Grande Kabylie. Argent, corail.

Collection Mucem, Marseille. Don Jacqueline Terrer.

© Mucem / Marianne Kuhn

- Publicité -

D’où proviennent les armes des groupes jihadistes du Sahel ?

1
Djihasites

D’où proviennent les armes utilisées par les groupes jihadistes au Sahel ? C’est la question à laquelle tente de répondre le rapport publié mardi 29 avril par Conflict Armament Research (CAR), un projet de recherche européen qui trace les armes utilisées dans les conflits à travers le monde.

Pour cette étude consacrée au Sahel central (Mali, Niger et Burkina Faso), les chercheurs concluent que les armes utilisées par le Jnim (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), lié à al-Qaïda, ou par l’État islamique au Sahel, proviennent majoritairement du pillage des armées nationales de la région.

Au moins une arme sur cinq, 20% de l’arsenal jihadiste, provient des armées régulières de la région du Sahel. Elles ont été amassées lors d’attaques menées sur place, contre les forces maliennes, nigériennes et burkinabè, mais le Conflict Armament Research a aussi identifié des armements provenant des forces de Côte d’Ivoire, du Liberia, de Libye, du Nigéria et du Tchad. 

Ces « détournements » constituent, selon les chercheurs, « la principale source d’approvisionnement » des groupes jihadistes, qui en ont même fait « un aspect clef de leur double stratégie : affronter militairement les autorités étatiques et se procurer les armes nécessaires pour mener leurs opérations. » En témoigne la propagande du Jnim, qui diffuse régulièrement des vidéos présentant ses « butins de guerre. »

Les jihadistes s’approvisionnent localement

Plus de 700 armes récupérées lors d’opérations antiterroristes entre 2015 et 2023 ont été analysées : fusils, mitrailleuses, lance-grenades, mortiers.

L’enquête conclut que les groupes jihadistes s’approvisionnent essentiellement à cette échelle locale, du fait des « contraintes logistiques et géographiques. » Lorsqu’elles n’ont pas été pillées aux armées régulières, leurs armes vieillissantes ont souvent servi « à d’autres acteurs illicites de la région. » 

« Les rares armes récentes en leur possession ont été obtenues principalement, sinon exclusivement, par des attaques contre les forces des pays du Sahel central » (Mali, Niger, Burkina), expliquent encore les chercheurs, qui affirment n’avoir trouvé « aucune preuve convaincante de l’existence d’approvisionnement direct en armes depuis l’extérieur du Sahel central, ni de liens systémiques avec des groupes actifs en dehors de cette région. »

Ce qui réfute à la fois l’existence de liens d’approvisionnements avec les « maisons mères » des groupes jihadistes, al-Qaïda et l’État islamique, mais également les théories complotistes circulant sur les réseaux sociaux selon lesquelles les jihadistes seraient armés par des puissances ennemies, à commencer par la France. 

RFI

- Publicité -

Claire Barré : « Nous sommes les gardiens de la Terre et non ses propriétaires »

1
Claire Barré
Claire Barré.

Claire Barré est une créatrice dont l’œuvre littéraire et cinématographique se nourrit d’une profonde exploration spirituelle. Son parcours singulier, empreint de sincérité et de curiosité, témoigne d’un engagement constant à sonder les territoires invisibles de l’âme humaine. À travers ses écrits et ses scénarios, elle façonne une vision du monde où l’imaginaire dialogue avec le réel et où la narration devient une porte d’accès à des vérités plus vastes.

Elle entame son voyage littéraire avec Ceci est mon sexe (2014), un texte à la fois intime et universel qui explore l’identité à travers le prisme du corps et du féminin. Cette première publication reflète déjà son désir d’interroger les profondeurs de l’expérience humaine. L’année suivante, avec Baudelaire, le diable et moi (2015), elle plonge dans l’univers poétique et sombre de Charles Baudelaire, mêlant fiction, introspection et méditation sur la nature de l’âme. Ce dialogue littéraire avec un esprit tourmenté traduit son approche exigeante de l’écriture.

Un tournant décisif survient avec Pourquoi je n’ai pas écrit de film sur Sitting Bull (2017), un essai à la fois déroutant et lumineux où elle relate une expérience spirituelle bouleversante.

Ce récit amorce son intérêt profond pour le chamanisme et les traditions ancestrales, explorations qu’elle poursuit avec Ma vie de chamane (2025, Mama Éditions), son dernier ouvrage. Ce livre mêle témoignage personnel et réflexion sur la place de la spiritualité dans nos sociétés modernes, interrogeant les liens entre sagesse ancienne et quête contemporaine de sens.

Parallèlement à son parcours littéraire, Claire Barré s’impose comme scénariste, collaborant avec des chaînes majeures telles que TF1, France 2 et Arte. Ses écrits audiovisuels reflètent une grande sensibilité et une volonté de capturer l’humain dans sa complexité. Elle contribue notamment au film Un monde plus grand (2019), avec Cécile de France, qui met en scène une femme confrontée à une initiation chamanique. Inspiré de faits réels, ce récit illustre parfaitement l’alignement entre ses aspirations spirituelles et son travail de scénariste.

Son œuvre tout entière s’ancre dans une fascination pour l’invisible. Les traditions chamaniques, en particulier celles liées à Sitting Bull, nourrissent son imaginaire et ses réflexions. À travers ses livres et son engagement personnel, elle cherche à transmettre une vision élargie du monde, où l’invisible n’est pas relégué au domaine du rêve, mais constitue un espace essentiel de compréhension et d’intuition.

Claire Barré incarne une voix singulière, capable de conjuguer introspection personnelle et portée universelle. Ses écrits ne se contentent pas de raconter des histoires : ils interrogent les certitudes, éclairent les zones d’ombre de l’existence et proposent une relecture sensible de notre rapport au monde. Elle explore les seuils entre le visible et l’invisible, entre rationalité contemporaine et sagesses anciennes, entre trajectoire intime et héritage collectif.

Ses collaborations avec des éditeurs variés témoignent de la richesse de son parcours, Ceci est mon sexe (Hugo & Cie), Baudelaire, le diable et moi et Pourquoi je n’ai pas écrit de film sur Sitting Bull (Robert Laffont), Chant d’amours (Sable Polaire), La Ballade de Nitchevo (Guy Trédaniel Éditeur), Ma vie de chamane (Mama Éditions).

Chaque ouvrage explore une facette différente de sa sensibilité, tout en contribuant à bâtir une œuvre cohérente à la croisée du littéraire, du spirituel et de l’intime.

Engagée dans une quête artistique et intérieure, Claire Barré trace un chemin singulier, porté par un besoin vital de comprendre, de ressentir et de transmettre. Son art devient un vecteur d’élévation, un espace de réflexion sur soi, les autres et les mystères du monde. Une exploration qui, loin d’être achevée, semble encore ouverte à de nouveaux horizons, à d’autres formes, d’autres récits où le visible et l’invisible continueront d’être au cœur de sa démarche.

Le Matin d’Algérie : Votre dernier ouvrage, Ma vie de chamane, approfondit votre exploration du chamanisme et de la spiritualité. Quelles expériences personnelles vous ont particulièrement inspirée ?

Claire Barré : Le chamanisme s’est invité dans ma vie de manière « accidentelle », alors que j’allais fêter mes 40 ans. C’est une vision, qui a duré 4 jours, qui a initié mon éveil à la spiritualité. Avant cette vision (j’ai vu apparaître le visage de Sitting Bull, un grand chef amérindien mort au XIXe siècle), j’étais plutôt fermée à toute forme de spiritualité. Seul l’art m’inspirait et me tenait en vie. 

C’est cette vision, inexplicable, qui m’a menée jusqu’au cabinet de consultation d’une chamane russe en 2014. Et c’est elle qui m’a « diagnostiquée » chamane. Depuis, la pratique du tambour chamanique m’accompagne. Mon monde s’est agrandi et enrichi. Ce que je trouve beau, dans ce parcours de vie, c’est que cet éveil n’a pas touché que moi. Comme un cercle vertueux, il a eu un impact positif sur tous mes proches : famille, amis, et lecteurs. Il a notamment beaucoup influencé le parcours de mon mari, Emmanuel Barrouyer. De simple observateur bienveillant, au départ, il s’est, peu à peu, lui aussi ouvert à la spiritualité et a même su accueillir en lui des aptitudes dormantes d’énergéticien. 

La vie est toujours plus belle et surprenante qu’il n’y paraît. Dans ce livre, j’essaie de partager les fruits de mon cheminement et de donner des clés de compréhension du chamanisme et des états modifiés de conscience, tout en racontant mon voyage de l’ombre à la lumière. J’ai, en effet, traversé une longue nuit noire de l’âme dans ma jeunesse (notamment, à cause de mes addictions), avant de retrouver le chemin vers l’espoir. 

Le Matin d’Algérie : Dans Baudelaire, le diable et moi, vous explorez la figure fascinante de Baudelaire. Qu’est-ce qui vous a attirée dans cet univers, et comment avez-vous intégré votre propre réflexion ?

Claire Barré : Baudelaire, le diable et moi est mon deuxième roman, paru en 2015. C’est un roman fantastique dans lequel une jeune femme, sorte de double fictionnel, signe un pacte avec le diable, afin de pouvoir rencontrer les poètes qu’elle aime. Mais rien ne se passe comme prévu. J’ai découvert la poésie à l’adolescence. J’ai eu la sensation que cette découverte me sauvait la vie. Tout me parlait (enfin) dans les vers des poètes, particulièrement ceux du XIXe siècle. Baudelaire était haut dans mon Panthéon personnel, ses poèmes aussi lumineux que vénéneux résonnaient avec mon être profond. 

J’étais une jeune femme mélancolique et tourmentée et avais la sensation de retrouver un frère d’âme. Ma mélancolie s’est métamorphosée en une énergie plus joyeuse, grâce à mon cheminement spirituel, mais Baudelaire reste, à mes yeux, à grand Maître. Ce roman était un moyen de lui rendre hommage et de saluer aussi, en creux, la jeune femme désespérée que j’ai pu être à une époque de ma vie.

Le Matin d’Algérie : Dans votre essai Pourquoi je n’ai pas écrit de film sur Sitting Bull, vous partagez une expérience spirituelle marquante. Comment cette expérience a-t-elle transformé votre vision du monde et enrichi vos créations artistiques ?

Claire Barré : Ce témoignage, paru en 2017, raconte, en effet, cette vision de Sitting Bull qui a bouleversé ma vie. J’y raconte mes premiers pas dans la découverte du chamanisme, ainsi que l’amitié qui m’a liée (et me lie toujours aujourd’hui) avec Ernie LaPointe, l’arrière-petit-fils de Sitting Bull, un septuagénaire, vétéran du Vietnam, avec lequel je suis devenue amie, suite à cette étrange vision. Nous avons même écrit un livre ensemble : Sun Dancer, Sagesse et Visions d’un Natif américain, en 2021. Cette expérience a changé ma manière d’être au monde et me pousse à écrire ce que j’appelle des « livres-médecine », ou encore, des « films-médecine » (je suis également scénariste pour le cinéma), afin de semer des graines d’éveil et donner de l’espoir aux lecteurs et spectateurs.  

Le Matin d’Algérie : Vous avez collaboré avec des chaînes majeures comme Arte et des réalisateurs renommés, en tant que scénariste. Comment ces expériences dans l’audiovisuel alimentent-elles votre travail en tant que romancière ?

Claire Barré : J’aime beaucoup mon travail de scénariste. Justement parce que c’est collaboratif. Je trouve agréable de quitter de temps en temps ma tour d’ivoire de romancière, afin de co-écrire avec des réalisatrices ou des réalisateurs. Je crois que l’apprentissage du scénario apporte de solides connaissances en dramaturgie et en structure. Le roman, lui, permet de belles envolées dans la psyché du personnage, alors que le scénario sera plus comportementaliste : c’est la manière dont le personnage agit, réagit et interagit qui nous dit qui il est. 

Quand j’ai un projet très personnel à transmettre, je l’écris sous forme de livre. Les scénarios sur lesquels je travaille sont souvent des commandes. Je ne choisis que des projets humanistes (quel que soit leur genre).  

Le Matin d’Algérie : Votre œuvre mêle des thématiques intimes, poétiques et spirituelles. Comment parvenez-vous à maintenir un équilibre entre introspection personnelle et réflexion universelle dans votre écriture ?

Claire Barré : Il me semble que plus l’on va chercher loin au cœur de son être et plus l’on atteint une forme d’universalité. À mes yeux, au plus profond, nous sommes tous reliés, malgré nos différences apparentes. Être sincère et introspectif peut donc permettre de partager des expériences qui vont résonner avec un grand nombre de lecteurs.  

Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?

Claire Barré : Je travaille actuellement sur plusieurs projets de films pour le cinéma et de séries pour la télévision. Le prochain film que j’ai co-écrit va sortir en salles le 5 juin, ça s’appelle Le Répondeur, c’est un film réalisé par Fabienne Godet, avec Denis Podalydès et Salif Cissé. C’est une comédie, adaptée d’un roman de Luc Blanvillain, qui a déjà reçu un Prix du Public au Festival de l’Alpe d’Huez.  

Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?

Claire Barré : Merci pour cet échange. Je souhaite que la paix, l’amour, l’espoir et la joie puissent s’infiltrer dans les cœurs des humains et que nous prenions conscience que nous sommes les Gardiens de la Terre, et non ses propriétaires. Comme le dit cette phrase de sagesse, attribuée divers Amérindiens : « Lorsque le dernier arbre aura été abattu, le dernier fleuve pollué, le dernier poisson capturé, vous vous rendrez compte que l’argent ne se mange pas. » 

Entretien réalisé par Brahim Saci 

- Publicité -

Bengrina défend Belghit : quand le national-islamisme invoque l’unité pour mieux exclure

9
Bengrina
Abdelkader Bengrina, un spécimen politique dont seul le système algérien a le secret de création.

En demandant au chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune d’intervenir en faveur de Mohamed El Amine Belghit, placé en détention provisoire pour atteinte à l’unité nationale, Abdelkader Bengrina brouille les lignes entre justice, politique et idéologie. Une démarche qui soulève de nombreuses interrogations.

Le guignol Abdelkader Bengrina s’en mêle ! La lettre ouverte adressée par le président de la formation islamiste, Al Bina al Watani (Construction nationale), Abdelkader Bengrina, au chef de l’État, suscite un malaise croissant. En prenant publiquement la défense de Mohamed El Amine Belghit, présenté comme un « historien » mais davantage connu pour ses positions controversées sur l’identité algérienne, Bengrina s’inscrit dans une logique de lobbying politique déguisé en appel au dialogue national.

Mohamed El Amine Belghit a été placé en détention provisoire pour « atteinte à l’unité nationale », une accusation grave dans un contexte où l’État tente de contenir les discours clivants, notamment ceux niant la composante amazighe de l’identité algérienne. La réaction d’Abdelkader Bengrina, qui invoque la « sagesse » du chef de l’Etat et la « cohésion du tissu national », paraît dès lors déplacée, sinon contre-productive.

Au-delà du contenu même de la lettre, c’est la posture de l’ancien candidat à la présidentielle qui interroge. En s’érigeant en intercesseur entre la justice et le pouvoir exécutif, Bengrina ravive une pratique bien ancrée dans les milieux islamistes algériens : celle de présenter certains accusés comme des « patriotes mal compris », victimes d’un « excès de zèle » de l’appareil judiciaire, pour mieux imposer leur propre grille de lecture du patriotisme.

Or, les propos tenus par Belghit dans diverses interventions publiques, souvent marqués par un nationalisme arabo-islamique exclusif et un mépris affiché pour la diversité culturelle algérienne, ne peuvent être réduits à de simples opinions. Ils participent d’une tentative plus large de réécriture de l’histoire nationale dans une perspective homogénéisante, marginalisant la composante amazighe pourtant reconnue dans la Constitution.

En défendant Belghit, Bengrina ne fait donc pas que contester une décision de justice. Il s’inscrit dans une continuité idéologique bien connue : celle qui, depuis les années 1990, oppose une Algérie plurielle à une vision uniformisante et excluante du nationalisme.

Le geste de Bengrina pourrait ainsi être interprété comme un signal envoyé à une base politique nostalgique d’un récit national figé, où la diversité culturelle du pays est perçue comme une menace plutôt qu’une richesse. Une posture qui semble à contre-courant des aspirations démocratiques et inclusives portées par de larges pans de la société algérienne.

Reste à savoir si le chef de l’Etat donnera suite à cette interpellation. Une réponse favorable, même indirecte, risquerait de fragiliser la crédibilité de l’institution judiciaire, déjà mise à mal par son instrumentalisation effrénée contre la dissidence pacifique. En cette période de tensions multiples, le pouvoir algérien peut-il se permettre de céder à ce type de pression idéologique ?

Samia Naït Iqbal

- Publicité -

DERNIERS ARTICLES

Tribunal

Il faut renforcer les lois pénales en Algérie ! selon un...

0
C’est vrai à en croire Djamel Khefif, le grand juriste et enseignant, inscrit dans la liste d’homologation du pouvoir algérien.Cette déclaration fait suite à...

LES PLUS LUS (48H)

Tribunal

Il faut renforcer les lois pénales en Algérie ! selon un...

0
C’est vrai à en croire Djamel Khefif, le grand juriste et enseignant, inscrit dans la liste d’homologation du pouvoir algérien.Cette déclaration fait suite à...