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Ligue 1 Mobilis : l’ESM tenu en échec par le MCEB (0-0)

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Foot

L’ES Mostaganem, avant-dernière au classement de la Ligue 1 Mobilis, a laissé filer deux précieux points après avoir été tenue en échec par le MC El Bayadh, ce dimanche, à l’occasion de la suite de la 26e journée.

À la suite de ce résultat, qui fait beaucoup plus les affaires des visiteurs que des locaux, l’ESM remonte à la 14e position (27 pts), mais compte le même nombre de points que le NCM (15e), premier relégable.

À l’image de son hôte, le MCEB gagne une place et passe du 8e au 7e rang (35 pts).

Cette 26e manche se poursuit en ce moment avec le match CS Constantine – US Biskra, dont le coup d’envoi a été donné à 18h00 au stade Chahid Hamlaoui (Constantine).

Dans les quatre autres matchs de cette journée, disputées vendredi et samedi, la JS Kabylie, coleader, a été piégée dans son antre par la JS Saoura (1-2), le Paradou AC a surclassé l’USM Alger (3-1), l’Olympique Akbou a renoué avec la victoire en disposant de l’USM Khenchela (2-1), alors que le MC Oran a pris ses distances avec la zone de turbulences en battant le NC Magra (2-1).

Suite et fin ce lundi

Scindée en quatre parties, cette 26e journée connaitra son épilogue ce lundi (17h00) avec le déroulement des deux derniers matchs au programme. Coleader avec la JSK, le MC Alger sera l’hôte de l’ES Sétif, alors que son dauphin, le CR Belouizdad, ira défier l’ASO Chlef.

Résultats partiels de la 26e journée :
MC Oran – NC Magra2 – 1
Olympique Akbou – USM Khenchela2 – 1
JS Kabylie – JS Saoura1 – 2
Paradou AC – USM Alger3 – 1
ES Mostaganem – MC El Bayadh0 – 0
CS Constantine – US Biskra18h00
Lundi 19 mai :
MC Alger – ES Sétif17h00
ASO Chlef – CR Belouizdad17h00
Classement de la Ligue 1
#EquipesPtsJ
1MC Alger     4624
2JS Kabylie4626
3CR Belouizdad4425
4Paradou AC  3826
5ES Sétif  3825
6USM Alger3625
7MC El Bayadh  3526
8JS Saoura3526
9ASO Chlef3225
10MC Oran  3025
11CS Constantine2922
12Olympique Akbou2825
13USM Khenchela 2825
14ES Mostaganem  2726
15NC Magra2726
16US Biskra   2025

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Benjamin Stora : « Je ne vois pas comment cette crise peut se dénouer »

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Benjamin Stora
Benjamin Stora chez lui. Crédit photo : Benjamin Stora

Benjamin Stora est un historien français reconnu pour ses travaux sur l’Algérie contemporaine, la colonisation et les mémoires postcoloniales. Né à Constantine dans une famille juive, il porte les traces profondes de l’exil et des silences entourant la guerre d’indépendance, ce qui a façonné son travail d’historien.

Professeur des universités, il a enseigné à Paris XIII et à l’INALCO, et a occupé le poste d’inspecteur général de l’Éducation nationale. Il a présidé le Conseil d’orientation du Musée national de l’histoire de l’immigration, contribuant à la mise en lumière des récits souvent invisibilisés.

Auteur de nombreux ouvrages, il a bouleversé notre compréhension de la guerre d’Algérie en intégrant la mémoire et la transmission des blessures. La Gangrène et l’Oubli (1991) analyse l’effacement de ce conflit dans le récit national, tandis que Ils venaient d’Algérie (1992) explore l’immigration algérienne en France. Plus récemment, il a codirigé Histoire des relations entre juifs et musulmans, mobilisant plus d’une centaine de chercheurs.

En 2021, il remet à Emmanuel Macron un rapport sur les mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie, dont il tire France-Algérie. Les passions douloureuses, un texte suscitant débats et initiatives comme la création d’une Commission « Mémoires et vérité ». 

En 2023, L’Arrivée revient sur son itinéraire d’exilé, mêlant autobiographie et réflexion sur l’histoire. 

Benjamin Stora a contribué à la reconnaissance des mémoires plurielles de la guerre d’Algérie, faisant dialoguer des récits longtemps cloisonnés. Il a œuvré à lever les tabous et encourager une lecture lucide et apaisée de l’histoire, articulant exigence académique et engagement civique. Son travail démontre que l’histoire n’est pas seulement affaire d’archives, mais aussi de transmission et de reconnaissance des mémoires blessées.

Dans cet entretien, l’historien Benjamin Stora revient avec une rare densité sur les fils entremêlés de son itinéraire personnel et intellectuel. De Constantine à Paris, de l’engagement militant à la rigueur académique, il déploie une parole lucide et habitée sur la guerre d’indépendance, les silences de la mémoire coloniale et les enjeux contemporains du récit historique.

Alors que son nom reste étroitement lié aux avancées mémorielles franco-algériennes, Stora interroge ici les limites du travail historien face aux crispations identitaires, tout en ouvrant des perspectives sensibles autour de l’exil, de la transmission et du rapport à l’histoire. Une parole à la fois intime et politique, qui éclaire les fractures d’hier et les défis de demain.

Le Matin d’Algérie : Votre parcours personnel étant intrinsèquement lié à l’histoire franco-algérienne, en quoi votre départ de Constantine a-t-il façonné votre vocation d’historien et influencé votre approche de la mémoire coloniale ?

Benjamin Stora : Ce n’est pas mon départ de Constantine, avec mes parents en 1962, qui a conditionné mon travail sur l’Algérie. Comme je l’ai déjà expliqué dans mes livres récents (Les clés retrouvées, ou l’Arrivée), c’est mon engagement politique à l’extrême-gauche dans les années 1970, à l’université de Nanterre, qui m’a poussé à m’intéresser à la guerre d’indépendance algérienne.

Dans mon engagement trotskiste de l’époque, j’ai alors pu rencontrer de nombreux militants révolutionnaires et nationalistes algériens comme Hocine Ait Ahmed, Mohamed Boudiaf, Ali Haroun, ou la fille de Messali Hadj qui m’a aidé dans ma connaissance de l’histoire du nationalisme algérien. Avec l’historien Mohammed Harbi, j’ai aussi beaucoup travaillé en particulier pour l’élaboration de mon Dictionnaire des militants nationalistes algériens, 600 biographies, parues en 1985. Dans les années 2000 ; j’ai commencé à « regarder » mon parcours intime, familial, personnel, avec la parution du livre en 2006, Les trois exils des juifs d’Algérie.

Le Matin d’Algérie : Votre contribution à l’historiographie de la guerre d’Algérie a marqué un tournant dans la manière de l’étudier. Qu’est-ce qui vous a conduit à intégrer les récits personnels et la mémoire dans votre démarche historique ?

Benjamin Stora : Effectivement, à partir de la rédaction de l’ouvrage, La gangrène et l’oubli publié en 1991, j’ai commencé à considérer la façon dont se construisait la mémoire algérienne avec les blessures, les silences, les non-dits de l’histoire. Je me suis aperçu que la production académique, à partir de sources écrites, comme les archives étatiques, que j’ai beaucoup regardé à Aix-en-Provence ou aux archives de Vincennes, ne suffisait pas. Il fallait aussi se diriger vers le vécu des différents acteurs. Comprendre l’histoire de cette histoire, pour tenter d’expliquer les mémoires de revanche, de ruminations, de nostalgies. 

Le Matin d’Algérie : Dans La Gangrène et l’oubli, vous décrivez un refoulement collectif autour de la guerre d’Algérie. Pensez-vous que ce silence s’est estompé au fil du temps, ou reste-t-il encore des non-dits dans la mémoire nationale ?

Benjamin Stora : Oui, la guerre d’Algérie a longtemps été refoulée dans l’espace public en France. En particulier par l’absence d’enseignement de cette histoire. Pendant trente ou quarante ans, cette mémoire ne s’exprimait que de manière « souterraine » par les récits personnels notamment, d’acteurs algériens ou français.

Par exemple, du côté algérien, je pense aux récits de Mohamed Lebjaoui, Vérités sur la révolution algérienne, paru en 1970, et qui décrivait l’assassinat d’Abane Ramdane par d’autres dirigeants du FLN ; aux Mémoires d’un combattant d’Hocine Ait Ahmed, paru en 1982,  ou aux Mémoires de Messali Hadj, que j’ai aidé pour la publication (Messali Hadj avait rédigé ses mémoires sur la naissance du nationalisme algérien, juste avant son décès en 1974, au moment, précisément où je commençais à travailler sur l’histoire d’Algérie).

Du côté français, dominaient alors les récits des partisans de l’Algérie française, comme les livres autobiographiques des généraux Salan, Massu, Challe, ou ils tentaient de justifier leur comportement. Le livre de Massu sur « la bataille d’Alger » a d’ailleurs été vivement réfuté par l’historien Pierre Vidal Naquet, en 1972.

Puis nous sommes sortis de ce silence « public » au début des années 2000, en particulier grâce aux enquêtes de journalistes, comme Florence Beaugé, qui, dans Le Monde, a publié des articles sur l’attitude de Le Pen et la pratique de la torture ; ou le rôle du général Aussaresses dans l’assassinat des dirigeants algériens comme Ali Boumendjel ou Larbi Ben M’hidi. Et puis, les travaux de jeunes universitaires sont arrivés en grand nombre, en particulier grâce à l’ouverture d’archives nouvelles. Je pense en particulier aux travaux de Raphaëlle Branche, Sylvie Thenaut, Linda Amiri, Tramor Quemeneur, Naima Yahi, Marie Chominot, Emmanuel Alcaraz, ou Lydia Ait Saadi. Du côté algérien, on pourrait citer les travaux de Hassan Remaoun, Omar Carlier, Fouad Soufi, Amar Mohand Amer, Tahar Khalfoune, et, bien sûr, les écrits de mon ami Abdelmadjid Merdaci, récemment décédé. J’en oublie sûrement…  Toute cette production n’a pas empêché les saignements autour de la mémoire algérienne, mais nous sommes enfin passé à une connaissance scientifique plus grande.  

Le Matin d’Algérie : Votre rapport remis à Emmanuel Macron a engendré des réactions contrastées. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur ces réactions ?

Benjamin Stora : Ce rapport, rédigé à la demande du président de la République française Emmanuel Macron, et remis en janvier 2021, devait traiter de la mémoire de la guerre d’Algérie, et les blessures mémorielles provoquées par cette histoire, en France.

On m’a expliqué à l’époque, qu’un rapport devait être fait du côté algérien, mais cela ne s’est jamais produit. J’ai été critiqué par une partie de la gauche française pour n’avoir pas publié un rapport de condamnation global du système colonial, et qu’il ne fallait pas procéder par application de reconnaissances particulières par l’état, sur des questions portant sur l’utilisation de la torture, ou l’assassinat de militants algériens. J’ai, surtout, était vivement attaqué par la droite et l’extrême-droite, ce sont les groupes les plus influents en France aujourd’hui, qui ne veulent pas toucher à « la mission civilisatrice de la France » dans les colonies. Dans leur langage, cela signifie qu’il ne faut pas de « repentance ».

Pour l’Algérie, à la différence de la Seconde Guerre mondiale et du régime de Vichy, il ne faut jamais « regarder dans le rétroviseur » comme l’a expliqué le ministre Retailleau. En dépit de toutes ces difficultés, à la suite de mes recommandations, la République française a reconnu officiellement les assassinats des militants Maurice Audin, d’Ali Boumendjel, et de Larbi Ben M’hidi ; une reconnaissance officielle également des massacres des travailleurs algériens le 17 octobre 1961 à Paris ; l’ouverture plus grande des archives de la guerre d’Algérie ; l’érection d’une statue de l’Emir Abdelkader à Amboise, la ville où il avait été retenu en captivité….

D’autres recommandations n’ont pas abouti, par exemple l’entrée de Gisèle Halimi au Panthéon, avocate des militants algériens, à la suite d’une pétition de filles harkis ; également, le nettoyage par la France des déchets atomiques laissés au Sahara. J’espérais poursuivre ces recommandations, notamment par la mise en place d’une commission mixte des historiens français et algériens en 2022.

L’objectif était, non pas d’écrire une histoire commune, mais de partager le savoir sur l’histoire coloniale, en commençant par la terrible conquête coloniale du XIXe siècle. Nous nous sommes réunis à quatre reprises, mais les aléas de la vie politique entre la France et l’Algérie sont venus percuter cette activité en 2024. J’espère que tous les acquis de reconnaissances obtenus à la suite de tout ce travail mémoriel ne seront pas remis en question dans l’avenir.

Le Matin d’Algérie : L’Arrivée revient sur votre jeunesse entre Constantine et Paris. Qu’est-ce qui vous a poussé à dévoiler cet aspect plus intime de votre parcours à ce moment précis ?

Benjamin Stora : En juin 1962, c’est le départ d’Algérie. Seuls les adultes débarquent en France avec dans leur mémoire les tombes des aïeux qu’ils ne reverront jamais plus, mais pas les enfants. J’ai onze ans en juin 1962.

Pour l’enfant que je suis, le voyage est excitant, prometteur d’aventures. Mes parents, eux, se demandent comment ils vont faire bouillir la marmite. Et la France, qu’ils ne connaissent pas, est bien peu accueillante. L’arrivée – De Constantine à Paris est plus qu’un livre mémoriel, plutôt un « album-miroir ». Sur 240 pages, c’est tout un monde qui défile. De Gaulle, les Trente Glorieuses, Mai 68, une décennie à peine mais si riche en événement. Ce monde qui défile, le lecteur peut l’effeuiller page après page à travers le prisme d’un gosse de Constantine, devenu chercheur de la question algérienne, après avoir été un trotskyste membre de l’Alliance des Jeunes pour le Socialisme. Cet engagement à gauche a été celui de beaucoup de jeunes de ma génération.

J’ai donc raconté les heurs et malheurs de ces sixties mais aussi mes parents, déclassés après l’exode et vivant dans un HLM de Sartrouville. Je découvre la condition ouvrière par ma mère qui travaille comme OS à l’usine Peugeot, et qui maintient à la maison la tradition juive constantinoise, par le biais de plats cuisinés qui correspondent aux nombreuses fêtes religieuses. J’ai donc opéré une sorte de travelling arrière en revisitant surtout le regard de mes parents, mais il me faudra plusieurs années encore avant de comprendre le poids du déracinement, la brûlure de leur arrachement. 

Le Matin d’Algérie : Quels leviers pourraient permettre une réconciliation durable des mémoires franco-algériennes ? Le travail des historiens suffit-il ou d’autres initiatives sont-elles nécessaires pour combler les fractures du passé ?

Benjamin Stora : Je ne peux que répondre sur le plan des actes mémoriels, qu’il faut poursuivre. Mais avec la montée en puissance d’un courant néo-nationaliste en France qui s’appuie sur la nostalgie de l’Empire perdu, ce travail est difficile. Notamment sur le plan médiatique où se développe une stigmatisation de la population d’origine algérienne. Avec la circulation de stéréotypes très négatifs. Je crois qu’il faut mettre en valeur les apports de cette immigration à l’histoire de France. D’autres initiatives peuvent être prises, notamment sur les échanges culturels entre universités. Mais pour l’heure, je ne vois pas comment cette crise peut se dénouer sur le plan politique entre les deux Etats.

Le Matin d’Algérie : L’historien Omer Bartov, spécialiste de l’Holocauste, affirme que le gouvernement Netanyahu est passé de l’intention à la mise en œuvre d’actes génocidaires. Il considère que les pays fournissant des armes à Israël se rendent complices de ces actes. Comment interprêtez-vous le silence de nombreux historiens à ce sujet ?

Benjamin Stora : Je me suis très vite élevé contre le massacre en cours à Gaza, et me suis auparavant prononcé contre les massacres de civils israéliens le 7 octobre 2023. Ce que nous vivons en ce moment, les déplacements et l’écrasement d’une population civile palestinienne est très grave et relèvent d’actes génocidaires qu’il faut dénoncer. Dans le même temps, doit s’affirmer au plan politique la création d’un Etat palestinien. Je reste attaché à la solution des deux Etats, position que j’ai toujours défendu depuis une quarantaine d’années.

Le Matin d’Algérie : Quel regard portez-vous sur l’Algérie d’aujourd’hui ?

Benjamin Stora : Il faut, à mon sens, passer dans Algérie actuelle de la recherche de légitimité par le recours à l’histoire-guerre, à l’établissement d’une culture démocratique.

Le recours à l’histoire est nécessaire pour comprendre la séparation avec le système colonial, mais cela ne doit pas consister à s’enfermer dans une culture issue de la guerre. 

Au contraire, à comprendre la pluralité des sensibilités autour de l’histoire longue du nationalisme algérien. C’est pour cela que j’ai publié les biographies de Ferhat Abbas en 1994 et de Messali Hadj (réédité en 2005), qui montrent les chemins différents pouvant parvenir à un même objectif : aller vers plus de citoyenneté, de liberté, et d’indépendance.

Il existe un fossé entre l’accumulation du savoir académique et universitaire, et sa transmission, sa diffusion dans le grand public. Autour de la question d’histoires de la guerre, circulent énormément d’idées reçues, des préjugés négatifs et des stéréotypes sur la primauté de la lutte armée au détriment du facteur politique. 

Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?

Benjamin Stora : J’ai beaucoup travaillé sur l’histoire sensible, la mémoire, avec également toute une recherche iconographique, que j’ai exposé dans mon dernier livre : Un historien face au torrent des images (Ed de L’Archipel, 2025). Le documentaire, Les années algériennes, trois heures sur la guerre d’Algérie, à partir de la mémoire de ses acteurs a été diffusé en 1991. Avec L’indépendance aux deux visages, diffusé en 2002, j’ai réalisé des entretiens avec dix grands acteurs de la révolution algérienne, de Hocine Ait Ahmed à Youcef Khatib, en passant par Salah Goudjil ou Abderrazak Bouhara. La fabrication des images et leur interprétation a été une source importante. Les images, donc, mais aussi les paysages, à la fois ruraux et urbains.

Sur le thème des voyages, des paysages, voir leurs transformations dans l’histoire est un projet que j’aimerai mener à bien. C’est tout le sens de mon travail sur L’Algérie vue du ciel avec Yann Arthus Bertrand, le documentaire et le film diffusé en 2005. Je reste marqué par mon expérience vietnamienne. Le Vietnam c’est l’Indochine, et on ne peut pas travailler sur la guerre d’Algérie sans connaître l’histoire de l’Indochine.

Quand je suis arrivé au Vietnam en 1995 – ce fut aussi le cas au Maroc en 1998 – mes promenades à travers les villes ont été fondamentales. Elles me permettaient de saisir l’histoire sensible, de voir comment elle s’incarnait. Au Vietnam, je suis évidemment allé à Diên Biên Phu, lieu de la défaite militaire française en mai 1954. Et ce qui m’a sauté aux yeux, c’est que l’image que je m’en faisais ne correspondait pas à la réalité. J’imaginais une « cuvette », les montagnes et les soldats français qui se sont faits encerclés. En fait, Diên Biên Phu, c’est une grande plaine, et les montagnes sont loin. Une idée reçue sautait tout d’un coup.

Les officiers français n’avaient pas prévu que les Vietnamiens allaient réussir à installer des canons très puissants sur ces montagnes si lointaines, si hautes, et « arroser » la plaine de leur artillerie. Voir le paysage exact change la perception. C’est pour cela qu’il est important d’aller dans les villes, de circuler dans les campagnes, d’observer les paysages, c’est également une de mes sources ; le voyage fabrique aussi des imaginaires, contredit des stéréotypes, des fantasmes. Voilà un projet sur les voyages et l’écriture de l’histoire.

Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?

Benjamin Stora : J’ai réalisé beaucoup de travaux et d’ouvrages sur l’Algérie. Non parce que mon activité de recherches était simplement ce pays, mais surtout par volonté de comprendre la guerre et l’exil. Que cela se passe en Algérie, je n’en disconviens pas, mais ce qui m’a obsédé, mes grandes thématiques, ce sont les chagrins et les bouleversements causés par la guerre, le déracinement et l’exil.

J’ai aussi vécu en exil pendant de nombreuses années et au sujet desquels j’ai écrit deux livres : Voyage en postcolonies et Imaginaires de guerre. Il est vrai que, fondamentalement, je me suis enraciné dans l’histoire intérieure algérienne, mais avec une portée beaucoup plus large, j’allais presque dire universelle. Les thèmes très généraux dont je traite, la mémoire de la violence, du bouleversement né de la guerre sont liés, et on peut les examiner en rapport à différents pays. Il se trouve que l’Algérie et son histoire ont concentré en moi tous ces phénomènes de séparation, de violence, et d’exil. Mais aussi de bonheurs de mon enfance.

Entretien réalisé par Brahim Saci

https://benjaminstora.univ-paris13.fr

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France : Bruno Retailleau s’impose face à Laurent Wauquiez pour la présidence de LR

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Bruno Retailleau
Retailleau prend le contrôle du parti Les Républicains

À l’issue du scrutin de ce dimanche 18 mai, Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, s’est largement imposé face à Laurent Wauquiez, député de Haute-Loire, avec 74,3% des voix contre 25,7%, pour la présidence du parti Les Républicains (LR).

C’est la droite dure qui prend le contrôle du parti Les Républicains (LR) désormais. Un peu plus de 80 % des quelque 120 000 adhérents du parti Les Républicains ont désigné ce 18 mai entre Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez celui qui va prendre le poste vacant depuis que l’ancien président du parti, Éric Ciotti, a choisi il y a près d’un an de s’allier au parti d’extrême droite, le Rassemblement national, pour les législatives anticipées qui ont suivi la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024.

C’est donc l’actuel ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau que les militants ont choisi pour prendre la tête du parti avec 47,3 % des voix contre 25,7 % pour Laurent Wauquiez, a annoncé Annie Genevard, ministre de l’Agriculture et secrétaire générale du parti Les Républicains, à l’issue d’un vote électronique organisé sur deux jours. LR a engrangé beaucoup de nouvelles adhésions à l’occasion de cette campagne.

Le parti a réussi à multiplier par trois le nombre de ses adhérents à jour de cotisation, passé en quelques semaines de 43 000 à plus de 120 000. Ce sont donc près de 100 000 votants qui se sont exprimés pour l’élection du président du parti et plus de 72 000 ont porté leurs voix sur Bruno Retailleau. Ce qui veut donc dire que ces nouveaux adhérents sont venus pour voter pour le ministre de l’Intérieur.

Après ce large succès du ministre face au chef des députés LR, « une nouvelle page s’ouvre pour les Républicains » et « l’unité est plus que jamais nécessaire », a souligné Annie Genevard lors de l’annonce des résultats au siège du parti. Cette victoire donne à Bruno Retailleau un argument de poids pour se lancer dans la course à l’Élysée à droite.

Laurent Wauquiez a reconnu sa défaite et a appelé à la droite « à ne pas se diluer dans le macronisme. »

Bruno Retailleau, le favori

La campagne pour la présidence du parti de droite a vu les deux hommes rivaliser de formules chocs sur des thèmes comme l’immigration et la sécurité pour prendre la tête du parti. Depuis son entrée au ministère de l’Intérieur en septembre, Bruno Retailleau, sénateur vendéen de 64 ans, a profité d’une notoriété qui lui valait d’être considéré comme favori, même si le chantre du « retour de l’ordre » était attaqué sur son manque de résultats et sa proximité avec le camp présidentiel.

Patron du groupe parlementaire Droite républicaine après avoir présidé pendant huit ans la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, 50 ans, jouait quant à lui la carte de l’indépendance vis-à-vis du gouvernement dont il a critiqué les projets économiques, sur la fiscalité notamment.

Celui qui avait dirigé sa famille politique de 2017 à 2019 a émaillé sa campagne de propositions radicales telles que l’installation à Saint-Pierre-et-Miquelon d’un centre de rétention pour étrangers ayant reçu obligation de quitter le territoire français (OQTF) et la limitation à deux ans de l’accès au Revenu de solidarité active (RSA).

Les Républicains, ex-UMP – parti de l’ancien président Nicolas Sarkozy (2007-2012) – a longtemps été le principal parti de droite en France. Affaibli par la victoire d’Emmanuel Macron en 2017, qui s’est positionné au centre-droit, le groupe Droite républicaine, composé majoritairement de LR, n’a obtenu que 47 députés sur 577 aux dernières législatives. En grande difficulté lors des dernières échéances électorales, le parti est un peu revigoré par cette dernière campagne.

Avec RFI

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Navires algériens bloqués à l’étranger : le ministre Sayoud lève le mystère… mais ne dit pas tout

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Navires

Pendant des années, le silence a prévalu sur le sort de plusieurs navires algériens mystérieusement immobilisés dans des ports étrangers. Aujourd’hui, le ministre des Transports, Saïd Sayoud, commence à lever le voile sur ce dossier épineux, sans pour autant en révéler tous les tenants et aboutissants.

C’est à l’occasion d’une rencontre avec les exportateurs, organisée par le ministère du Commerce extérieur, que le ministre a annoncé le rapatriement imminent de deux navires bloqués à l’étranger. L’un se trouve au port d’Anvers, en Belgique, l’autre à Istanbul. Tous deux devraient regagner l’Algérie « dans les prochains jours » et être rapidement remis en service. Mais cette annonce, bien qu’attendue, suscite plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.

Des blocages longtemps inexpliqués

Officiellement, les navires ont été retenus pour des « raisons administratives » ou de « maintenance ». Des justifications floues, peu convaincantes pour les observateurs du secteur. Car comment expliquer que des navires appartenant à la flotte nationale soient restés bloqués des mois, voire des années, à l’étranger sans réaction apparente des autorités compétentes ?

Le ministre a révélé un fait troublant : trois navires, engagés dans un partenariat avec un armateur étranger, ont tout simplement été détournés par ce dernier. Une situation inédite et inquiétante, révélatrice d’un manque criant de contrôle et de suivi. Sayoud affirme que son ministère a réussi à négocier un accord pour que ces navires continuent d’opérer tout en garantissant des bénéfices à l’Algérie, leur propriétaire. Mais là encore, peu de détails sont fournis sur les termes de cet arrangement.

Une opération de sauvetage tardive

Cinq autres navires, également en difficulté à l’étranger, sont en cours de rapatriement selon le ministre. L’initiative, saluée par les opérateurs économiques, survient à un moment où l’économie algérienne affiche une volonté de se tourner vers l’exportation. Une ambition qui nécessite une logistique maritime solide — absente jusqu’ici.

Pour pallier les insuffisances, Sayoud évoque l’affrètement de nouveaux navires et l’ouverture de lignes vers l’Afrique de l’Ouest, le sud de l’Europe, et même les pays du Golfe. Mais il admet lui-même un obstacle majeur : le manque de compétitivité de la Compagnie nationale algérienne de navigation (CNAN) face aux armateurs européens.

Un aveu de faiblesse logistique

Un témoignage d’opérateur économique cité par le ministre illustre crûment la réalité du terrain : il est aujourd’hui plus rentable d’expédier des marchandises vers l’Afrique via un armateur européen passant par l’Espagne que par les voies algériennes. Un constat qui souligne l’urgence de réformer en profondeur la gestion du secteur maritime national.

Le passage des ports algériens à un fonctionnement  24h/24, voulu par le président Tebboune, est présenté comme un premier pas vers plus d’efficacité. Sayoud s’est dit « satisfait » des résultats initiaux, tout en reconnaissant que « beaucoup reste à faire ».

Et le transport aérien ?

Autre angle abordé : le fret aérien. Air Algérie ne dispose actuellement que d’un seul avion cargo, peu sollicité selon Sayoud. Il se dit néanmoins ouvert à l’achat d’un second appareil si la demande augmente, et envisage l’ouverture de bases cargo dans plusieurs aéroports régionaux, à commencer par celui de Tlemcen.

Un dossier encore flou

En dépit des déclarations du ministre, le dossier des navires bloqués conserve une part de mystère. Comment ces immobilisations ont-elles pu perdurer aussi longtemps ? Qui porte la responsabilité de ces errements ? Et surtout, quelles garanties pour éviter que cela ne se reproduise ?

Autant de questions qui restent, pour l’instant, sans réponse.

Samia Naït Iqbal

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Niger : prochain rapatriement de migrants expulsés d’Algérie

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Migrants Niger

Le Niger va appuyer l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour rapatrier plus de 4.000 migrants vers leurs pays d’origine d’ici le mois de juillet. L’annonce a été faite par le gouverneur de la région d’Agadez, pour éviter « un désastre humanitaire ».

Les expulsions par l’Algérie de migrants de différentes nationalités vers le nord du Niger sont fréquentes, mais un pic a été constaté par Niamey le mois dernier. Il s’agit d’« une vague de refoulement sans précédent », selon les propos du général Ibrah Boulama Issa sur la télévision publique.

Plus de 1 100 personnes en situation irrégulière ont été expulsées dans le désert par les autorités algériennes le 19 avril. Elles ont alors marché jusqu’à la frontière au Niger, pays de transit pour des milliers de migrants qui se rendent en Libye et en Algérie pour rejoindre l’Europe. C’était la première fois qu’autant de migrants étaient expulsés d’Algérie en une seule fois.

Fin avril, en visite dans le sud du pays, le président algérien Abdelmadjid Tebboune s’est dit ouvert à la légalisation des travailleurs sans papier, une première pour un dirigeant algérien, alors même que nombre de migrants sont régulièrement et brutalement reconduits à la frontière, rapportait Le Monde.

La police de la localité d’Assamaka, à la frontière algérienne, a dénombré plus de 6.000 refoulés en avril, contre un peu plus de 7.000 pour tout le premier trimestre de l’année. Conséquence : une surpopulation des centres d’hébergement et des conditions de vie très difficiles pour les personnes refoulées.

« Le gouvernement a pris le dossier à bras le corps, nous explique Azizou Chehou, coordinateur de l’ONG Alarmphone Sahara, joint par Magali Lagrange de la rédaction Afrique. C’est la deuxième mission officielle qui se déplace pour voir de visu ce qui se passe à Assamaka… une petite bourgade avec des températures de 47 – 48° où les migrants sont sans abri, les centres de transit étant débordés… la situation est insoutenable ». Il faut qu’il y ait des discussions entre les pays concernés pour régler la situation souligne Azizou Chehou qui se félicite de l’initiative du gouverneur de la région d’Agadez.

RFI

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Kamel Louafi : « Le paysage est une mémoire vivante, pas un décor à effacer »

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Kamel Louafi, paysagiste.
Kamel Louafi, un paysagiste inspiré par le vivant.

Il est l’un des paysagistes les plus reconnus à l’international, mais c’est à Batna, en Algérie, que tout a commencé. Kamel Louafi a tracé son chemin à travers les continents, les jardins, les mémoires et les cultures.

De Berlin à Abou Dabi, en passant par Hanovre, il n’a cessé de bâtir des ponts entre esthétique, durabilité et patrimoine. À travers cet entretien exclusif accordé au Matin d’Algérie, il revient sur son parcours hors du commun, ses inspirations profondes, et sa vision engagée pour des villes algériennes plus vertes, plus humaines, et plus fidèles à leur histoire. Un regard lucide, généreux et poétique sur l’avenir du paysage.

Le Matin d’Algérie : Vous êtes né à Batna et avez travaillé sur plusieurs continents. En quoi votre parcours personnel a-t-il influencé votre vision du paysage ?

Kamel Louafi : Avant de devenir paysagiste, j’ai effectué de nombreux voyages marquants. Je me souviens notamment d’un long trajet en train de Batna à Berlin-Ouest, à travers la Tunisie, l’Italie, la Suisse, l’Allemagne de l’Est… J’ai aussi fait du stop autour de la Méditerranée, traversé l’Espagne, exploré l’île de Grande-Bretagne avec des amis, et voyagé dans le Sahara algérien dans les années 1975. Ces expériences ont profondément influencé ma manière d’observer les paysages et leur diversité. Plus tard, avec des amis allemands de Berlin, nous avons fait un voyage mémorable jusqu’à Lomé.

Le Matin d’Algérie : Quelles ont été vos premières sources d’inspiration en tant que paysagiste ?

Kamel Louafi : L’Alhambra en Andalousie. Ce lieu est pour moi une source d’inspiration inépuisable.

Le Matin d’Algérie : Comment définissez-vous un paysage durable et résilient ?

Kamel Louafi : Il doit être diversifié et adapté au lieu dans lequel il se trouve.

Le Matin d’Algérie : Quelle place la culture et la mémoire des lieux occupent-elles dans vos projets ?

Kamel Louafi : Cela dépend du projet. Pour un jardin privé ou un petit espace d’agrément, l’essentiel est de créer une harmonie, un lieu où l’on se sent bien. Mais lorsqu’il s’agit de lieux publics, il est possible d’exprimer des dimensions sociales ou politiques, de faire revivre le patrimoine et la mémoire du lieu.

Le Matin d’Algérie : Vous parlez souvent de « revitalisation des surfaces urbaines dégradées ». Quelles approches privilégiez-vous concrètement ?

Kamel Louafi : Je tiens à transmettre aux jeunes étudiants qu’il ne faut pas tout raser quand on commence un projet de paysage. Il faut intégrer les éléments existants, surtout lorsqu’il s’agit de végétation ancienne.

Le Matin d’Algérie : Parmi vos projets internationaux, lequel vous a le plus marqué, et pourquoi ?

Kamel Louafi : Les jardins de l’exposition universelle de Hanovre et le jardin islamique de Berlin.

Le Matin d’Algérie : Que représente pour vous la création du jardin islamique oriental à Berlin ?

Kamel Louafi : C’est un projet à la fois artistique et symbolique. Je viens de terminer un livre intitulé Jardin islamique oriental de Berlin – Le voyage de la culture mauresque à Berlin. Vous en recevrez un exemplaire cet été.

Le Matin d’Algérie : Comment avez-vous abordé l’aménagement des jardins de la mosquée Cheikh Zayed à Abou Dabi ?

Kamel Louafi : Dans le concours que j’ai gagné, j’ai proposé des espaces culturels forts. Dans la grande cour, j’ai reproduit au sol des motifs de tapis en pavés. Autour de la mosquée, j’ai conçu des espaces ombragés, essentiels dans ce contexte climatique.

Le Matin d’Algérie : Quelles sont, selon vous, les priorités actuelles pour repenser les espaces verts dans les villes algériennes ?

Kamel Louafi : En Algérie, il est impératif que les espaces verts soient obligatoires à côté de toute nouvelle construction.

Le Matin d’Algérie : Comment intégrer efficacement la trame verte dans des villes en pleine transformation ou densification ?

Kamel Louafi : Il y a mille façons d’intégrer les espaces verts. Le plus important est d’avoir une réglementation stricte, qui oblige les projets – publics comme privés – à intégrer une part de végétal véritable, et non simplement du minéral.

Le Matin d’Algérie : Vous avez encadré de nombreux étudiants à l’international. Quelles valeurs souhaitez-vous transmettre ?

Kamel Louafi : Je souhaite leur donner la liberté de créer leur propre vision, mais aussi leur faire comprendre l’importance de l’espace extérieur et du végétal. Leur travail doit avoir du sens et s’inscrire dans une relation sensible avec l’environnement.

Le Matin d’Algérie : Vous avez reçu plusieurs distinctions, dont la Croix fédérale du Mérite en 2023. Que représentent-elles pour vous ?

Kamel Louafi : C’est une reconnaissance du travail accompli. Et j’en suis très heureux.

Le Matin d’Algérie : Que représente pour vous cette rencontre internationale à Sétif, et quel message aimeriez-vous transmettre ?

Kamel Louafi : Malheureusement, je n’ai pas pu y assister sur place car je suis tombé malade. Nous avons néanmoins organisé une réunion via Zoom. J’ai trouvé cette initiative très courageuse. Je l’ai dit clairement : Mme Assia Omrani a fait preuve d’un immense courage en mettant en avant ce thème essentiel.

À propos de Kamel Louafi

Né à Batna, Kamel Louafi est un paysagiste de renommée internationale. Formé à Berlin, il a signé des projets majeurs à Hanovre, Berlin, Abou Dabi et au-delà. Curateur à la galerie AEDES depuis 2000 et membre du Centre d’art des jardins de Hanovre depuis 2017, il enseigne dans plusieurs universités en Europe et en Algérie. Il est également l’auteur de nombreux ouvrages sur le paysage et les jardins.

Propos recueillis par Djamal Guettala

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Les Prix Comar 2025 célèbrent l’excellence littéraire tunisienne

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Prix Comar

La littérature tunisienne a été à l’honneur samedi 17 mai lors de la 29e cérémonie des Prix Comar du roman tunisien, tenue au prestigieux Théâtre municipal de Tunis. Organisé par Comar Assurances, cet événement annuel incontournable a récompensé les œuvres les plus marquantes de l’année, en langues française et arabe.

Dans une ambiance raffinée et chaleureuse, rythmée par les prestations musicales de Rana Zarrouk, Mohamed Ben Salah et Olfa Ben Romdhane, les lauréats de l’édition 2025 ont été dévoilés devant un parterre d’écrivains, d’éditeurs, de journalistes et d’amoureux des lettres.

Coup de projecteur sur les lauréats

En langue française, le Prix Comar d’Or a été attribué à » Écris, tu seras aimé des dieux: de Mahdi Hizaoui (Éditions Arabesques), une œuvre saluée pour sa profondeur psychologique et son style maîtrisé. Le Prix spécial du Jury est revenu à Abdellatif Mrabet pour Le vert et le bleu (Éditions Contrastes), tandis que Houda Mejdoub a décroché le Prix Découverte pour Écoute-moi ma fille (Éditions Arabesques), un premier roman prometteur.

Du côté des romans en langue arabe, le Prix Comar d’Or a été décerné à Chafiq Targui pour À qui offres-tu tes fleurs, ô Makram ? (Liman Tajmaa Wardak aya Makram, Éditions Mayara). Le Prix spécial du Jury est allé à Sofiane Rejeb pour Les Compagnons de la huppe (Ashab Al-Hodhod, Éditions Meskiliani), et le Prix Découverte a été remporté par Balkis Khalifa pour Une fenêtre sur le soleil (Nafidha Ala Chams, Éditions Mayara).

Une reconnaissance de la création littéraire

Les jurys, présidés respectivement par le journaliste Ridha Kéfi (pour la langue française) et l’universitaire Fethi Nasri (pour la langue arabe), étaient également composés de plusieurs personnalités issues du monde des médias, de la culture et de l’université, qui ont salué la qualité et la diversité des œuvres en compétition.

Au-delà de la distinction symbolique, les lauréats ont reçu des récompenses financières allant de 2 500 à 10 000 dinars, reflet de l’engagement de Comar Assurances pour la promotion de la culture et de la lecture en Tunisie.

Ces prix viennent non seulement reconnaître des talents établis, mais aussi mettre en lumière de nouvelles voix littéraires, contribuant à dynamiser la scène littéraire nationale.

Un rendez-vous littéraire attendu

Chaque année, les Prix Comar rassemblent les passionnés de littérature autour d’une célébration qui souligne la richesse et la diversité de la production littéraire tunisienne. L’édition 2025 s’inscrit dans cette tradition d’excellence, renforçant le rayonnement culturel de la Tunisie au sein du monde francophone et arabophone.

Djamal Guettala

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Réformer la Ligue arabe, pas l’Algérie : Tebboune ou l’art de l’hôpital qui se moque de la charité !

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Tebboune
Tebboune ou l'art de cultiver la contradiction.

Par une nouvelle sortie diplomatique, le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune a adressé, samedi 17 mai, un message aux leaders des pays arabes à l’occasion de l’ouverture de la 34e session ordinaire du Sommet arabe, tenue à Bagdad.

En Algérie, la vérité est battue en mousse ! Et nos dirigeants n’ont pas froid aux yeux dans la l’art de la palinodie.

Dans cette lettre, lue par le ministre des Affaires étrangères Ahmed Attaf, le chef de l’État algérien a appelé à des « réformes radicales » de la Ligue arabe, pour l’adapter aux mutations régionales et internationales du moment. Epatant ! Radical donc, rien que ça !

Ce message a été largement relayé, avec emphase, par la majorité des titres de la presse algérienne et les télégraphistes du pouvoir. Et comme il sied aux mœurs en vigueur, cette couverture médiatique s’est faite sans le moindre recul critique ni la moindre mise en perspective avec la situation politique du pays. Or, ce discours illustre à lui seul le paradoxe — voire le cynisme — d’un chef d’État qui appelle les autres à entreprendre des réformes qu’il s’évertue à empêcher, voire à tuer chez lui. N’a-t-il pas détourner les revendications du Hirak pour les vider de leur sens ?

Le paradoxe d’un pouvoir autoritaire en quête de réformes ailleurs

Ce discours, qui se veut lucide et ambitieux, s’inscrit dans une analyse géopolitique préoccupante. Le président Tebboune alerte : « Nous sommes confrontés à un nouveau climat international (…) marqué par la tendance à l’effacement des fondements du système contemporain des relations internationales et à la consécration de la logique de la force ». Il ajoute : « Nous sommes effectivement confrontés à une étape critique et décisive (…) où nous n’aurons pas notre mot à dire si nous ne reconsidérons pas les règles, les principes et les aspirations qui nous unissent ».

Mais cette posture, bien que justifiée sur le plan régional, entre en contradiction criante avec la politique intérieure menée par le même président. Depuis son arrivée au pouvoir, Abdelmadjid Tebboune a systématiquement fermé les « marges de réforme » en Algérie. Le Hirak, porteur d’une aspiration profonde à la refondation démocratique, a été réprimé. Les voix dissidentes sont poursuivies ou réduites au silence, les médias indépendants étouffés, et les institutions verrouillées.

Réformer la Ligue arabe : un miroir commode

Le chef de l’État algérien reconnaît pourtant que la Ligue arabe est une structure vieillissante, « fondée à une époque différente de la nôtre », et qu’il est impératif de « l’adapter aux nouveaux défis, aux évolutions rapides et aux enjeux inédits de notre époque ».

Cette critique de l’inadéquation de l’organisation à la réalité actuelle est recevable. Mais elle sonne creux lorsque celui qui la formule refuse toute adaptation du système politique national aux réalités algériennes contemporaines.

En dénonçant l’immobilisme de la Ligue arabe, Abdelmadjid Tebboune semble projeter à l’extérieur ce qu’il refuse de voir en Algérie : un besoin urgent de refondation. Le discours devient alors un outil commode, détournant l’attention de l’impasse politique intérieure pour mieux se donner un vernis de leadership réformateur à l’échelle régionale.

La réforme commence chez soi

Il est évident que la Ligue arabe a besoin de se réinventer. Voire de se saborder ! Mais la crédibilité d’un tel appel dépend d’abord de la capacité de chaque État membre à incarner, en interne, les principes qu’il souhaite promouvoir.

Comment convaincre de la nécessité d’une réforme institutionnelle collective quand la scène nationale algérienne reste marquée par l’autoritarisme, la manipulation, l’opacité la plus absurde et la fermeture ?

L’Algérie pourrait effectivement jouer un rôle moteur dans le monde arabe, mais ce leadership ne pourra émerger que d’une volonté sincère de réforme nationale : ouverture politique, respect des libertés, dialogue social, et construction d’institutions démocratiques. En l’état, la parole de Tebboune à Bagdad reste un exercice de rhétorique plus qu’un projet politique crédible.

Les peuples de ce syndicat de chefs d’Etat et de monarchies, tout comme les citoyens algériens, ne se contentent plus de déclarations solennelles : ils attendent des actes. Et ces actes, pour être légitimes, doivent commencer chez soi.

La rédaction

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Sommet de la Ligue arabe, entre condamnations de la guerre à Gaza et promesses

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Sommet de la Ligue arabe

L’Irak a accueilli, samedi 17 mai, le sommet de la Ligue arabe pour la quatrième fois de son histoire dans un contexte de tensions multiples et soutenues. Le sommet arabe a appelé à financer un plan arabe de reconstruction de la bande de Gaza, dévastée par la guerre menée par Israël contre le Hamas. Mais de rien probant pour autant.

Autant oublier ce énième sommet qui s’avère être un abysse pour la Ligue arabe. Pendant que la population de Gaza se fait exterminer sous les bombardements, les pays dits de la Ligue continuent de couper les cheveux en quatre. Aucun pays membre des Accords d’Abraham n’a annoncé son retrait sérieux et concret pour faire pression sur Israël par exemple.

Les bombardements se poursuivent sur la bande de Gaza, l’armée israélienne occupe toujours le sud du Liban et mène des opérations sur le territoire syrien, le Yémen, le Soudan et la Libye sont toujours en proie à des conflits internes, l’avenir de la Syrie peine à se dessiner, voire incertain. Voilà le contexte dans lequel le sommet de la Ligue arabe s’est ouvert en Irak, hier samedi, rapporte la correspondante de Rfi à Bagdad.

L’hypocrisie des potentats et princes arabes a continué dans les palais de Bagdad.

Dès l’ouverture, le Premier ministre irakien a évoqué les images des enfants gazaouis souffrant de la faim, donnant le ton aux États membres. Unanimement, ils ont condamné les bombardements sur la bande de Gaza, les déplacements systématiques de la population palestinienne, et appelé à un cessez-le-feu immédiat et permanent. Un énième appel qui sera vite oublié. Comme tous les autres depuis un an.

Dans son communiqué de clôture, le sommet arabe « exhorte les pays, les institutions financières internationales et régionales, à rapidement fournir le soutien financier nécessaire » à un plan arabe présenté pour la reconstruction de Gaza présenté comme une alternative à la proposition largement condamnée du président américain Donald Trump qui avait dit vouloir prendre le contrôle du territoire.

La réunion s’est déroulée plus de deux mois après un sommet au Caire durant lequel les dirigeants arabes avaient adopté un plan pour la reconstruction de la bande de Gaza qui doit mettre à l’écart le Hamas, présenté comme une alternative au projet de Donald Trump de placer le territoire sous contrôle américain. Donc là aussi, les participants ont ressorti l’antienne du plan de reconstruction…

Le sommet a également réclamé plus de pressions internationales pour « pour stopper l’effusion de sang » dans la bande de Gaza palestinienne, où Israël a annoncé une intensification de son offensive. « Nous exhortons la communauté internationale, en particulier les pays qui peuvent influer [sur la situation, NDLR], à assumer leurs responsabilités morale et juridique pour faire pression, stopper l’effusion de sang et garantir l’entrée des aides humanitaires urgentes » dans le territoire palestinien assiégé, selon le communiqué de clôture.

Une aide financière pour Gaza et une coopération renforcée entre les pays membres

L’Irak a annoncé un don à venir de 40 millions de dollars pour reconstruire Gaza et le Liban, en parallèle du lancement de 18 initiatives pour accentuer la coopération économique, stratégique et sécuritaire entre les États membres.

L’une de ces initiatives viseraient à la création, sous l’égide de la Ligue arabe, d’un fonds pour le redressement et la reconstruction des territoires après des crises ou des conflits. Cette proposition avait déjà été faite par le président libanais en 2013, mais n’avait pas été suivie d’effet. Pour autant, aucune promesse de milliards, des richissimes monarchies du Golfe plus encline à mettre leurs milliards aux Etats-Unis…

La bande de Gaza attendra et pour son Etat, le peuple palestinien devra se passer de la Ligue arabe manifestement.

Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, présent pour l’occasion, a exigé la fin du blocus israélien qui empêche depuis deux mois l’entrée de l’aide humanitaire.

« Je suis alarmé par les projets annoncés par Israël d’étendre ses opérations terrestres à Gaza », a écrit Guterres sur son compte X, tout en ajoutant : « Et je rejette les déplacements répétés de population – ainsi que toute question de déplacement forcé en dehors de Gaza ».

Le conseil de Sanchez

Quant au Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, invité exceptionnel, il a appelé les pays arabes à suivre l’exemple de l’Espagne en reconnaissant à leur tour l’État palestinien.

Le cas Ahmed al-Charaa dérange

Parmi les grands absents de ce sommet figure Ahmed al-Charaa, le président syrien par intérim, dont l’invitation a divisé l’Irak. L’ancien jihadiste y avait a été emprisonné pendant plusieurs années pour ses liens avec al-Qaïda.

Parmi la population, la colère était palpable à l’annonce de l’invitation. C’était le cas chez Intisar Hachem, dont le témoignage a été recueilli par la correspondante à Badgad de Rfi, Marie-Charlotte Roupie : « On était surpris, honnêtement, parce qu’on connaît cet homme comme un terroriste, il a été emprisonné à la prison de Bokka en Irak, et il était membre du front al-Nosra ». 

Cette professeure d’université a perdu deux de ses frères dans des attentats terroristes à Bagdad et, comme beaucoup, elle refuse d’oublier les liens passés du président syrien par intérim avec al-Qaïda. Il a annoncé qu’il ne se rendrait finalement pas en Irak, mais la colère d’Intisar vaut pour tous les représentants de la Syrie qui seront présents au sommet de la Ligue arabe. « C’est une humiliation pour les victimes. Le gouvernement syrien n’est pas le bienvenu », lâche-t-elle.

Un discours que l’on entend aussi de la part de certains acteurs politiques. Anciens alliés de Bachar el-Assad, soutenu par Téhéran, plusieurs partis chiites se sont opposés au Premier ministre irakien sur la question de la venue d’al-Charaa. Mais pour Saif el-Saadi, chercheur en sciences politiques, le gouvernement se montre juste pragmatique.

« L’Irak veut des relations équilibrées avec la Syrie parce que toute division en Syrie aura des conséquences sur la sécurité nationale irakienne, étant donné que l’Irak partage une frontière de plus de 618 km avec la Syrie, explique-t-il. Et il serait également possible d’activer les ports de Baniyas et Tartous et d’étendre l’oléoduc irakien jusqu’à la mer Méditerranée pour exporter vers d’autres pays. »

La rédaction avec Rfi

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Algérie : l’histoire confisquée, la mémoire fracturée

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Mohcine Belabbas

Je suis fils d’Annaba. Je suis fils d’Augustin. »

En prononçant ces mots depuis la tribune la plus solennelle du Vatican, le pape Léon XIV n’évoquait pas seulement ses racines. Il tendait à l’Algérie un miroir. Un miroir que, fidèle à une habitude désormais bien ancrée, notre pouvoir s’est empressé de détourner.

Ce nom — Augustin —, ce lieu — Annaba —, font pourtant partie intégrante de notre histoire. Mais le silence officiel qui a suivi en dit long : le passé, lorsqu’il échappe à l’encadrement idéologique, dérange.

À cette interpellation symbolique a répondu, en négatif, la polémique suscitée par les propos de Mohamed Lamine Belghit, figure de la scène intellectuelle, qui a récemment nié certaines dimensions de notre héritage. Ce geste n’est pas anodin. Il réactive une blessure plus ancienne : celle d’un récit national construit dans l’exclusion et la crainte du multiple.

Depuis 1962, l’histoire nationale a été mise au service d’un récit unique, destiné à légitimer un pouvoir issu de la guerre de Libération. Cette guerre, fondatrice et héroïque, a été érigée en origine absolue. Tout ce qui la précède a été marginalisé, parfois effacé.

Le régime a façonné une lecture idéologique du passé, centrée sur un triptyque rigide : langue arabe, islam d’État, culte de Novembre. Résultat : une mémoire amputée, appauvrie, uniformisée.

Cette orientation a pu, dans l’immédiat après-indépendance, répondre à une nécessité de cohésion. Mais à long terme, elle a produit l’inverse : désaffiliation historique, fragmentation culturelle, crise identitaire. Une nation qui réduit son passé à un slogan devient étrangère à elle-même.

Massinissa, la Kahina, saint Augustin, les royaumes berbères, la Numidie, les cités d’Hippone et de Tipasa, les héritages andalou, ottoman, judaïque et chrétien : tout cela compose l’Algérie, autant que l’islam, la langue arabe, les zaouïas, Abd al-Rahman al-Tha‘alibî, Sidi Boumediene ou Cheikh al-Alawî.

Mais le pouvoir a choisi de trancher, de compartimenter, d’oublier. Il a agi comme si tout ce qui précède 1830, voire 1954, relevait de l’anomalie ou de l’étranger. C’est là une erreur historique et une faute politique. Car une nation ne se construit pas contre son passé, mais avec toutes ses strates.

Parmi les mémoires longtemps effacées figure celle, fondamentale, de l’amazighité. Elle constitue la couche la plus ancienne, la plus enracinée et la plus vivante de l’identité algérienne. De Massinissa à Jugurtha, de la Kahina à Fadhma N’Soumer, cette mémoire a traversé les siècles, résisté à toutes les dominations, et survécu à toutes les tentatives d’assimilation.

Tamazight, reconnue tardivement comme langue nationale puis officielle, demeure sous-financée, marginalisée, peu enseignée. Son inscription dans la Constitution n’a pas encore produit de transformation réelle dans l’école, les médias ou les institutions.

Or, il ne peut y avoir de réconciliation historique sans reconnaissance pleine de la culture et de la langue amazighes — non comme folklore ou concession politique, mais comme composante structurante de notre identité commune.

L’amazighité n’est pas une revendication régionaliste. C’est une part centrale de l’unité nationale, dès lors qu’on accepte de penser cette unité dans la diversité.

L’islam, en Algérie, n’a jamais été un bloc monolithique. Il a été soufi, malékite, lettré, populaire. Il a cohabité avec d’autres mémoires, d’autres traditions, d’autres cultures. Il a dialogué, transmis, enrichi.

Ce n’est pas l’islam qui a peur de la mémoire. C’est le pouvoir qui a peur d’un islam qui pense, qui interroge, qui relie. Car l’islam, dans son essence, invite à la connaissance, à la justice, à la continuité historique.

Opposer saint Augustin à al-Tha‘alibî, la Kahina à Sidi Boumediene, c’est une imposture. C’est ignorer que l’islam algérien a longtemps été une synthèse vivante, capable d’absorber, sans renier, les héritages anciens. Ce n’est que dans sa version politique, bureaucratisée, qu’il est devenu un instrument de censure mémorielle.

On ne sort pas de l’oubli par la seule dénonciation, mais par un véritable effort de reconstruction. Cela exige la mise en place d’une politique publique de la mémoire, qui ne se limite pas à corriger le passé, mais qui s’efforce de le comprendre dans toute sa complexité.

Une telle entreprise suppose une réforme profonde de l’enseignement de l’histoire, afin de l’affranchir des lectures idéologiques et d’y intégrer toutes les strates de notre héritage — amazigh, antique, andalou, ottoman, religieux, colonial, national.

Elle passe aussi par la valorisation du savoir local : soutenir la recherche indépendante, préserver les archives, reconnaître les traditions orales. Car l’histoire n’est pas qu’une chronologie de dates ; elle vit dans les gestes, les langues, les paysages habités.

Enfin, cette mémoire doit s’incarner dans la société elle-même, à travers une création culturelle libre et audacieuse — qu’elle prenne la forme du cinéma, du théâtre, de la bande dessinée ou de l’essai — pour redonner voix aux figures marginalisées : saint Augustin, Jugurtha, Fatma N’Soumer, les soufis andalous, les penseurs oubliés.

Le refus d’assumer notre passé n’est pas un oubli, mais une stratégie de domination. Une stratégie de simplification identitaire, de contrôle symbolique, de stérilisation culturelle. 

En réduisant l’histoire à une ligne unique, on fabrique des générations déracinées, sans mémoire, sans repères.

Or, l’histoire n’est pas linéaire. Elle est stratifiée, composée d’apports, de conflits, de résistances, de syncrétismes. L’Algérie ne s’est pas construite par le rejet de ces couches, mais à travers leur enchevêtrement.

Ce que nous appelons aujourd’hui « réconciliation historique » est, en vérité, une exigence d’émancipation politique. Car un pouvoir confiant dans sa légitimité n’a pas besoin de falsifier le passé. Et une nation libre n’a pas peur de ce qu’elle fut.

Il est temps d’en finir avec la confiscation mémorielle. Non pour muséifier le passé, mais pour restituer aux Algériens la capacité de penser leur avenir à partir de leur réalité historique, dans toute sa complexité.

Il ne s’agit pas d’opposer saint Augustin à l’islam, ni la Numidie à Novembre. Il s’agit de dire, calmement, fermement : tout cela nous appartient. Tout cela nous fonde. Tout cela doit être transmis, partagé, célébré.

Car ce n’est pas un État de droit que l’on construit sur l’oubli, mais un état de méfiance généralisée, un théâtre de l’arbitraire, où la mémoire devient suspecte et la connaissance subversive.

La mémoire nationale ne doit plus être une arme de contrôle, mais un levier d’émancipation. Il est temps d’oser une Algérie qui assume ses héritages, toutes ses blessures comme toutes ses grandeurs. Une Algérie enfin réconciliée avec elle-même.

Assumer tout cela, ce n’est pas se perdre. C’est, enfin, se retrouver.

Mohcine Belabbas, ancien président du RCD

Cette tribune est publiée également par son auteur sur Facebook.

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