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Jil Jadid : dénoncer le mal vous mène en prison !

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Prison
Les prisons algériennes sont remplies de détenus d'opinion.

Jil Jadid informe l’opinion publique que Mme Nahima Abbad, secrétaire nationale et coordinatrice de la wilaya de Tipaza du parti, vient d’être condamnée à une année de prison ferme en comparution immédiate à la suite d’une plainte du président de l’APC de Fouka.

Madame Abbad est, depuis plusieurs années, une lanceuse d’alerte concernant la gestion de sa commune de résidence. Elle interpelle les autorités locales par vidéos sur les réseaux sociaux pour dénoncer les failles de gestion tant au plan de l’hygiène publique désastreuse que des différents chantiers locaux douteux qui défigurent le centre-ville depuis plusieurs années devenu impraticable. 

Son tort est d’être sur le terrain avec les citoyens et d’affronter avec des mots les responsables locaux incapables d’agir devant les fléaux que subit sa ville.

Mme Abbad n’est accusée ni de corruption, ni de détournement, ni de malversation. Elle a été condamnée à un an de prison ferme car le PAPC s’est senti atteint dans son amour propre et s’en est plaint auprès du Procureur. Au lieu de prendre ses responsabilités et de résoudre les vrais problèmes dont il a la charge, il s’est abrité derrière le titre de sa fonction pour se venger d’une femme honnête et patriote.

Si le ton qu’elle peut prendre ne plaît pas, cela s’explique amplement par la gabegie, les gestions douteuses et la situation calamiteuse voire catastrophique de la ville. Au lieu d’ouvrir des enquêtes sérieuses sur cette mauvaise gestion, les autorités locales ont préféré punir une citoyenne modèle qui, sous d’autres cieux, aurait eu une médaille du mérite.

Bien entendu, le cas de Madame Abbad n’est pas isolé. Ce n’est ni le premier, ni apparemment le dernier. Les plus hautes autorités du pays devraient normalement s’alarmer de voir ces citoyens qui sont engagés pour le changement subir de tels traitements qui au final poussent à la démission générale. 

La pression exercée sur tous les militants, la neutralisation des médias, la judiciarisation des actes politiques n’augurent en rien d’une stabilité de l’État mais au contraire sont en train de démoraliser la nation et de semer les germes de la contestation.

Jil Jadid refuse et dénonce cette logique du rapport de force contre les citoyens et assure Mme Nahima Abbad de son soutien actif face à cette pénible et injuste condamnation.   

Le Président,

Soufiane Djilali

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Amine Kessaci : « Il faut que la France et l’Europe agissent maintenant à Gaza »

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Amine Kessaci
Amine Kessaci de Europe Ecologie les Verts

C’est sous l’Ombrière du Vieux-Port de Marseille qu’Amine Kessaci, pour Europe Écologie – Les Verts PACA, a pris la parole aux côtés des communistes et des socialistes pour dénoncer les bombardements à Gaza et défendre la cause palestinienne.

À ses yeux, le gouvernement d’extrême droite de Benyamin Netanyahu mène un génocide, et la France comme l’Union européenne doivent cesser de détourner le regard. Dans cet entretien, le militant écologiste appelle à la reconnaissance immédiate de l’État palestinien, à la suspension des accords UE-Israël, à l’arrêt des livraisons d’armes, et à une réponse politique forte. Il se dit fier que les écologistes, de Marseille à Bruxelles, soient « au rendez-vous de l’Histoire ».

Le Matin d’Algérie : Quel message vouliez-vous faire passer en prenant la parole aux côtés des communistes et des socialistes sur la question palestinienne ?

Amine Kessaci : Lors de ce rassemblement le message était clair, la justice n’est pas à géométrie variable pour les écologistes que je représentais. Mais surtout il était important de nommer l’horreur que le gouvernement d’extrême droite de Netanyahu : un génocide.

Le Matin d’Algérie : Vous parlez de génocide à Gaza : pourquoi est-il essentiel d’employer ce terme aujourd’hui ?

Amine Kessaci : Il est important pour plusieurs raisons, le pire que l’humanité puisse commettre est en cours en Palestine, nommer ce massacre en génocide est un fait et surtout cela permettra au moment voulu de condamner les auteurs.

Le Matin d’Algérie : Que changerait concrètement la reconnaissance de l’État palestinien par la France et l’Union européenne ?

Amine Kessaci : La reconnaissance de l’Etat palestinien est une urgence tant pour permettre à ce pays d’intenter des recours auprès des institutions internationales mais surtout il est une urgence car le projet du gouvernement d’extrême droite de Netanyahu est de rayer Gaza de la carte, reconnaitre un Etat c’est reconnaitre des frontières aussi.

Le Matin d’Algérie : Pourquoi demandez-vous la suspension des accords UE-Israël ? Quels impacts cela pourrait-il avoir ?

Amine Kessaci : L’Europe ne peut pas condamner d’un coté la Russie et de l’autre fermer les yeux sur ce que fait Israël. L’Europe doit défendre la même justice partout où elle intervient.

Le Matin d’Algérie : Quel rôle les écologistes doivent-ils jouer face à ce drame humanitaire ?

Amine Kessaci : Les écologistes se sont rendus en délégation en Cisjordanie mais les écologistes doivent comme nous le faisons au Parlement européen avec Marie Toussaint défendre le droit international et comme nous le faisons à l’assemblée nationale avec Sabrina Sebahi.

Le Matin d’Algérie : Pensez-vous que la France a une responsabilité dans le maintien ou l’aggravation de la situation à Gaza ?

Amine Kessaci : Je pense que, qui ne dit rien consent.

Le Matin d’Algérie : Comment réconcilier engagement local à Marseille et solidarité internationale ?

Amine Kessaci : Marseille n’est pas fâchée avec la solidarité internationale au contraire nous en sommes au cœur, je me souviens lorsque le Liban était en feu les bateaux partaient du port de Marseille acheminent secouristes, matériels etc. La Mairie de Marseille fera voter en juin une nouvelle subvention, c’est un pas de plus.

Le Matin d’Algérie : Que répondez-vous à ceux qui craignent une politisation excessive de la question palestinienne ?

Amine Kessaci : C’est la politique qui a conduit à cette situation, c’est donc à la politique de la régler. N’oubliez pas des vies humaines en dépendent.

Entretien réalisé par Djamal Guettala

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Légende et histoire : Le mausolée de Sidi Zarzour, gardien des Zibans

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Le mausolée de Sidi Zarzour, gardien des Zibans
Le mausolée de Sidi Zarzour, gardien des Ziban

Au cœur des Zibans, région lumineuse et mystérieuse, se dresse le mausolée de Sidi Zarzour, sanctuaire chargé d’histoire et de spiritualité. Bien plus qu’un simple monument, il incarne l’âme de Biskra et témoigne de la foi profonde des habitants, défiant depuis des siècles les forces impétueuses de la nature.

Né au XIe siècle, Sidi Zarzour fut un érudit mystique dont la sagesse traversa le temps. Avant de mourir, il prophétisa que son tombeau, bâti sur le lit de l’oued Biskra, résisterait aux crues, provoquant la division des eaux pour contourner sa sépulture. Ce miracle naturel lui valut le surnom de « Quassam el-Ouidane », le « Coupeur de Rivière ».

Chaque crue semble confirmer cette légende : la rivière se scinde pour préserver le mausolée, symbole d’une foi capable de dompter la nature. L’architecture sobre et élégante du lieu, aux teintes blanches et vertes, s’intègre harmonieusement au paysage aride des Zibans, incarnant la fusion entre l’homme, la nature et le sacré.

Ce sanctuaire attire pèlerins et fidèles en quête de protection et de bénédiction. Au fil des générations, il est devenu un refuge spirituel où le temps suspend son cours et où l’on trouve la paix intérieure.

Ma visite en avril, sous le souffle chaud du désert, m’a révélé la puissance de ce lieu. Le lit de l’oued, calme à cette saison, évoquait la promesse du « Coupeur de Rivière » : la certitude que la force des eaux pluvieuses se plie à la volonté divine. Face au mausolée, j’ai ressenti cette présence intemporelle, cette bienveillance qui protège et apaise.

Depuis 2012, le « Maoussem Sidi Zarzour » célèbre chaque décembre cette mémoire vivante, mêlant traditions, chants et danses dans une fête populaire qui ravive l’esprit des Zibans.

Le mausolée de Sidi Zarzour demeure ainsi un gardien éternel, protecteur d’une terre sacrée, symbole de résilience, de foi et d’héritage culturel, inspirant les croyants et voyageurs en quête de lumière et de réconfort.

Djamal Guettala  

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Un prix national et une école de cinéma en hommage à Mohammed Lakhdar-Hamina

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Prix Mohammed Lakhdar Hamina.
Un Prix Mohammed Lakhdar Hamina institué.

Une cérémonie d’hommage a été organisée, jeudi 29 mai, à l’Opéra d’Alger Boualem-Bessaïeh, en mémoire du réalisateur Mohammed Lakhdar-Hamina, disparu, vendredi 23 mai, à l’âge de 91 ans. L’événement a été marqué par deux annonces majeures destinées à inscrire durablement l’œuvre du cinéaste dans le paysage culturel national : la création d’un prix du cinéma portant son nom et la baptisation de l’Institut national supérieur du cinéma de Koléa à son honneur.

Le ministre de la Culture et des Arts, Zoheir Bellou, a officiellement annoncé la mise en place du Prix Mohammed Lakhdar Hamina pour la créativité cinématographique. Cette distinction, attribuée chaque année, récompensera les meilleures œuvres dans les domaines de la réalisation, du scénario, de la photographie et du théâtre filmé. Le ministre a précisé que ce prix vise à encourager la création cinématographique nationale et à accompagner les talents émergents dans un esprit de continuité artistique.

Dans le même élan, le chef de l’Etat a décidé de donner au principal établissement de formation en cinéma du pays, situé à Koléa, le nom de Mohammed Lakhdar-Hamina. Une manière, selon le ministère, de reconnaître de son vivant la contribution exceptionnelle du cinéaste à la culture algérienne et à son rayonnement à l’international.

Réalisateur de « Chronique des années de braise », unique film algérien à avoir remporté la Palme d’or au Festival de Cannes (1975), Lakhdar-Hamina laisse une œuvre dense et engagée, saluée pour sa portée artistique et historique. Sa carrière a également été marquée par un fort engagement dans la formation et la promotion du cinéma algérien.

La cérémonie s’est clôturée par la projection du film restauré « Chronique des années de braise », en présence de nombreuses personnalités du monde politique, culturel et artistique, ainsi que des proches du défunt.

La rédaction

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5G en Algérie : vers une révolution numérique ou simple effet d’annonce ?

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5G

Le lancement de l’appel d’offres pour l’attribution des licences 5G marque une étape importante dans la stratégie numérique de l’Algérie. Mais entre ambitions affichées et réalités du terrain, cette avancée technologique pourra-t-elle répondre aux attentes économiques et sociales du pays ?

L’Algérie entre officiellement dans l’ère de la cinquième génération des télécommunications. Le ministère de la Poste et des Télécommunications a annoncé l’ouverture de l’appel d’offres pour l’attribution des licences 5G, confiée à l’Autorité de régulation de la Poste et des communications électroniques (ARPCE). Les opérateurs intéressés pourront retirer les dossiers entre le 29 mai et le 1er juin 2025. L’attribution provisoire est prévue pour le 3 juillet, à l’occasion de la célébration de la fête de l’indépendance, avec un lancement commercial au cours du troisième trimestre.

Le gouvernement présente cette initiative comme un tournant stratégique destiné à renforcer la place de l’Algérie dans l’économie numérique régionale, en mettant en avant des priorités claires : villes intelligentes, industrie 4.0, santé numérique et mobilité connectée. Le déploiement débutera dans les zones à forte densité et les pôles industriels.

Des performances promises, mais des défis persistants

Cependant, ces promesses se heurtent à une réalité moins reluisante. Selon les données du classement Speedtest Ookla (mai 2024), l’Algérie se classe au 112ᵉ rang mondial pour la vitesse de l’Internet mobile, avec un débit moyen de 23,15 Mbps. L’Internet fixe affiche des performances encore plus faibles (156ᵉ rang mondial avec 14,73 Mbps). Ce décalage souligne les limites structurelles du réseau actuel et les retards en matière d’infrastructure.

La 5G est censée offrir des vitesses de connexion jusqu’à dix fois supérieures à la 4G, une latence réduite et une meilleure stabilité du réseau. À titre d’exemple, l’opérateur public Mobilis aurait déjà atteint un débit de 1,2 Gbps lors de démonstrations techniques. Ces performances ouvrent des perspectives dans des domaines variés : télémédecine, gestion industrielle à distance, véhicules autonomes ou encore réalité augmentée.

Une fracture numérique toujours marquée

Le risque principal évoqué par les observateurs réside dans l’amplification des inégalités numériques. Le déploiement de la 5G, s’il ne s’accompagne pas d’un plan de couverture élargi et inclusif, pourrait aggraver la fracture entre zones urbaines bien desservies et régions rurales ou enclavées, qui peinent encore à accéder à un service 4G stable.

En l’absence d’investissements soutenus dans les réseaux de base – fibre optique, pylônes de transmission, centres de données – la 5G pourrait rester cantonnée à une vitrine technologique réservée à une minorité. Le coût de l’accès à Internet, quoique compétitif sur le plan régional, reste encore élevé pour de nombreux ménages, limitant l’impact potentiel de la nouvelle technologie.

Une transition à construire dans la durée

Au-delà de la seule performance technique, la réussite de la 5G dépendra de la mise en place d’un écosystème cohérent : cadre réglementaire adapté, formation des compétences, incitations à l’innovation locale, et attractivité vis-à-vis des partenaires internationaux.

La 5G pourrait contribuer à la transformation numérique de l’Algérie. Toutefois, son impact sur l’économie, les services publics et l’inclusion sociale dépendra de la volonté des autorités à l’intégrer dans une politique cohérente et durable, au-delà des effets d’annonce.

Samia Naït Iqbal

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Kamel Daoud, la caution « littéraire » du fantasme de l’invasion migratoire

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Dans son nouveau recueil de chroniques intitulé « Avant qu’il ne soit trop tard » (Les Presses de la Cité, 2025), Kamel Daoud synthétise ses apologies du colonialisme et des extrêmes droites françaises en proposant la version algérienne de la pseudo-théorie nazie du « Grand remplacement ».

Gendarme zélé du repli paranoïaque et du provincialisme rétrograde des néoconservateurs français qui pensent que Marine Le Pen serait dans la ‘‘mollesse avec l’islamisme’’ ou que ‘‘le Rassemblement National est très à gauche’’, Kamel Daoud, le prétendu ‘‘lanceur d’alerte qui ose tout dire à une France aveuglée par la repentance coloniale et la contrition migratoire’’, synthétise dans « Avant qu’il ne soit trop tard » son adhésion aux idées réactionnaires et nostalgériques des droites dures et extrêmes françaises.

En guerre totale contre la recherche en histoire et en sciences sociales, la logique narrative du livre est une machine idéologique à produire des platitudes culturalistes, sentencieuses et erronées. L’inculture historique de l’auteur au sujet des contextes français (et même algériens !), couverte d’une mystique du ‘‘courage de la vérité’’, devient la ‘‘qualité’’, la ‘‘distinction’’ même de celui qui ‘‘ne détourne aucunement le regard face à la vérité’’.

Comment peut-on devenir l’expert d’un pays sur lequel l’on ignore pratiquement tout ? C’est très simple, du moins pour un écrivain algérien baptisé une fois pour toute ‘‘francophone’’ et ‘‘francophile’’ (c’est-à-dire ‘‘civilisé’’ par rapport à la repoussante figure de l’écrivain dit ‘‘arabophone’’, ‘‘incompatible’’ par essence et par destination avec les ‘‘Lumières’’ et la ‘‘sensualité’’ de la langue française) : parsemer ses dits et écrits de déclarations prouvant son infaillible ‘‘amour de la France’’ serait un gage irréfutable de ‘‘véracité’’.

Une fois réalisée, cette performance discursive épargne à son locuteur l’argumentation de ses propos, l’intérêt pour la réalité des faits sur lesquels il ne cesse de discourir. Exprimer solennellement le souhait de ‘‘sauver’’ d’une guerre de religions qui se préparerait dans ses ‘‘banlieues de l’islam’’ ne pourrait être que ‘‘lucidité’’ et ‘‘clairvoyance’’.   

Savourons les mots de Kamel Daoud. Je suis, proclame-t-il, le « fantôme muet dans son savoir » qui exercerait« un métier de lanceur d’alerte ». Il serait le surhomme néo-naturalisé, le « témoin de la naissance de l’islamisme algérien et de son combat contre nos vies ». Ici, on est dans la géographie religieuse de l’écrivain dit ‘‘laïque’’, celui qui parle le langage des prophètes pour mieux s’opposer, pense-t-il, aux islamistes : « Tous les écrits ici réunis insistent sur un point : ‘‘Soyez prudents, un pays peut être perdu en un instant !’’ Il suffit de si peu pour que tout parte en fumée : un incendie, une paresse ou un haussement d’épaules devant le mal. Une nation peut disparaître comme un nuage, un vêtement égaré ou une idée chassée par un sommeil du cœur » (page 16).

Sur quel fait l’auteur se base-t-il pour étayer son oracle ? Sa ‘‘preuve’’ irréfutable, c’est l’argument identitaire : « Certains d’entre nous, survivants de la guerre civile algérienne, ont l’impression, soit par exagération, soit par lucidité, que celle-ci se rejoue en France ». De ce fait, toute critique de l’originalité présumée de ses analyses labellisées ‘‘algériennes’’ (mais qu’on trouve dans Le Figaro, Valeurs actuelles, CNews, BFMTV ou même LCI) par ce qu’il appelle les « ingénieurs de la culpabilité postcoloniale », serait un ignoble acte de ‘‘censure’’. Contredire équivaudrait à ‘‘interdire’’. Dans « la chronique », qui est son « espace pour devenir persan », Kamel Daoud « tente de comprendre les Français et de déchiffrer [s]on propre regard. [Il] découvre le plaisir coûteux de rester libre ». Outre la décevante grandiloquence se réclamant adroitement de Montesquieu, le baratin pseudo-journalistique devient la norme du discours entendable sur le tristement célèbre triptyque immigration-islam-insécurité auprès des élites hégémoniques en France. 

« La critique du colonialisme, c’est l’islamisme ! »

En exemplaire « persan » algérien à la pensée ‘‘complexe’’, ce très bon national-républicain serait l’antithèse salvatrice du « Persan confessionnel, le colonisé […], le Persan revenu en France exigeant des droits de victime » (page 15). Ainsi, ne pouvant distinguer entre la guerre de Libération algérienne et les instrumentalisations qui en sont faites, il préfère s’investir dans « [s]a guerre avec la guerre d’Algérie ». Insurgé contre « les simplifications » (page 17), il estime ‘‘lucidement’’ que la critique de cette guerre sert d’excuse « au repli sur soi parmi certains Français qui viennent des ex-colonies et qui vivent mal en Métropole. Les radicaux y puisent leurs discours communautaires, le rejet et le refus d’intégration. Le malaise des banlieues est aussi un malaise de la mémoire » (page 93).

On est ici dans la rhétorique de l’humiliation ‘‘nationale’’, l’autre guerre idéologique menée à la ‘‘repentance’’ coloniale par les nostalgiques des ‘‘bienfaits de la colonisation’’. Intensifiant sa ‘‘résistance’’ contre la culture de la ‘‘contrition’’, le chroniquer déclame ‘‘l’indicible’’ au moment décisif : « L’homme occidental, le Français, se sent coupable d’une guerre qu’il n’a pas menée et dont il porte le déni. Il doit assumer, raconter son récit complété, transmettre. Mais cela ne fait pas de lui un coupable idéal sommé de s’agenouiller devant ceux-là mêmes qui soutiennent que la vie ne vaut rien si elle ne sert pas de marchepied ». Impressionnant retournement du stigmate !

A rebours des discours de ses « compatriotes » algériens qui « rêvent d’une guerre éternelle avec l’Occident pour préserver un stigmate sacré » (page 16), le « lanceur d’alerte » appelle de ses vœux à mettre fin à la « culpabilité coloniale » (page 187) qui gangrènerait le ‘‘monde occidental’’. Car, si l’on ‘‘aime la France’’ véritablement, un travail de prévention s’impose pour éviter le ‘‘chaos’’ : toute critique radicale de l’impérialisme risquerait de catalyser la « jonction du djihadisme et du décolonialisme », cette périlleuse « idée des islamistes maghrébins pour enrôler en masse en France parmi les communautaristes et parmi les musulmans maghrébins » (page 430). Prévisible ‘‘trouvaille’’ sémantique d’une rhétorique de l’inversion, l’écrivain dégrade les principes républicains, humanistes et féministes en valeurs identitaires pour défendre un ‘‘Occident blanc’’ qui serait ‘‘ciblé’’ par les héritiers ‘‘musulmans’’ de l’immigration post-coloniale.

« L’islamophobie n’existe pas, ne doit pas exister »

Les ouvrages et les études académiques prouvant l’existence de l’islamophobie ne manquent pas. Et c’est une grande banalité que de le rappeler. Des livres comme La nouvelle islamophobie (La Découverte, 2003)de Vincent Geisser ; L’Islam imaginaire. La construction médiatique de l’islamophobie en France, 1975-2005 (La Découverte, 2007) de Thomas Deltombe ; Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le ‘‘problème musulman’’ (La Découverte, 2016) de Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed ; Les femmes musulmanes ne sont-elles pas des femmes ? (Hors d’atteinte, 2023) de Hanane Karimi ; La Cité des musulmans. Une piété indésirable (Amsterdam, 2025) de Hamza Esmili ; ou même des rapports, comme celui de Marie-Anne Valfort publié par Institut Montaigne en octobre 2015, « Discriminations religieuses à l’embauche : une réalité », documentent largement ce racisme anti-Islam et anti-Arabes dans l’espace public et sur le marché du travail français. Mais pour Kamel Daoud, la réalité est tout autre.

Réagissant patriotiquement à la parution d’un ouvrage collectif dirigé par trois chercheurs intitulé La France, tu l’aimes mais tu la quittes. Enquête sur la diaspora musulmane (Seuil, 2024), l’éditorialiste vedette du Point, sans se sentir obligé d’avancer la moindre preuve factuelle, avance en confondant, comme à l’accoutumée, l’acte de ‘‘récuser’’ d’avec celui de ‘‘réfuter’’. Ainsi, l’islamophobie serait pour lui « une mythologie volontairement élaborée autour de cette réalité-fiction » par « les islamistes », « l’Anglo Saxonie woke », « les décoloniaux de gauche – des fervents de la crucifixion – » et les « Maghrébins installés en France qui pratiquent la culpabilisation comme on fait du surf » (page 404). Dans quel but ? Parce que « les partisans du wokisme » (il est à noter que cet ‘‘antiwokisme’’ s’attaque à l’indépendance des institutions scientifiques) critiquent ce racisme hérité du colonialisme dans le dessein d’encourager une « dérive au Sud » : « revitaliser le discours postcolonial antifrançais et antioccidental » (page 31).

Dans la posture du gendarme qui dit à « l’Occident » les « mots qu’il ne veut pas entendre » (page 83), il déclare que l’islamophobie serait née de l’islamisme (page 43) et que   les musulmans en sont responsables. Pourquoi ? Parce qu’ils seraient silencieux, passifs sur la progression imaginaire de l’islamisme (page 44), voire même complaisants avec cet intégrisme religieux (page 50). A quoi servirait l’étude publiée au Seuil selon l’écrivain ? A édulcorer le « sentiment antifrançais » (page 31) des musulmans qui viendraient « en France pour éduquer » leurs « enfants et leur garantir la France des ‘‘aides’’. Mais, dès que les diplômes et la nationalité sont obtenus, on préfère les voir vivre en Amérique et hurler à L’islamophobie française » (page 405). Pour lui, « la France, c’est la gratuité assortie au coefficient de culpabilité » (page 405).

« Un courageux arabe pense le Grand remplacement »

Attribuant l’assassinat policier de Nahel Marzouk (le 27 juin 2023 à Nanterre) à un défaut ‘‘d’assimilation’’ et de manque ‘‘d’amour de la France’’ que cultiveraient les « générations immédiates, d’immigration ou nées de l’immigration » par ce qu’ « on idéalise le pays quitté par soi ou par les ascendants » (page 343) ; assimilant la massification de l’enseignement de la langue arabe en Algérie au « culte [des] fosses de l’identitaire » (page 88) et du sous-développement ; validant la thèse raciste postulant l’existence d’un « vote musulman » qui serait motivée par une « judéophobie » inhérente à l’islam (page 354) ; critiquant la France qui « adore la subvention et ignore qu’elle attire la misère du monde » parce qu’elle serait aveuglée par son « éternel biais français de la culpabilité » (page 375) ; refusant de se rendre « au déjeuner des best-sellers de ‘‘l’Express’’ » à cause de la présence annoncée de Jordan Bardella (Libération, Adrien Franque et Simon Blin, 04/02/25) tout en faisant l’éloge politique de l’ex-députée européenne du Rassemblement national Malika Sorel (page 391) ; adoptant le récit génocidaire du gouvernement israélien pour ‘‘libérer’’ les Palestiniens des « armées imaginaires de libérateurs médiatiques de la Palestine » (Le Point, 13/10/23. Voir aussi : Le Point, 29/04/24 ; 17/05/24 ; 28/04/25), Kamel Daoud parachève dans son recueil de chroniquessa radicalisation idéologique par l’adoption de la thèse nazie du ‘‘grand remplacement’’ (selon Olivier Mannoni, Traduire Hitler, 2022).

Dans une récente chronique intitulée « Le flux migratoire, arme nucléaire des régimes pauvres » (Le Point, 23/03/25), il aborde la question migratoire en France sous l’angle de la métaphore aquatique chère au Front / Rassemblement national. « Le Sud », affirme-t-il, et à sa tête l’Algérie, « sera donc la démographie et son effet secondaire, l’invasion migratoire du Nord riche et trop heureux. C’est ainsi que s’énonce, maintenant, le bras de fer du monde moderne ». De la complexité et de la richesse des migrations qui constituent la France empirique, il ne perçoit que les « chaloupes de migrants » que lancerait le ‘‘Sud global’’ « contre les hauts murs ébréchés des démocraties du Nord, pour le même désir de domination ». Au sommet de sa consécration ‘‘littéraire’’, cet exemplaire néo-naturalisé (par décret présidentiel) ne peut qu’éprouver le ressentiment du dominant à l’égard des sous-prolétaires qui n’écrivent pas des livres comme lui (nous noterons que l’auteur éprouve un ressentiment encore plus féroce envers ce qu’il appelle « les élites décoloniales algéroises », c’est-à-dire les intellectuels algériens et binationaux qui ne pratiquent pas le catéchisme de ‘‘l’amour du français’’ et critiquent factuellement sa radicalisation politique). Pour lui, ces mouvements humains seraient « le ‘‘nucléaire des pauvres’’ pour menacer l’Occident ». Après tout, ce venin idéel serait indispensable pour ‘‘émanciper’’ la République française de la ‘‘haine’’ des Algériens, des binationaux, des immigrés, des musulmans, des ‘‘wokistes’’ et de la gauche qui risquerait la ‘‘détruire’’.

« Les grandes passions sont propices aux mythes », écrivait Bertrand Russel dans De la fumisterie intellectuelle [1943](L’Herne, 2013). Et l’adhésion aveugle de Kamel Daoud aux mythologies néocoloniales de l’arc néoréactionnaire accouche d’Avant qu’il ne soit trop tard : un panthéon de foutaises éminemment anxiogènes. 

Faris Lounis

Journaliste

Kamel Daoud, Avant qu’il ne soit trop tard, Paris, Les Presses de la Cité, 2025, 463 pages, 23,90 €

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Vague de changements dans le corps diplomatique algérien : plusieurs postes clés vacants

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MAE

Ambassadeurs en poste dans des capitales stratégiques, consuls généraux dans les principales villes européennes : le remaniement diplomatique décidé par la présidence algérienne renouvelle en profondeur la représentation extérieure du pays.

 La diplomatie algérienne vient de connaître un remaniement quasi massif. Le Journal officiel n°32, publié ce mardi 28 mai 2025, entérine, à travers une série de décrets présidentiels, la fin de mission de plusieurs ambassadeurs et consuls en poste à l’étranger. Ce vaste mouvement diplomatique, qui touche des capitales et villes stratégiques, pourrait signaler une réorientation significative de la politique étrangère algérienne ou, du moins, un profond renouvellement de ses cadres.

Des figures diplomatiques de premier plan rappelées

Parmi les personnalités concernées, le rappel de Soleiman Chenine, ambassadeur d’Algérie en Libye, retient particulièrement l’attention. Sa mission à Tripoli a officiellement pris fin le 21 mai 2025. D’autres diplomates chevronnés quittent également leurs postes :

Mohamed Yazid Bouzid, ambassadeur en République du Congo

Farid Boulahbal, ambassadeur à Tokyo

Abdelhafid Alahoum, ambassadeur en Hongrie

Mohamed Ben Attou, ambassadeur en Mauritanie

Filali Gouini, ambassadeur à Madagascar

Kamel Retiab, ambassadeur au Mali

Deux ambassadeurs influents font quant à eux l’objet de dispositions particulières : Amar Belani, en poste à Ankara, a été mis à la retraite, tandis que Kamel Bouchama (Damas) et Abdelkader Kacem El-Hassani (Koweït) ont été réaffectés à d’autres fonctions non précisées.

Les consulats également concernés

Ce remaniement s’étend à plusieurs postes consulaires majeurs, notamment dans des villes à forte présence de la diaspora algérienne. Ainsi, les fins de mission ont été prononcées pour :

Khaled Ben Hamadi, consul général à Paris

Abdelhakim Amouch, consul général à Barcelone

Imad Selatnia, consul à Marseille

Mohamed Meraimi, consul à Istanbul

Mounir Bourouba, consul à Strasbourg

Adel Talbi, consul à Milan

Ces départs, bien qu’inscrits dans les usages diplomatiques, traduisent l’ampleur du mouvement engagé. Ils reflètent également la volonté apparente des autorités de renouveler en profondeur le corps diplomatique, sans que les motifs spécifiques de chaque décision ne soient dévoilés – une pratique courante dans les affaires étrangères.

Vers une nouvelle orientation diplomatique ?

Ce vaste remaniement soulève de nombreuses interrogations. S’agit-il d’une volonté de redynamiser la diplomatie algérienne à l’heure où les équilibres géopolitiques se redéfinissent dans plusieurs régions du monde ? Ou bien est-ce un simple passage de témoin, inscrit dans le cycle régulier de la diplomatie d’État ?

Quelles que soient les intentions sous-jacentes, les regards sont désormais tournés vers les prochaines nominations, qui permettront de mieux cerner la stratégie diplomatique du pays pour les années à venir.

La rédaction

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Jean François de Garde : « Aurès, cœur rebelle : 50 ans d’amitiés inoubliables »

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Jean François de Garde

En 1966, Jean François de Garde, jeune coopérant, arrive à Batna pour enseigner au lycée Mustapha Ben Boulaïd. Dans une Algérie vibrante d’espoir post-indépendance, il découvre la jeunesse ambitieuse des Aurès, la beauté sauvage de ses paysages, des gorges de Ghoufi au Pic des Cèdres, et l’hospitalité chaleureuse des habitants.

Dans cet entretien pour Le Matin d’Algérie, l’auteur de « À la rencontre de l’Aurès : 50 ans d’amitiés (1966-2016) » évoque ces années d’engagement fraternel et les retrouvailles émouvantes de 2014, témoignant d’un lien indéfectible avec cette terre rebelle.

Le Matin d’Algérie : Quelles furent vos premières impressions en arrivant à Batna en 1966 ?

Jean François de Garde : Le 14 septembre 1966, Batna m’apparut comme une petite ville coloniale au plan en damier, semblable à Timgad, avec sa mairie, son théâtre, son lycée, ses commerces, ses cafés, son hôtel, son marché, son stade, son hôpital, ses casernes et une mosquée excentrée au quartier du Stand. Calme et sûre, elle permettait de circuler librement, du centre européen à Bouakkal. Les femmes portaient souvent la mlaya noire avec voilette, tandis que les hommes et jeunes filles s’habillaient à l’européenne, les hommes arborant parfois un chèche blanc ou une kachabia en hiver. J’ai loué une chambre simple chez Mme Hadef, rue de la Mosquée, où j’ai vu une femme en costume chaoui. Les montagnes du Belezma, dominées par le Pic des Cèdres, m’ont fasciné, et j’y suis monté en février 1967.

Le Matin d’Algérie : Comment avez-vous perçu l’état d’esprit des Algériens rencontrés à Batna ?

Jean François de Garde : Intégré à un groupe de coopérants idéalistes, comme Angel Ruiz, qui m’introduisit au Cercle des Enseignants Algériens, j’ai rencontré de jeunes enseignants et musiciens d’Es-Saada. Fiers de l’indépendance, ces Algériens portaient la responsabilité de former la nouvelle génération. Malgré des classes surchargées et des cours du soir pour se perfectionner, ils dégageaient sérénité, enthousiasme et confiance en un avenir radieux. Âgés de 20 à 25 ans, ils respiraient le bonheur, jouant de la musique lors des fêtes avec des sourires éclatants.

Le Matin d’Algérie : Quelle était votre mission exacte au lycée Mustapha Ben Boulaïd ?

Jean François de Garde : Coopérant, j’enseignais les mathématiques aux secondes, premières et terminales, d’abord comme Volontaire du Service National Actif, puis comme civil, rémunéré par le ministère français de la Coopération. Sous l’autorité du proviseur, M. Belkacem Djebaïli, j’avais pour seule mission d’enseigner au mieux, sans lien avec une autorité française. Cette coopération, voulue par de Gaulle, relevait du « soft power », mais pour nous, c’était un engagement fraternel, reflet d’un âge d’or des relations franco-algériennes.

Le Matin d’Algérie : Comment s’est déroulée votre intégration au sein du corps enseignant et des élèves ? Avez-vous rencontré des difficultés ?

Jean François de Garde : Grâce à l’accueil bienveillant du proviseur et à la camaraderie des coopérants, comme Angel Ruiz et Paul Jourdain, avec qui je préparais les élèves aux examens, mon intégration fut fluide. Mon inexpérience fut ma seule difficulté : mon premier cours, mal préparé, a poussé certains élèves à changer de section. Pour regagner leur confiance, j’ai travaillé mes cours, organisé des évaluations régulières et des séances de soutien le dimanche, montrant mon investissement pour leur réussite.

Le Matin d’Algérie : Comment vos élèves envisageaient-ils leur avenir ?

Jean François de Garde : Focalisés sur le probatoire et le baccalauréat, mes élèves ne parlaient pas de leur avenir professionnel. Plus tard, j’ai appris qu’ils étaient devenus ingénieurs, médecins, walis, artistes, chirurgiennes ou pharmaciennes. Convaincus que tous les métiers leur étaient ouverts, ils étaient motivés par l’amour de leur pays indépendant et le soutien de leurs familles. Certains représentaient seuls leur village, comme Chemora ou Oued Taga, dans cette quête de savoir pour reconstruire l’Algérie.

Le Matin d’Algérie : Quel regard portiez-vous sur la région des Aurès à l’époque ?

Jean François de Garde : Curieux, j’ai été émerveillé par les Aurès. Les gorges d’El Kantara, vues en septembre 1966, m’ont captivé. À Oued Taga et Bouahmar, j’ai découvert une maison chaouie. Le Pic des Cèdres m’a poussé à grimper dès l’hiver 1967. Les balcons de Ghoufi, avec leurs villages nichés sous les falaises, m’ont inspiré six randonnées, dont la première, en mars 1967, de Ghoufi à Inurar-Nouader, révélant la beauté sauvage de la région.

Le Matin d’Algérie : Au contact des habitants des Aurès, terre de résistance, avez-vous perçu une âme rebelle ?

Jean François de Garde : Conscient du rôle des Aurès dans l’insurrection, j’ai vu des traces de la guerre, comme la palmeraie brûlée d’El Ouldja ou les ruines de Baniane. Les Aurésiens, discrets, n’exprimaient pas ouvertement leurs souvenirs. Une nuit, à Aïn Bouzenzene, des chants révolutionnaires accompagnés de bendirs ont révélé leur mémoire vive de la lutte.

Le Matin d’Algérie : Quelles rencontres ou anecdotes vous ont marqué dans les Aurès ?

Jean François de Garde : L’hospitalité aurésienne m’a bouleversé. En avril 1967, près des gorges de Tighanimine, un paysan nous a offert un couscous simple mais généreux, près d’un lieu clé de l’indépendance. À Zaouia, dans les Nementcha, la djemaâ nous a accueillis et lavé les pieds, un geste d’une portée symbolique forte pour moi, chrétien, évoquant le lavement des pieds par Jésus.

Le Matin d’Algérie : Comment se sont passées les retrouvailles avec vos anciens élèves et amis en 2014 ?

Jean François de Garde : Le 29 mars 2014, retrouver une vingtaine d’anciens élèves au lycée Ben Boulaïd fut un moment de joie intense. Après 45 ans, la jeunesse l’emportait sur l’âge. Nous avons partagé souvenirs et rires, dans une ambiance chaleureuse et inoubliable.

Le Matin d’Algérie : Quels changements vous ont le plus frappé lors de votre retour à Batna ?

Jean François de Garde : En 2014, l’extension de Batna m’a surpris : Fesdis, jadis isolée, abritait une université. Le centre colonial semblait vieilli, parfois délaissé. Les femmes, autrefois en mlaya noire, portaient majoritairement le hijab et étaient moins visibles dans les rues.

Le Matin d’Algérie : L’amitié franco-algérienne a-t-elle évolué positivement entre 1969 et 2014 ?

Jean François de Garde : Non, l’amitié franco-algérienne a décliné. Les années 1965-1975, marquées par l’euphorie de l’indépendance et l’engagement des coopérants, furent un âge d’or, bien plus chaleureux qu’en 2014.

Le Matin d’Algérie : Comment qualifieriez-vous votre engagement en Algérie ? Était-il uniquement professionnel ou plus intime ?

Jean François de Garde : Mon engagement, loin d’être professionnel, était personnel. Ingénieur, j’ai choisi d’enseigner par désir d’ouverture et d’utilité. Cette expérience dans les Aurès a façonné ma construction personnelle.

Le Matin d’Algérie : Quel message adresseriez-vous aux jeunes Algériens d’aujourd’hui ?

Jean François de Garde : Ne connaissant que les jeunes d’hier, aujourd’hui septuagénaires, je ne saurais m’adresser aux jeunes actuels, dont j’ignore les aspirations.

Le Matin d’Algérie : Comment résumeriez-vous votre aventure en une phrase ?

Jean François de Garde : Merci aux Algériens des Aurès, qui, dans ma jeunesse, ont enrichi ma construction personnelle.

Djamal Guettala  

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Décrypter Baudelaire autrement : la lecture singulière de Catherine Delons

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Catherine Delons
Catherine Delons a publié « Baudelaire, rêver de Honfleur » aux Éditions des Falaises. ©Catherine Delons

Catherine Delons est une chercheuse et écrivaine française dont les travaux ont profondément influencé les études baudelairiennes. Spécialiste des rapports entre Charles Baudelaire et sa mère, Caroline Aupick, elle a su révéler, avec finesse, les tensions affectives et familiales ayant façonné l’univers littéraire du poète.

Membre du groupe « Baudelaire » au sein de l’École normale supérieure (ENS) et du CNRS, elle adopte une approche interdisciplinaire croisant histoire littéraire, psychologie et sociologie.

Parmi ses publications majeures, L’Idée si douce d’une mère – Charles Baudelaire et Caroline Aupick (Les Belles Lettres, 2011) propose une analyse approfondie de la relation complexe entre Baudelaire et sa mère, en soulignant comment cette dynamique familiale a influencé sa sensibilité poétique ainsi que sa perception de la maternité et de la féminité. Ce travail est salué pour sa rigueur académique et sa capacité à offrir une lecture nuancée de ce lien central dans la vie du poète.

Elle a également édité Baudelaire : Lettres à sa mère 1834-1866 (Manucius, 2017), qui rassemble et annote l’intégralité de la correspondance entre le poète et Caroline Aupick. Ce recueil offre un regard intime sur une relation marquée par l’attachement passionné, la dépendance affective et les conflits durables, tout en éclairant la part autobiographique de l’œuvre baudelairienne.

Catherine Delons s’est aussi intéressée à l’entourage de Baudelaire, comme en témoigne Narcisse Ancelle, persécuteur ou protecteur de Baudelaire (2002), une biographie du notaire et confident du poète. L’ouvrage explore la nature ambivalente du rôle joué par Ancelle, partagé entre soutien discret et surveillance contraignante, et a été distingué par le prix de la critique de l’Académie française.

Son tout récent livre, Baudelaire, rêver de Honfleur – Partir pour le bonheur (2025), se penche sur l’importance symbolique et poétique de Honfleur dans l’imaginaire de Baudelaire, perçue comme un lieu de refuge, de création et de rêverie, en rupture avec les désillusions parisiennes.

Au-delà de ces ouvrages, Catherine Delons participe également à l’édition en ligne de la correspondance de Baudelaire et prépare un ouvrage consacré à la réception des Œuvres posthumes éditées par Eugène Crépet en 1887, ce qui témoigne de son investissement dans la redécouverte et la contextualisation du corpus baudelairien.

L’impact de ses recherches est considérable : en mettant en lumière la dimension intime, affective et conflictuelle de la relation entre Baudelaire et sa mère, elle a permis une meilleure compréhension des tensions psychologiques et des influences familiales à l’origine de l’œuvre du poète. 

Elle a également contribué à une relecture plus juste et nuancée de la figure de Caroline Aupick, souvent cantonnée à une représentation simpliste, en la dévoilant comme une femme complexe, déchirée entre ses obligations maternelles et ses aspirations personnelles.

Grâce à la profondeur de ses analyses et à la cohérence de son approche, Catherine Delons s’impose aujourd’hui comme une figure incontournable des études baudelairiennes contemporaines, apportant une lecture renouvelée et humaine de l’univers baudelairien.

Dans cet entretien, elle revient sur les axes majeurs de ses recherches consacrées à Charles Baudelaire, en mettant en lumière les figures qui ont façonné son imaginaire intime et littéraire. Elle s’attarde notamment sur la relation complexe et centrale entre le poète et sa mère, Caroline Aupick, ainsi que sur le rôle ambigu joué par Narcisse Ancelle dans sa vie.

À travers l’analyse de la correspondance, des tensions familiales et des lieux symboliques comme Honfleur, elle propose une lecture renouvelée de l’œuvre baudelairienne, où biographie, affect et création se répondent. Son regard rigoureux et sensible offre une plongée nuancée dans l’univers intérieur du poète, et interroge plus largement la place de l’intime dans la critique littéraire contemporaine.

Le Matin d’Algérie : Votre travail explore en profondeur la relation entre Baudelaire et sa mère, Caroline Aupick. Qu’est-ce qui vous a conduite à centrer vos recherches sur cet aspect biographique ?

Catherine Delons : Mon premier livre, consacré à Narcisse Ancelle, qui fut le tuteur financier de Charles Baudelaire, m’avait amenée déjà à explorer ces relations mère-fils, puisqu’Ancelle fait face à la fois aux angoisses maternelles et aux exigences ou demandes du fils, et se tient souvent entre les deux, essayant d’amortir les tensions et d’aplanir les difficultés. 

Beaucoup d’écrivains, de commentateurs ont insisté uniquement sur le rôle négatif de Mme Aupick, stigmatisé son manque de compréhension, d’intelligence, d’empathie. J’ai voulu rendre à cette femme un peu de sa complexité, de son épaisseur. Il fallait rappeler une enfance difficile et une identité problématique puisque, née pendant la Révolution en Angleterre de parents émigrés, la future mère de Baudelaire s’était retrouvée à sept ans orpheline, reniée par sa famille maternelle, inconnue de sa famille paternelle (elle ne sut probablement rien de son père), élevée par charité, dans un milieu très aisé auquel elle n’appartenait pas véritablement, éduquée dans la perspective d’un mariage presque impossible, puisqu’elle n’avait pas de dot. Ces éléments éclairent un peu ses colères et son désarroi lorsque son unique enfant tournera le dos à un avenir brillant, que la carrière et les relations du général Aupick devaient favoriser, pour vivre misérablement, en déclassé. 

J’ai voulu, dans cet essai, montrer, sans prendre parti, les deux protagonistes de cet affrontement. De plus, Caroline Aupick est présente dans l’œuvre de son fils ; deux poèmes des Fleurs du Mal lui sont consacrés ; elle est la mère de l’essai en partie autobiographique Morale du joujou. Elle est nommée dans les fragments qu’on intitulera à tort Journaux intimes. Les témoignages que l’on peut recueillir de contemporains sont contradictoires : si l’ami et éditeur de Baudelaire, Auguste Poulet-Malassis la juge incapable de rien comprendre à son fils, d’autres, comme Banville, vantent sa distinction et son charme. Charles Asselineau, grand ami de Baudelaire, sera très proche d’elle à la fin de sa vie (de sa vie à elle, Mme Aupick survit à son fils).

Le Matin d’Algérie : Dans L’Idée si douce d’une mère, vous décrivez une tension entre idéalisation maternelle et rejet des valeurs bourgeoises. Pensez-vous que cette contradiction est au cœur de l’œuvre baudelairienne ?

Catherine Delons : Je crois que l’essentiel réside dans la tension non résolue entre les deux pôles spleen et idéal, entre l’emprise du Mal et toute forme de déréliction qui dégradent une âme, et les moments d’extase, de plénitude, le goût de la rigueur et de la connaissance, qui l’élèvent. L’idéalisation maternelle et le rejet des valeurs bourgeoises, du matérialisme, paraît en effet l’un des aspects de cette tension fondamentale. 

Le Matin d’Algérie : L’édition des Lettres à sa mère offre une dimension intime et parfois dérangeante du poète. Quels aspects de sa personnalité ou de sa poésie cette correspondance éclaire-t-elle le mieux selon vous ?

Catherine Delons : Bien des aspects, des thèmes de l’œuvre peuvent se superposer à la lecture de ces lettres : le poids de la culpabilité et du remords, la hantise du temps qui passe, la violence de la dépression, l’impact de souffrances morales, l’aspiration à des moments de paix, de réconfort, l’importance du souvenir. En écrivant à sa mère, Baudelaire se livre souvent à une introspection douloureuse, sans concessions, et, véritablement, met son cœur à nu. Des aspects, en effet, dérangeants, de sa personnalité, explosions de colères, expressions d’une misanthropie rageuse, se retrouvent dans les notes laissées pour un ouvrage dans lequel il aurait dévoilé toutes les composantes de sa pensée et de ses humeurs, dit ce qui ne se dit pas, et ne peut se dire, ouvrage intitulé, précisément, Mon cœur mis à nu, titre et projet trouvés chez Edgar Poe. 

Ces lettres, qui sont parfois autant de poignants examens de conscience, ont été adressées à une personne visiblement incapable de l’attention qu’elles requièrent, une personne obsédée par des questions matérielles et par sa propre honorabilité. Sachant pertinemment que sa mère ne peut le comprendre, Baudelaire ne peut renoncer à se faire comprendre.

Le Matin d’Algérie : Vous avez également consacré un ouvrage à Narcisse Ancelle. Quelle importance revêt ce personnage secondaire dans la compréhension de Baudelaire ?

Catherine Delons : Narcisse Ancelle joue un rôle non négligeable dans la vie de Baudelaire. Ce notaire de Neuilly-sur-Seine, ami de la famille Baudelaire-Aupick, sera nommé conseil judiciaire du poète, qui se ruinait, en 1844. Concrètement, Baudelaire ne peut plus gérer sa fortune, vendre un bien, par exemple. C’est une immense et durable humiliation. Chargé de gérer le reste de la petite fortune héritée de François Baudelaire (père de Charles), Ancelle fera face à d’incessantes réclamations de son « pupille », et servira d’intermédiaire entre Mme Aupick et son fils durant leurs brouilles, et lors des années que la mère du poète passera à Constantinople ou à Madrid, où son mari était ambassadeur. 

Plein de bonne volonté, amical, s’intéressant sincèrement à Baudelaire, Ancelle est au courant de toute sa vie (dira Baudelaire lui-même). Il conseille, console Mme Aupick effrayée par la vie désastreuse de son fils. Chargée par elle de le surveiller, il insupporte le poète et occasionne de violentes colères. Mais dans la vie si douloureuse du poète, il représente aussi un appui, une amitié, un dévouement que Baudelaire reconnaîtra.

Mieux connaître Narcisse Ancelle, notaire, puis maire de Neuilly durant quasiment tout le Second Empire, cela revenait aussi à mieux cerner les valeurs bourgeoises, et un état d’esprit, des mentalités incompatibles avec l’art, et une vie totalement vouée à un art, tels que Baudelaire les concevait. Même si cela nous paraît évident, il reste intéressant, instructif, de tenter de pénétrer des mentalités que nous croyons connaître, mais qui ne sont plus les nôtres, de mieux cerner une partie de l’entourage et de milieux que Baudelaire dut affronter. 

Le Matin d’Algérie : Dans votre récent ouvrage, Baudelaire, rêver de Honfleur, vous explorez l’importance de Honfleur dans l’imaginaire du poète. En quoi ce lieu représente-t-il pour Baudelaire une échappée ou un idéal, à la fois géographique et intérieur ?

Catherine Delons : Après la mort du général Aupick, survenue en avril 1857, Honfleur cesse d’être une destination interdite (puisque, à partir de 1845, le général avait refusé tout contact avec son beau-fils). Les relations mère-fils, très conflictuelles, s’améliorent. Mère et fils envisagent même une vie en commun, à Honfleur, qui devient l’unique résidence de Mme Aupick.

En proie à de multiples difficultés matérielles, las de Paris, des persécutions de créanciers, aspirant, aussi, à la sécurité affective d’un foyer (dont il n’avait plus bénéficié depuis son enfance), Charles Baudelaire, avant même de connaître les lieux, projette sur Honfleur un espoir de bonheur, d’apaisement des tensions. 

Il pense que, délivré des habituels tracas matériels (il lui arrive souvent de passer d’un logis à l’autre, et même de n’avoir plus de quoi se nourrir et se chauffer), loin de toute préoccupation et de toute distraction aussi, il pourra travailler dans de bonnes conditions, lire à satiété, « refaire son esprit ». Lorsqu’il voit la maison maternelle, cette petite maison perchée sur le Côte de Grâce, avec son étonnant jardin en pente, et une vue magnifique sur l’estuaire de la Seine, il est conquis. Il découvre là un décor qui plaît à son imagination.

Cette « maison-joujou », comme il la nomme, semble la sœur d’une autre petite maison, dans le Neuilly de 1827 (il avait alors six ans), où il avait vécu, seul avec sa mère, après la mort de François Baudelaire, son père ; à ce moment-là, sa mère, lui écrira-t-il, avait été toute à lui, rien qu’à lui ; il avait eu donc l’impression de vivre un amour fusionnel dont il conservait une forte nostalgie. 

Le Matin d’Algérie : Quels obstacles, intimes ou concrets, ont retenu Baudelaire de faire de Honfleur ce refuge rêvé qu’il semblait tant désirer ?

Catherine Delons : Que Baudelaire ait passionnément aimé sa mère ne fait pas de doute ; qu’une vie en commun lui parût rapidement insupportable, est également indubitable. Arrivé à Honfleur, au début de1859, il est d’abord très satisfait : « la muse de la mer » lui convient, dit-il. De fait, il connaîtra à Honfleur sa dernière grande période créatrice. Très vite cependant, Paris, ses amis lui manquent. Des tensions surgissent entre la mère et le fils. Reste que, de retour, il ne cessera d’affirmer le désir, le besoin de retourner à Honfleur, de s’y installer complètement.  Honfleur devient un mirage. Il entretient l’espoir compensateur d’un bonheur toujours remis au lendemain, en fait irréalisable. Il y a en lui bien des contradictions qui contribuent à la richesse de cette œuvre si intense. Sa biographie reflète ces tensions, ces contradictions profondes. 

Au lieu de s’installer à Honfleur, Baudelaire, en avril1864, part pour Bruxelles. Malade, affaibli, il s’obstine à y rester pour préparer un livre sur la Belgique, espérant trouver un éditeur pour l’ensemble de son œuvre avant de rentrer à Paris. Jusqu’à la fin, il projette sur Honfleur un désir de repos, de bonheur ; n’a-t-il pas noté, trois semaines avant de perdre l’usage de la parole (et de l’écriture, et de la lecture), que son installation à Honfleur avait toujours été « le plus cher de ses rêves » ? Mais, tant à Bruxelles qu’à Paris, les médecins remarqueront que le malade ne s’emporte qu’en présence de sa mère, et conseilleront à Mme Aupick de s’éloigner de son fils.

Le Matin d’Algérie : Avec le recul sur votre parcours, quel regard portez-vous sur l’évolution des études baudelairiennes, et quelle place y occupe aujourd’hui la dimension biographique ? 

Catherine Delons : Les études baudelairiennes reposent sur un socle biographique et documentaire : l’ouvrage d’Eugène Crépet, Charles Baudelaire, Œuvres posthumes et correspondances inédites précédées une étude biographique, ouvrage publié vingt ans après la mort de Baudelaire, en 1887. C’est le noyau, considérablement et inlassablement élargi, précisé, augmenté, par ses successeurs, en premier lieu par son fils, Jacques Crépet, qui a réalisé une œuvre colossale en éditant, durant la première moitié du XXe siècle, toute l’œuvre de Baudelaire, traductions de Poe incluses, ainsi que sa correspondance. 

Claude Pichois a pris la relève, et ses éditions de l’œuvre et de la correspondance ont dominé l’espace baudelairien entre les années 1970 et 2024. Il est aussi l’auteur de la biographie de référence de Baudelaire et d’innombrables études. Ces trois noms sont les phares de l’histoire et de la critique baudelairienne, par ailleurs extrêmement riche et diverse.

D’un point de vue biographique, les chercheurs continueront sans nul doute d’apporter des pierres à l’édifice, creusant des aspects spécifiques. Le public est parfois surpris qu’après tant d’années et de travaux « il y ait encore quelque chose à trouver », mais les fonds d’archives, publics ou privés, ne sont certainement pas tous explorés, de même que la presse ancienne. 

L’accent sera mis surtout, je crois, sur la réception de l’œuvre ; les ouvrages fondamentaux du professeur André Guyaux, dans sa belle collection « Mémoire de la critique » (Sorbonne Université Presses), de même que ses propres éditions de Baudelaire, montrent la voie. 

Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?

Catherine Delons : Je viens de publier un ensemble documentaire sur Baudelaire à partir de la fin de mars 1866, c’est-à-dire à partir du moment où, aphasique, hémiplégique, il est à peu près privé de tout moyen d’expression, jusqu’à la fin de 1872 : Baudelaire. L’entrée dans la postérité. Ces témoignages éclairent donc les derniers mois de vie du poète, les réactions à sa mort, à la publication de ses œuvres dites complètes, comme aux premiers ouvrages ou études qui lui furent consacrés. Sinon, je compte poursuivre mes efforts dans les deux directions que j’ai suivies jusqu’à présent : essais et éditions documentaires. 

Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?

Catherine Delons : Baudelaire, qui a revendiqué le droit à la contradiction, a laissé une œuvre dense, complexe, qu’il faut considérer dans sa totalité, en évitant de s’arrêter sur tel aspect qu’une autre partie de son œuvre démentirait. La tentation peut être forte de projeter sur lui ses propres aspirations ou idées en se fondant sur des membres isolés de son œuvre, et en les surinterprétant. 

De son temps comme du nôtre, il a toujours été aisé d’insister de façon réductrice sur, par exemple un poème mal lu, comme Une charogne, ou des détails biographiques absurdement exploités comme le trop fameux « crénom », ou encore des aspects de sa légende qui a vraiment la vie dure. Baudelaire, à la fin du poème Le Voyage, c’est-à-dire à la fin de la deuxième édition des Fleurs du Mal, ne conclut pas ; arrivé au terme de son parcours, prêt à plonger dans l’inconnu et les ténèbres, le voyageur est impatient de trouver du nouveau, quel qu’il soit. L’accent est mis sur un désir de poursuite de l’effort spirituel, du travail de la pensée qui ne peut se figer dans quelque certitude.  

Entretien réalisé par Brahim Saci

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Le gel des biens mal acquis algériens en France, ne rêvons pas !

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France Algérie

L’affaire qui vient d’éclater concerne une rétorsion que préparerait la France consistant à geler des biens détenus en France par des dirigeants algériens provenant d’une origine douteuse à l’égal de ce qui avait été décidé pour les oligarques russes.

Ne rêvons pas, calmons-nous, cet espoir qui est le nôtre depuis si longtemps n’est pas prêt de se réaliser. Pourtant, jamais je n’espérerais autant que je me trompe par l’affirmation de mon doute.

À l’évidence, la première explication de mes réserves est la barrière qui s’élève toujours en de pareils cas pour les régimes démocratiques, celle de l’état de droit. C’est en même temps une force qui maintient la grandeur d’un pays mais elle est en permanence confrontée à ses exigences.

Le droit français, quels que soient les doutes et les accusations de sa variabilité en fonction des intérêts nationaux, reste tout de même une réalité. Un état de droit, malgré ses détournements hypocrites bride les initiatives de prise de décisions de cette nature.

Je laisse le lecteur aux excellentes explications très détaillées publiées dans ce journal à propos de cette affaire. Je me positionne uniquement dans l’exposé des volontés et des moyens pour geler les biens de ces corrompus de haut vol.

Deux pistes à explorer sont évidentes, elles balisent le long chemin de la difficulté.  La première est que la France n’avait pas besoin de la lourde artillerie juridique pour saisir, geler et éventuellement confisquer les biens mal acquis des  dirigeants algériens.

La fuite publiée nous dit que l’estimation des cas de biens mal acquis concernerait 801 responsables algériens. Vous rendez-vous compte, 801, c’est-à-dire à la personne près, une précision étonnante. Cette estimation sur le coup de la colère et de la menace est absolument impossible si le décompte n’avait pas été fait de longue date par les services fiscaux et le ministre de l’Intérieur en considération des hautes responsabilités de ces escrocs algériens.

La première question que nous avait posée le notaire lors de notre achat immobilier est l’origine des fonds. Il est impossible à n’importe quel salarié de les attester sans la preuve d’un crédit bancaire, difficilement acquis et au prix d’une très longue période de remboursement vu les prix énormes de l’immobilier. Il en serait de même pour une provenance d’un héritage ou d’un don qui ne peuvent être exempts de déclarations fiscales et de paiement des impôts prévus par les lois françaises.

Puis ensuite, ces biens suspectés des Algériens visés sont souvent si ostentatoires qu’ils ne peuvent échapper à la vigilance des services fiscaux ou de sécurité. Un enseignant qui aurait subitement une propriété de plusieurs millions d’euros et un train de vie hors des possibilités de ce qui est déclaré peut difficilement éviter les radars.

Rappelons ce que les Algériens oublient bien souvent est que les généraux, pour prendre le cas le plus significatif, sont des fonctionnaires dont le traitement est consultable dans la grille nationale du statut de la fonction publique.

Et n’oublions pas également de reporter la valeur de ces biens au taux de change qui les rendraient équivalents à ceux des princes des mille et une nuits. Ces fortunes sont donc pour beaucoup résidentes en France de longue date, il serait difficile que les contrôles ne soient pas encore été faits pour des dignitaires étrangers  au pouvoir politique ou économique si grands.

81 dignitaires corrompus et affairistes véreux ne peuvent pas sortir du chapeau comme du bouquet de fleurs d’un illusionniste. Les lois fiscales sont pléthoriques pour éviter de prendre pour excuse la difficulté de les débusquer.

Le dispositif juridique possible présenté par la presse est tout simplement abracadabrantesque (vous connaissez l’origine de ce mot) puisqu’il s’agirait d’une loi concernant des personnes missionnées par un gouvernement étranger pour des actes attentatoires aux intérêts et à la sécurité de la nation.

Et puis quoi encore ! Avez-vous connus des terroristes ou des espions commandités par un état étranger se découvrir avec autant de gyrophares ? C’est stupide de le laisser croire.

Il faut donc se diriger vers la seconde explication, le silence coupable des services fiscaux et de sécurité au nom des intérêts économiques ou des alliances politiques stratégiques. Bien entendu qu’on n’avait pas attendu mon article pour savoir ce qu’il en est depuis l’indépendance.

Pas besoin d’être dans le secret des dieux pour savoir ce que tout Algérien sait depuis si longtemps. Ils n’ont besoin ni de services fiscaux ni d’enquêteurs pour repérer les biens mal acquis de ces voleurs à grande échelle.

N’importe quel lycéen sachant lire et écrire peut consulter le prix des plus luxueuses propriétés en Algérie, particulièrement celles de nos bien aimés généraux, des hauts fonctionnaires et des milliers d’hommes d’affaires qui ne peuvent faire fortune sans eux et en partage avec eux. Ne parlons pas des voitures au prix de cinq ans de salaire et des bijoux et voyages de la famille.

La France ne veut pas rompre le lien avec un pays pétrolier et gazier aussi proche et aussi historique. Depuis l’indépendance il y a eu plus de fâcheries et de menaces de rupture entre eux que ceux d’un couple qui  n’a pas l’intention d’en arriver à une rupture définitive.

Il est évident que cette menace de publication d’une liste n’est qu’un moyen de montrer ses muscles et d’avertir l’Algérie qu’elle ne pourra aller plus loin sans se prendre sur la tête l’arme dissuasive qui touche aux porte-monnaies privés.

Cette arme serait l’écroulement pour les lauréats de la liste de toute une vie de besogne pour terroriser et piller un peuple qu’ils ont mis à genoux ou réduit à des illuminés qu’ils font danser comme des marionnettes. C’est la pire des choses qui puisse leur arriver.

Cette arme lourde de dissuasion, un coup de massue pour les généraux algériens, ne pourra jamais être utilisée, surtout dans un moment où la France a besoin des approvisionnements de pétrole et de gaz après les boycotts des matières premières russes.

Non, il ne faut pas rêver, la seule arme lourde efficace pour mettre fin aux ripoux en col blanc est de la seule décision des Algériens.

Mais lorsqu’ils se révoltent, c’est pour danser et youyouter dans les rues pendant deux ans. Puis de s’en retourner au bercail, qui en continuant son bisness, qui pour sa candidature à la députation, qui pour son voyage dans le pays des impies et des ennemis qu’ils qualifient ainsi du matin jusqu’au soir.

Un nationalisme aveugle aussi stupide et hypocrite est le grand allié de ces 81 de la liste et de ces vingt classés en première ligne. Moi j’attends avec curiosité et impatience qu’on retrouve le 802e dans cette liste d’investigation si précise. Puis le 882,5 ème, très important, la virgule !

Mais peut-être que je serai l’homme le plus heureux de la terre en me trompant. Ce serait la première fois qu’un enseignant donne vertu et espoir à une erreur.

Boumediene Sid Lakhdar

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Des militaires ont annoncé, ce dimanche 7 décembre 2025, à la télévision nationale, avoir destitué le président Patrice Talon.

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