15 mars 2025
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Pourquoi le projet SH2030 de Sonatrach ne sera qu’un effort vain (I)

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Stratégie

Pourquoi le projet SH2030 de Sonatrach ne sera qu’un effort vain (I)

« La Sonatrach, c’est l’Algérie et l’Algérie c’est la Sonatrach », n’arrête pas de marteler Dr Abderrahmane Mebtoul.  Historiquement, chaque cadre qui a étudié ou exercé à l’étranger et à qui on confie la charge de la société nationale, commence sans diagnostic, profond et crédible, sur la base d’une simple opinion à lui imposer des critères économiques en violant sa démarche qui reste et demeure primordialement politique. Le résultat, observable d’ailleurs, ne sera que sa fragilisation sur tous les plans.

Ainsi, à en croire la presse, le nouveau PDG, Abdelmoumen Ould Kaddour, qui était en visite à Hassi R’mel lundi dernier devait profiter de l’occasion pour annoncer d’emblée que la nouvelle « stratégie du groupe » pourrait être finalisée avant la fin de l’année. S’agit-il d’une nouvelle feuille de route prête à la mise en œuvre ou un simple projet qu’il soumettra au propriétaire de l’entreprise pour un débat ?

Pour lui, il s’agira de définir d’ici la fin de cette échéance ce que Sonatrach va devenir et avec quels moyens et organisation va-t-elle y parvenir. Il est facile de comprendre par là qu’en un peu plus d’une décennie et avant même que tout le pays mette une stratégie de diversification qu’il peine même à visionner clairement, Abdelmoumen Ould Kaddour, réorientera les objectifs de la mamelle de tous les Algériens pour en faire une entité à sa taille qui respecte « de délais, de coût et de la qualité » des projets. C’est là un concept qu’il maîtrise bien dans sa vie professionnelle antérieure.

Pourtant, l’approche du redéploiement d’une « National Oïl Company (NOC), est devenu un cas d’école. La dernière en date est celle de Saoudi Aramco dont le lifting est éminent si l’on croit les déclarations du prince héritier Mohamed Ben Salmane à l’agence Reuters. D’abord son assainissement a commencé voilà plus de 10 ans pour qu’en 2018, elle rentre en bourse pour une valeur estimée à 2000 milliards de dollars. Pour crédibiliser sa cotation en bourse, elle cédera, 5% de ses actions et à qui ? A celui qui non seulement dispose de l’argent et concurrence les Etats-Unis : la Chine. L’annonce même n’a pas manqué de donner la sueur froide aux grands groupes pétroliers qui font pression sur l’Etat Fédéral pour empêcher ce projet à tout prix, d’ailleurs en vain. La raison est simple, la Saoudi Aramco par son envergure menace l’emprise des réserves des hydrocarbures par les sept sœurs. Mais en parallèle, Mohamed ben Salmane a également évoqué le projet de mégapole de l’Arabie saoudite, un chantier de 500 milliards de dollars que Ryad souhaite également introduire en Bourse. Cette opération s’inscrit aussi dans le cadre de la diversification de l’économie saoudienne, baptisée Neom, cette zone d’activité, qui devrait s’étendre sur 26.500 km2, se déploiera au bord de la mer Rouge, sur trois pays, l’Arabie saoudite, l’Egypte et la Jordanie. Tout cela se fera sur la même échéance, c’est-à-dire 2030. Ryad espère y attirer des entreprises spécialisées dans les énergies renouvelables, les biotechnologies et le divertissement et permettre la création de millions d’emplois. Cet exemple devrait inspirer les responsables des grandes entreprises algériennes pour comprendre que la stratégie est globale et n’a aucun effet si elle s’opère par itérations successives pour ne pas l’appeler carrément « essai » Quelles sont les circonstances de la naissance de Sonatrach ? Quelles en sont les étapes de sa décadence ? Et par qui? A suivre

 R. R.                                                                                                 

Partie II : La restructuration de début 80 a effrité le savoir faire de Sonatrach  

Partie III : L’impact  du passage de Chakib Khellil à Sonatrach                         

Auteur
Rabah Reghis, Consultant et Economiste Pétrolier

 




Du cessez-le-feu au putsch militaire (II)

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Dossier : Abdelhafidh Yaha, un homme, un vrai

Du cessez-le-feu au putsch militaire (II)

Dans la contribution précédente, les informations fournis par Abdelhafid Yaha, dit Si Lhafidh, permettent, déjà et clairement, de deviner la suite logique des événements de la guerre de libération nationale (voir vidéo plus bas). Cette «logique», effectivement, se concrétisa.

Deux événements eurent lieu durant la guerre. Leur évocation est plus utile dans cette partie que la précédente ; ils fournissent un éclairage permettant de mieux comprendre ce qui eut lieu au cessez-le-feu.

À l’extérieur, au Maroc, là où stationnait l’armée et l’état-major, l’un des deux dirigeants les plus en vue de la guerre de libération, Abane Ramdane, fut assassiné par ses « frères » de combat (voir pp. 114 et suiv.) Le responsable en était Boussouf, le supérieur du colonel Boumediène. Puis, l’autre dirigeant le plus important, Larbi Ben M’hidi, fut arrêté (dans des circonstances plutôt étranges) et assassiné par l’armée coloniale (voir pp. 116). Avec la mort de ces deux dirigeants, auteurs de la Plateforme de la Soummam de 1956 (1), c’est une vision politique et sociale démocratique et populaire qui fut éliminée. Désormais, la partie autoritaire, militariste, défendant une vision arabo-islamiste de type fasciste, conquit l’hégémonie dans la poursuite de la guerre.

On arrive donc à la cessation de la guerre, en mars 1962. Voici les faits les plus significatifs avancés par Si Lhafidh.

Le premier est d’ordre social ; il concerne une couche de nantis. Si Lhafidh dit : «A la veille du cessez-le-feu, le vent a commencé à tourner. Nombre de personnes aisées, jusque-là peu convaincues par notre lutte pour l’indépendance, prenaient contact avec nous pour régler des cotisations qu’elles n’avaient pas payées depuis des lustres. Elles voulaient se racheter et s’enlever le complexe de n’avoir pas participé à la guerre.

Toutes ces personnes, et elles ont été nombreuses, avaient senti les fragrances de l’indépendance. L’épreuve de feu presque finie, la saison des retournements de veste commença.»

Bien entendu, cette catégorie de personnes se préoccupait de conserver ses privilèges et, éventuellement, en gagner d’autres, soit en occupant des postes administratifs, soit en poursuivant ou augmentant une activité économique lucrative. Et cela par l’habituel moyen : l’argent et la corruption. Déjà !

L’autre fait qui eut lieu est plus grave, on devine lequel : la conquête du pouvoir. À ce sujet, le témoignage de Si Lhafidh est stupéfiant. Qu’on en juge.

«Combien de chefs de l’organisation ont été préoccupés plus de leur carrière politico-militaire que de la marche de la Révolution ? Hélas, ils ont été bien trop nombreux !»

« Pendant ce temps, il y en avait qui fourbissait leurs armes pour asseoir leur pouvoir sur le pays. Dans cette optique, l’état-major dirigé par le colonel Boumediene [situé hors des frontières, au Maroc (2)] a distribué grades et responsabilités à ses clientèles. C’est à cette époque que nombre de déserteurs de l’armée française ont été faits officiers supérieurs pour encadrer les unités destinées à nous combattre.»

«Une autre catégorie de personnes fut incorporée dans ce plan de conquête du pouvoir :

«Combien de fois tout l’appareil militaire stationné à l’extérieur du pays a été paralysé des mois durant à cause des jacqueries ou des promotions de proches qui ne plaisaient forcément pas à tout le monde ?»

Quant aux faits affirmés pari Si Lhafidh ci-dessous, combien en sont informés ? « Dois-je rappeler que l’écrasante majorité des cadres politico-militaires du FLN étaient installés à l’extérieur de l’Algérie, laissant le terrain des opérations et la lutte armée aux maquisards et à leurs officiers ?

Mais avouons que les politiques ne furent pas les seuls à rejoindre l’extérieur. On le sait, nombre d’officiers, je veux parler des colonels et des commandants, une fois sortis n’avaient plus remis les pieds sur le territoire algérien jusqu’à l’indépendance. »

Cependant, restait un acteur à considérer : le peuple. Comment réagira-t-il à une prise de pouvoir illégitime ?… Si Lhafidh déclare:

« En parallèle, l’EMG [État-major Général] distillait auprès de la population toutes sortes de propagandes afin de déstabiliser le GPRA [Gouvernement Provisoire de la République Algérienne] et les djounoud [combattants armés] des wilayas [provinces] qui ne lui étaient pas acquises. Des tombereaux de calomnies ont été inventés sur le GPRA et ses soutiens. Je me rappelle par exemple d’une de ces rumeurs persistantes lancée par l’état-major. Elle disait, en substance, que le GPRA avait trahi et bradé l’Algérie en signant les accords d’Evian [mettant fin à la guerre].

Loin du théâtre de la guerre et ses atrocités, ces soldats se sont permis même le luxe de dénoncer les accords d’Evian. La manœuvre était trop facile sachant qu’ils étaient loin du feu de la guerre. Comme dit le proverbe algérien : ne ressent l’incandescence des braises que celui qui en a été brûlé. C’est vrai, de là où ils étaient, ils ne pouvaient sentir l’insupportable odeur qu’exhalent les corps des moudjahidine [combattants armés] brûlés par le napalm, ni les souffrances aiguës du peuple.

L’objectif de ces menées était, bien entendu, de discréditer le GPRA aux yeux de la population ainsi que l’ALN [Armée de Libération Nationale] de l’intérieur acquise majoritairement au gouvernement légitime. Et par-là, paraître aux yeux des masses algériennes comme le seul défenseur authentique de l’Algérie.

La ruse était diabolique et franchement malsaine. »

Plus loin Si Lhafidh ajoute : « Que disaient d’autres ces fameuses rumeurs allègrement colportées parmi les troupes de l’extérieur et la population ? Que nous, moudjahidine de l’intérieur, n’avions pas tué les harkis [collaborateurs indigènes de l’armée coloniale]. Rien que ça. Bien au contraire, on les aurait incorporés dans nos rangs. Voir ! Comme si l’indépendance arrachée, notre ultime devoir était de liquider tous les harkis ou les suspects sans enquête, ni une quelconque instruction de procès.Voulait-on par-là pousser à des tueries de masse ? C’était à le croire… » (3)

Dès lors, les combattants de l’intérieur, au service du peuple, avaient compris. Si Lhafidh écrit, au sujet de Krim Belkacem, de retour à Tizi-Ouzou :

« Je me rappelle seulement de ces paroles par ailleurs symptomatiques de la situation qui prévalait : « Il vous faut encore résister, tenir ; ce qui nous attend est encore difficile. La révolution n’est pas près de se terminer, restez fidèles à la mémoire de tous ceux qui sont morts en martyrs (…) »

A. Yaha conclut :

« Désormais L’union sacrée avait vécu. L’heure était à la prise de pouvoir. A peine le premier combat fini qu’un autre allait commencer pour les militants de la liberté et de la dignité. »

Effectivement, l’armée des frontières, puissante en soldats, équipée du matériel le plus moderne, envahit le territoire, sous la direction du colonel Boumediene. Les combattants de l’intérieur qui s’opposèrent à ce putsch furent massacrés.

Quant au peuple, il sortit dans les rues en criant « Sab3 asnîne, barakât ! » (Sept ans, ça suffit ! »

D’un certain point de vue, ce comportement était compréhensible. Celles et ceux, algériens ou français ou d’autres encore, qui affirment, aujourd’hui, qu’ « au temps de la France, c’était mieux », sont invité-es à lire ce témoignage de Si Lhafidh :

« Trop de sang et de larmes ont arrosé les montagnes et les plaines de notre pays pour qu’elles ne s’ébrouent pas un jour contre le colonialisme. (…)

Le colonialisme nous a tout enlevé. Les terres et leurs richesses étaient distribuées à sa clientèle, le gros colonat. La liberté ? Eh bien, c’était simple, nous n’avions aucune liberté. Devant toutes les privations imposées par le système colonial, nous n’avions en réalité plus rien à perdre, hormis nos vies bien sûr, que les hommes de novembre ont décidé d’offrir à la révolution algérienne. Cela a été l’ultime liberté que beaucoup d’hommes et de femmes n’ont pas hésité à prendre pour s’affranchir dans la dignité. »

Hélas ! Sept années de guerre anti-coloniale n’ont pas suffit pour les chefs putschistes. Ils poursuivirent leur guerre, celle-ci pour la conquête du pouvoir. Et ils y parvinrent par la force de leurs chars. La première fois qu’ils ont servi, ce fut pour massacrer des combattants de l’intérieur, parce qu’ils s’opposaient à la dictature.

Si Lhafidh écrit :

«Car enfin, l’Algérie d’aujourd’hui est-elle celle dont nous rêvions dans les maquis ? Assurément non. Dès le premier été de l’indépendance, notre pays a été plongé dans une nouvelle oppression ; celle de l’état-major général de Houari Boumediene soutenu par quelques politiques ambitieux.»

Le plus représentatif d’entre eux fut Ahmed Ben Bella, auto-proclamé, grâce aux chars, premier président de la république. Elle fut déclarée « démocratique et populaire», deux mensonges pour un régime autocratique et oligarchique.

Le reste est connu. Dès lors, ce régime s’abattit sur le peuple. Il fut un fascisme (dans les méthodes de domination) masqué de couleur rouge (celle du « socialisme spécifique ») et de couleur verte (l’arabo-islamisme)

Cependant, un problème persiste jusqu’à aujourd’hui. Si Lhafidh le souligne. Il concerne la vérité historique, occultée par les vainqueurs :

« Malheureusement toutes ces précieuses archives qui retracent la marche de notre révolution demeurent encore aujourd’hui pour l’essentiel inaccessibles aux Algériens. Quel sens donner à cette mise sous séquestre si ce n’est la crainte que l’histoire nous renvoie des vérités dérangeantes pour nombre de personnalités politiques qui accaparent encore les cercles du pouvoir ? Il est maintenant évident que dans le maelström de la lutte que nous avons mené, les objectifs des uns n’étaient pas ceux des autres. Pendant que les maquisards tenaient vaille que vaille un maquis chaque jour un peu plus intenable, en Tunisie et au Maroc nos soi–disant décideurs, politiques et militaires, se constituaient des coteries, un puissant appareil militaire pour peser sur la direction du FLN/ALN. »

Reste à exposer comment Si Lhafidh a poursuivi, avec d’autres, la lutte contre la dictature indigène. C’est l’objet de la contribution suivante.

K. N.,

Email : kad-n@email.com

Notes

(1) Voir les précieuses considérations de Si Lhafidh, pp. 117 et suiv.

(2) Pour faciliter la lecture, nous mettons des précisions entre crochets, pour informer les personnes non familiarisées avec les faits évoqués.

(3) Le rôle joué par les harkis, et les auteurs qui l’ont permis, seront évoqués dans la troisième partie de ce dossier. 

Auteur
Kadour Naïmi

 




Le Monsieur « Mystère » de la littérature américaine

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Thomas Pynchon

Le Monsieur « Mystère » de la littérature américaine

« Thomas Pynchon est tellement plus intelligent que la plupart d’entre nous, simples mortels, qu’il est impossible que quiconque (même avec un doctorat en poche) termine un de ses romans sans avoir l’impression d’être le dernier des idiots. Il est possible que Pynchon soit trop génial. » Eric Miles Williamson 

« Les mots, qui s’en soucie ? Ce ne sont que des bruits appris par cœur, pour franchir la barrière des os dans la mémoire des acteurs. C’est dans cette tête qu’est la réalité. Dans ma tête. » Thomas Pynchon

L’élément le plus important à savoir sur cet écrivain, c’est que nous ne sommes pas sûrs qu’il existe vraiment puisque personne ne l’a jamais vu. En 1997, des reporters de CNN l’ont traqué et retrouvé et filmé. Il aurait négocié une interview écrite en échange de la non-diffusion de photos. Résultat, nous n’avons que cette photo de Pynchon. A se demander qui se cache derrière Pynchon.

Ecrivain cultivé, comique, proche des anarchistes, Pynchon fait penser à Céline. Et ne rentre aisément dans aucune catégorie littéraire. Ses deux romans que j’ai aimés sont V. et Vente à la criée du lot 49, l’un et l’autre de ces ouvrages, de plus de cinq cents pages chacun, ont pour trait le plus apparent le caractère compliqué et mystérieux de l’intrigue.

Il serait sans doute plus facile de résumer l’Ulysse de Joyce que de donner la moindre idée au sujet de V. Herbert Stencil est obnubilé par la mort de son père, agent secret britannique assassiné vingt ans plus tôt à Malte. La lettre V. se retrouve dans plusieurs papiers de Sydney Stencil. Qui est V. ? Le Venezuela ? Le Vésuve ? Le Vheissu, pays si mystérieux ? Est-ce Victoria, la maîtresse du père ? Vénus ? Veronica ? Les armes nazies V1 et V2 ? Valetta, la capitale de Malte ?

L’auteur nous promène dans le temps et dans l’espace — en 1898, 1956, 1913, 1919, à Norfolk, New York, Le Caire, Florence… Stencil évolue dans les milieux les plus divers (beatniks new-yorkais, bars de marins à Norfolk, bandes portoricaines, polonaises, italiennes…) et rencontre les personnages les plus improbables : un prêtre qui convertit les rats, un maniaque de la chirurgie esthétique, un ancien marin nommé Profane…

L’intrigue de Vente à la criée du lot 49 est extraordinaire. L’héroïne, Œdipa Maas, est une détective amateur confrontée à une énigme. Cette jeune femme apprend qu’elle est nommée exécutrice testamentaire de son ancien amant, un spéculateur qui a trafiqué avec la Mafia et qui a laissé à sa mort un héritage substantiel. Elle quitte son mari et se rend à San Narciso avec Metzger, son co-exécuteur, un très bel homme qui a été acteur dans sa jeunesse. Ils deviennent amants. Ils vont voir une pièce de théâtre intitulée « La tragédie du courrier », drame de la renaissance, plein de violence et d’assassinats. Œdipa est intriguée par cette pièce et cherche à en savoir davantage sur un drame qui s’est passé en Italie — un massacre de soldats dont les os reposent au fond du lac de Pieta.

Les moyens utilisés par Pynchon sont variés et efficaces : alors que la littérature américaine fait plus attention au contenu qu’à la forme, l’auteur de V. se sert de toutes les ressources du style et de tous les procédés de l’écriture. Son style peut être lyrique, fantastique, réaliste, sérieux, descriptif, bouffon, mystique ou feuilletonesque. Pynchon peut également être à l’aise dans la chanson gaie ou le récit d’horreur, dans le roman politique comme dans la tragédie. Le mot est l’instrument de base. Pynchon n’ignore aucun des artifices verbaux. Les noms propres qu’il donne à ses personnages sont très évocateurs : Œdipa rappelle Œdipe, Stencil nous rappelle les anciens papiers bleus, Profane est l’homme à qui l’expérience n’a rien appris. D’autres noms sont franchement cocasses : Driblette, Yoyodyne, Baby Igor, L’heure maudite, Koteks, Vladimir Porc-Epic…

L’humour est une des armes de la satire de Pynchon et il s’en sert souvent avec bonheur. On en jugera par les quelques lignes suivantes dans lesquelles il nous présente Stencil : « Herbert Stencil, à l’instar des petits-enfants à un certain stage de leur développement, à l’instar aussi d’Henry Adams dans son éducation, et de tout assortiment d’autocrates à travers les âges, parlait toujours de lui-même à la troisième personne. Cela permettait à Stencil de ne représenter qu’une unité, dans une longue liste d’identités. « Dislocation provoquée de la personnalité », c’’est ainsi qu’il appelait l’ensemble du système, très différent d’ailleurs, de celui qui consiste à « se mettre à la place de l’autre » car il obligeait Stencil à porter, par exemple, des vêtements que Stencil n’aurait pas endossés, dut sa vie en dépendre, à absorber des nourritures que Stencil n’aurait pas avalées, à fréquenter des bars et des cafés nettement anti-stenciliens, tout cela semaine après semaine, et pourquoi ? Pour maintenir Stencil à sa place, c’est-à-dire à la troisième personne…

Des romans de Pynchon émerge un foisonnement de personnages. Rien que dans les premiers chapitres de V., l’auteur réussit à camper une cinquantaine d’individus dont chacun a ses caractéristiques. Ces  personnages dénoncent certains aspects critiquables du mode de vie américain. Des hommes et des femmes deviennent des épaves, passent à travers la vie comme à travers un épais voile de fumée et d’inconscience. La brutalité est un autre aspect de la vie d’aujourd’hui. La violence a toujours existé mais celle d’aujourd’hui n’a pas de fondement. Les recours aux charlatans, aux esthéticiens, aux psychanalystes sont la règle.

Pynchon satirise aussi les mœurs politiques de l’Amérique. Il met en scène une organisation d’extrême-droite  qui se réclame d’un courageux américain qui aurait été la première victime des communistes. La satire de Pynchon laisse peu de domaines intacts. Il se moque des cités qui ne sont pas des villes mais « des groupes de concepts-divisions pour le recensement, districts pour émission d’obligations, noyaux d’approvisionnement, tous surmontés de voies d’accès à leurs autostrades respectifs ». En contraste avec le monde, des images du monde ancien percent : à une société où l’on se retrouve pour boire, Pynchon oppose  les sociétés secrètes de jadis.

A une société déshumanisée où le conformisme a remplacé l’initiative, le goût de l’action individuelle, l’esprit d’invention, l’auteur montre la voie d’une régénération possible en rappelant le courage des explorateurs et des aventuriers du passé, le courage du lion, la vertu, le désintéressement, le culte de la beauté intérieure et de la culture pratiqués par quelques aristocrates du savoir, l’Amérique des pionniers et des inventeurs comme Edison, des grands écrivains et des grands cinéastes…

Tel est, à n’en pas douter, le message caché des savants et des amusants «cryptogrammes» que Thomas Pynchon nous propose de déchiffrer.

 

Auteur
Kamel Bencheikh

 




La faute historique de l’armée algérienne, « républicaine » dans un océan de gabegie

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ANP

Ce sont des généraux d’humeur printanière, définitivement convertis à la vertu, à la sage neutralité et aux joies du professionnalisme, qui ont répondu à la lettre de Mohamed Mechati, ancien membre des « 22 », qui leur rappelait leur devoir envers un peuple embarqué malgré lui dans une ténébreuse aventure nommée Abdelaziz Bouteflika.

« Nous sommes une institution nationale républicaine pleinement dévouée à assumer son rôle constitutionnel sous la conduite de Monsieur le président de la république… », disent-ils, avec l’accent du bon potache qui a appris par cœur sa leçon de choses.  Mais pour qu’il y ait « institution républicaine », mon général, il faut qu’il y ait d’abord une république, c’est-à-dire un régime politique où les fonctions de chef d’État ne sont pas héréditaires, mais procèdent de l’élection, ce qui suppose que la souveraineté appartient au peuple ! Or, depuis l’indépendance, la souveraineté appartient aux humeurs des puissants.

L’Algérie n’est qu’une pitoyable parodie de République moderne, une espèce de monarchie bâtarde, archaïque, sur le modèle de l’Irak de Saddam, de la Libye de Kadhafi ou de la Tunisie de Ben Ali, une monarchie honteuse dirigée par un roi roturier et éternel que personne n’a choisi et qui règnera par une dictature de la pire espèce, par l’incurie, la gabegie, l’incompétence et le désordre destructeur. C’est cela et rien que cela l’Algérie d’aujourd’hui ! Le fait que l’auteur de la lettre soit un des pionniers du soulèvement de 1954 constitue un symbole suffisant  pour rappeler à nos généraux qu’ils avaient un devoir envers l’histoire et que la revendication d’une armée nationale avait figuré pour la première fois dans le discours prononcé par Messali Hadj  au congrès anti-impérialiste de Bruxelles en 1927, une armée nationale qui serait l’une des colonnes vertébrales du futur Etat indépendant,  au même titre qu’un gouvernement national révolutionnaire, une assemblée constituante élue au suffrage universel.  Nous n’avons eu ni gouvernement national révolutionnaire ni assemblé constituante élu au suffrage universel. Sur quel socle reposerait donc l’armée républicaine ?

Cette armée qui prétend à la similitude avec l’armée turque, tourne le dos à sa propre histoire. À ses obligations historiques. Mustafa Kemal était un général et, comme en Algérie, ce sont les militaires qui gagnèrent la guerre d’indépendance.

Mais en Turquie, ils fondèrent le nouvel Etat-Nation et l’armée est depuis la fin de l’Empire ottoman, un facteur de modernisation et cette vocation modernisatrice n’a pu se confirmer qu’après la fondation du nouvel Etat, de la République par Mustafa Kemal. Aujourd’hui l’armée turque protège un socle démocratique pérenne bâti sur trois principes le laïcisme, le républicanisme et le nationalisme, considérés par l’armée comme le fondement du kémalisme. Que protègent donc les chefs de l’armée algérienne ?

Leur humeur sans doute En 1962, les chefs militaires, au tempérament plutôt maussade, avaient entrepris de confisquer l’indépendance, de renvoyer le gouvernement provisoire et de s’installer sur le trône, avec un civil comme paravent. En 1965, remontés contre le dit civil, ils ont choisi de l’écarter et de se passer de paravent. En 1979, dans une disposition arrogante, ils ont reconduit un général à la tête du pays avant de le faire démettre, 13 ans plus tard, pour cause de victoire des islamistes aux législatives.

En 1995, renouant avec le flegme, ils font élire massivement un autre général, Liamine Zeroual, avant d’être rattrapés par leur humeur anxieuse, et de décréter, sous le coup du malaise d’une Armée qui « ne voulait plus être au centre du système politique » : le militaire Zeroual est poussé vers la porte de sortie et le pouvoir est transféré aux civils, en l’occurrence au « civil » Abdelaziz Bouteflika. Et le peuple, dans tout ça ? Eh bien, le peuple, il compte pas, comme dirait l’autre.

L’humeur des généraux l’emporte toujours sur le choix populaire. Cela n’est pas une République, mon général ! Quand Mohamed Mechati rappelle aux généraux  : « Vous qui avez choisi et imposé cet homme et qui l’avez déclaré élu puis réélu, faussement et sans scrupule (…) », il veut dire que Bouteflika a  été imposé aux Algériens à la place de Zeroual sans aucune considération pour l’élan populaire, sans précédent, qui avait entouré l’élection de ce dernier en 1995.

Les généraux ont mis fin à une expérience unique d’un État qui demeurait debout en dépit de tout, en dépit d’un pétrole à son plus bas niveau, d’un boycott occidental, des caisses vides, et qui n’avait pas capitulé devant l’islamisme comme le recommandait la plateforme de Sant’Egidio. Les chefs militaires, sous le coup de l’angoisse du TPI, ont avorté l’Algérie renaissante qui était en train de se relever, laborieusement mais triomphalement, d’une bataille impitoyable contre le terrorisme islamiste, où la lutte contre l’intégrisme islamiste avait redonné une nouvelle légitimité au combat populaire, une Algérie qui retrouvait goût à la grandeur, qui courtisait la démocratie. Tout cela a été remplacé par une « république » où les services de renseignements enquêtent sur les marchés passés par Sonatrach durant l’administration Bouteflika, où il a été détourné en trois mandats l’argent du présent et du futur, que les généraux parlent ?

Quand Mohamed Mechati dit qu’il faut « agir vite ; il y va de la survie de notre pays », il rappelle que le « transfert du pouvoir aux civils » décidée unilatéralement par les chefs de l’armée en 1999 s’est transformée en «transfert de pouvoir aux groupes mafieux». Ces groupes ont profité de la démolition de l’État algérien par Bouteflika pour dicter leur loi à un pouvoir faible qui, de surcroît, cherchait le soutien mafieux pour compenser ce que l’historien Daho Djerbal désigne comme «la faiblesse de l’ancrage socio-politique des partis au pouvoir et des organisations satellisées.»

Serions-nous face a un vrai marché de dupes ? Nos officiers croyaient installer un président exclusivement à leur solde, en 1999 ; ils découvrent que ce dernier était, étrangement, aussi à la solde de coteries puissantes et insoupçonnées : la mafia de l’import et la pègre pétrolière mondiale. Oui,   une élection présidentielle en 2014, si elle venait avoir lieu, consacrerait la victoire du clan Bouteflika à la tête d’un État faible, déstructuré et au service d’une redoutable voyoucratie alliée aux kleptocrates du pouvoir et à la pègre pétrolière mondiale qui s’est installée sur les débris de l’État algérien démantelé depuis 14 ans. D’une mafia qui, progressivement, dit son nom. L’Algérie ressemblerait à la Russie eltsinienne mais sans les moyens de la Russie, c’est-à-dire un État sans consistance, sans soutien populaire, qui ne serait ni un État de droit ni une économie de marché, mais une simple oligarchie roturière, c’est à dire un régime dans lequel le pouvoir appartient à un petit groupe de personnes privilégiant essentiellement leur intérêt personnel.

La réponse du ministère de la Défense nationale à Mohamed Mechati signifie que l’armée algérienne persiste dans l’illusion historique de se croire dépolitisée par miracle , ce qui l’autoriserait à rentrer dans les casernes sans avoir « reconstruit » ce qu’elle avait démoli : l’ambition démocratique du peuple algérien.

Tant qu’elle ne le fera pas, elle sera toujours appelée à sortir de la caserne pour remettre de l’ordre, mais à un prix toujours plus élevé. C’est ce qu’a compris l’armée turque dont le coup d’Etat du 27 mai 1960 fut en fait la première intervention majeure dans la vie politique depuis la fondation de la République. Ne paniquons pas : l’interruption de la vie démocratique fut de très courte durée car l’objectif de ce coup d’Etat était d’établir un système plus libéral et plus démocratique que le précédent. Le premier souci des militaires qui prirent alors le pouvoir fut d’inciter des professeurs de droit constitutionnel à préparer une nouvelle constitution démocratique.

Et que nos généraux n’oublient pas : on voulait, dès le XIXe siècle que l’armée ottomane devienne une armée dépolitisée et elle parvint à l’être pendant une cinquantaine d’années. En 1876, pourtant, c’est grâce à l’appui d’une fraction de l’armée que le Sultan conservateur qui brimait les intellectuels put être destitué pour être remplacé par une monarchie constitutionnelle. Ce fut ainsi que le rôle de l’armée allait devenir primordial dans la préparation de la révolution Jeunes Turcs en 1908 qui ouvrit une seconde période de monarchie constitutionnelle.

Comment s’appelait le sultan déchu ? Le sultan Abdelaziz.

Mohamed Benchicou

Chronique parue le 16 juin 2013

 »Ungal amaziγ, d inigi di ttrad n 2000 iseggasen »

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Conférence de Aumer U Lamara à Akbou

 »Ungal amaziγ, d inigi di ttrad n 2000 iseggasen »

Aumer U Lamara est l’un des rares auteurs kabyles à s’exprimer et à écrire exclusivement  en kabyle. Il animera une conférence sur : 

 »Ungal amaziγ, d inigi di ttrad n 2000 iseggasen / Le roman amazigh, témoin de la lutte de 2000 ans »

Samedi 11 novembre à 14h au Centre Culturel Slimane Rahmani. Aokas

Aumer U Lamara est l’auteur de nombreux romans et essai en kabyle. Nous rappelons le dernier en date « Timlilit di 1962 », Editions Achab en 2015. Il a écrit également « Omaha Beach – Ass n Wussan », Muhend Abdelkrim -di dduwla n Republik, amezruy n ṭṭrad , Arif akked Tagduda n Arif 1920-1926″, Editions Lharmattan (2011) et Koukou en (2013), Ibardan n tissas, tameddurt n Mesâud At Ammar », Tizrigin Le Pas Sage (2007), Tullianum – taggara n Yugerten, ungal Internet/HCA (2009).

 

 




La cour d’assises de Paris et la gestion de l’horreur par la justice

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Procès Abdelkader Merah

La cour d’assises de Paris et la gestion de l’horreur par la justice

Avec l’affaire Merah, nous sommes au cœur de la problématique du droit pénal, particulièrement celle de la cour d’assises de Paris. Juger l’abominable en respectant les fondements du droit d’une civilisation humaniste est certainement l’une des exigences les plus difficiles dans une démocratie. Surtout lorsqu’à la personnalité affirmée de l’accusé se rajoute celle, très particulière, de l’avocat de la défense.

Si le tribunal correctionnel est souvent imagé par l’expression « Commedia dell’arte » car c’est le résumé des conflits et haines de la société, théâtralisés par le jeu des envolées lyriques contradictoires, la cour d’assises est par contre le lieu d’une dramaturgie profonde.

Tout d’abord parce que les crimes sont le plus souvent d’une nature si odieuse qu’ils renvoient aux plus bas instincts de la société. Des larmes et douleurs insoutenables y sont étalées, parfois dans l’écoute insoutenable des détails du crime,  jusqu’à la nausée.

Ce fut le cas pour le procès d’Abdelkader Merah auquel on reproche d’avoir « fabriqué » le monstre assassin que fut son frère, Mohamed Merah. Mais la dramaturgie habituelle s’est renforcée par la présence d’un second acteur de cette pièce de théâtre, l’avocat, Éric Dupond-Moretti, grand maître du barreau et célébrissime pour ses coups de colère, sa pugnacité et sa violence verbale.

La question qui se pose est bien évidemment de comprendre pourquoi cela se peut et constitue le fondement d’un procès en assises. La douleur des familles, non satisfaites du verdict qu’elles trouvent clément, ne peut justifier que l’on critique les agissements de l’avocat, même si leur sentiment est qu’il les provoque.

Essayons de comprendre ce qu’est un procès en cour d’assises afin de mieux cerner le déroulement de cette affaire judiciaire qui peut choquer si on en a pas toutes les clés.

La cour d’assises, un rappel rapide

En droit, l’infraction pénale est une action qui contrevient aux lois qui ont défini certains actes comme attentatoires aux règles de la société. L’ordre de gravité détermine la compétence du tribunal pénal. Le délit (vol, violence, diffamation…) mène au tribunal correctionnel alors que ce qui est qualifié de crime mène vers la cour d’assises (meurtre, enlèvement…). La cour d’assises est donc une juridiction compétente pour les affaires criminelles.

Ce petit rappel rapide du droit justifie que le procès se déroule devant une cour d’assises, lieu où le prononcé des condamnations est plus sévère en peines d’emprisonnement et en indemnités éventuelles. La justice est toujours rendue « au nom du peuple » mais la cour d’assises va plus loin en demandant à ses représentants de prononcer eux-mêmes la culpabilité ou l’innocence, ce qu’elle organise par la convocation d’un jury populaire.

Attention, le tribunal concerné par l’affaire Merah est une cour d’assises spéciale composées de magistrats uniquement. Mais nous ferons une entorse à la réalité des faits car ce qui nous intéresse dans ce développement est de décrire la particularité habituelle d’une cour d’assises. Le comportement des deux principaux acteurs auraient été le même dans une cour d’assises habituelle.  

Le décor est ainsi planté par une solennité impressionnante que l’architecture des locaux, dans de nombreux cas encore, nous rappelle avec sévérité. L’affaire Merah s’est déroulée au Palais de justice de Paris, un lieu qui porte la marque de la justice royale lorsque le souverain avait pouvoir de justice.

L’accusé, un monstre froid

Abdelkader Merah est le frère de l’assassin, Mohamed Merah, qui a abattu de sang froid des innocents et n’a pas hésité un seul instant à ôter la vie à de pauvres petits enfants, aux portes d’une école juive.

Il est accusé d’avoir été « la main qui a façonné le criminel ». La justice lui reproche d’avoir nourri la haine d’un petit frère, totalement dénué d’un sens de réflexion capable de lui assurer une indépendance d’esprit. Il lui aurait également suggéré les actes et les cibles ainsi qu’apporté soutien et logistique.

Tout au long du procès, l’accusé fut arrogant, avec un silence dédaigneux et à aucun moment il n’a pris en compte la souffrance des parties civiles dont il ne soutenait même pas le regard. Un monstre froid qui fait face à une foule médusée qu’il existât une pareille créature sur terre.

C’est lui qui l’a initié et armé d’une haine féroce envers tous ceux qui sont supposés être les « ennemis », au nom d’une religion que ces abrutis ne connaissent pas plus que la grammaire ou l’arithmétique. Abdelkader était surnommé le « Ben Laden » de son quartier et se promenait avec son habit aussi ridicule que ses prêches, en caïd, la seule reconnaissance sociale à laquelle pouvait accéder ce délinquant notoire.

L’avocat, une star du barreau, brillant et exaspérant

L’avocat Eric Dupond-Moretti est la star actuelle du barreau, il détient le record des acquittements pour des affaires jugées désespérées. Il est omniprésent dans les médias, est sollicité par tous les accusés supportant des charges lourdes et il provoque ainsi l’exaspération du public. Eric Dupond-Moretti ne semble vouloir défendre que ce qui lui lance un défi majeur, soit des affaires impossibles. Il connut la notoriété lors de la célèbre affaire d’Outreau où il réussit à prouver l’innocence d’un groupe de personnes accusées de crimes sexuels envers des enfants.  

C’est un personnage rude et qui ne lâche rien. Avec une barbe qui rajoute à sa sévérité apparente, tous les adjectifs communément attribués aux ours en colère lui conviendraient. Bougon, féroce, jamais le sourire et les mots en perpétuelle attaque dirigée vers l’interlocuteur, quel que soit le propos, quelle que soit la question.

Il fait le spectacle et l’avocat est un « bon client » pour les chaînes de télévision et radios qui se l’arrachent. Il n’est jamais conciliant, toujours clivant et très efficace lorsqu’il est dans la confrontation féroce. On l’accuse de jouer un rôle médiatique pour sa propre satisfaction personnelle. C’est probablement en partie vrai mais c’est oublier le rôle de l’avocat.

L’avocat dans une affaire criminelle n’est limité par aucune contrainte. Son rôle n’est pas de dire la vérité mais de défendre son client, par tous les moyens. Un avocat, même si cela peut paraître choquant aux lecteurs non formés aux fondements du droit pénal, doit user de tous les moyens pour acquitter son client.

Il peut heurter et remuer le couteau dans les plaies ouvertes de la partie civile, parents et proches. Il a tous les droits car son système de défense et sa plaidoirie ne peuvent être freinés par aucune contrainte si ce n’est le respect des magistrats et certaines règles de convenance (et encore!).

Eric Dupond-Moretti défend un monstre. Cela peut sembler immoral mais c’est ainsi que les bases du droit de la défense se conçoivent. Nous avons à faire à un terrifiant personnage mais imaginons un seul instant, dans d’autres situations, si l’accusé était victime d’un emballement judiciaire. Sans la hargne et la liberté totale de l’avocat, nous nous imaginerions facilement l’horreur d’une accusation sans fondement.

La règle est aussi valable pour des monstres qui se proclament d’un dogme meurtrier et en dehors des usages pacifiés de l’humanité. L’avocat doit toujours avoir la même position, la même stratégie, c’est sa raison d’être dans un procès pénal où le risque de condamnation peut être lourd.

Pourquoi la procédure criminelle permet-elle une telle outrance face au chagrin des familles endeuillées ?

Le but du procès criminel

Dans un procès d’assises, quelle que soit la barbarie de l’acte, le but est double. Le premier est de sanctionner un acte grave s’il est établi que l’accusé est coupable. Le second est de permettre aux familles endeuillées de comprendre, c’est une étape indispensable à leur chemin de deuil.

Mais on oublie toujours le rôle de la cour d’assises dans sa procédure de jugement. On ne juge pas un acte, il est déjà considéré comme horrible, mais on juge la globalité d’un être humain, dans son histoire personnelle. Et c’est justement cela qui fait toute la différence pour l’avocat. Son rôle est d’aller rechercher jusqu’au fin fond de l’âme de l’accusé, une part d’humanité. Même chez les monstres les plus sanguinaires, il faut creuser profondément pour découvrir la nature humaine qui a préexisté avant l’acte bestial.

L’honneur d’une justice dans un pays humaniste et démocratique est de ne jamais considérer un être humain comme une bête lors du procès pénal. Et quel que soit mon comportement dans cet écrit qui, justement, n’a cessé de traiter cet individu de monstre, il faut s’incliner devant l’effort de l’avocat de nous présenter la part d’humanité, aussi petite soit-elle.

La justice n’est pas une vengeance, elle est justement l’inverse d’une pulsion que des siècles ont essayer de taire. C’est parce que l’humanité ne voulait plus de la dictature des pulsions humaines que la justice a été créées.

Nous ne sommes pas les avocats et nous pouvons traiter Merah de monstre. Mais nous devons respecter la noble mission de l’avocat, des magistrats et du jury, celle d’essayer de juger le reste d’humanité chez un homme qui semble hors de cette humanité.

Que va-t-il se passer maintenant ?

A la grande désespérance des parties civiles, la sanction n’est pas allée aussi loin que le réquisitoire de l’avocat général demandait, soit une peine à perpétuité.

Ce dernier s’est immédiatement pourvu en appel et un second jugement va se dérouler de nouveau où il faudra supporter, encore une fois, l’arrogance de ce perdu de la république et les provocations de l’avocat. Il fera son métier, nous n’avons rien à lui reprocher, ni du point de vue moral ni du point de vue légal.

Vox populi, vox dei ?

Je ne peux pas terminer cet article sans un point pédagogique à l’adresse du lecteur non juriste. Il existe un point constitutionnel fondamental, repris de la déclaration des droits de l’Homme, qui dispose que toute personne condamnée a droit à un second jugement en appel. Cela est facilement compréhensible car la justice étant humaine, elle est parfois faillible.

Mais pendant très longtemps en France, jusqu’en 2001, la législation opposait deux limites à ce principe. La première se comprend, certaines petites affaires (pour le civil, celles inférieures à 4 000 euros et pour le pénal, certaines infractions légères) ne peuvent faire l’objet d’un appel. La justice coûte très cher et on ne peut multiplier des appels pour de si petits litiges ou infractions.

Il y a par contre une autre exception qui était une dérogation scandaleuse au principe fondamental de l’appel. On estimait que les décisions de la cour d’Assises ne pouvaient pas faire l’objet d’un appel car un jury populaire s’étant prononcé, « vox populi vox dei » (la voix du peuple est la voix de Dieu). On estimait donc que la souveraineté du peuple ne pouvait être remise en cause par un appel de la décision.

Autrement dit, si vous voliez une mobylette, l’appel était autorisé en cas de condamnation mais si vous étiez condamné à mort (avant 1982) ou à perpétuité, le droit à l’appel ne vous était pas ouvert. C’était, tout de même, une grave anomalie du droit qui a perduré pendant trop longtemps.

Ce revirement législatif, qui remet les fondements de la justice à l’endroit, permet à l’avocat général de contester la peine prononcée contre Abdelkader Merah. Il faudra accepter l’idée contraire que le recours de Merah aurait été aussi juridiquement légitime s’il avait décidé de faire appel contre une décision moins favorable à son égard.

En conclusion, l’être humain peut discuter, en son for intérieur, débatte dans les lieux publics ou rédiger des articles pour s’indigner d’une clémence scandaleuse envers Merah. Le démocrate, juriste et humaniste, ne se l’interdit pas mais doit respecter le rôle troublant de l’avocat.

Et si certains pensent que l’auteur de ce présent article fait preuve d’indulgence envers le condamné, c’est qu’ils n’ont manifestement pas compris le propos.

Difficile à le faire comprendre à ceux dont la seule vérité est révélée, une fois pour toute et qui trancheraient les têtes sans état d’âme.

S. D. B.

Auteur
Sid Lakhdar Boumédiene, enseignant

 




Téhéran appelle Ryad à ne pas jouer avec le feu

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Moyen-Orient

Téhéran appelle Ryad à ne pas jouer avec le feu

Le président iranien Hassan Rohani a adressé mercredi une sérieuse mise en garde à l’Arabie saoudite, lui conseillant de ne pas jouer avec le feu, après une exacerbation des tensions entre les deux puissances rivales au Moyen-Orient. 

La veille, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane avait accusé l’Iran « d’agression directe » contre son pays après l’interception d’un missile tiré sur Ryad par les rebelles yéménites houthis, soutenus par Téhéran qui a démenti toute implication.

« Vous connaissez la puissance et la place de l’Iran dans la région. Des plus grands que vous s’y sont cassé les dents. Vous n’êtes rien ! » a lancé M. Rohani à l’adresse des dirigeants saoudiens, lors d’un discours retransmis par la télévision d’État.

« Les États-Unis et leurs alliés ont mobilisé tous leurs moyens contre nous et n’ont rien pu faire », a ajouté le président iranien, faisant référence à la guerre dévastatrice déclenchée en 1980 par l’Irak contre la jeune République islamique d’Iran, avec le soutien des pays occidentaux et arabes. Le conflit s’était achevé huit ans plus tard par un retour au statu quo ante.

Téhéran et Ryad ont rompu leurs relations diplomatiques en janvier 2016 après le saccage de l’ambassade saoudienne à Téhéran lors d’une manifestation de colère contre l’exécution d’un dignitaire religieux chiite en Arabie saoudite.

Les deux pays, gros producteurs d’hydrocarbures, soutiennent des camps opposés dans les principaux conflits au Moyen-Orient (Syrie, Yémen, Irak) et s’opposent aussi sur la situation au Liban et à Bahreïn.

Erreur stratégique

« Si vous pensez que l’Iran n’est pas votre ami et que les États-Unis et le régime sioniste sont vos amis, vous faites une erreur stratégique et de calcul », a encore ajouté le président iranien, faisant écho à de récents propos du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu selon qui la « menace » iranienne contribue à un rapprochement inédit entre l’État hébreu et ses voisins arabes.

Depuis le tir d’un missile balistique des rebelles houthis samedi soir au-dessus de l’aéroport de Ryad, l’Arabie saoudite et l’Iran se livrent à une violente passe d’armes au sujet du Yémen.

Les autorités saoudiennes accusent l’Iran d’être derrière ce tir qui pourrait, selon elles, « équivaloir à un acte de guerre ».

L’Iran a rejeté ces accusations et plaidé pour l’apaisement mais la Maison Blanche a pris fait et cause pour Ryad contre Téhéran. L’Union européenne a appelé toutes les parties au calme.

Devant ses ministres, M. Rohani a exhorté l’Arabie saoudite –qui dirige depuis 2015 une coalition arabe au Yémen en soutien aux forces gouvernementales– à cesser les bombardements sur les régions contrôlées par les Houthis et à mettre fin au blocus qu’elle impose à ce pays.

« Diplomatie » contre « bombardements »

Ce regain de tension entre Ryad et Téhéran intervient en une période d’incertitudes provoquée par la remise en cause par Washington de l’accord international sur le nucléaire iranien conclu en 2015.

Depuis son arrivée au pouvoir en janvier, le président américain Donald Trump s’est attaché à revigorer l’alliance entre Washington et Ryad, négligée par son prédécesseur Barack Obama.

Sur son compte Twitter, le ministre des Affaires étrangères iranien Mohammad Javad Zarif a appelé mercredi à trouver une issue pacifique au Yémen plutôt qu’à « créer de nouvelles crises par des bombardements et des menaces ».

« Il n’y a aucune crise qui ne peut être résolue par la diplomatie. Nous l’avons déjà prouvé », a-t-il ajouté en faisant référence à l’accord sur le nucléaire de 2015.

D’autre part, le quotidien conservateur iranien Kayhan a été condamné à une suspension de deux jours (samedi et dimanche) pour avoir titré lundi en première page : « Tir de missile des Ansar Allah (rebelles houthis) contre Ryad, la prochaine cible sera Dubaï ».

Selon l’agence officielle Irna, la justice a donné raison au Conseil suprême de la sécurité nationale, pour qui ce titre est « contraire à la politique de la République islamique dans la région ».

 

Auteur
AFP

 




À quand la fin de l’omerta ?

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Dossier des faux moudjahidine

À quand la fin de l’omerta ?

 La célébration du 63e anniversaire du déclenchement de guerre de Libération nationale a suscité maints écrits et réflexions, tendant, pour la majorité d’entre eux, à poser des questions, à faire partager des interrogations, qu’à consacrer des certitudes. Une telle situation n’est pas tout à fait incompréhensible. Au contraire, elle ne fait que prolonger une sempiternelle quête inaugurée au lendemain des Accords d’Évian et actée définitivement à partir de l’été 62, lorsque la « guerre des wilayas » eut pour épilogue la victoire de l’État-major général (EMG) sur le gouvernement provisoire, autrement dit, le triomphe de la force sur la légitimité.

Il est sans doute inutile de s’appesantir sur les conséquences immédiates d’un tel coup de force.

En tous cas, ses soubresauts continuent à agir dans le présent et à régir le rapport de forces entre clans en présence. Néanmoins, il semble qu’au-delà de la dictature qui allait s’installer des années durant, ponctuée par un coup d’Etat (1965) et une cooptation d’un président au pied levé (1979), un phénomène d’une extrême gravité avait pris racine dans la société et les rouages de l’administration: c’est la multiplication à l’infini du nombre de pensionnaires moudjahidine, détenteurs de la fameuse « attestation communale ». Parce que le pouvoir politique se nourrissait de la rente et se constituait des clientèles par le même moyen, les portes étaient ouvertes pour tous les dépassements, et celui de l’accroissement continu du nombre des anciens combattants était des plus mortels pour la mémoire de la guerre de Libération, pour la morale publique et pour l’éthique politique.

Il semble que la fatalité biologique, une loi de la nature qui contraint le nombre de moudjahidine à diminuer au fur et à mesure de leur disparition, n’ait pas droit de cité en Algérie et qu’elle puisse être impunément défiée.

En 2015, Louisette Ighilahriz, une ancienne combattante bien connue a pu dire, au cours d’un colloque sur Abane Ramdane: « Si les moudjahidines étaient aussi nombreux comme ils le sont aujourd’hui, l’Algérie aurait été libérée de l’occupation française en trois années de lutte ».

Il est vrai que le renouvellement générationnel a pu être constaté dans le ministère des Moudjahidine, qui a été, auparavant, toujours dirigé par des anciens combattants. Le dernier d’entre eux, a été Cherif Abbas, aujourd’hui installé en France. Depuis 2014, c’est un fils d’un martyr de la guerre de Libération, Tayeb Zitouni, qui gère ce département. C’est là une petite avancée qui n’a pas résolu toutes les interrogations relatives à la détention de la qualité de moudjahid. Le premier novembre dernier, ce ministre, harcelé par des journalistes au sujet du nombre d’anciens combattants de la guerre de Libération qui sont encore en vie, n’a pas pu leur répondre et satisfaire la curiosité de l’opinion.

La fatalité biologique défiée

Même si la polémique inhérente au nombre de moudjahidine a plus de deux décennies d’âge, elle avait pris des couleurs particulières en 2012, à l’occasion du cinquantenaire de l’Indépendance du pays. Ce genre d’anniversaire, qu’à l’échelle de la vie humaine on ne peut que rarement vivre deux fois dans sa vie, avait pourtant, pendant des années, nourri l’imaginaire collectif par sa symbolique, mais aussi par le processus de maturation de la reconstruction du pays qu’un tel intervalle de temps pouvait permettre. En dehors de quelques festivités culturelles fort modestes et de quelques colloques universitaires, la moisson a été maigre en matière de célébration. Là où l’on s’attendait à la publication de livres sur des faits inédits de la révolution de novembre 54, à des témoignages et des révélations, sur supports filmés ou écrits, à la remise en cause de certaines « vérités », données un certain moment comme irréfutables, l’on n’eut à assister qu’à du folklore et à des cérémonies obséquieuses. Le caricaturiste Dilem a même pu exécuter une succulente caricature qui fait dire à un visiteur du Salon du livre d’Alger, s’adressant au service de l’accueil: « Je cherche un livre sur les grandes réalisations du pays ». Un agent lui répond et lui indique par un geste de la main: « les œuvres de fiction, c’est au fond »!

Malgré quelques modestes tentatives faites par la presse d’aborder certains sujets sensibles ou objets de polémique, liés à notre révolution, l’Algérie officielle demeure fermée lorsqu’il s’agit d’aborder certaines questions au niveau des ses institutions ou de son école. Différends entres les chefs révolutionnaires, règlements de compte, certaines purges à l’intérieurs du FLN et de l’ALN, polémiques au sujet du congrès de la Soummam, du congrès de Tripoli,…etc. Mais, le sujet le plus brûlant, dossier explosif qui avait atterri avec un impitoyable aplomb dans les rédactions de journaux quelques années avant la célébration du demi-siècle de l’indépendance du pays, a été, inexorablement, celui des  »faux moudjahidine ». Curieusement, ce sujet est quasiment évacué des dossiers abordés sur les plateaux de télévision et dans d’autres tribunes de discussion.

Indubitablement, l’opinion nationale en général, et les rangs des vrais moudjahidine et des familles de chouhadas en particulier, sont frappés, froissés et traumatisés par tout ce qui se colporte à propos des fausses attestations d’anciens combattants dont auraient bénéficié des usurpateurs aux fins mercantiles qui leur assureraient prébendes et privilèges. En dehors même des avantages matériels dont se prévalent ces faussaires, les moudjahidine, les familles des martyrs de la guerre de Libération nationale et les simples citoyens épris des valeurs de la révolution, sont horrifiés et révulsés par cette manière d’usurper un titre cher au cœur des Algériens et d’en user pour gravir des échelons dans la fonction publique ou mener une carrière politique. 

Rente viagère ou symbolique, l’offense faite aux idéaux et principes de la révolution de novembre ne peut être réparée que par un traitement de fond d’un dossier, dont les premiers éléments remontent à la fin de la guerre lorsque, pour faire valider le statut de moudjahid, il fallait produire une attestation communale pour laquelle il était exigé le témoignage de moudjahidine connus. Donc, si forfaiture il y a, elle ne revient pas exclusivement à l’administration communale de l’époque, mais également à des vrais moudjahidine qui auraient cautionné que leurs rangs soient infestés de faux. Triste spectacle qui, plus est, a été prolongé pendant plusieurs décennies l’indépendance du pays. Les martyrs de la révolution auront du mal à reposer en paix au vu des falsifications qui ont entaché leur noble combat contre une des plus grandes puissances de l’OTAN.

À l’image de tous les Algériens dessaisis de leur souveraineté dès les premières années de la reconstruction nationale, les moudjahidine, survivants d’une guerre atroce, ont été malheureusement entraînés dans les errements de la gestion scabreuse du pays. Au nom de la « légitimité révolutionnaire », de l’historicité et de constantes nationales idéologiquement très marquées (on y avait intégré même l’option irréversible du socialisme), beaucoup de mal a été fait à l’image de la révolution de novembre et aux idéaux censés justement être défendus et promus par les survivants de ce grand mouvement de l’histoire du pays. Le clientélisme, la corruption et le copinage, promus par le pouvoir politique comme mode de gouvernement n’a malheureusement pas épargné cette catégorie fort respectable de la société, à telle enseigne que l’image du moudjahid a été altérée et pervertie aux yeux des autres franges de la population, et surtout d’une jeunesse censés y puiser les valeurs morales et citoyennes qui fondent la lutte pour la république de demain

La peur et l’omerta entourant des dossiers aussi sensibles, en relation avec notre histoire récente, aura duré ce que durent les tyrannies et l’arbitraire installés par le parti unique et la pensée unique. Même si le sujet a été traité abondamment entre 2006 et 2008, suite à l’intervention de plusieurs acteurs de l’histoire nationale dans la presse écrite, le premier signal fort a été donné au début de l’ère pluraliste, les années 1990, par un ancien fonctionnaire du ministère de la Justice, Benyoucef Mellouk. C’était dans l’hebdomadaire indépendant, Le Nouvel Hebdo, dirigé par feu Abderrahmane Mahmoudi. Dans les limites permises par sa fonction de chef de service contentieux au ministère, Mellouk s’est intéressé au cas spécifique de magistrats ayant indûment bénéficié de la qualité de moudjahid. L’affaire, portée devant l’opinion publique, prit le nom de  »magistrats faussaires ». Ce fut un pavé jeté dans la mare. Son auteur a eu à pâtir pendant vingt ans des conséquences de son initiative et, ce, aussi bien dans sa carrière professionnelle que sur le plan judiciaire. C’est là véritablement un  »nœud de vipères » qui étrangle et pervertit les meilleurs symboles de l’Algérie. Il soutint ses déclarations à la presse par l’affirmation qu’il possédait une liste bien établie de magistrats faux moudjahidine, dont certains seraient très influents au point de lui valoir tous les désagréments judiciaires qu’il a eu à vivre pendant plusieurs années. 

Lutter contre les faussaires et leurs soutiens

L’attitude envers de telles révélations est quelque peu incompréhensible lorsqu’on considère la position ou les déclarations de certains officiels en relation avec le dossier. Par exemple, au milieu des années 2000, le ministre des moudjahidine, Mohamed Cherif Abbas, avait reconnu que dans les rangs des anciens moudjahidine, il y aurait environ 10 000 faussaires.

L’opinion a pu constater qu’au lieu le nombre de moudjahidine diminue selon la fatale loi de la nature, paradoxalement, il a considérablement augmenté depuis le recensement de 1963

De son côté, le colonel Ahmed Bencherif, acteur de la révolution, ancien commandant de la gendarmerie nationale et ancien ministre, a déclaré en 2007 que, « après la mort de Boumediene, le nombre de moudjahidine était de 75 000 ». Or, l’Organisation nationale des moudjahidine compte actuellement environ 100 000 anciens moudjahidine dans ses rangs.

À elle seule, la wilaya de Djelfa compterait, selon Bencherif, quelque 1000 faux moudjahidine. L’ancien Commandant de la gendarmerie nationale, par l’intermédiaire de l’association de lutte contre les faux moudjahidine qu’il avait créée, avait pris sur lui de s’attaquer à cette gangrène. Il avait même proposé la suppression pure et simple de l’Organisation nationale des moudjahidine.

Plus d’un demi-siècle après l’indépendance, les anciens moudjahidine- catégorie de la société supposée constituer la précieuse mémoire du peuple algérien- sont toujours pris dans l’actualité tourmentée du pays.

L’on sait que les commissions de validation de la qualité de moudjahid ont été gelées pendant plusieurs années, suite au flou et aux différentes pressions dans lesquels elles accomplissaient leur travail. Elles ont été réactivées par la suite.

Dans les autres pays du monde qui ont vécu des situations de guerre, à l’image de l’Europe après la fin de la seconde Guerre mondiale, le dossier des anciens combattants (recensement, pensions, privilèges en nature,…) est, sur le plan matériel et financier, réglé dès les premières années après la fin du conflit.

La nation doit une reconnaissance et une considération sans faille aux libérateurs du pays. Mais c’est en contribuant, par leur geste et leur effort, au-delà de toute rente viagère, à l’émancipation réelle du pays des griffes de l’arbitraire, du clientélisme, de l’art morbide des faussaires, qu’ils auront été fidèles à l’esprit, à la mémoire de leurs compagnons de combat tombés au champ d’honneur.

A.N.M.

 

Auteur
Amar Nait Messaoud

 




L’Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 est dépassé !

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Une lettre adressée au président Emmanuel Macron

L’Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 est dépassé !

Les modifications ultérieures de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont toujours tenu compte de l’évolution du flux migratoire ente la France et l’Algérie.

Lors de l’accession de l’Algérie à l’indépendance, les Accord d’Évian reconnaissent aux Algériens la liberté de circulation entre leur pays d’origine et la France ainsi que le principe de l’égalité des droits sociaux et économiques avec les citoyens français.

Cet accord établissait l’obligation pour les Algériens de présenter un passeport aux frontières, mais sans la contrainte d’un visa. Un titre de séjour particulier était créé portant le nom de « certificat de résidence ».

Les deux avenants conclus par la suite (22 décembre 1985 et 28 septembre 1994) par les deux pays ont eu, de manière générale, pour objet de tenir compte des modifications du contexte migratoire, de rapprocher la situation des Algériens de celle des autres nationalités, sans toutefois que ce rapprochement soit total.

À titre d’exemple, et en application de l’avenant de 1985, un Algérien pouvait, sans difficultés, venir s’installer en vue de faire des études ou exercer certaines activités professionnelles. Il disposait alors de la liberté d’établissement en qualité de commerçant ou artisan. Cette situation « avantageuse » a bien changé, et les Algériens sont devenus, avec le temps, une catégorie d’étrangers à part…

Pourquoi ?

Prenons pour exemple la dernière réforme en droit des étrangers (la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers). Cette dernière ne concerne, en aucun cas, les ressortissants algériens.

Leur situation d’entrée, de séjour et de travail est « gelée » par l’accord franco-algérien et ses trois avenants.

En effet, depuis le 1er novembre 2016, les Préfets peuvent délivrer de nouvelles cartes de séjour pluriannuelles (CSP) telles que le « passeport talent », « travailleurs saisonnier » et « salarié détaché ICT » et « générale ».

Ces cartes de séjour ne sont toujours pas destinées aux Algériens. Ce changement des règles et principes du droit des étrangers constituait une réelle occasion pour les autorités algériennes de mettre en place, avec la France, un nouvel avenant à l’Accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

Il n’en est rien !

Le monde change ! Les flux migratoires d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier !

L’Algérie et la France doivent entamer la rédaction d’un quatrième avenant à l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, et ce afin d’améliorer la situation de ces Algériens arrivant en France.

Dans l’optique d’un nouvel avenant, le gouvernement algérien doit, impérativement, défendre les points suivants dans ce nouvel accord et maintenir les acquis des précédents avenants.

Tout d’abord, le point important qui concerne la régularisation par le travail.

Les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012, de l’ancien ministre français de l’Intérieur et candidat à l’élection présidentielle, Manuel Valls, n’ont pas vocation à s’appliquer aux Algériens. Cette circulaire prévoit qu’un titre de séjour peut être délivré à l’étranger s’il justifie d’une ancienneté de 3 ou 5 ans en France et qu’il est en mesure de présenter un contrat de travail ou de réelles attaches familiales.

Concernant les Algériens, cela n’est que de manière « exceptionnelle » que les Préfets peuvent examiner leurs demandes, contrairement aux autres étrangers…

Encore une fois, les Algériens ne peuvent pas invoquer les dispositions de l’article L. 313-14 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et le droit d’asile. Il faut croire que la notion « à titre humanitaire », telle que définie dans le texte, ne peut pas s’appliquer à l’Algérien…

L’inapplicabilité de cette situation aux ressortissants algériens, alors qu’ils représentent près du quart des entrées permanentes en France, pose un véritable problème. Dans le souci de créer une réelle « égalité » dans le traitement des étrangers, le gouvernement algérien doit intégrer ces principes dans le nouvel avenant à venir.

Deuxième point, la régularisation à travers la règle des dix ans de présence sur le territoire français doit demeurer.

Troisièmement, le gouvernement algérien doit également sauvegarder le principe de la régularisation des ressortissants algériens ayants la qualité de conjoint de Français, sans toutefois leurs exiger un visa de long séjour.

Quatrième point, la situation des étudiants algériens, qui est la plus défavorable de tous les étudiants étrangers, doit faire l’objet d’un alignement sur le régime général prévu dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Entre autres, les dispositions du CESEDA prévoit l’attribution de l’autorisation provisoire de séjour (APS) d’une durée d’un an pour les étudiants diplômés du Master 2, l’exercice d’une activité salariée à titre accessoire aux études ou encore le bénéfice de la carte de séjour « compétence et talent »…

Ces règles ne sont pas prévues dans l’Accord franco-algérien et par conséquence, les étudiants algériens ne peuvent pas en bénéficier et deviennent alors des étudiants « sans droits » à la fin de leur cursus.

Cinquièmement, il faudra prévoir la suppression de la règle du visa long séjour pour l’exercice des activités commerciale, industrielle et artisanale des ressortissants algériens en France. Cette condition pénalise beaucoup de commerçants algériens qui disposent de la qualité de commerçant en France mais qui ne peuvent faire valoir leur droit au séjour devant l’administration française. Elle exige systématiquement des intéressés de retourner au pays pour solliciter le visa long séjour d’installation au risque de se retrouver bloquer et de ne plus revenir en France.

Aujourd’hui, la situation des Algériens est figée dans le temps.

Il est grand temps que cela change !

Ensemble, nous ferons bouger les choses !

Signez la pétition ! https://www.change.org/p/emmanuel-macron-accord-franco-alg%C3%A9rien-du-27-d%C3%A9cembre-1968-un-accord-d%C3%A9pass%C3%A9

Me Fayçal Megherbi, avocat et militant des droits de l’Homme

Cette pétition sera remise à:

  • Emmanuel Macron
  • Edouard Philippe
  • Jean-Yves Le Drian

 

Auteur
Me Fayçal Megherbi, avocat et militant des droits de l’Homme

 




Les forces du régime encerclent la dernière ville aux mains de Daech

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Syrie

Les forces du régime encerclent la dernière ville aux mains de Daech

Les troupes du régime et leurs alliés ont encerclé totalement mercredi le groupe jihadiste Etat islamique (EI) dans la dernière ville qu’il contrôle encore en Syrie, pays ravagé par la guerre. Les troupes du régime et leurs alliés ont encerclé totalement mercredi le groupe jihadiste Etat islamique (EI) dans la dernière ville qu’il contrôle encore en Syrie, pays ravagé par la guerre. 

Selon l’agence officielle Sana, l’armée, aidée de ses alliés, a repris le contrôle de plusieurs zones autour de la cité de Boukamal dans la province de Deir Ezzor (est), frontalière de l’Irak.

« Les unités de l’armée syrienne et les forces alliées ont resserré complètement l’étau autour des nids des terroristes à Boukamal et ont intensifié les opérations pour les extirper de la ville », a indiqué l’agence.

Après avoir reculé dans la province de Deir Ezzor face à l’offensive du régime et à une autre menée séparément par une coalition arabo-kurde, les jihadistes se sont retranchés dans Boukamal, proche de la frontière irakienne. 

Début novembre, l’EI avait perdu la ville de Deir Ezzor, chef-lieu de la province du même nom et dernière grande ville sous son contrôle en Syrie mais aussi en Irak voisin. Elle a été reprise par le régime avec le soutien crucial des alliés russe, iranien et du Hezbollah libanais.

Bien que Boukamal soit une ville moins grande que celle de Deir Ezzor, sa capture priverait l’EI de la dernière zone urbaine de son « califat » autoproclamé en 2014 sur les vastes territoires conquis à cheval entre l’Irak et la Syrie, et qui s’est effondré.

Soutenues ces dernières semaines par des raids intenses de l’aviation militaire russe, les troupes syriennes ont avancé vers Boukamal à partir du sud et de l’ouest.

Et à partir de l’est, de l’autre côté de la frontière, les forces irakiennes ont acculé l’EI dans une zone frontalière. 

« L’avancée en direction de Boukamal a été opérée après que les troupes et leurs alliés ainsi que les forces irakiennes se soient retrouvés à la frontière entre les deux pays », selon Sana.

L’EI s’était emparé de la quasi-totalité de Deir Ezzor et de sa province riche en pétrole en 2014, profitant du chaos engendré par la guerre en Syrie, déclenchée en 2011 avec la répression de manifestations prodémocratie.

L’EI ne contrôle plus que quelques villages et petites localités et au moins un champ pétrolier dans la province de Deir Ezzor, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).

Ces derniers mois, l’EI a subi revers après revers en Syrie et en Irak où il ne reste désormais aux forces irakiennes qu’à s’emparer de la localité de Rawa et des environs désertiques dans la province occidentale d’Al-Anbar, frontalière de la Syrie, pour en finir avec les jihadistes dans le pays.

Malgré ses défaites, l’EI parvient à frapper en menant des attentats sanglants. Samedi, au moins 75 civils ont été tués dans un attentat à la voiture piégée commis par le groupe jihadiste dans la province de Deir Ezzor (est).

Le conflit en Syrie, qui a commencé par des manifestations antirégime pacifiques réprimées dans le sang, a laissé le pays exsangue et morcelé entre différents belligérants dont certains étrangers venus en renfort de camps adverses.

Le conflit a fait plus de 330.000 morts et poussé des millions de Syriens à l’exil.

Auteur
AFP

 




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