9 mars 2025
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Limogeage de Toufik : quelques batailles à se remémorer (2e partie)

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DRS

Limogeage de Toufik : quelques batailles à se remémorer (2e partie)

Le général Toufik ne mit pas longtemps à s’apercevoir des arrière-pensées du nouveau président.

La première manœuvre de ce dernier eut lieu quelques mois à peine après son élection et avait, déjà, pour cible… Toufik ! Dans le premier gouvernement qu’il forma en 1999, Bouteflika avait prévu de nommer Yazid Zerhouni comme adjoint du général. Il recevra un niet catégorique. Le DRS constitue, dans ce système politique hermétique, la seule opposition au président, mais une opposition à l’intérieur du système et dans laquelle il ne faudrait pas prêter trop de vertu.

Le nouveau président allait prendre son temps et choisir les alliés sur lesquels il allait s’appuyer dans sa stratégie d’affaiblissement et de déstabilisation de l’armée et du DRS : les forces étrangères, notamment les États-Unis et la France, la pègre pétrolière, les islamistes et les réseaux mafieux de l’économie informelle. En clair, les forces qui l’ont aidé à accéder au pouvoir. Ce sont toutes ces forces coalisées qui ont agi depuis 1999 et contribué aux successives réélections du président.

Pour obtenir un deuxième mandat, le chef de l’État va jouer de la carte américaine. Ou plus exactement la carte de la pègre pétrolière américaine.

Il va promettre quelque chose de tout à fait exceptionnel aux Américains dont nous savons qu’ils ne sont intéressés que par le pétrole. Dès l’année 2001, il fait rédiger la loi sur les hydrocarbures qui dénationalisait dans les faits les hydrocarbures algériens. Une puissante opposition le contrarie, conduite par le DRS. Loin de se décourager, il s’engage à remettre ladite loi sur le tapis s’il est réélu. Il le sera et, comme promis, un an plus tard, en avril 2005, le président Bouteflika fit adopter, à la hussarde, une loi sur les hydrocarbures totalement orientée sur les intérêts étrangers au détriment de l’économie nationale. C’est sans doute ainsi que le président a été réélu en 2004, grâce à la loi sur les hydrocarbures, manifestation concrète de la collusion avec des intérêts étrangers. Elle constitue un cas d’école dans la définition de la corruption comme une forme de trahison au moins parce que les grands groupes pétroliers en ont eu la primeur au début de l’année 2004, bien avant le gouvernement et les élus du peuple. Ladite loi proposait d’attirer par des largesses, qui n’existent nulle part ailleurs au monde, les grandes compagnies pétrolières mondiales afin qu’elles consentent d’investir des milliards de dollars dans le Sahara algérien.

Les observateurs furent stupéfaits de découvrir que les Algériens qui, dans le passé avaient si souvent traité les monarchies arabes de cheval de Troie des USA à l’intérieur de la forteresse de l’OPEP, baisser à ce point la garde et accorder aux grandes compagnies pétrolières, américaines en particulier, des avantages inconsidérés ; des avantages que nul autre pays pétrolier au monde n’avait concédés jusque-là, allant jusqu’à laisser au partenaire étranger la propriété du sous-sol. «Quel pays de contradictions que l’Algérie qui n’autorise pas les investisseurs étrangers à devenir propriétaire du lopin de terre sur lequel ils installeraient leurs unités industrielles mais qui concède, avec une telle légèreté, les milliers de milliards de dollars de ses ressources énergétiques à ces mêmes investisseurs!», ironise un ancien responsable de Sonatrach.

Les partenaires étrangers attendaient comme des fauves, depuis plus d’une année l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, afin de se jeter sur la proie qu’ils ont choisie. On parle même de cette très grande multinationale anglo-saxonne avec laquelle le pouvoir négociait depuis une année pour l’associer au développement d’une vingtaine de champs, un projet de quelque trois milliards de dollars, sur lequel on lui a déjà promis 75% de participation.

Devant le juge du pôle financier du tribunal d’Alger et devant les enquêteurs du DRS, certains cadres ont accusé l’ancien ministre de l’Energie d’avoir élaboré la loi sur les hydrocarbures, en 2000 sous la dictée des grands groupes de la pègre pétrolière internationale. Le rédacteur de cette loi ne serait autre que Bob Pleasant, «le juriste» américain que Chakib Khelil a recruté au ministère de l’Energie et des Mines dès son installation à ce département avec l’arrivée d’Abdelaziz Bouteflika au pouvoir en 1999. Cet homme, qui aurait travaillé à la Banque mondiale, a contribué à l’élaboration de plusieurs textes de loi durant «le règne» de Chakib au ministère de l’Energie. Des personnes interrogées par les enquêteurs ont déclaré que Bob Pleasant aurait reçu la somme de 2 millions de dollars pour «confectionner» la fameuse loi sur les hydrocarbures qui autorise un pillage en règle du sous-sol algérien par les majors anglo-saxons moyennant quelques dividendes accordés à leurs amis algériens. Cette dernière n’ayant pas fait l’unanimité au sein du clan lui-même, en raison de son caractère outrageusement capitulard, a été retirée par souci tactique. Bouteflika attendra sa réélection en 2004 pour faire adopter la loi, profitant d’un nouveau rapport de forces favorable.

Certaines déclarations faites au juge et aux enquêteurs laisseraient entendre que le chef de l’État aurait agi sciemment en faveur de groupes étrangers. Les témoignages ont, par ailleurs, reconstitué toute l’escroquerie Sonatrach qui s’est avérée être une action mûrement réfléchie, froidement exécutée, selon un plan méticuleusement élaboré. Le juge d’instruction du pôle financier du tribunal de Sidi M’hamed détient entre les mains une bombe : la preuve que le pillage de Sonatrach est l’œuvre d’une machination concertée en «très haut lieu».

Le général Toufik obtiendra finalement que la loi soit gelée. Il venait de remporter une première manche.

Avec les islamistes

Une succession de parties de bras de fer allait marquer le premier mandat. Premier round : la loi sur la Concorde civile qui ouvrait la porte de la clémence aux terroristes qui désiraient se repentir. Le président voulait aller plus loin et décréter l’amnistie mais, surtout, le retour à 1992, c’est-à-dire à la dissolution du Front islamique du salut (FIS). Il va rencontrer une forte opposition de l’armée et du DRS.

«Dès sa réélection en 2009, Kaiser Moulay prononcera une amnistie générale et permettra au FIS de retourner sur la scène politique ; oui, le champ sera rouvert aux enfants du Front dans le cadre d’un parti politique», avait déjà révélé, en décembre, Ahmed Benaïcha, l’ancien émir de la branche armée du FIS, dans les colonnes du journal arabophone El Bilad.

L’ancien chef terroriste reconnaît l’existence d’un projet politique clairement défini: «Il y a en ce moment plusieurs initiatives pour donner corps à cette solution politique qui va faire l’objet d’un consensus entre les nationalistes et les islamistes.»

Cette solution politique, Benaïcha l’appelle «solution finale», celle qui solderait le contentieux de 1992 né de l’annulation des législatives remportées par les islamistes et de la dissolution du FIS. Elle prévoit une réhabilitation totale et publique du parti dissous et un progressif transfert de pouvoir. C’est dans la bouche de Benaïssa : «Les chefs des deux autres partis de l’alliance présidentielle, le RND et le MSP, ne s’empressent pas de soutenir Kaizer Moulay pour un troisième mandat, parce qu’ils ont eu vent de « la solution finale » préconisée par le président et promise au chef de l’AIS. Ils savent que le retour du FIS dissous sur la scène politique signifie la fin de leur légitimité en tant que représentants du peuple.» Une fois de plus, le général Toufik s’oppose.

L’islamisme avait compris. Il fallait donc faire élire Bouteflika et lui prêter main forte contre les généraux.

Madani Mezrag et les chefs de l’Armée islamique du salut, qui se voyaient déjà aux portes du Palais, sortent du bois avec la délicatesse de l’éléphant et toute la subtilité de l’orang-outan.

Ils auront le mot de trop qui va précipiter les évènements et condamner définitivement Belkhadem.

C’est d’abord Ahmed Benaïcha qui désigne grossièrement les généraux, en soutenant que les auteurs des attentats du 11 décembre 2007, sont à chercher parmi «ceux qui ne veulent pas de troisième mandat pour Kaizer Moulay.» Il parle en expert assassin : «Du point de vue purement militaire, on n’attaque que les cibles qui constituent un danger. Je me pose la question : pour qui le Conseil constitutionnel représenterait-il un danger ? Pour ceux qui sont encore au maquis ? Bien sûr que non, ils n’ont aucun rapport avec lui, par contre, c’est une menace pour ceux qui ne veulent pas de troisième mandat pour Kaizer Moulay».

En mai, Madani Mezrag prend le relais et annonce, toujours dans El Bilad, qu’un congrès de l’ensemble des fractions du FIS est programmé spécialement pour septembre afin qu’il «coïncide avec les élections présidentielles de 2009.» L’ex-chef terroriste signifie par-là que ledit congrès appellera à soutenir un troisième mandat pour Kaiser Moulay et que le parti qui sortira de ces assises se mettra au service du président-candidat.

 

Auteur
Mohamed Benchicou

 




Limogeage de Toufik : mensonges et vérités (première partie)

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Bouteflika
Bouteflika

Bouteflika ne veut pas en finir avec l’Etat-DRS et encore moins créer un « Etat civil » ; il veut juste recréer un Etat-DRS qui soit à lui seul. 

C’est de bonne guerre : le clan Bouteflika laisse croire, laisse dire : le limogeage du général Toufik entrerait dans la stratégie de Bouteflika d’offrir un « pouvoir civil » à l’Algérie, un pouvoir « moderne » débarrassé de la tutelle du DRS. Autrement dit de mettre fin à ce que l’on appelle l’Etat-DRS issu du coup de force de 1962 contre le GPRA, lui-même rendu possible par l’assassinat de Abane Ramdane en 1957. Rien de plus faux et de plus hypocrite.

Bouteflika est un des créateurs historiques de l’Etat-DRS. C’est lui qui orchestra la machination qui consistait à « doubler » le Gouvernement provisoire de Benyoucef Benkhedda et de désigner un chef d’État civil inféodé aux militaires parmi les cinq dirigeants du FLN détenus au château d’Aulnoy, en région parisienne. Le colonel Boumediene, alors chef de l’état-major de l’ALN, mais basé à Ghardimaou (Tunisie) l’avait dépêché, début décembre 1961, auprès des cinq dirigeants du FLN détenus au château d’Aulnoy, en région parisienne avec pour mission de désigner parmi eux le futur président de l’Algérie indépendante inféodé aux militaires, c’est-à-dire la marionnette des militaires. Boumediene lui avait recommandé de privilégier la candidature de Mohamed Boudiaf. Ce dernier refusa énergiquement et abreuva d’insultes Bouteflika, lui reprochant de « duper le peuple ». Bouteflika s’arrangea alors pour choisir Ben Bella. Ce dernier accepta d’être l’homme de l’état-major. Boumediene avait besoin d’un politique et Ben Bella d’un fusil : ce fut sur les chars de Boumediene qu’il entrera à Alger en 1962, au prix d’une guerre entre Algériens en juillet et août 1962 qui fit des centaines de victimes. Ce qu’on appellera plus tard le « clan de Oujda » venait de prendre le pouvoir par la force. Les chefs militaires avaient confisqué l’indépendance, dirigeant le pays avec un civil comme paravent. Bouteflika avait fait le boulot.

Abdelaziz Bouteflika n’est pas un bâtisseur de démocratie et de modernité ; il ne conçoit le pouvoir qu’absolu. Un bien propre, qui se transmet à l’intérieur du clan. Il ne se restitue pas. « J’aurais pu prétendre au pouvoir à la mort de Boumediene, mais la réalité est qu’il y a eu un coup d’État à blanc et l’armée à imposé un candidat », avoue-t-il sur Europe 1. Et au diable les élections, le choix populaire…Toute la guerre menée contre l’armée et le DRS depuis seize ans, dont le limogeage de Toufik, n’a pour finalité que garantir le pouvoir à vie puis son transfert à un homme de sa famille ou de son clan.

Il est, d’ailleurs l’auteur d’une performance sans précédent dans l’histoire : ce fut sous le règne d’un général que fut aboli le pouvoir à vie ; ce fut sous le règne d’un « pouvoir civil » que le pouvoir à vie fut rétabli !

Mais commençons par le commencement.

C’est en sa qualité de membre historique de l’Etat-DRS que Bouteflika fut installé par Toufik en 1999.

Les deux hommes sont autant attachés l’un que l’autre à l’Etat-DRS, c’est-à-dire un Etat despotique et policier fardé d’un maquillage démocratique. C’était du reste, pour cette croyance partagée que Toufik accepta la suggestion de Larbi Belkheir de l’installer à la place de Zéroual. Le chef du DRS croyait avoir affaire à un membre de la fratrie naturelle un fidèle, un homme issu de l’armée putshiste de 1962, «un des nôtres» qui saurait défendre les généraux acculés à l’époque par une campagne internationale politico-médiatique impitoyable qui les accusait d’être derrière les carnages des populations (Bentalha, Raïs etc) du fait que, beau parleur, il disposait du seul pouvoir qu’ils n’avaient pas : le pouvoir des mots. «Il sait dribbler», aurait dit le général Toufik. «Nous connaissions les pages pas très nettes de son passé, mais nous n’avions pas le choix et nous restions attentifs», écrit Nezzar.

Toufik chargea Bouteflika d’une besogne qu’avait refusée Zéroual : signer l’accord avec l’AIS de Mezrag. Par la même occasion, le DRS mettait fin à l’expérience zéroualienne qui s’avérait périlleuse pour le régime et tout le système, mais aussi les groupes clientéliste du pouvoir qui récupèrent l’essentiel de la rente ainsi que des capitales occidentales et les monarchies du Golfe irritées par cette Algérie, pourtant exsangue après les années de lutte impitoyable contre le terrorisme islamiste, mais qui restait bizarrement debout malgré un pétrole à huit dollars et le départ des représentations diplomatiques étrangères.

La société algérienne qui avait élu Zéroual massivement, et avec enthousiasme, malgré les mises en garde de l’organisation terroriste, le GIA, retrouvait le goût à la grandeur et à l’action. La lutte contre l’intégrisme islamiste avait redonné une nouvelle légitimité au combat populaire. Or, tout le système de l’Etat-DRS est construit sur l’inertie, la peur et le contrôle de la population. Il fallait en finir avec cette Algérie frondeuse qui s’installait dans une voie démocratique dangereusement émancipatrice. L’Etat-DRS, les réseaux prédateurs nationaux et internationaux, dont la pègre pétrolière internationale, comptaient sur Bouteflika pour mettre fin à cette vitalité retrouvée et rétablir les mécanismes de l’inertie et de la servitude, pour reprendre les termes de notre ami Mediène Benamar (à ne pas confondre avec le général Toufik). Bouteflika s’acquitta brillamment de la mission. «J’ai laissé le pouvoir de Franco, je retrouve celui de la reine d’Angleterre, déclare-t-il au journaliste français El-Kabbach. Il me faut récupérer d’abord mes attributions constitutionnelles qui ont été dispersées à partir de 1989, il faut que je reprenne mon rôle présidentiel» (Europe 1 le 7 septembre 1999).

De l’Algérie qu’il avait retrouvée le 15 avril 1999, de ce pays qui sortait, debout, d’un combat inhumain contre le terrorisme, qui avait retrouvé une raison de croire en lui-même et à qui la résistance à l’intégrisme avait octroyé comme une nouvelle légitimité, de ce pays qui revendiquait et obtenait par petits bouts d’être gouverné dans le bon droit, de ce pays debout, Bouteflika en a fait une terre désespérée, neutralisée, asservie …Il l’a violenté. En dix années de règne, et pour obtenir le pouvoir, il a décapité l’embryon d’ouverture démocratique, réduit la société au silence, réhabilité l’islamisme, relancé la corruption, divisé l’armée, changé la Constitution et aligné l’Algérie sur les dictatures arabes.

Toufik croyait rééditer avec Bouteflika ce que Boumediène et l’état-major avaient fomenté avec Ben Bella en 1962 : se fabriquer un président-paravent. Il ne voyait pas que Bouteflika n’avait aucune intention de restituer les clés de la maison. Le pouvoir est un butin de guerre. il appartient à la famille fondatrice du pouvoir, c’est-à-dire le clan d’Oujda. Il ne se restitue pas, et encore moins à ces « généraux parvenus ».

La guerre allait commencer.

Mohamed Benchicou

Bouteflika a organisé la faillite de l’Algérie

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Bouteflika

Il aurait pu rester dans les mémoires comme l’homme de la résurrection nationale. Contrairement à ses prédécesseurs, Bouteflika a eu, en effet, les moyens de créer le miracle. 

Sous Liamine Zéroual, l’Algérie se débrouillait avec un pétrole à 9 dollars le baril et des recettes budgétaires totales de moins de 1000 milliards de dinars, selon l’article très documenté de Tsa.

Sous Bouteflika, et durant 15 ans, le prix moyen du pétrole avait explosé, oscillant entre 90 et 130 dollars la baril (voire plus, à certaines périodes) entraînant des recettes proches de 6000 milliards de dinars, soit six fois plus que sous Zéreoual.

C’était l’époque bénite où l’Algérie figurait parmi les grandes nations prospères, solidement installée dans le haut du classement par PIB de la Banque mondiale, devant la Belgique, la Suisse ou l’Autriche ! Nous étions la 34e nation la plus riche de la Terre ! L’équipe Bouteflika a donc pu disposer en 15 années de 90 000 milliards de dinars soit 800 milliards de dollars, c’est-à-dire le PIB annuel de l’Allemagne, la Russie et la France réunis !

Un pouvoir sensé aurait transformé cette manne providentielle en prospérité durable. Il y avait de quoi espérer en finir avec la dépendance aux hydrocarbures, édifier une industrie et une agriculture capables de prendre le relais du pétrole et de fournir des millions d’emplois, investir dans les nouvelles technologies et dans la culture, impulser la recherche scientifique, abolir la malnutrition, édifier des hôpitaux modernes, en finir avec la crise du logement…

Mais Bouteflika n’a pas de projet. Il n’est pas venu pour assumer le pouvoir, mais pour le consommer. Il ne gouverne pas, il gère son fauteuil. L’argent du présent et du futur a servi de magot de négoce pour le deuxième mandat, puis pour le troisième, puis pour le quatrième…

Ce président est sans égards pour son peuple : l’administration Bouteflika a dépensé 8000 milliards de dollars, c’est-à-dire le PIB annuel de l’Allemagne, la Russie et la France réunis , sans que l’on ait réduit ne fût-ce que d’un pour cent, notre dépendance aux hydrocarbures, (qui représente toujours 98 % de recettes), ni édifier une industrie moderne et une nouvelle agriculture qui eussent pu donner du travail et nourrir les Algériens, en l’absence du pétrole.

Où est donc passé l’argent ? Dans les poches des « copains », les gros importateurs qui soutiennent Bouteflika et que Louisa Haanoun appelle oligarchie, ou dans celle des « coquins » qui se dorent au soleil des Tropiques.

Comment une telle dilapidation fut-elle possible ? Eh bien, tout simplement par l’écrasement de l’État. Bouteflika, en rétablissant les mécanismes archaïques du pouvoir absolu, a mis fin à toutes les institutions de concertation qu’il avait trouvées en 1999. Il n’était comptable devant personne et n’avait de comptes à rendre à aucune institution nationale. C’est ainsi qu’ils ont dilapidé l’argent du peuple durant quinze ans !

Quinze ans, c’est généralement le temps que mettent des nations retardataires à se se propulser dans l’avenir. La Corée du Sud, dont le PIB était globalement identique à celui de l’Algérie, a pu, en l’espace de quinze ans, imposer une phase spectaculaire de croissance et d’intégration dans l’économie mondiale moderne. Son secret : approfondir la démocratie, donner tout son pouvoir au citoyen, créer une symbiose peuple-pouvoir et exiger plus de travail et moins de privilèges.

Mais pour obtenir cette adhésion populaire, il faut avoir un projet accepté par tous et être soi-même légitime. Ce n’est pas le cas chez nous.. Aujourd’hui, la Corée du Sud est classée douzième puissance économique mondiale selon le calcul du produit intérieur brut en parité de pouvoir d’achat et quinzième selon le critère intra-Union européenne. La Corée du Sud devient respectivement la 6e et la 7e puissance exportatrice et importatrice de biens.

Sa recette : encourager les investisseurs nationaux, par un système de crédit dirigé, favoriser l’importation de matières premières et de technologie, aux dépens des biens de consommation et encourager l’épargne et l’investissement au détriment de la consommation.

Tout le contraire de l’Algérie qui a encouragé la consommation au détriment de l’investissement, les importations aux dépens de la production (elles sont passées de 9 milliards de dollars en 1999 à 57 milliards de dollars en 2013 !)…

Cette façon de faire est la marque des régimes autocratiques qui utilisent l’argent public pour acheter la « paix sociale ». Cela a fonctionné durant 15 ans. Aujourd’hui, personne ne joue plus : l’argent a été dilapidé, et c’était l’argent du présent et du futur. Du futur : les recettes de ces 15 dernières années ne se renouvelleront plus, le pétrole est en voie d’érosion, et l’Algérie devrait se tourner, selon des experts qualifiés, vers le FMI d’ici l’automne 2016. Nous serons alors redevenus pauvres. Pauvres et sans pétrole.

Abdelaziz Bouteflika, qui n’est pas de la race des bâtisseurs, mais plutôt de celle, bien connue, des destructeurs, aura accompli sa plus grande œuvre : faire de l’Algérie un désert. Et à chaque prière, du haut du minaret de 300 mètres, une voix viendra nous rappeler ce personnage qui aurait pu rester dans les mémoires comme l’homme de la résurrection mais dont on se souviendra, à jamais, comme la plus impitoyable malédiction qui s’est abattue sur ce pays.

Mohamed Benchicou

Merci pour ce moment M. Hollande !

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Bouteflika et Hollande
Bouteflika et Hollande

Vous êtes venu avec une délégation d’ »amis de l’Algérie » dit-on sur invitation d’Abdelaziz Bouteflika. 

Vous êtes arrivé à Alger et vous êtes accueilli par le deuxième personnage de l’Etat, Abdelkader Bensalah. Cela ne vous a pas froissé que votre hôte ne puisse se déplacer jusqu’au bas de l’avion présidentiel pour vous accueillir, car vous saviez pertinemment qu’il ne le pouvait pas. L’enjeu est ailleurs.

Vous avez seul, face aux caméras, goûté à la fameuse datte et au petit-lait de bienvenue sous le regard gêné d’un Bensalah qui ne sait à comment se conduire avec vous. Quid du président sur le tarmac ? Introuvable !

Mais très vite, vous avez pris le pas sur cet homme chargé seulement d’être là, de représenter cet absent qui vous a invité à venir lui rendre visite dans sa résidence de Zéralda. Ce puissant manœuvrier (susurre-t-on) ne sort plus, ne voit plus ses ministres, ses vizirs, encore moins son peuple, celui-là même, dit-on toujours, qui l’aurait « élu » pour un quatrième mandat.

Arrive la conférence de presse censée ponctuer cette visite. Les bons usages auraient voulu que vous soyez deux à répondre aux questions des journalistes. Deux présidents. Mais devant les drapeaux algérien et français, vous étiez seul, même Abdelkader Bensalah s’est effacé, il vous a faussé compagnie !

N’empêche, vous vous êtes bien débrouillé. Sans ciller vous avez assuré que le président Bouteflika a tenu une discussion de deux heures avec vous. Oui sans ciller, vous avez déclaré votre immense étonnement devant « l’alacrité du président Bouteflika ». Pourtant l’homme est malheureusement aphasique ! Il vous a bien laissé vous dépatouiller tout seul face à la presse ! Vous avez même répondu à sa place. Quelle classe ! Quelle générosité ! Vous vous êtes même extasié après cette fameuse rencontre dont nous n’avons que quelques secondes d’images très léchées : « C’est rare de rencontrer un chef d’Etat qui a cette alacrité, cette capacité de jugement ».

Vous avez donc répondu à sa place, en son absence, avec aplomb et sûreté. Trop sûr de vous, vous ne vous êtes pas posé de question sur la pertinence de vos réponses. Cette possible contradiction à vouloir présenter un homme dans la possession de toutes ses capacités mais qui en même temps brille par son absence ! Mais qui pouvait vous prendre au dépourvu ? Qui pouvait vous portez la contradiction dans le propos ? Ne le répétez pas : la ficelle est trop grosse.

Cette rencontre vous rappelle sans doute cette autre entrevue avec un autre malade du pouvoir, Fidel Castro. Il y a quelques semaines vous vous êtes empressé d’aller le voir pour être le premier président Occidental à serrer la main de ce potentat d’un autre âge. Nous ignorons d’où vous vient cette formidable fascination pour les vieux autocrates ? Mais le sujet n’est pas là.

« Je ne suis pas médecin (…) mais ce que je peux vous dire c’est que la qualité de la discussion que nous avons eue pendant près de deux heures était particulièrement intense et particulièrement élevée », avez-vous répondu à une question d’un journaliste inquiet de l’absence de Bouteflika.

Dans le lot de vos réponses, toujours pour deux présidents, vous aviez avancé que Peugeot Citroën était en discussion avancée avec les autorités algériennes pour y lancer une usine. Pas de bol Monsieur le président! Ce même groupe français prévoit de présenter dans quelques jours son grand projet d’usine qu’il compte lancer chez nos voisins marocains en 2019 pour un milliard de dollars. Doit-on s’attendre encore à un minable lot de consolation comme cette modeste usine Renault ouverte dans la hâte à Oran ? On est presque prié de le croire, si la situation politique ne change pas.

Merci pour ce moment Monsieur le président ! Les Algériens se souviendront certainement de vos assurances sans retenue. L’histoire retiendra sans aucun doute cette séquence d’anthologie politique à Alger. Les Algériens se rappelleront de vous comme d’un autre président français, socialiste aussi, François Mitterrand.

Hamid Arab

(*) Le titre est inspiré par le livre de l’ancienne compagne de François Hollande.

Limogeage de Toufik : comment Bouteflika a neutralisé le DRS (3e partie)

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Le général Toufik

Le général Toufik

Le limogeage du général Toufik a commencé, en vérité, en 1999. Il s’inscrit, en vérité, dans les vieilles luttes intestines au sein de la direction militaire armée et du Malg pendant la Guerre de libération. 

La course au fauteuil, avec ses assassinats, ses luttes souterraines et ses trahisons, a constitué la principale occupation de ce qui deviendra, à l’indépendance, le clan d’Oujda, le régime illégitime auteur du coup de force de 1962 contre le Gouvernement provisoire de la république algérienne (Gpra) seule autorité légale reconnue à l’époque.

Le pouvoir étant devenu « un bien propre » à ce clan, Bouteflika, en tant que membre illustre, s’estimait fondé à prendre le pouvoir à la mort de Boumédiène en 1978. « J’en ai été empêché par l’armée », répète-t-il aux journalistes étrangers.

Le général de Toufik, en installant Bouteflika en 1999, avait commis une erreur lourde de conséquences pour lui, pour l’armée, pour le pays et pour le peuple : il a remis Bouteflika dans les conditions d’héritage du pouvoir qui lui avait été refusé en 1979. Ce fut le successeur de Boumédiène qui prenait le pouvoir avec 20 ans de retard, et non le « civil » Bouteflika. Il n’était donc pas question de le restituer ou de démissionner.

Bouteflika avait un immense mépris pour ses généraux qui « étaient caporaux quand j’étais commandant ». Son unique obsession était de les neutraliser de sorte qu’ils n’aient plus la prérogative de s’opposer au pouvoir à vie qu’il comptait mettre en place.

Comment neutraliser le DRS et l’armée ? En déstabilisant leur architecture organisationnelle, en s’appuyant sur les puissances étrangères et en agitant la menace du jugement international pour « crimes contre l’humanité ». C’est ainsi qu’il a pu, patiemment, créer le contexte favorable au limogeage de Toufik. Au prix fort : en affaiblissant les capacités de défense nationale, en bradant les actifs du pays, en forçant le pays à la régression…

Dans cette série d’articles, il sera question des principales batailles qui ont opposé Bouteflika au DRS mais aussi à l’armée : le démantèlement des structures militaires ; les pactes anti-DRS convenus avec les islamistes, les marchés passés avec l’Elysée et les grands milieux d’affaires ; le rôle de Bouteflika dans les enquêtes internationales mettant en cause le DRS et l’armée.

Le démantèlement des équilibres militaires

En 2003, dans le Quotidien d’Oran, la journaliste Ghania Oukazi rapporte les propos d’un général qui avait gardé l’anonymat : «Il est reconnu que Bouteflika a été le seul président à avoir brisé des équilibres civils et surtout militaires dont l’efficacité avait fait ses preuves en matière de prise de décisions importantes pour le pays».

Le chef de l’État a soigneusement démembré la hiérarchie militaire. En trois temps. D’abord en remplaçant la génération des généraux «janviéristes» par de nouveaux chefs militaires que nous pourrions appeler des «guerriers professionnels», éliminant ainsi toute source possible de contestation de sa démarche à partir des forces armées. Ensuite, en mélangeant les prérogatives entre responsables du ministère de la Défense nationale de manière que leurs influences s’annulent réciproquement. Enfin, en procédant au découplage entre les services de renseignement et les forces armées, privant les premiers de l’appui ostensible qui faisait leur force et les secondes de l’interface sur la société qui leur permettait d’agir politiquement, comme le soulignait un politologue algérien.

Plus grave, Bouteflika venait de casser le dispositif militaire de lutte antiterroriste. Pour les besoins de la neutralisation des militaires, il a prononcé la dissolution anticipée des structures spécialisées de lutte contre le terrorisme telles l’ONRB et mis à l’écart des cadres qui dirigeaient le dispositif opérationnel de lutte contre le terrorisme, entraînant ainsi un affaiblissement certain des capacités de riposte. Au lendemain du départ de l’ancien chef d’état-major de l’ANP, le général Mohamed Lamari, le président a dissous le Cemis, organe interministériel de coordination du dispositif de lutte contre le terrorisme. Cette suppression d’un organisme vital a provoqué un vide qui n’a jamais été comblé. Le Cemis était un lieu de coordination efficace, placé sous la responsabilité de fait du général Lamari.

En 2003 déjà, pour les spécialistes des questions militaires, il n’existait plus de stratégie militaire antiterroriste. « L’expérience dans le domaine ainsi que les progrès enregistrés dans l’approche globale du phénomène, tout le savoir-faire empirique accumulé par des cadres rompus à l’exercice, aguerris par le terrain, tout cela a disparu quand ces mêmes cadres ont été, trop hâtivement, libérés ou remerciés », confiait le général à Ghania Oukazi.

Puis cette désolante interrogation : « Comment ne pas évoquer l’impact ambigu de la politique de réconciliation nationale ? » L’officier affirme qu’elle « a généré une illusion trompeuse de situation dépassée » avec l’idée que le terrorisme avait disparu, les sources politiques de la violence étant taries. « Voyez les dégâts causés par ce discours infantile sur le niveau de mobilisation des forces de l’ordre et leur degré de vigilance. »

Par petites touches, et pour limoger in fine le général Toufik, le président est parvenu à faire du DRS une « coquille vide », comme l’écrivait le journaliste Yacine Babouche dansTSA (dimanche 6 septembre 2015). Le service de l’intelligence économique dépendant du DRS ainsi que le Centre de communication et de diffusion (CCD), le service de presse du DRS, sont dissous ; la Direction de la sécurité intérieure (DSI, contre-espionnage) est placée sous l’autorité directe de la présidence de la République, le Service de coordination opérationnel et de renseignement antiterroriste (SCORAT) alors dirigé par le général Hassan (aujourd’hui en prison) est rattaché à la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA) elle-même transférée à l’état-major de l’armée sous la tutelle du chef d’état-major et vice-ministre de la Défense, le général Ahmed Gaid Salah.

Ce dernier récupère aussi la Direction de la documentation et de la sécurité intérieure (DDSE), le Groupe d’intervention spécial (GIS), l’unité d’élite appartenant au DRS ainsi que la Direction générale de la sécurité et de la protection présidentielle (DGSPP)… Toutes ces structures, qui faisaient le DRS, sont enlevées à Toufik pour être rattachées à l’état-major de l’armée.

Tel fut le prix de la mise à l’écart de Toufik. Ce dernier avait dit, en 1998, à la veille de l’intronisation de Bouteflika : « On l’a choisi parce qu’il sait dribbler ». Il ne se doutait pas à quel point c’était vrai.

Mohamed Benchicou

Bouteflika et l’harmonie des contraires

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Bouteflika

Bouteflika

Comme depuis qu’il est arrivé à El Mouradia, Abdelaziz Bouteflika continue de mener son monde en bateau. La méthode n’a pas changé d’un iota. Il proclame haut et fort une chose et fait avec entêtement sur le terrain son contraire.

Après 15 ans à El Mouradia, Bouteflika a-t-il encore quelque crédibilité pour mener des réformes qu’il a enterrées soigneusement durant toutes ces années ? Peut-on croire qu’il puisse être ce concepteur d’une Constitution, alors qu’il a allègement trituré à sa guise, foulé et violé la précédente ? Assurément non. On ne peut se draper du manteau de démocrate réformateur au soir de sa vie quand on a été biberonné à la culture du parti unique.

Le mépris des promesses est souverain chez le pouvoir actuel. Au cours du premier conseil des ministres de son 4e mandat, le locataire d’El Mouradia a encore promis monts et merveilles. Exactement les mêmes que celles qu’il avait avancé un certain printemps 2011. Deux ans plus tard, aucune de ses réformes n’a été réalisée. Pire, il nous les ressert avec le même cynisme. Combien de commissions (justice, école, Printemps noir, etc.) mises en place sans qu’aucune des conclusions soit mise en application ?

Qu’importe ! On prend les mêmes et on recommence. Certains voient dans cette débauche d’engagements, un calcul machiavélique pour faire oublier le hold-up politique du 17 avril. Mais le président comme ses soutiens d’ailleurs ne s’encombrent pas de principe.

A-t-il seulement un agenda ? Bien sûr que oui. Celui de finir sa vie au pouvoir. Et passant, pérenniser l’impunité et permettre aux membres de son clan qui trainent des casseroles de passer entre les gouttes de la justice – si tant est qu’une justice puisse un jour mener une enquête jusqu’à son terme. Toutes les autres questions qui viennent alimenter, de temps à autre l’actualité politique, ne sont que poudre aux yeux.

Ceux qui croient que le président va organiser une vraie réforme en vue d’une vraie séparation des pouvoirs risquent fort d’être déçus. Ceux qui attendent une Constitution consensuelle seront certainement eux aussi déçus. Car l’homme n’a jamais été un réformateur, son entourage encore moins. Ses 15 ans au pouvoir en sont la meilleure preuve.

Hamid Arab

« Le rire, ce tombeur des puissants, c’est la vie »

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Ahmed Cheniki et Kateb Yacine.
Ahmed Cheniki et Kateb Yacine.
Ahmed Cheniki et Kateb Yacine.
Ahmed Cheniki et Kateb Yacine.

Entretien avec Ahmed Cheniki, journaliste et professeur d’université.

Abderrahmane Lounes : Qui est Ahmed Cheniki ?

Ahmed Cheniki : Je suis quelqu’un qui aime par-dessus tout la littérature et les jeux intellectuels, les arts et les sentiers escarpés du rire, d’un rire salvateur, c’est-à-dire pas méchant, mais paradoxalement révélateur de l’ignominie et des dérèglements maladifs des hommes qui pensent, alors qu’ils manquent de virilité, d’être les lieux autour desquels s’articulent le monde. Rire de ces gens là, c’est un métier, une vocation, une manière de les dénuder et de les dénuer de pouvoir. Ils n’existent que par le pouvoir, une fois nus, ils ne sont rien. J’ai été formé dans cette logique. Je suis enseignant dans une université trop austère, peu intelligente et où on ne lit souvent pas. J’ai toute ma vie pratiqué avec plaisir, tout en conjuguant la dérision à tous les temps, le métier de journaliste qui t’apprend le risque et l’humilité. J’écris, je n’arrête pas d’écrire. Comme si écrire correspondait à une sorte de désir de mettre fin à une grande timidité.

Comment te définis-tu entre le chroniqueur, le reporter, le journaliste et l’essayiste. N’est-ce pas trop pour un seul homme ?

C’est quelque chose d’extraordinaire de toucher à tout. J’aime beaucoup le métier de journaliste. C’est pour cette raison que même si j’ai arrêté le métier à titre de permanent, je continue d’écrire et de m’amuser en touchant tous les genres et en m’essayant à tous les styles. J’aime beaucoup écrire sur la sexualité des poules et les jeux trop pervers d’une actualité, certes trop asexuée, mais qui est tragiquement comique. Oui, j’arrive à concilier tous les métiers. J’aime beaucoup qu’on se rie de moi. C’est pourquoi que je suis tenté par la mise en scène théâtrale. Finalement, il n’y a plus de frontières entre les genres. Le reportage conduit inéluctablement à la chronique et à l’essai. J’écris des pièces de théâtre. Quand on est journaliste, on est naturellement frustré. Tu n’arrêtes pas de parler des autres et toi, qui va parler de toi ? C’est pourquoi beaucoup de journalistes finissent par se lancer dans l’écriture romanesque et dramatique. Kateb Yacine, Mohammed Dib, Djaout, Garcia Marquez, Albert Camus et bien d’autres sont passés de l’instance journalistique à l’univers littéraire. Un reportage exige une certaine manière d’écrire qui n’est nullement étrangère à la littérature. Dans les deux cas, la jouissance est au bout de la pénétration.

La chronique, la satire, le reportage, le journalisme et la recherche théâtrale, vous y êtes venu par vocation ?

Je crois que j’ai toujours aimé le journalisme. J’ai commencé ce métier à l’âge de vingt ans. J’étais peut-être, à l’époque, le plus jeune journaliste exerçant dans la presse algérienne. C’était extraordinaire, une aventure formidable. Etre en contact permanent avec les grands intellectuels de ce pays, ce n’était pas rien. J’étais très jeune et très timide, mais je crois que j’étais, à cause peut-être de cela, très apprécié par mes ainés. Boudjedra avait, dernièrement évoqué, dans une de ses conférences mes rencontres d’a une trentaine d’années avec lui et d’autres artistes et écrivains. Le reportage donne l’illusion d’être en plein milieu de l’aventure littéraire. C’est l’une des raisons qui m’incitaient à beaucoup voyager et à écrire des reportages. La recherche théâtrale est le résultat de toutes mes expériences en amateur du jeu théâtral. J’ai, il ne faut pas l’oublier, fait également des études en art dramatique. Je compte d’ailleurs commencer à mettre en scène des textes dramatiques.

Peut-on savoir comment vous arrivez à produire ?

C’est simple. Je me mets devant mon micro ou avant, devant ma petite Olivetti, et je me mets à écrire, comme si je refaisais le monde, surtout pour les textes de fiction, mais un article, tu es obligé d’avoir un certain nombre de notes et d’informations. Souvent, tu ne sais pas comment terminer. C’est la première phrase, l’attaque ou l’incipit pour emprunter un mot barbare aux littéraires, qui prend beaucoup de temps et qui oriente tout le travail. C’est un peu comme la séduction, c’est le premier pas, les premiers mots, le premier rire qui sont essentiels. Faire rire rend la chose facile. Si tu arrives à faire rire une femme ou un lecteur, tu as en partie gagné ton pari.

Par vos écrits complètement « hors chemin » et votre « vocabhilare » uppercutant , voire un tantinet vociféroce et provocateur, vous avez dérouté « plus d’un (dé)lecteur ». Pour épater qui ?

Quand on écrit, on fait tout pour séduire le lecteur, le pousser à te lire et à dire à la fin que c’est un bel article. Je cherche tous les artifices possibles pour m’adresser à son intelligence. J’ai eu la chance de travailler dans des hebdos d’excellente qualité avant que ces journaux ne soient dirigés par des pieds nickelés venus tout droit pour les casser. C’est le cas d’Algérie-Actualité, Révolution Africaine et Parcours Maghrébins. Les derniers patrons de ces organes étaient tellement lourds et médiocres, des dizaines de kilos de graisse, apparemment sans culture, débarquant dans un milieu qui leur était étranger. Ils faisaient pitié à voir, ces hurluberlus, en traversant les rédactions en bottes en plastique qui suintent une sorte de glu flasque. Laissons de côté ces kilos de graisse pour dire qu’il fallait trouver un style original pour toucher le lecteur. L’humour et la dérision constituaient des éléments essentiels pouvant démystifier les pouvoirs. C’est pour cette raison que pendant longtemps, on a cherché à censurer le rire parce qu’il est réellement subversif. En écrivant, il faut être provocateur. Il faut chercher à fouiner dans le trou du cul des choses impossibles. Mais il faut toujours garder à l’esprit la nécessité de respecter le lecteur tout en cherchant à le pousser à ses derniers retranchements, à des réactions imprévisibles. Tout ce qui est prévisible s’accommode extraordinaire bien avec le discours totalitaire et dictatorial. Le rire peut, à lui seul, démolir les barrières de la peur et du conformisme qui est l’espace dominant dans toutes les sociétés humaines.

N’avez-vous pas peur, parfois, de ne pas être compris par votre public ?

C’est tout à fait normal. J’ai toujours essayé d’écrire le plus simplement du monde tout en faisant appel à l’humour et à des tournures de phrases où j’intègre des images métaphoriques marquées par la culture de l’ordinaire. Il y a, bien sûr, cette peur de ne pas être compris. Parce qu’écrire, c’est s’adresser à un lecteur collectif se caractérisant par la diversité. D’où la nécessité d’une écriture dense. Cette peur te suit durant tout le processus de rédaction d’un article. On ne sait jamais comment est réellement reçu un texte.

Chez vous, est-ce le chroniqueur ou est-ce plutôt l’iconoclaste ou le «terroricien» du verbe qui domine ?

Vous savez, comme moi, quand on écrit, on s’adresse à un lecteur virtuel qui est en quelque sorte une construction imaginaire, née de conditions de production particulières. Mais à chaque genre son style. Ecrire un essai ou un reportage, ce n’est pas du tout la même chose. Certes, dans tous les cas, la subjectivité traverse radicalement le langage, mais quand on écrit un reportage qui est quelque peu proche de la nouvelle, le « je » est trop marqué, la présence du journaliste est très prégnante alors que dans l’essai ou la critique universitaire, il y aune volonté trop contraignante et peu élégante de dissimuler une subjectivité qui est foncièrement présente malgré ce désir de castrer l’écriture. De nombreux universitaires pensent, à tort, selon moi, que la critique littéraire devrait utiliser un style lourd, médiocre. Ce qui rend d’ailleurs de très nombreux travaux universitaires difficiles à lire. On peut écrire sur la littérature, le cinéma ou les arts plastiques et produire un texte merveilleux qui ne rompt nullement avec les flux de l’affectivité et de la subjectivité. Voyez Bachelard, Barthes, Eco, Foucault ou Derrida par exemple. Je crois que, même si chaque genre convoque un style particulier, le «je» investit fatalement l’écrit.

Pensez-vous être reçu de la même manière par tous les publics ? Votre humour particulier, est-il en quelque sorte, universel ?

C’est tout à fait normal que le journal convoque plusieurs publics qui lisent, chacun en fonction de son bagage et de sa formation, ton texte. Même le recours à l’humour est une tentative de niveler cette lecture, mais sans neutraliser sa pluralité. Ainsi, une blague n’est pas reçue de la même manière par les uns et par les autres. Des surprises extraordinaires apparaissent lors de rencontres avec les lecteurs. J’ai été souvent surpris par la lecture de certains de mes articles par certains lecteurs. Mon expérience de journaliste m’a permis d’appréhender la susceptibilité de très nombreux responsables qui ont une lecture singulière de certains articles. Ils sont marqués par un fort sentiment de persécution. Ce sont des sujets parfaits de la caricature. Quand j’étais à Algérie-Actualité ou à Révolution Africaine, le reproche qui m’était souvent fait, c’était le fait d’utiliser trop d’images métaphoriques et des phrases courtes lues comme des attaques contre les responsables du moment. J’utilisais beaucoup les images tauromachiques et les allusions à la sexualité, ce qui provoquait de petits scandales.

Quand j’écrivais, je partais de situations particulières, mais cela ne veut pas dire que l’écrit n’avait qu’un caractère tribal, clanique. Bien au contraire, l’humour pouvait être compris ici et ailleurs. L’homme est un, mais marqué par quelques singularités et particularités. Je ne crois pas beaucoup à l’embastillement de la parole libre, même si dans notre pays, de très nombreux prisonniers volontaires, sans orgueil ni dignité, tentent de justifier l’injustifiable en se cachant derrière le discours dominant. Cela fait penser à Faust.

Mais si vous voulez vous rallier un plus large public, ne croyez vous pas viser plus bas ?

Je suis contre le misérabilisme. Le beau est apprécié, selon moi, par tout le monde. Donc, il faudrait chercher à bien écrire, à ne pas prendre les lecteurs pour des débiles et des idiots. Certes, nous avons tenté de séduire le public en recourant à des sujets tabous comme la sexualité et en faisant appel à un vocabulaire à connotation sexuelle. Ce qui, il faut le dire, a intéressé un large public. Mais mon expérience m’a appris que le lecteur, s’il daigne te lire, sait ce qu’il fait. J’insiste néanmoins sur une chose : il faudrait éviter les mots barbares, être modeste, et éviter le jargon employé par certains universitaires algériens à tel point qu’il serait bon pour la presse de se débarrasser des universitaires, sauf quand ils font l’effort d’adapter leur discours au jeu journalistique. Le journalisme est un métier qui a ses propres techniques. A lire dans la presse algérienne certains écrits d’universitaires truffés de termes dits techniques, on ne peut pas s’empêcher de dégueuler. En plus, ce qui fait tragiquement rire, c’est que, souvent, on affuble le mot « docteur » devant le nom comme une sorte d’argument-massue. Même les hommes dits politiques aiment énormément ce type de substantifs.

Certains de vos écrits ont fait scandale par leur insolence. Avez-vous des regrets ?

Regretter quoi ? Mais je suis pour une écriture insolente, forte, c’est-à-dire qui tente de dévoiler des vérités, sans méchanceté ni complaisance. J’ai, quand j’étais à Algérie-Actualité, à Révolution Africaine ou dernièrement au Quotidien d’Oran, été insulté par certaines personnes qui n’acceptaient pas que je dévoile certaines choses. On m’a souvent demandé de changer de lunettes. On me propose, je ne sais d’ailleurs pourquoi, de porter des lunettes roses. En 1986, quand j’ai écrit un article sur les événements de Constantine, j’étais, il faut le signaler, le seul journaliste depuis l’indépendance, à voir couvert des émeutes, un responsable m’avait appelé et avait commencé à me donner un cours de journalisme, je lui avais calmement demandé de fermer sa braguette, il n’avait absolument rien compris. Quand on avait des problèmes, les champions de l’insulte et de l’invective d’aujourd’hui justifiaient notre mise à l’écart. Ce qui est extraordinaire, c’est que les écrits restent. En 1980, lors des événements de Tizi Ouzou, j’ai fait publier, au moment où on attaquait Mouloud Mammeri, une enquête dans Révolution africaine considérant que cet écrivain était l’auteur le plus lu en Algérie. Ce qui avait beaucoup surpris l’AFP, le Monde et Libération qui avaient repris l’information. Non, il ne faut rien regretter, même les moments difficiles comme mon licenciement ou mes affectations dans d’autres rubriques pour freiner mon élan. Mais même en sports, il y a des possibilités de subvertir le discours officiel, en traitant de sujets liés à l’actualité. C’est bien entendu, la manière qui importe le plus. Quand on écrit, il faudrait toujours penser en citoyen libre.

Avec du recul, comment vous apparait votre parcours artistique, littéraire et journalistique ?

Je crois que j’ai travaillé en fonction de mes désirs malgré l’absence de liberté qui a toujours caractérisé ce pays. Il faudrait aussi souligner le fait que nous évoluons dans un univers empreint d’hypocrisie et d’opportunisme. L’environnement étant hostile, les petites choses que nous avons faites me paraissent positives. J’ai soutenu des initiatives intéressantes, j’ai défendu des causes justes et j’ai tenté de dévoiler des vérités. J’aurais peut-être fait plus si les conditions m’étaient favorables. Le journalisme est une aventure très risquée, mais très belle. D’ailleurs, je n’ai jamais été aussi à l’étroit qu’en étant enseignant dans une université algérienne, fermée et réfractaire à tout débat. Dans les rédactions d’Algérie-Actualité et de Révolution Africaine, les discussions faisaient partie de la culture de l’ordinaire.

Le fait de parler de villageois ou de familles pauvres qui n’ont pas le droit à la parole est une expérience extraordinaire. Evoquer ces milliers de personnes sans eau, cette multitude de bouches sans nourriture, cette foule de jeunes sans emplois, les passe-droits, c’est contribuer quelque part à révéler les problèmes de notre société. C’est vrai que souvent les dirigeants du pays préfèrent tendre l’oreille ailleurs. Ce qui est désolant et tragique.

On prétend que le journalisme d’aujourd’hui n’est plus ce qu’il était. Qu’en pensez-vous ?

Je ne sais pas, mais j’ai comme l’impression que les choses ont changé. Nous étions, certes, très peu nombreux à nous battre avant les changements intervenus en 1990 qui étaient, selon moi, marqués par d’extraordinaires calculs. Aujourd’hui, l’invective, la facilité, la diffamation et l’insulte prennent de plus en plus le dessus. La diffamation domine d’ailleurs tous les espaces, politiques, médiatiques et universitaires. Les «patrons» des nouveaux journaux, s’acoquinant souvent avec des dirigeants politiques et militaires perdent toute initiative, préférant le gain facile et rompant avec tout principe d’équité et d’éthique. Nous avons donc affaire à des journaux sans âme, se fabriquant souvent dans les bureaux, dominés par la culture du trabendo et l’escroquerie à ciel ouvert. L’échelle des valeurs est pervertie, les journalistes et les chroniqueurs sont mal payés, le travail au noir est devenu légal. Il existe de belles plumes, certes rares, mais qui arrivent encore à t’offrir quelques lueurs d’espoir. La médiocrité domine tous les espaces publics. Je ne vois pas comment la presse pourrait-être un havre exceptionnel de probité et de sérieux.

Avant, nous nous battions et nous prenions des risques. Nous étions très peu nombreux à vouloir changer les choses. Ceux qui défendaient par exemple le secteur public sont devenus aujourd’hui les grands chantres du néo-libéralisme. Quelle hypocrisie ! Quelle indécence ! La culture du ventre a eu raison de beaucoup de personnes qui se métamorphosent aujourd’hui en grands démocrates.

On dirait que la « sagesse journalistique » a eu raison de l’enfant terrible du journalisme algérien…

Pas du tout, si tu entends par sagesse une sorte de démission. Je ne renie rien de ce que j’ai fait, même si j’estime que j’ai un peu muri et approfondi davantage ma réflexion. Dans le journalisme, l’important, c’est de réussir à révéler un certain nombre de choses, de dire une certaine réalité en vérifiant et revérifiant les informations et en protégeant au maximum ses sources. Je continue à travailler ainsi en évitant les copinages trop intéressés qui font trop de mal à ce métier. Il y a une logique implacable qui fait que les gouvernants se nourrissent bien, même en le critiquant, du discours des journalistes qui, souvent, oublient qu’une société ne se réduit pas à des appareils. Beaucoup d’amis pensent faire du journalisme en se transformant en juges ou en champions de règlements de comptes ou de petites scènes de ménage entre des dirigeants ou d’anciens dirigeants qui, passés de l’autre côté de minuit, se muent en opposants. Je me suis toujours comporté en citoyen et en penseur libre évitant ces amitiés intéressées avec des dirigeants ou d’ex-dirigeants préférant le compagnonnage des artistes et des intellectuels.

Dans vos écrits, vous utilisez un humour à triple tranchant comme exploration désespérée de la réalité. Quels sont vos rapports avec la satire et l’humour ?

Le rire est humain, il révèle les instances substantifiques de l’homme. Faire rire, c’est arriver en grande partie à susciter l’adhésion de l’autre. C’est vrai que très souvent, j’emploie l’humour et la satire. La satire permet de mettre en lumière les défauts et les fléaux investissant une société ou des appareils. J’ai toujours cherché à créer une sorte de relation de complicité avec le lecteur. Seul le rire est capable d’engendrer cette relation. Bergson l’explique extrêmement bien dans son ouvrage consacré à ce sujet, Le rire.

L’humour doit-il transgresser les tabous ?

Par essence, le rire est réfractaire aux discours conformistes. Si on rit de quelque chose, c’est parce qu’elle transgresse le discours quotidien. C’est tout à fait normal que le rire soit un espace de transgression des tabous et le lieu, par excellence, de la subversion du langage. Faire rire ne veut pas dire être méchant. Bien au contraire. Dans nos journaux, on tombe souvent dans ce travers. J’ai toujours essayé de faire rire en n’oubliant pas le sujet de l’article et en provoquant un feed-back avec le lecteur que je devrais, quelles que soient les conditions, respecter. Il est plus facile, en usant du rire, de toucher les gens et de réussir à mieux transmettre un message.

Est-il vrai qu’un regard humoristique sur le monde est la seule façon de supporter la vie ?

Le rire est une sorte de thérapie. En Afrique noire, dans certaines tribus, on fait appel au rire pour guérir certaines maladies. Des médecins reconnaissent aujourd’hui l’importance du rire dans la guérison de certains patients. Quand on essaye de faire rire dans un article, on commence déjà à rire de ce qu’on écrit. Il faut savoir qu’il est plus facile de faire pleurer que de faire rire. J’estime qu’il est très difficile d’écrire des comédies. Molière n’est pas n’importe qui. Il faisait un travail extraordinaire pour réussir à provoquer le rire chez les lecteurs et les spectateurs.

Y a-t-il un bon et un mauvais humour ?

Ce que je sais, c’est que l’humour est souvent le produit de l’inattendu, de l’imprévu et de l’aléatoire. On rit de quelque chose qui nous parait étrange, inhabituel, extra-ordinaire, c’est-à-dire qui est étrangère à la culture de l’ordinaire. Il existerait peut-être une manière de rire qui me semble inacceptable, rire de certains handicaps, se moquer des faibles et des pauvres en usant de méchanceté. Je n’ai jamais dans mes billets, par exemple, recouru à ce type d’humour trop facile et trop peu correct. J’ai toujours dénoncé cette manière de rire et de faire rire. L’humour, contrairement, à ce qu’on pense, sert à démythifier les puissants, les dictateurs et à révéler les tares de la société. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’il y a eu une extraordinaire polémique sur la satire et le réalisme entre Brecht et Lukacs. Faudrait rire les grands auteurs comique comme Aristophane, Ménandre ou Molière. Déjà, à Athènes, il y a plus de vingt-cinq siècles, l’humour était l’espace le plus redouté par les juges de l’époque, c’est-à-dire les responsables de la cité. Aristophane était craint.

De quel humour vous réclamez-vous ? Est-ce que vous vous situez dans une tradition quelconque ?

Tout ce qui touche le rire est inépuisable. Bien entendu, je ne cherche pas à faire rire pour rire, en passant du coq à l’âne, la sotie. C’est bien de reprendre des éléments de la farce ou la pastorale, comme Molière qui a écrit des farces extraordinaires et qui a repris beaucoup d’éléments de la farce en produisant des textes dramatiques extraordinaires. Le billet exige justement une technique qui se fonde essentiellement sur la chute, la clôture. Mais bien sûr, comme dans les textes de Kateb Yacine parus dans Algérie-Actualité et même ses pièces, je préfère la satire qui, dense et profonde, expose les problème de la société en associant parodie et dérision.

Il parait que vous ne voulez plus animer de « page satirique ». Pourtant, personne n’est aussi drôle et teigneux que vous.

Si, j’ai toujours envie d’écrire des papiers satiriques. J’ai d’ailleurs en 2000-2001 animé dans un journal algérien, Le Quotidien d’Oran, une page intitulée «ça me dit» qui reprenait avec humour les questions du quotidien. J’ai, certes, avant dans les années 80, écrit régulièrement durant une très longue période à Algérie –Actualité et Révolution Africaine deux chroniques satiriques : «Autrement dit» et «Patchwork». Maintenant, les journaux me proposent surtout des articles traitant de questions politiques et culturelles.

Est-il vrai qu’il faut être une « langue de vipère » pour faire rire ?

Je n’y crois pas. Le rire ne signifie pas forcément la méchanceté. Il faut lire les textes de Delfeil de Ton ou Escarpit ou les dessins de Plantu, de Reiser ou de Slim. C’est un stéréotype. Mais dans la presse, vous pourriez être « langue de vipère », mais si vous ne maîtrisez pas l’écriture journalistique, vous ne pourriez faire rire personne.

Certains jugent que l’humour algérien se trouve dans une impasse et que seul le dessin de presse tire très momentanément son épingle du jeu. Partagez-vous ce point de vue ?

Je crois que dans la presse algérienne et dans la littérature, l’humour n’est, certes pas très répandu, mais il existe tout de même des plumes très intéressantes, notamment dans le roman et quelques organes de presse. C’est vrai que le dessin de presse se nourrit fort bien de cette situation de crise perpétuelle que vivent le personnel politique et la société algérienne. Il y eut toujours en Algérie des dessinateurs de renom. Aujourd’hui, s’ajoutent aux anciens Slim, Haroun, Maz, Arab et bien d’autres, décédés ou toujours en vie, de nouveaux nom comme Gyp’s, Dilem ou Youb.

Quel regard portez-vous sur la création humoristique – si création humoristique il y a – aujourd’hui ?

Dans une Algérie aussi maussade où domine la mine taciturne et agressive qui a la moue d’un mouton mal égorgé, il est paradoxalement peu de plumes qui ont réussi à donner au rire une dimension importante. Les sorties satiriques de Kateb Yacine, solitaires et denses, semblent perdues dans un univers marqué par un profond spleen. Voyez partout depuis 62, les discours musclés et les manœuvres et contre-manœuvres peuplent terriblement la cité. Comme si nous étions en guerre permanente. Le langage est abrupt, c’est un univers de vrais va t’en guerre, où il est presque interdit de rire. Rire, c’est engendrer une sorte de posture schizophrénique, provoquer un malentendu fait de paranoïa et de colère trop intériorisée. L’Algérie n’a connu que la guerre et un langage de guerre. Mais cette situation a permis à certains romanciers, dessinateurs et hommes de théâtre de croquer une présentation singulière de la réalité. Les travaux de Kateb Yacine, de Rouiched, de Fellag et de bien d’autres ont réinterprété les espaces sociaux en recourant à l’humour, la parodie et la satire. C’est vrai que dans ce moment où la médiocrité investit tous les lieux, le rire semble absent, parce que faire rire exige beaucoup de métier et de génie. Ce qui manque terriblement dans l’Algérie d’aujourd’hui. Il y a une matière extraordinaire à faire rire, mais la compétence manque encore. Normalement, les situations totalitaires facilitent la communication par le rire.

La course vers le profit et le gain facile devient le territoire nodal de la communication sociale et politique.

Yassir Benmiloud, votre confrère, a dit un jour qu’ »on peut rire de tout, sauf de l’humour ». C’est aussi votre avis ?

Rire de tout ? Je ne partage nullement cette position. Comme je l’ai déjà dit, je ne me permettrais jamais de rire de la détresse des gens. C’est quelque chose d’indécent. Rire du puissant, quel que soit son statut, oui, mais se moquer d’un handicapé par exemple non, je ne peux souscrire à cette idée. Je suis trop respectueux des autres pour franchir le cap de la méchanceté. Je ris de ceux qui exploitent et volent les autres. Rire est un combat qui participe de la dénonciation des injustices.

Réalisé par Abderrahmane Lounès (dans le cadre d’un ouvrage à paraitre)

Fraude électorale : mode d’emploi… Par Mohamed Abassa

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Ce que je m’en vais vous conter n’est ni une mauvaise blague à la Sellal ni une anecdote. C’est un fait avéré et vérifiable qui s’est passé dans un lieu dit, appelé El-Gaâda, quelque part entre El-Bayadh et Mechria, dans le Sud Ouest algérien.

Comment gagner à tous les coups

L’histoire m’a été racontée dans le détail par un ex wali, très concerné par la chose et qui n’est pas Si Ahmed; ce grand amateur de Mardoud et de belotte. De siestes peu crapuleuses aussi. Des petites siestes pauvres en émotions. Une autre histoire.

L’évènement renseigne avec précision sur les techniques de fraudes électorales des tontons Makroute du pouvoir algérien. Ce lieu dit, El-Gaâda, n’est rien d’autre qu’un arbre magique et immense qui a élu domicile depuis des siècles en cet endroit désertique et hostile. Il offrait l’ombre, l’eau et les rencontres entre nomades, transhumants et divers voyageurs. C’est en cet endroit, El-Gaâda, que cet arbre solitaire et somptueux, un superbe arganier, dont les huiles sacrées rendent nos femmes plus belles et plus épanouies, notre couscous meilleur, retenait et, aussi, rassemblait des gens de tous commerces, de toutes les contrées, de tous métiers et de toutes aventures, traversant la région: Eleveurs, bergers, transporteurs, nomades, transhumants, commerçants, voyageurs, tous s’arrêtaient à El-Gaâda pour une petite quête de repos forcé, d’alliances, de ripailles, d’épousailles arrangées, de divorces, d’affaires et d’ententes entre tribus éloignées et souvent rivales. A El-Gaâda, entre El-Bayadh et Mechria peut-être, tout s’arrangeait autour d’un thé expédié, d’une zetla collective, d’une prière rattrapée, d’un méchoui improvisé, d’une alliance négociée, d’une résolution forcée d’un dignitaire FLN peu reconnu en quête de mandat, de sollicitations de courtiers avérés véreux- c’est un pléonasme- pour leurs entrées en contact avec les autorités locales et buccales (banquiers locaux, APC, Daïra, Wilaya, Kasma, et tout le tutti-quanti corruptible et corrupteur du coin et de la capitale) qui règlent les problèmes des indigènes à l’aune de l’épaisseur du sachet en plastic noir.

A El-Gaâda, comme dans tous les autres lieux dits où les Algériens du Bled se rencontrent, pour acheter un troupeau, un camion, une vierge d’une tribu riche et influente, négocier les largesses d’un juge ripou, d’un wali bouffeur et bouffon, ou même tomber sur une chèvre rare et généreuse en lait, il fallait prouver sa crédibilité en montrant l’épaisseur de sa bourse de plastic noir. C’est le seul rite reconnu de la sainte Algérie corrompue par le haut et maintenant par le bas. C’est cela l’assise et la notoriété d’El-Gaâda et de toute les contrées d’Algérie en Souk, en Zouk et en conclaves de maquignons pressés, de nomades rusés et divers négociants en tout, où tout s’achète, où tout se vend, sauf l’honneur des tribus vendant ou achetant souvent, c’est selon, des vierges confinées dans la blancheur de l’ombre, des chèvres en liberté, des ânes faméliques, des chameaux de boucherie, des camions trafiqués et des walis jetables, parfois des ministres vendant par courtiers délégués licences et divers agréments de la république des quatre saisons. C’est la réputation établie d’El-Gaâda, en ce lieu dit, perdu du triangle Aïn Sefra, Mechria, El-Bayadh, comme il en existe bien d’autres sur nos vastes millions de Km2 de notre belle et si peu sérieuse république dévoyée. Devenue par l’usure, l’outrage du temps et l’inculture, le système le plus dépravé de la planète. Les Borgia d’Alger moins les arts, les sciences et la culture.

Normal, les ânes n’apprécient pas la cannelle. Les chardons leur suffisent. Mais là n’est pas mon histoire ; elle ne finit pas ici, au contraire, elle commence en ce terrible bled ; un concentré de toutes les Algérie réelles et profondes. Un résumé à ciel ouvert des hontes et des traits hideux du pouvoir régnant.

En ce jour là, à El-Gaâda,un vendredi, grand jour de marché et de grosses affluences, un événement habituel et cyclique s’y produisit : un gros et violent vent de sable qui dura presque une éternité ; dix minutes de désastres et de désolations. Seuls l’arganier, les chameaux, les ânes, les moutons et les humains en sortiront indemnes et intacts de cette violente tornade des sables. La résilience botanique a sauvé l’arbre. L’instinct, l’endurance et l’expérience ont sauvé les animaux. Et devinez par quoi fut sauvé l’homme, l’humain ? Par le burnous pardi ! Cet habit millénaire des berbères du Sud et de toutes les Algérie, si utile en ce genre de terrible circonstance. Et à la fin du cataclysme désastreux, quand les voyageurs sortirent leurs têtes des capes et du burnous de survie, ils ne virent que ruines et désastres autour d’eux ; un vrai champ de bataille: Echoppes, tentes et mobiliers de fortune disparus, aspirés par la tornade, camions et voitures couchés, bêtes affolés, bergers hurlants encore des noms, des colères et des ordres inconnus, enfin tous les ingrédients de l’apocalypse de la minute d’après. Mais pas seulement. Ils ne virent pas que cela. Ils virent pire ; ils virent le sublime et le fantastique comme l’incroyable. Dans le ciel enfin calmé, ils virent l’impossible, la Mouaâdjiza de tous les temps. Du jamais vu.

En ouvrant leurs burnous, leurs oreilles et leurs yeux, ils entendirent de partout des suppliques et des appels pathétiques de Allahou Akbar ! Allahou Akbar ! Et, en effet, en levant bien haut leurs yeux vers le ciel, bien au dessus de l’arganier, un spectacle féérique et inimaginable s’offrait à eux. Un immense nuage bleu, des milliers de papillons bleus flottaient là haut, très haut au dessus de leurs têtes. Personne ne savait de quoi était faite cette nuée, cet immense nuage mystérieux fait de petites choses volantes bleues qui tremblaient et dansaient dans le ciel. Le miracle dura tout de même quelques longues minutes. Chacun des voyageurs alla de son explication. Des sauterelles bleues venues du Sahel, cria quelqu’un. Non, des extra-terrestres venus voler nos moutons, corrigea un autre ! Mais non, mais non criait un transporteur du nord, plus malin que les autres, c’est tout simplement un mirage qui nous transpose ici le bleu du Chott Ech-Chergui.

Le gros nuage bleu flottait et dansait toujours au dessus de leurs têtes sans que personne ne trouvât d’explication plausible à ce mystère qui avait tout l’air d’être divin. Par peur et par foi, presque tous criaient Allahou Akbar ! Allahou Akbar ! Les bras étirés vers le gros nuage de ces petites choses flottantes. Mais au fur et à mesure que le vent baissait, le nuage se rapprochait de la terre, se rapprochant des hommes délivrant enfin les tout premiers indices, les premiers échantillons de ce mystère. C’était tout simplement de petits papiers bleus, des bulletins de vote, qui se répandaient par vagues successives se déposant aux pieds des voyageurs ébahis, rendant la place plus bleue que le ciel. Tous ces bulletins ou presque étaient au nom de feu Chikh Mahfoudh Nahnah, patron du MSP, lors des élections présidentielles de novembre 1995. Et l’on s’en doute un peu, il n’a pas manqué de plaisantins islamistes sur place pour haranguer les foules et les prendre à témoins sur ces dons du ciel, cette grâce divine qui inonde la terre de bulletins gagnants islamistes.

– Dieu nous aime, dit-il ; nous sommes les meilleurs musulmans d’Algérie. La preuve, Dieu et la grâce divine nous restituent par le ciel ce que le pouvoir nous a volé par les urnes. Il allait poursuivre son exposé sur cette mystique offrande de Dieu aux ouailles du MSP quand une voix rauque d’un vieux routier lui coupa net le sifflet et la parole…
– Depuis quand camarade, Ya sahbi ! Dieu possède-t-il des imprimeries pour fabriquer des bulletins de vote et vous les envoyer en exclusivité par le ciel ? Silence glacial ; l’explication religieuse comme celle du laser divin du 5 juillet ne tenait pas.

Et comme toujours, la vérité et l’explication viendront d’un enfant sans âge. Il pouvait avoir 12 comme 18 ans. Il dit :
– Non tonton, ce n’est pas Dieu qui a envoyé ces papiers du ciel. Moi je suis berger mais tous les vendredis, je deviens cafetier, marchand de beignets et de cigarettes comme de nombreux cousins et amis ici. Je connais bien ce coin. Voyez-vous, cette caisse, c’est une urne comme vous dites vous, eh bien c’est mon outil de travail. C’est là où je stocke ma marchandise et mes beignets… Savez-vous où je l’ai-je trouvée cette caisse de vote ? A cent mètres d’ici, juste derrière ce monticule. C’est là que sont venus des gens costumés, armés, portant des caisses comme la mienne chargées de bulletins de toutes couleurs. Mais leur dernière livraison, c’était hier dans la nuit, ils n’ont vidé que des caisses avec des bulletins bleus. Juste après leur départ, moi et mes amis, on est passé juste après eux pour être les premiers à déterrer ce qu’ils avaient mal enfoui dans le sable. Ça nous sert d’emballage pour les cacahuètes et les beignets. Tenez, je vous offre ce cornet d’amandes. En défroissant l’emballage, vous remarquerez qu’il s’agit d’un bulletin de vote de Saïd Sadi, d’autres de Boukrouh mais le plus gros c’est celui de Nahnah… Explique-nous maintenant petit futé, comment ces bulletins enfouis dans le sable, se sont retrouvés dans le ciel ?

– C’est très simple, après la violente tornade de tout à l’heure, la force du vent a déterré les enfouissements et aspiré tous les bulletins dans le ciel. Ils auraient pu atterrir plus loin…
– Mon grand-père, racontera le gamin, a vécu le même événement lors des élections précédentes. Mais cette fois-ci, il n’y avait que du Chikh Nanah en l’air… Mon grand père raconte aussi, qu’à la même place et sous le même arbre d’El-Gaâda, dans les années quarante, le vent de sable était si puissant et la spirale si violente qu’elle aspira une chèvre entière qui s’est mise à voler toute seule dans les grands airs au grand émerveillement des nomades éblouis. Personne ne croira leur récit. D’où l’expression populaire qui affirme depuis «Maâza law Tarett» C’est une chèvre, même si elle vole.

A propos, savez-vous comment la halte d’El-Gaâda s’appelle aujourd’hui ? Je vous le donne en mille. Gaadett Nahnah. N’y voyez surtout aucun rapport avec les quotas pré-décidés des urnes, l’enfouissement des contenus des urnes et le mauvais travail de faussaires des Tontons Makroute de papy DOK ; le président gouvernant par télécommande et par chuchotements.

Ce ne sont que de simples reflexes ataviques de malgaches stagiaires. De simples coïncidences entre des tripoteurs professionnels d’urnes, des croyances populaires bien ancrées et les échéances électorales annoncées gagnantes à tous les coups. A part 1991, quand le pouvoir a-t-il perdu une seule élection ?

Excès de vitesse

Lors des dernières élections législatives, un scrutateur représentant d’un parti d’opposition, fort connu dans la région, a été désigné par ses collègues pour suivre le cortège des véhicules de gendarmes qui convoyaient les urnes vers le chef lieu de Daïra pour le décompte final des bulletins. Mais le chef de l’escouade des gendarmes ne voulait pas de cet intrus et ordonna à sa colonne de le semer à tout prix. C’est ainsi que le petit vieux colla au convoi jusqu’à atteindre la vitesse de 180 Km/h, lui qui de toute sa vie n’a jamais dépassé les cents. Devant la folle insistance du vieux à rester collé au convoi, le capitaine ordonna à son escouade de s’arrêter et de lui présenter ce fou du volant.
– Hé papy, on n’est pas au 24 heures du Mans ici ! Savez-vous que nous roulons sur une route départementale où la vitesse est limitée à 100 Km/h, alors pour cette fois je vais seulement vous verbalise et vous obliger à immobiliser votre véhicule pendant au moins deux heures ; Adjudant ! Exécution immédiate.
– Mais Hadharate, je suis avec vous et suis membre délégué pour suivre les urnes jusqu’à leur ouverture… Et puis il n’y a aucune plaque de limitation de vitesse sur cette route.
– Ferme-là et casse toi papy ! De désormais jusqu’à dorénavant, les urnes, ici, c’est moi et seulement moi. Quand à la plaque de limitation de vitesse, je te rappelle que mes ordres sont toujours supérieurs à n’importe quelle plaque.

Mais le petit vieux scrutateur ne voulait absolument pas en découdre et se laisser faire. Il recolla au convoi avec la même hargne et la même résolution. Furieux, le capitaine ordonna à la dernière Toyota de l’escorte, l’application immédiate du plan B pour lequel le gendarme chauffeur était bien entraîné. Il consistait à freiner brusquement de façon à provoquer un choc foudroyant avec son poursuivant. Et c’est exactement ce qui arriva. Le petit vieux qui eut tout de même la vie sauve eut à constater la destruction de tout l’avant de son véhicule. Mais, quelques minutes après s’arrêta pour le secourir, un autre poursuivant ; c’était le maire d’une commune du coin qui connaissait bien Si Tayeb dit l’avion (parce qu’il prétend avoir abattu tout seul un avion jaune avec son fusil de chasse) Rapidement ils se mettent en chasse de la colonne de gendarmes escorteurs d’urnes. De loin, ils virent le cortège des véhicules de gendarmes s’engouffrer dans la seule caserne du coin au lieu de se rendre directement à la Daïra. Arrivés devant la caserne fermée, le maire eut la géniale idée de klaxonner et, comme par miracle, la sentinelle les prenant sans doute pour de gros officiers en civil, leur ouvrit grand le portail avec le salut appuyé des gardes en tenue de parade. Et que virent-ils en direct sous leurs regards ébahis ? Ces mêmes gendarmes transporteurs et escorteurs d’urnes exécutant une opération très singulière : Décharger des urnes et en charger d’autres ; exactement les mêmes. Sauf peut-être ou plutôt et sûrement le contenu. Les deux pauvres et naïfs lurons découvraient à leur corps défendant les rudiments et l’abécédaire de la fraude électorale algérienne. Ils écopèrent l’un et l’autre d’une garde à vue de 24 heures, le temps de cuisiner leurs quotas gagnants. L’histoire ne m’a pas été racontée par une femme et qui n’est pas non plus officier de gendarmerie originaire de Djelfa.

La 3ème anecdote électorale concerne un citoyen algérien, qui a voté pour la même élection, dans son village natal, dans la commune de sa première résidence à Alger et dans sa dernière résidence de Dély-Ibrahim. Ce triple électeur a voté trois fois pour une seule et même élection alors qu’il n’a jamais voté depuis 1962 ! Ce mystérieux électeur, c’est moi. Et des comme moi, ils sont des millions.

C’est pourquoi le pouvoir régnant garde secret le fichier électoral et n’autorise aucun parti d’opposition à y accéder. Normal ; c’est la première arme du crime de la fraude massive. Cette censure unique au monde, leur permet de faire voter des bébés et des morts, faire voter plusieurs fois pour eux –mêmes ceux qui ne votent pas, transvider et travestir des urnes perdantes en urnes gagnantes. Il y a sûrement d’autres qu’on découvrira qu’une fois le pouvoir dégagé. Pour mémoire, on rappellera que le dictateur tunisien, Benali, pour être sûr de gagner à tous les coups ses élections, faisait appel à des experts du FLN et du RND.

C’est pourquoi, la fraude électorale autant que la haute corruption sont les seuls traits caractéristiques et identitaires de ce régime mafieux. Le faire dégager par les urnes qu’il encadre, dirige et contrôle ne semble pas relever de l’évidence ni du possible immédiat. Surtout que les gros enjeux se déclinent en milliards de $ pillés, de prison à vie et, parfois, en pelletons d’exécution. Parce qu’il s’agit du devenir même de l’Algérie qui a failli être vendue dans sa totalité, dans ses racines. Bouteflika et ses complices répondront-ils un jour de leurs multiples hautes trahisons ? Je pense que oui ; parce que le peuple de la rue commence à demander ouvertement et publiquement des comptes. La peur a changé de camp. Merci les jeunes ! Caillassés, conspués et chassés de partout, ils commencent à faire dans leurs frocs ! Leur fin commence à ressembler à celle Ceausescu. Aussi piteuse que celle de Bokassa. Ils oublient tous les leçons immuables de l’histoire : les dictateurs finissent tous de la même manière ; dans le caniveau. Leurs servants dans les poubelles et mezbala de l’Histoire. Finalement à quoi leur auront bien servi leurs milliards volés ?

A rien ; pas même un enterrement de première classe, sans le moindre hommage. Parce qu’on peut rendre hommage à un chien mort dignement en servant son maître mais jamais à un traître ! Bien sûr qu’à cette règle il y a eu des exceptions. On a bien vu des traitres, voleurs, assassins de Boudiaf, entre autres, enterrés en héros épistolaires alors qu’il s’agissait de canailles faisandées, de pourritures toxiques et malsaines, aux mains ensanglantées auxquelles la république des bandits et des voyous rendait les derniers hommage, les derniers mensongers des gueux pour des gueux. Mais non, pour eux-mêmes et pour leurs servants, ils n’auront jamais ni la magnanimité ni la mansuétude des humbles. Trop traîtres et trop lâches pour ne pas finir dans le seul espace qui leur ressemble ; le caniveau. Au mieux, l’oubli et le mépris du «dégage, Pov con» Rentre chez toi ! Au fait, c’est où chez lui ?

Mohamed Abassa

Le DRS se dote d’un nouveau matériel de surveillance d’internet

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Espionnage

Espionnage

Alors que l’insécurité, le terrorisme et autres fléaux sociaux deviennent le lot quotidien des citoyens, les services, dits de sécurité algériens, s’emploient à museler davantage les militants, les journalistes et les artistes.

Ainsi, les services des Renseignements généraux (RG) et du Département de renseignements et de sécurité (DRS) en Kabylie, ont acquis un important lot de matériel sophistiqué pour bien mener leur mission de répression. Ce matériel est utilisé pour faciliter les écoutes téléphoniques, la surveillance vidéo et la traque des militants. Ledit matériel aurait été importé d’Allemagne, selon notre source, sans toutefois préciser le montant de l’enveloppe octroyé pour leur acquisition. «Cela devrait se chiffrer à coups de milliards d’euros», se contente d’indiquer notre source.

L’objectif de cet achat serait d’améliorer et d’augmenter à la fois le nombre d’écoutes téléphoniques, mais surtout de contrôler les comptes des réseaux sociaux des personnes surveillées par les services de répression. Il faut rappeler que plusieurs militants, notamment du MAK, sont victimes d’intimidation et de répression quotidiennement. Plusieurs d’entre eux ont été victimes d’un traitement « inhumain » dans les aéroports. D’autres évoquent des pressions dans leurs lieux de travail, d’autres parlent même de tentative de corruption de la part des services dits de sécurité.

Les appareils ne sont pas mis en service pour le moment, car « cela nécessite un personnel qualifié », ajoute-t-on. Notre source précise que du personnel formé dans le domaine informatique sera incessamment muté en Kabylie, afin d’assurer le bon fonctionnement du matériel. Notre source a fait savoir que la Kabylie est pour le moment la seule région concernée par ce nouveau dispositif. Quel privilège !! « Ils ont acheté la même qualité de matériel en 2005, sous l’ère de Zerhouni. Tizi Wezzu est la deuxième région qui est dotée pour le moment de ce matériel. Ce programme se limiterait seulement à Alger et Tizi Wezzu », notera notre source.

Notons que le nouveau siège des Renseignements généraux de Tizi Wezzu, sis à proximité du secteur militaire et du DRS, sera mis en service juste après le mois de Ramadhan. Le nombre des personnes surveillées par les services de renseignement est plus important qu’on le pense. Les militants de l’opposition, notamment ceux du Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie et les défenseurs des droits de l’homme, sont épiés de près et sans l’aval ni de la justice ni du procureur de la république.

Les journalistes n’échappent pas également aux écoutes et surveillance des limiers des renseignements. Rien n’est laissé au hasard. La vie professionnel et intime des militants de la cause démocratique est par ailleurs passée au peigne fin. Certains militants sont même filmés pendant leurs déplacements. Des artistes, des hommes d’affaires et autres personnalités connues en Kabylie sont étroitement surveillées par les services de sécurité qui veillent sur les moindres gestes des défenseurs du peuple kabyle.

Avec Siwel

Saïd Bouteflika signe-t-il des décrets à la place de son frère président ?

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Said Bouteflika

Said Bouteflika

Par décret présidentiel cette semaine et ce depuis Paris, deux militaires lieutenant colonel (chargés d’études et de synthèse) ont été nommés par Saïd Bouteflika. Les cinq autres ont été nommés chefs d’étude alors que, selon notre source certains de fonctionnaires ont été recrutés depuis 2011 seulement.

La proposition de nomination a été faite par le directeur de l’informatique, Bouabana, un très proche de Saïd Bouteflika, et ce juste avant que le président ne tombe malade. Pendant ce temps, notre source proche de la présidence confie que Saïd Bouteflika bloque toutes les autres propositions qui viennent des autres structures, à savoir la direction de l’administration (DAG), la direction de l’information, la direction des télécommunications, la direction des relations publiques etc.

La raison ? Une vengeance du frère du président contre les anciens fonctionnaires qui sont pour quelques-uns à la présidence depuis l’ère de Chadli Bendjedid et d’autres du temps du mandat de Liamine Zeroual. Seuls ceux de l’informatique ou travaillant avec Rougab Sobt sont de fait promus. Les autres fonctionnaires sont bloqués dans leur avancement de carrière sans explication. L’exclusion de ces cadres a créé un malaise profond au sein des services concernés, ajoute notre source.

Pas seulement puisque cet acte est un précédent très grave. Car cette signature à la place du président contrevient fortement à la loi et constituerait une manigance frauduleuse inacceptable puisque l’article 87 de la constitution algérien énonce clairement que le Président de la République ne peut, en aucun cas déléguer son pouvoir dans la mise en œuvre des dispositions prévues aux articles 77, 78, 91, 93 à 95, 97, 124, 126, 127, et 128 de la Constitution. Or l’article 77 cite clairement parmi les pouvoirs et prérogatives qui ne peuvent faire l’objet d’aucune délégation, la signature du décret présidentiel qui, au même titre que le droit de grâce, le commandement de toutes les forces armées de la république ou la nomination du premier ministre, relève strictement de la seule autorité du président de la république.

En se livrant à un si grave subterfuge qui consisterait à faire croire que le président serait toujours en état de signer des décrets, Saïd Bouteflika agit au nom de la stratégie de « stérilisation » e l’article 88 qui précise bien que « lorsque le Président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions, le Conseil Constitutionnel, se réunit de plein droit, et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, propose, à l’unanimité, au Parlement de déclarer l’état d’empêchement. »

La rédaction

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