L’Algérienne Louiza Abouriche est montée sur la troisième marche du podium des Mondiaux de karaté do, à la faveur de sa belle victoire arrachée face à la Canadienne, Hana Furumoto-Deshaies (4-1), lors de la petite finale de la catégorie des -55 kg disputée ce dimanche au Caire.
C’est la consécration d’une saison exceptionnelle réalisée la jeune karateka algérienne (22 ans) et faite de nombreuses consécrations, dont une 3e place également aux derniers championnats d’Afrique.
Dans la capitale égyptienne, le rêve d’Abouriche de décrocher l’or mondial s’est évaporé suite à sa défaite concédée samedi face à la Slovaque Nina Kvasnicova. Toutefois, la native de Tizi-Ouzou, 14e mondiale, a su se remobiliser et puiser dans ses ressources pour aller chercher une méritoire médaille de bronze, et de quelle manière.
Pour aller chercher cette breloque tant convoitée, la sociétaire de la formation Karaté Elite Argenteuil (France) a réalisé le combat parfait. Abouriche a dominé sa rivale pour le bronze en marquant trois points de suite, avant de voir la Canadienne réduite l’écart à deux points (3-1), et ce, à 36 secondes du terme de la confrontation.
Loin d’être inquiétée par le retour de son adversaire, l’Algérienne a repris les choses en main en ajoutant un quatrième point qui a scellé définitivement l’issue du combat.
Concernant le reste du podium, l’Egyptienne Ahlam Youssef a remporté l’or après avoir disposé en finale de la Slovaque, Nina Kvasnicova, alors que l’autre médaille de bronze est revenue à l’Ukrainienne, Anzhelika Terliuga.
Grâce à cette prouesse, Abouriche vient d’écrire en lettres d’or son nom dans l’histoire du karaté do algérien en offrant à son pays unique médaille dans cet important rendez-vous mondial. Elle égale, par la même occasion, les performances de Walid Bouaboub et de Lamya Matoub réalisées lors des Mondiaux de 2012 et de 2018.
À noter enfin que l’Algérie a pris part à cette compétition avec 11 athlètes dans les deux spécialités, kata et kumité, cependant, seuls Abouriche et Anis Hallasa (-67 kg), éliminé en quarts de finale, ont réussi à atteindre les derniers tours, alors que les autres ont vu leurs parcours prendre fin à des stades moins avancés.
La tribune d’Abdelaziz Rahabi, publiée sur Facebook s’ajoute à une série de prises de position — celles d’acteurs politiques comme Saïd Sadi, mais aussi d’avocats, de juristes et de journalistes — qui, chacune à son registre, interpellent sur la trajectoire actuelle du pays.
Le constat est connu depuis au moins 2021 : il n’y a plus de liberté d’expression en Algérie. Un tyrannie sous des oripeaux d’une République est installée par le système en place. En l’espèce l’affaire Bouakba n’est qu’un énième révélation du démantèlement des libertés. Eu égard à la réputation de l’embastillé Bouakba, elle joue un rôle de catalyseur, révélant un débat plus large sur les libertés, l’indépendance de la justice et la gestion du pluralisme en Algérie.
La contribution de l’ancien diplomate, au ton grave et largement commentée, survient dans un contexte où les signaux de fermeture se multiplient, ravivant les interrogations sur l’état des libertés publiques. Abdelaziz Rahabi n’est pas connu pour être un opposant ni une « grosse gueule ». Bien au contraire. Ses sorties publiques prennent des allures d’offres de services. Mais pourtant cette fois, il y a comme une inquiétude dans le propos de l’ancien ministre.
Une régression inédite depuis l’ouverture pluraliste
Rahabi considère que l’Algérie connaît aujourd’hui sa plus forte contraction des libertés depuis l’ouverture politique de 1989. Cette dynamique, qu’il juge structurelle, se traduit notamment par l’“externalisation” du débat politique, désormais porté à l’étranger faute d’espaces internes, exposant le pays à de nouvelles vulnérabilités diplomatiques.
Une justice fragilisée
L’ancien ministre dénonce également l’usage politique de la justice, illustré par les poursuites visant des journalistes comme Saad Bouakba ou Abdelouakil Blam. Pour Abdelaziz Rahabi, cette instrumentalisation affaiblit la crédibilité de l’institution et renforce l’idée d’un système dépourvu de contre-pouvoirs. C’est le moins que puisse avancer l’ancien diplomate. Car avec près de 250 prisonniers d’opinion qui croupissent dans les prisons, les deux noms cités ne viennent en vrai que montrer l’effondrement de touts les étais qui tiennent un Etat de droit.
Un coût politique et social
Selon lui, aucun projet de réforme ne peut réussir sans l’adhésion libre et volontaire de la population, aujourd’hui absorbée par des préoccupations immédiates et éloignée des enjeux nationaux. Les fermetures passées, rappelle-t-il, ont toujours nourri corruption, radicalisation et désengagement civique.
Abdelaziz Rahabi avertit enfin contre une dynamique qui “dévitalise” la nation et banalise le silence et l’opportunisme. Le principal danger serait de répéter les crises du passé sans en tirer les leçons, laissant s’installer un climat de fragmentation et de défiance durable.
Saad Bouakba embastillé pour ses opinions sur l'histoire de l'Algérie. Crédit image : DR
L’arrestation du journaliste Saad Bouakba continue d’alimenter un vif débat dans la scène médiatique et intellectuelle nationale. Parmi les prises de position récentes, la contribution de Saïd Sadi, membre fondateur et ancien président du RCD, se distingue par l’angle choisi : au-delà de la dénonciation d’un abus de pouvoir, il met en avant les dangers d’un récit historique instrumentalisé par les autorités.
Dans son texte publié sur les réseaux sociaux, Saïd Sadi rappelle que l’objet du reproche fait à Saad Bouakba — une déclaration sur la gestion du « trésor du FLN » confié à Mohamed Khider — renvoie à un épisode déjà largement documenté. L’écrivain Pierre Péan en avait fait un exposé détaillé, soutenu par des archives, et les responsables qui l’avaient poursuivi en diffamation devant la justice française avaient été déboutés.
La tribune souligne donc que Bouakba n’a fait que relayer un fait historique discuté publiquement depuis des décennies.
Pour Saïd Sadi, l’incarcération du journaliste traduit une dérive inquiétante : l’usage de la privation de liberté pour des opinions ou des interprétations historiques ne comportant aucune menace matérielle pour la sécurité ou l’honneur de personnes vivantes.
Il estime que le débat contradictoire aurait dû primer sur la coercition judiciaire, rappelant que la pluralité d’avis, même heurtée, fait partie du fonctionnement normal d’une société.
La contribution insiste sur un paradoxe : des critiques bien plus sévères contre Ahmed Ben Bella — premier président de l’Algérie indépendante — ont été formulées par des acteurs historiques de premier plan sans qu’aucun recours judiciaire ne soit engagé.
Houari Boumediène avait publiquement accablé Ben Bella après le coup d’État du 19 juin 1965, allant jusqu’à effacer son nom de l’espace public. De même, Amar Bentoumi, premier ministre de la Justice après l’indépendance, avait livré un réquisitoire encore consultable en ligne, sans susciter la moindre réaction officielle.
Pourquoi, s’interroge Saïd Sadi, une parole serait-elle admise lorsqu’elle vient d’un ancien dirigeant et sanctionnée lorsqu’elle émane d’un journaliste ?
Au cœur de sa tribune, Saïd Sadi pointe un problème plus profond que le seul cas Bouakba : l’absence d’un récit historique stable, partagé et protégé des manipulations politiques.
Selon lui, l’histoire nationale est traitée comme un matériau malléable que chaque pouvoir adapte à sa convenance. Cette instabilité fragilise non seulement la compréhension collective du passé, mais aussi la cohésion nationale.
En conclusion, Sadi avertit contre les conséquences d’un tel “chaos mémoriel”. L’utilisation sélective de l’histoire, la hiérarchisation implicite des locuteurs légitimes et la criminalisation de certaines lectures du passé risquent, selon lui, de conduire à un affaiblissement durable du lien national.
Sa tribune se veut ainsi une invitation à dépasser le seul cas Bouakba pour réfléchir aux fondements du débat public, à la liberté d’expression et à la manière dont l’Algérie construit — ou fragilise — son propre récit national.
L’ouvrage d’Arezki Khouas, « Idir ou l’identité au pluriel. De la Kabylie à l’Universalité », se dresse comme un hommage essentiel à la figure de Hamid Cheriet, dit Idir. Bien plus qu’une simple biographie, ce texte est une analyse profonde du rôle de l’artiste en tant qu’ambassadeur culturel et porte-voix des revendications identitaires algériennes.
En retraçant son parcours depuis ses racines kabyles jusqu’à sa reconnaissance mondiale, l’auteur met en lumière la contribution majeure d’Idir : avoir su marier l’ancrage dans la culture berbère avec un message de tolérance et d’universalité. Le livre décrypte comment l’œuvre d’Idir, porteuse de sagesse et de révolte, est devenue un symbole du « vivre-ensemble » et un pont entre les générations et les cultures, forgeant un héritage dont l’impact dépasse largement le cadre de la musique.
L’ouvrage d’Arezki Khouas, « Idir ou l’identité au pluriel. De la Kabylie à l’Universalité », se positionne comme une œuvre de mémoire et d’exégèse essentielle. Il ne se contente pas de retracer le parcours de l’artiste Hamid Cheriet, connu sous le nom d’Idir, mais propose une véritable analyse thématique de son œuvre et de sa vie. Le cœur de l’étude réside dans la double casquette d’Idir : celle d’un ambassadeur de la culture algérienne dans toute sa richesse et celle d’un acteur clé dans la problématique de l’identité plurielle.
Face à des décennies de tentatives pour imposer une identité monolithique (souvent arabophone et centralisée), Idir a incarné la résistance culturelle et la revendication amazighe. Son art, en diffusant la langue et les traditions kabyles à l’échelle mondiale, a démontré que l’identité algérienne est intrinsèquement composée de multiples facettes.
Cette approche thématique confère à l’ouvrage sa dimension d’exégèse, cherchant à décrypter la philosophie de l’artiste et son rapport fondamental à l’identité. Idir est donc bien plus qu’un simple musicien ; il est célébré comme le héraut qui a transporté la culture Amazigh sur la scène internationale, offrant une image de l’Algérie diversifiée et complexe. Son rôle en tant qu’acteur de l’identité plurielle est fondamental, son combat, mené par l’art, ayant consisté à affirmer qu’on peut être profondément Kabyle et totalement Algérien, tout en étant ouvert à l’universalité, transformant ainsi une revendication en un débat national sur la nature même de la citoyenneté. L’analyse de Khouas érige Idir en un symbole de la résistance culturelle douce, dont la vie et l’œuvre offrent une clé de lecture indispensable pour comprendre les tensions identitaires et la quête de reconnaissance dans l’Algérie contemporaine.
L’auteur souligne d’emblée qu’Idir était un artiste qui portait en lui la complexité et la diversité de son pays. Son analyse se focalise sur la manière dont Idir a affronté le pouvoir uniformisateur en Algérie. Le passage analysé met en lumière la dimension de résistance culturelle qui définit l’œuvre d’Idir face aux politiques étatiques d’uniformisation. Pendant des décennies, le pouvoir algérien a souvent favorisé un modèle identitaire monolithique, centré sur la langue arabe et une lecture centralisée de l’histoire, reléguant de fait la culture amazighe (berbère) et sa langue, le tamazight, au statut de folklore ou de particularisme régional, sinon marginalisé.
Face à cette tentative d’imposer une identité unique, Idir a incarné une revendication amazighe puissante mais non-violente. Son art, porté par des mélodies douces et une poésie profonde, est devenu un acte de sauvegarde linguistique et culturelle. En choisissant de chanter et de s’exprimer dans sa langue maternelle, le kabyle, il a conféré à cette langue une légitimité mondiale, la sortant de l’espace domestique et régional pour la projeter sur la scène internationale. Cette diffusion à l’échelle mondiale a eu un effet miroir crucial : elle a démontré de manière irréfutable que l’identité algérienne est intrinsèquement composée de multiples facettes, que sa richesse réside dans sa pluralité et non dans son homogénéité forcée.
Idir, Hamid Cheriet, est né à Ath Yenni en Grande Kabylie, une région symbolique connue pour son artisanat et son histoire. Être « profondément ancré dans sa kabylité et son algérianité » signifie qu’il puisait son inspiration, sa langue, ses rythmes et sa philosophie directement dans le terreau de sa région. Cette assise identitaire n’était pas un simple héritage, mais le fondement de son expression artistique et le moteur de son engagement.
Cependant, comme le souligne KHOUAS, cette base solide n’a jamais été perçue ou vécue comme un repli ou un particularisme excluant. Au contraire, elle a servi de point de départ à son universalité. Idir a utilisé sa culture spécifique, la langue kabyle et les mélodies traditionnelles, non pas pour s’enfermer, mais pour ouvrir une fenêtre sur le monde. L’ouvrage explique avec justesse comment Idir a réussi à transcender son héritage local pour atteindre une résonance mondiale. La clé de cette transcendance réside dans la nature des thèmes qu’il véhiculait.
Sa musique, bien que richement ornementée de poésie locale et de sonorités traditionnelles, traitait de sujets qui touchent l’humanité entière : la tolérance, l’humanité, l’amour et la sagesse. Ces valeurs fondamentales, traduites en kabyle, ont trouvé un écho puissant chez des auditeurs de toutes nationalités et cultures. En chantant les préoccupations de son village et de son peuple, il touchait les préoccupations universelles de l’existence humaine : la quête de sens, le respect de l’autre, la beauté de la nature et le chagrin de l’exil. Ce faisant, il a prouvé que plus l’expression artistique est fidèle à ses racines, plus son message a la capacité de voyager et d’être compris par le plus grand nombre, faisant de lui un véritable pont culturel.
Le livre s’appuie sur des preuves concrètes, notamment les collaborations présentes dans ses albums emblématiques tels qu' »Identités » et « La France des couleurs ».
Ces albums ne sont pas de simples recueils de chansons ; ils sont de véritables manifestes d’ouverture. En collaborant avec des artistes d’horizons variés, français, breton, corse, africain, et bien d’autres, Idir a démontré que le dialogue interculturel n’était pas une menace pour ses racines, mais au contraire, une source d’enrichissement. L’analyse insiste sur le fait que cette pluralité n’a jamais été synonyme de dilution de ses racines kabyles, mais une affirmation de la tolérance. Il a utilisé la force de son identité ancrée pour tendre la main, prouvant qu’il est possible d’être fier de ses origines tout en étant profondément ouvert au monde.
Pour Idir, cette vision se résumait à l’idée d’être « Algérien à part entière ». Cette formule, centrale dans la pensée de l’artiste, implique l’acceptation inconditionnelle de toutes les composantes de l’Algérie, en particulier la composante berbère souvent mise de côté. C’est en embrassant cette vérité identitaire complexe qu’il a permis à son message de s’adresser au-delà des frontières et des appartenances ethniques. Son discours, partant du local pour atteindre l’universel, a résonné auprès de tous ceux qui luttent pour la reconnaissance de leur identité dans un monde globalisé.
En ce sens, l’artiste est un pionnier de la pensée décentralisée et inclusive. Sa démarche a anticipé les débats contemporains sur la diversité et l’interculturalité, prouvant qu’une identité forte est celle qui s’ouvre sans crainte, utilisant l’art comme l’outil le plus efficace pour l’inclusion et le dialogue pacifique entre les cultures.
L’apport majeur d’Idir, tel que décortiqué dans l’ouvrage de KHOUAS, se situe au carrefour de l’art, de l’engagement social et de l’identité. Il ne s’est pas contenté d’être un chanteur populaire ; il est devenu le porte-parole symbolique d’une double aspiration.
D’une part, Idir a canalisé la complainte et la révolte de la communauté berbère, qui se sentait marginalisée et niée dans son identité par le discours officiel. Ses chansons ont donné une voix mélodieuse et poétique aux frustrations historiques et aux revendications culturelles de son peuple. Elles ont transformé la douleur de la non-reconnaissance en un cri artistique audible. D’autre part, son message, bien que localement enraciné, a su capter les espoirs du peuple algérien pour une vie meilleure, au-delà des clivages ethniques. La quête de justice, de dignité et de paix qui traversait son œuvre a résonné auprès de l’ensemble de la jeunesse et des citoyens algériens.
Cette fonction de porte-parole a été rendue possible par la puissance de diffusion de son œuvre. Son art a permis la diffusion de la langue et de la culture kabyles aux quatre coins du monde. En chantant dans sa langue, Idir a fait résonner la prosodie de cette langue au-delà des frontières, lui conférant une visibilité et une légitimité internationales inédites. C’était un acte de résistance et de préservation culturelle, sa conviction profonde étant la défense et la sauvegarde de sa culture, de sa langue et de son identité.
Crucialement, Idir a mené ce combat en s’inscrivant dans une lignée de tolérance et de respect des différences. Il a toujours rejeté l’enfermement identitaire, se définissant comme un fier défenseur de l’identité berbère, mais jamais au détriment de l’unité nationale ou du dialogue avec les autres cultures. Sa formule emblématique résume parfaitement cette position équilibrée : être un « Algérien à part entière et non un Algérien entièrement à part ». Cela signifiait revendiquer sa place complète et légitime au sein de la nation, sans accepter d’être traité comme une entité secondaire ou séparée. C’est cet équilibre entre l’affirmation de soi et l’ouverture aux autres qui fait de son apport un héritage essentiel pour la compréhension de l’Algérie plurielle.
Le livre met en évidence l’impact sociétal et culturel durable d’Idir, qui s’est manifesté par sa puissante capacité à fédérer au-delà des divisions. Son œuvre est la preuve vivante que l’ancrage identitaire peut être le tremplin d’une profonde ouverture aux autres.
Cette ambition est particulièrement visible dans deux de ses albums majeurs : « Identités » et « La France des couleurs ». Ces disques ne sont pas de simples productions musicales ; ils sont des déclarations politiques et humanistes. Ils illustrent concrètement sa volonté de partager sa culture en invitant des artistes aux horizons multiples à chanter avec lui, rompant ainsi les barrières linguistiques et ethniques. En se faisant le chantre de l’ouverture et du « vivre-ensemble », Idir a créé des ponts inédits.
L’album « Identités » (1999) a été une plateforme pour le dialogue interculturel, réunissant des voix aussi diverses que Manu Chao, Zebda, Thierry Titi Robin, Maxime Le Forestier/ Brahim Izri, Geoffrey Oryema, l’Orchestre national de Barbès.
L’album « La France des couleurs » (2007) est un album majeur dans la carrière d’Idir. Il ne s’agit pas seulement d’un recueil de chansons, mais d’une véritable déclaration politique et humaniste sur la diversité et l’identité en France, analysé dans l’ouvrage d’Arezki KHOUAS comme un pont jeté entre la France et l’Algérie. L’idée centrale de cet album était de célébrer la mosaïque culturelle et ethnique de la France. Idir a souhaité démontrer que cette diversité est une richesse et un « acquis irréversible », un message qui faisait écho à son propre combat pour la reconnaissance de la pluralité de l’identité algérienne. Idir a réuni un plateau d’artistes français et internationaux très divers, symbolisant le multiculturalisme qu’il défendait, Zaho, Xmo Puccino, Kore & Bellek, Grand Corps Malade, Daniel, Manu & Guizmo, Kenza Farah, Akhenaton, Tiken Jah Fakoly, Sniper & Rim’k, Disiz La Peste, Sinik, Wallen, Noa, Nâdiya, Féfé (Saïan Supa Crew), & Leeroy.
« Ici est ailleurs » (2017) est l’un des albums les plus significatifs de sa fin de carrière. Il est l’aboutissement de son message d’universalité et de dialogue, en témoignant de sa capacité à fédérer des artistes majeurs de la scène française et internationale.
L’album est célèbre pour son prestigieux casting, reflétant l’immense respect et l’amitié qu’Idir inspirait dans le monde de la chanson française. Il a réussi à réunir plusieurs figures emblématiques autour de son projet, Charles Aznavour,
Francis Cabrel, Patrick Bruel, Grand Corps Malade, Gérard Lenorman, Bernard Lavilliers, Henri Salvador, Tanina, Tryo, Maxime Le Forestier.
L’ouvrage d’Arezki Khouas souligne que, par sa musique, Idir a établi un parallèle fort entre la France et l’Algérie. En abordant la diversité en France, il a affirmé que l’existence de cette mosaïque culturelle et ethnique était un acquis irréversible, un enrichissement mutuel. Il a ainsi tendu un miroir à la richesse ethnique et culturelle de l’Algérie elle-même. Son message sous-entendait que si la France peut embrasser sa diversité, l’Algérie doit également reconnaître et célébrer toutes ses composantes, y compris l’Amazighité.
Au-delà de ces messages politiques, la nature même de son œuvre, empreinte d’humilité, d’humanité, de sagesse et de sérénité, lui a permis de transcender les querelles générationnelles. Sa musique, douce et profonde, est devenue un véritable lien entre les générations, transmettant des valeurs essentielles et le souvenir d’une histoire commune, tout en offrant une mélodie apaisante face aux tumultes du monde moderne.
L’ouvrage d’Arezki KHOUAS cristallise le statut d’Idir, non seulement comme un artiste majeur, mais comme un symbole et un modèle dont la résonance perdure bien au-delà de sa carrière. Sa disparition en 2020 a provoqué une vive émotion mondiale, prouvant que son message avait traversé les frontières et les cultures, transformant la peine en reconnaissance universelle.
Idir incarnait un équilibre essentiel : un attachement inébranlable à ses racines, sa kabylité profonde, doublé d’un ardent défenseur de la tolérance et du respect de la diversité. Il a démontré que l’affirmation identitaire la plus forte n’est pas celle qui s’isole, mais celle qui s’ouvre. Son œuvre est ainsi présentée comme la matérialisation d’un combat teinté de révolte et d’espoir. La révolte était dirigée contre les forces d’uniformisation et de négation culturelle ; l’espoir portait sur la vision d’une Algérie enfin réconciliée avec son identité et son histoire, capable de se revendiquer fière de sa diversité, et de s’établir comme une terre de justice et de tolérance.
L’analyse érige Idir en une figure de la résistance douce et poétique, une opposition pacifique, menée par l’art et non la violence, par la douceur mélodique et non le fracas des discours. KHOUAS inscrit Idir dans la continuité historique en le désignant comme l’héritier de Jugurtha et de « Vava Inouva », soulignant sa constance remarquable dans son verbe et sa tolérance, faisant de lui une figure morale et artistique dont l’influence est impérissable.
Brahim Saci
Arezki Khouas, Idir ou l’identité au pluriel, Éditions Identité
Rencontre avec Ahmed Hidouche Yacine. Crédit image : Djamel Guettala.
Fin de semaine, la librairie L’Île aux Mots Marseille a accueilli Ahmed Hidouche Yacine pour une rencontre centrée sur son essai Survivances – Mémoires d’un anonyme, paru le 19 mai 2025 par les Editions El Amir . L’auteur y a partagé son parcours intime et la genèse de son ouvrage, qui mêle souvenirs personnels et échos de l’Histoire algérienne.
Le débat a été ouvert par Monsieur Ahmed, qui a rendu un grand hommage à Jean-Paul Domergue. Il a souligné que ce dernier représentait véritablement un trait d’union entre les Pieds-Noirs et les Algériens, symbole d’une Algérie où les deux communautés auraient pu coexister en harmonie, dans le respect mutuel et sans discriminations.
Bien que Jean-Paul Domergue n’ait pas été enterré à Tigzirt, il aurait, selon Monsieur Ahmed, bénéficié d’un soutien massif de la population jusqu’à sa dernière demeure. Par ses actes, il avait épousé la nationalité algérienne, sans renier celle qui lui avait été attribuée en tant que Pied-Noir.
Au fil de l’échange, Ahmed Hidouche Yacine a expliqué que l’écriture de son livre constituait autant un exorcisme qu’un acte de transmission. Chaque récit, chaque anecdote de son enfance à Tigzirt, des maquisards aux figures héroïques du quotidien, visait à préserver la mémoire et à transmettre des leçons de résilience aux générations futures.
Les participants ont été plongés dans l’univers d’un enfant confronté à la guerre et à ses injustices, mais également capable de saisir la beauté fugace de petits bonheurs, de liens humains et d’amours interdits. L’auteur a insisté sur l’importance de revenir sur ces souvenirs, non seulement pour se souvenir, mais pour offrir un héritage moral et philosophique aux jeunes générations, et rappeler que la liberté et la justice ont un prix.
La rencontre s’est conclue par une séance de dédicaces, offrant au public l’opportunité de repartir avec un exemplaire personnalisé du livre et d’échanger plus longuement avec l’auteur sur la mémoire, l’histoire et les traces qu’elles laissent dans nos vies.
La situation de la liberté de la presse en Chine continue de se dégrader, et l’histoire de Zhang Zhan en incarne l’extrême brutalité.
Dans un pays où les journalistes indépendants sont considérés comme des « perturbateurs » et non comme des acteurs essentiels de l’information, le régime de Xi Jinping impose une ligne monolithique : les médias doivent servir le Parti.
En 2025, la Chine recule encore au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF, occupant la 178ᵉ place sur 180. Le pays détient plus de 120 journalistes et collaborateurs de médias — le chiffre le plus élevé au monde. Derrière ces nombres se trouvent des vies brisées, des familles sous pression, et un appareil répressif qui s’abat sur quiconque tente de documenter la réalité.
Zhang Zhan, ancienne avocate devenue journaliste citoyenne, en est l’un des visages les plus connus. Son « crime » : avoir montré, en 2020, ce qui se passait réellement à Wuhan au début de l’épidémie de Covid-19. Arrêtée, jugée en quelques semaines, elle est condamnée à quatre ans de prison. Libérée puis de nouveau arrêtée en 2024, elle a écopé d’une nouvelle peine de quatre ans.
La répression s’est encore durcie en 2025. En novembre, les autorités ont tenté de la faire disparaître purement et simplement. La mobilisation rapide d’organisations internationales — dont Reporters sans frontières — a forcé Pékin à reculer. Mais le message était clair : le régime est prêt à franchir un seuil supplémentaire pour faire taire une voix jugée trop gênante.
Dans sa cellule, Zhang Zhan a mené une grève de la faim qui l’a conduite au bord de la mort. Les autorités l’ont nourrie de force, l’ont laissée menottée pendant des jours. Malgré ces traitements inhumains, elle persiste à défendre l’idée que la vérité doit être transmise, quoi qu’il en coûte.
L’appel lancé par RSF dépasse son seul cas : il rappelle l’urgence de soutenir celles et ceux qui risquent leur liberté, et parfois leur vie, pour que l’information continue d’exister en Chine. Le sort de Zhang Zhan n’est pas une exception : il est devenu le symbole d’une machine répressive qui se durcit et s’assume.
Symbole des dérives structurelles qui minent les grands projets publics, la pénétrante de Tizi-Ouzou vers l’autoroute Est-Ouest illustre un système où la technique cède trop souvent devant les blocages administratifs et les décisions hésitantes.
Malgré un discours ministériel se voulant plus ferme et plus lucide, la crédibilité de l’État se jouera désormais sur un seul terrain : celui des kilomètres effectivement livrés, loin des promesses répétées.
Le ministre des Travaux publics et des Infrastructures de base, Abdelkader Djellaoui, a présidé, jeudi 27 novembre 2025, deux réunions de suivi décisives consacrées aux projets de raccordement stratégiques de la pénétrante de Béjaïa et de la liaison Tizi-Ouzou–Bouira à l’autoroute Est-Ouest. Si ces rencontres traduisent une volonté ministérielle d’accélération, elles mettent aussi et surtout en exergue l’ampleur des problèmes persistants, en particulier les surcoûts massifs engendrés par des années de retard et de gestion approximative.
Ces réunions ont exposé les dysfonctionnements structurels qui paralysent la pénétrante autoroutière reliant Tizi-Ouzou à l’autoroute Est-Ouest, révélant une fois de plus les failles récurrentes de la gestion des grands chantiers publics en Algérie. C’est dans cet esprit que Le Matin relaie ces déclarations, en les replaçant dans une approche critique fidèle à sa vocation d’éclairage du débat public.
Un ministre au chevet d’un chantier sans fin
Onze ans après (en 2014) l’ambitieux lancement du chantier, la pénétrante reliant Tizi-Ouzou à l’autoroute Est-Ouest via Bouira illustre les maux chroniques des grands projets d’infrastructures en Algérie : retards interminables, gestion éclatée, réévaluations budgétaires à répétition. Projet vital pour le désenclavement de la région, il est devenu un condensé des dérives du « projet du siècle » — l’autoroute Est-Ouest — dont il reproduit les retards, les surcoûts et la lourdeur administrative. Pathétique en matière d’improvisation et de manque de rigueur dans la gestion du dossier.
En visite, au début du mois de novembre, à Tizi-Ouzou, le ministre Abdelkader Djellaoui a dressé un constat sans détour : « Le manque de pragmatisme, de rigueur et de transparence dans la gestion a entraîné un retard de plus d’une décennie », a-t-il affirmé, soulignant un dysfonctionnement qui dépasse le seul cas de Tizi-Ouzou.
Dérives multiples et surcoûts incompressibles
Les chiffres sont implacables : depuis 2014, seuls petits 5 kilomètres ont été réceptionnés à Draâ El Mizan, tandis que 33 kilomètres demeurent en attente de réalisation. Onze ans pour cinq kilomètres, puis la promesse réitérée d’achever le reste en quatre mois : de quoi alimenter un scepticisme largement partagé.
Les causes de ces retards sont clairement identifiées, comme l’ont confirmé les dernières réunions de suivi.
En premier, il y a les blocages fonciers et lourdeurs administratives. A titre d’exemple, les oppositions de propriétaires et les lenteurs dans les procédures d’expropriation et d’indemnisation constituent le principal frein. Sur une grande partie du tracé, l’emprise foncière n’est toujours pas libérée, immobilisant durablement les travaux.
S’ensuivent des contraintes liée à la complexité géologique et d’ordre techniques. Le relief de la Kabylie impose de nombreux ouvrages d’art et expose le chantier à des aléas techniques majeurs. Le glissement de terrain de Draâ El Mizan ( région concernée par le tracé de la route), sur la liaison Tizi-Ouzou–Bouira, illustre ces difficultés qui nécessitent des solutions coûteuses et retardent encore davantage le projet.
Pour le ministre, ces retards ne sont pas propres à Tizi-Ouzou : « Pratiquement toutes les pénétrantes enregistrent les mêmes problèmes, les mêmes retards et les mêmes surcoûts, aggravés par la fluctuation des changes et le prix des matériaux. » Le coût initial du projet, fixé à 45 milliards de dinars, dépasse aujourd’hui 75 milliards — soit une hausse d’environ 65 % — pour un taux de réalisation inférieur à 30 %.
Un diagnostic sévère, mais lucide
Le ministre dit vouloir remettre la question des grands chantiers sur le terrain de la responsabilité : « Toutes les parties prenantes seront réunies pour mettre tout sur la table et déterminer les responsabilités », a-t-il promis. Promesse tenue, puisque la dite réunion s’est tenue jeudi dernier. L’objectif affiché est clair : situer les responsabilités et engager les mesures nécessaires pour achever le projet.
Il affirme par ailleurs que le financement n’est pas en cause : « Le projet ne souffre pas d’un manque de financement. L’État accompagne pleinement ce chantier et assurera les moyens nécessaires à sa finalisation. »
Entre promesses et réalisme
Abdelkader Djellaoui a exigé la mise en service immédiate des tronçons achevés et la finalisation rapide de la déviation, accordant un délai maximal de quatre mois aux entreprises. Une exigence ambitieuse mais difficilement crédible au regard du rythme observé depuis plus d’une décennie.
Il a néanmoins salué les efforts des autorités locales et des élus pour lever les oppositions et débloquer certaines situations, reconnaissant que les récentes avancées doivent beaucoup à l’implication du wali et à la coordination territoriale.
Une équation structurelle non résolue
Au-delà des déclarations, la même question demeure : comment expliquer que des projets stratégiques échappent, année après année, à tout contrôle d’efficacité, de transparence et de délai ?
À Tizi-Ouzou, comme presque partout dans le reste du pays où ce genre de projets sont lancés, les habitants ne comptent plus les discours : ils comptent les kilomètres réellement livrés.
Sofiane Ayache
Pénétrante de Tizi-Ouzou : les faits marquants
2014 — Lancement du projet
• Début des travaux.
• Coût initial : ≈ 45 milliards DA.
2016–2018 — Blocages
• Expropriations incomplètes.
• Retrait d’entreprises, retards cumulés.
2019 — Première réévaluation
• Budget porté à ≈ 60 milliards DA.
2020–2023 — Stagnation
• Suspension partielle du chantier.
• Coordination défaillante entre intervenants.
2024 — Relance partielle
• Avancées limitées sur quelques tronçons et ouvrages d’art.
Novembre 2025 — Point d’étape
• Réception symbolique de 5 km (Draâ El Mizan).
• Nouveau délai : 4 mois pour achever les 33 km restants.
L’espoir de la semaine parfaite a laissé place à une fin de week-end au goût amer. Quatre jours après leur relance européenne contre Newcastle (2-1), les Marseillais, accrochés sur le fil par Toulouse au Stade Vélodrome (2-2), n’ont pas su profiter de la défaite du PSG à Monaco (0-1) un peu plus tôt ce samedi pour prendre les commandes du classement de Ligue 1.
Le scénario, cruel et frustrant, a laissé Roberto De Zerbi avec un sentiment d’inachevé. « On le paye très cher », a-t-il regretté après une égalisation concédée dans les ultimes secondes, reflétant les difficultés persistantes de son équipe à fermer les matches.
La rencontre avait pourtant commencé de la pire manière. Surpris par l’intensité des visiteurs, l’OM a rapidement concédé l’ouverture du score. Secoués, les Marseillais ont fini par réagir, retrouvant du mouvement et de l’inspiration offensive pour égaliser puis prendre l’avantage. Le Vélodrome s’était alors enflammé, croyant assister à un succès charnière, capable d’ancrer durablement l’équipe dans une dynamique positive après sa victoire européenne.
Mais la suite a rappelé les limites actuelles de Marseille. Incapables de conserver le contrôle du ballon dans le dernier quart d’heure, les joueurs de De Zerbi ont reculé, laissé des espaces et permis à Toulouse de reprendre espoir. Dans un ultime assaut, le club toulousain a arraché l’égalisation, laissant un stade médusé et un entraîneur amer face à une victoire qu’il pensait acquise.
Ce nul pèse d’autant plus lourd que le PSG avait laissé la voie ouverte quelques heures plus tôt. Désormais, c’est Lens qui pourrait en profiter : une victoire à Angers ce dimanche offrirait aux Sang et Or la tête du classement. Pour l’OM, l’occasion s’envole encore, rappelant une évidence : sans rigueur jusqu’au bout, les ambitions se fissurent.
La scène aurait pu passer inaperçue dans un pays désormais habitué aux coups de force : une femme encerclée par des agents en civil, arrachée à une foule pacifique, conduite vers une destination inconnue. Mais la femme arrêtée est Chayma Issa, figure centrale de l’opposition tunisienne, militante infatigable des libertés publiques.
La poétesse et militante Chayma Issa a été interpellée le samedi 29 novembre 2025 à Tunis, alors qu’elle participait à une manifestation pacifique pour dénoncer les dérives du pouvoir. Son arrestation, survenue au lendemain de la confirmation en appel de lourdes peines dans l’affaire du « complot contre la sûreté de l’État », résonne comme un message brutal : la contestation doit être réduite au silence, coûte que coûte.
Depuis des mois, le pouvoir tunisien applique une stratégie qui ne s’embarrasse plus d’apparences démocratiques. Kaïs Saïed, maître absolu du jeu institutionnel depuis l’instauration du régime d’exception en 2021, consolide un système où les contre-pouvoirs sont méthodiquement neutralisés. L’Etat de droit est démantelé et les voix libres muselées, voire embastillées. Magistrats limogés, journalistes poursuivis, syndicalistes intimidés, avocats arrêtés…
L’interpellation de la militante Chayma Issa s’inscrit dans cette mécanique implacable : frapper les visages visibles pour intimider les voix restantes.
En Tunisie, l'opposante Chaïma Issa a été arrêtée, selon ses avocats. Elle participait à une manifestation suite au procès en appel de plusieurs dizaines de personnes, dont elle, pour "complot contre la sûreté de l'Etat" pic.twitter.com/7g8y2nRlWC
Condamnée à 20 ans de prison dans l’affaire du « complot », un dossier tentaculaire visant une quarantaine d’opposants et de militants, elle a toujours dénoncé une procédure politique destinée à faire taire la dissidence. Ses avocats parlent aujourd’hui d’un « enlèvement ». Les ONG, dont Amnesty International, dénoncent un acte illégal et dangereux. Mais la portée de cette arrestation dépasse le cas individuel.
Quelques minutes avant d’être capturée, Chayma Issa rappelait encore aux manifestants : « Ne cédez pas à la tyrannie. Nous sacrifions notre liberté pour vous. » Elle savait que la confirmation de sa condamnation la mettait en première ligne. Elle a choisi de ne pas se cacher. Son geste témoigne de ce que le pouvoir cherche précisément à étouffer : la détermination d’une partie de la société à défendre ce qu’il reste de l’esprit révolutionnaire.
La Tunisie, longtemps présentée comme l’exception démocratique du monde arabe, glisse désormais vers un autoritarisme assumé, où la justice devient un instrument de contrôle et la dissidence un délit. L’affaire du « complot », avec des peines allant jusqu’à 45 ans de prison, montre à quel point la machine judiciaire peut être remodelée pour servir un agenda politique.
Les réactions internationales se multiplient, mais l’impact demeure limité face à un pouvoir qui n’entend plus rendre de comptes. Dans ce paysage verrouillé, l’arrestation de Chayma Issa peut marquer un tournant, non pas parce qu’elle surprend — plus rien ne surprend désormais — mais parce qu’elle cristallise le combat entre un régime qui se ferme et une société civile qui refuse de disparaître.
La question n’est plus de savoir si la Tunisie dévie : c’est de savoir jusqu’où elle ira, et combien de voix devront être arrêtées pour que le pays réalise ce qu’il est en train de perdre.
Il y a quelque chose d’assez fascinant dans la façon dont ce pouvoir parle. Il accuse, il sermonne, il tonne, il moralise. Et chaque fois qu’il dit “faillite politique”, c’est comme s’il décrivait une scène qu’il refuse de voir dans son propre miroir.
L’APS a encore sorti son grand numéro : indignation officielle, termes emphatiques, rappel à la morale, discours en carton-pâte. On croirait écouter un professeur d’éthique qui donne un cours dans une classe qu’il a lui-même incendiée.
Le pouvoir désigne les partis comme responsables. Très bien. Mais quels partis ? Ceux qui n’ont plus le droit de tenir une réunion ? Ceux qui sont convoqués à la police pour avoir dit une phrase de travers ? Ceux qui savent qu’un communiqué peut les envoyer trois jours devant le juge ? Ceux qui, même proches du système, se taisent parce que parler est devenu une prise de risque ? L’opposition n’est pas muette : on l’a muselée. On n’a pas étouffé des idées ; on a étouffé des voix. Dans un pays normal, le silence d’un parti serait un message politique. Chez nous, c’est un réflexe de survie.
Pendant que le pouvoir surveille les adjectifs et poursuit les opinions, le pays, lui, agonise. La harga n’a pas disparu : elle s’est transformée. Aujourd’hui, ce ne sont plus des jeunes solitaires qui s’embarquent clandestinement, mais des familles entières qui préparent leurs enfants comme on prépare un dernier départ. Le dinar a touché le fond du fond, 300 dinars pour un euro, un record historique, mais pas du genre qu’on célèbre. Le commerce étouffe, les prix s’envolent, les salaires s’effritent, les foyers s’enfoncent, et la colère sociale gronde sous la surface comme une plaque tectonique qu’on ignore par habitude.
Et au milieu de ce désastre, le ministre de l’Économie – celui censé tenir la barque – se trompe entre le dinar et le dollar en pleine séance parlementaire. Les officiels rient. Les députés rient. Le ministre rit. Tout le monde rit, sauf ceux qui vivent dans le pays réel, celui où le prix de la semoule décide du menu de la semaine. Le message est limpide : le peuple souffre, eux s’amusent. Ils se trompent, ils rient, ils plaisantent, et la vie continue… pour eux seulement.
Ensuite arrive l’APS, comme une troupe de théâtre mal éclairée, pour annoncer que tout va bien, qu’il faut “protéger les valeurs”, “préserver l’éthique”, “défendre la stabilité”. Quelle stabilité ? Celle des frigos vides ? Celle des familles qui vendent leur mobilier pour payer le loyer ? Celle des jeunes qui prient pour que leur visa ne soit pas refusé ? Celle d’un pays où l’on peut finir en procès pour avoir écrit une phrase de trop ? La stabilité, ici, n’est qu’un autre mot pour dire : “Tais-toi”.
Le pouvoir parle de contradiction politique. Parlons-en. La contradiction politique, c’est un État qui réclame la morale en manipulant la vérité. C’est un gouvernement qui accuse des partis désarmés pendant que lui-même accumule les échecs comme on collectionne des timbres. C’est un système qui exige des comptes à ceux qui n’ont aucun pouvoir, mais n’en rend aucun à ceux qui l’ont élu – si tant est qu’il considère encore devoir des comptes.
La faillite politique n’est pas dans les discours des partis. Elle est dans le vide des actes du pouvoir. Elle est dans l’absence de gouvernance, dans l’obsession de surveiller au lieu de diriger, dans l’art de fabriquer des communiqués pour dissimuler l’absence de résultats. Elle est dans ce chaos maquillé, dans ce désordre organisé, dans cette mise en scène permanente où le peuple n’est qu’un figurant qu’on rappelle à l’ordre dès qu’il tente de parler.
La vérité est brutale : la faillite politique, c’est un État qui gouverne seul, parle seul, écoute seul, jusqu’à croire que son monologue est un dialogue.
Le pays s’effondre en silence. Le pouvoir s’indigne en bruit. Et c’est cela, précisément, la faillite.
Autodidacte, enracinée dans la culture chaouie, Milouda Rahali a fait de la melehfa chaouia ⵜⵉⵎⴻⵍⵃⴻⴼⵜ (timelḥeft) un terrain de création et de résistance culturelle....
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