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mardi 1 juillet 2025
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Veto américain au Conseil de sécurité : feu vert à l’annihilation de Gaza

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Conseil de sécurité

Mercredi, les États-Unis ont, une fois de plus, utilisé leur droit de veto pour bloquer un projet de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU appelant à un cessez-le-feu immédiat à Gaza et à un accès humanitaire sans entrave. Un geste lourd de conséquences, perçu par une majorité d’États membres comme un feu vert à la poursuite de l’extermination du peuple palestinien.

L’histoire retiendra que les Etats-Unis a volé encore une fois au secours de l’Etat d’Israël. Ce veto, qualifié de « message extrêmement dangereux » par l’ambassadeur du Pakistan Asim Iftikhar Ahmad, résonne comme une approbation tacite de la politique israélienne à Gaza. « Cela signifie que la vie de deux millions de Palestiniens ne compte pas », a-t-il dénoncé, évoquant une « tache morale » sur la conscience d’un Conseil devenu spectateur de l’effondrement de toute éthique humanitaire.

Depuis des mois, la bande de Gaza est le théâtre d’un massacre continu. Derrière les discours sur la « sécurité d’Israël », se dissimule une stratégie méthodique de destruction systématique d’une population civile piégée, affamée, et bombardée sans relâche. Dans ce contexte, le projet de résolution rejeté n’était rien d’autre qu’un cri de détresse humanitaire. Comme l’a rappelé l’ambassadeur slovène Samuel Zbogar : « L’humanité est mise à l’épreuve en direct depuis Gaza. »

Les réactions ont été vives. L’ambassadeur algérien Amar Bendjama a déclaré : « Le silence ne défend pas les morts. » La Chine, la Slovénie, le Pakistan, et plusieurs autres pays ont accusé Washington de faire obstacle à la justice. Même la France et le Royaume-Uni, traditionnellement alignés sur les positions américaines, ont exprimé leur « regret ».

La position américaine, exprimée par l’ambassadrice par intérim Dorothy Shea, repose sur une rhétorique éculée : Israël aurait le « droit de se défendre », tandis qu’un cessez-le-feu risquerait de « renforcer le Hamas ». En réalité, ce discours sert surtout à justifier une campagne militaire qui a franchi toutes les lignes rouges du droit international humanitaire.

Le texte rejeté avait pourtant rallié 14 voix sur 15, appelant à un cessez-le-feu « immédiat, inconditionnel et permanent », à la libération des otages, et à une levée immédiate des restrictions à l’aide humanitaire. Mais ce soutien presque unanime n’a pas suffi à contrer le cynisme du veto américain.

Pendant ce temps, la catastrophe humanitaire s’aggrave. Malgré quelques camions autorisés à entrer depuis le 19 mai, l’aide demeure infime, une « goutte d’eau » selon l’ONU. À cela s’ajoute une instrumentalisation de l’aide par la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), organisation obscure soutenue par Israël et les États-Unis, qui distribue une aide jugée contraire aux principes humanitaires, provoquant des scènes de chaos mortel autour de ses centres.

Face à la paralysie du Conseil de sécurité, l’ambassadeur palestinien Riyad Mansour a exhorté la communauté internationale à agir sans délai : « Agissez pour mettre fin à l’impunité. Agissez pour l’humanité. » Un appel qui résonne alors que l’Assemblée générale s’apprête à devenir le seul forum encore capable d’exprimer une volonté collective de mettre fin au carnage.

De son côté, Israël reste inflexible. Son ambassadeur Danny Danon a rejeté le projet de résolution, promettant de poursuivre la guerre « sans se laisser entraver par aucun vote ». Une posture guerrière qui, au nom de la lutte contre le Hamas, continue de broyer des dizaines de milliers de vies civiles, tout en détruisant les infrastructures vitales d’un territoire déjà assiégé.

La guerre, déclenchée après l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, a servi de prétexte à une opération militaire dont la disproportion et la brutalité ne laissent guère de doute quant à l’intention réelle : écraser Gaza jusqu’à sa disparition.

Rabah Aït Abache

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Ligue des nations : la France et l’Espagne s’affrontent en demi-finales

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Ligue des nations

Ce jeudi 5 juin a lieu la deuxième demi-finale de la Ligue des nations de foot qui oppose la France à l’Espagne. La Roja, tenante du titre européen, va pouvoir compter sur un large soutien : dans les tribunes de Stuttgart, théâtre de la rencontre, mais surtout dans tout le pays. Un élan populaire autour de la sélection qui n’avait pas été aussi fort depuis plus d’une décennie.

Un an après sa défaite à l’Euro 2024, l’équipe de France retrouve jeudi 5 juin l’Espagne de Lamine Yamal en demi-finales de la Ligue des nations à Stuttgart. Elle y espère profiter de l’euphorie de ses cinq champions d’Europe parisiens même si l’état de sa défense, handicapée par des absences majeures, a de quoi inquiéter.

Les héros de la capitale (Ousmane Dembélé, Désiré Doué, Bradley Barcola, Lucas Hernandez, Warren Zaire-Emery) et les deux perdants milanais (Marcus Thuram, Benjamin Pavard) ne sont d’ailleurs arrivés que lundi 2 juin au Centre national du football à Clairefontane dans les Yvelines. Tout comme le capitaine Kylian Mbappé et Aurélien Tchouaméni, le Real Madrid n’ayant pas voulu libérer ses joueurs avant la date officielle fixée par la Fifa pour le début de la fenêtre internationale.

Difficile donc d’évaluer l’état physique et mental des Parisiens, toujours sur leur petit nuage après la nuit magique de Munich le 31 mai et les festivités du lendemain à leur retour. « Ils sont là, je compte sur eux. Ils sont très heureux. Ils ont une certaine fatigue. Le match était il y a peu de temps. On ne sait jamais comment l’organisme réagit. Ils ont vécu quelque chose de fabuleux et après un pic émotionnel, il y a une descente. Mais là, il faut vite remonter », a expliqué le sélectionneur Didier Deschamps en conférence de presse, le 4 juin.

« Les joueurs nous ont redonné envie d’y croire »

En Espagne, l’engouement populaire n’a pas été aussi fort depuis 10 ans. Des maillots de la Roja sur les terrasses, des drapeaux aux fenêtres… Au pays du football de club, l’Espagne vit au rythme de sa sélection. La Ligue des nations remportée il y a deux ans et l’Euro décroché l’an passé ont fait remonter l’engouement.

Pour José, 23 ans, l’équipe incarne aujourd’hui bien plus qu’un palmarès : « La victoire à l’Euro nous a séduits. Une caractéristique de cette équipe, c’est que les joueurs viennent de tous les horizons, non seulement des grandes équipes comme l’Atlético, le Real Madrid ou le Barça, mais aussi de toutes les régions. C’est ce qui attire davantage les supporters », confie-t-il au correspondant de Rfi à Madrid.

Autre argument : la jeunesse. Dix joueurs sur les 26 ont moins de 23 ans. Un vent de fraîcheur qui emballe les supporters, comme Jordi, fan du Barça : « Les joueurs nous ont redonné envie d’y croire. Avec leur jeunesse, on se remet à vibrer pour eux. Lamine Yamal, c’est le Ballon d’Or, mais il n’est pas seul : Pedri, Cubarsi… L’Espagne est candidate pour remporter le Mondial 2026. »

Rfi

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L’Aïd n’est pas la cérémonie du veau d’or

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L'Aïd

Avec la chronique d’aujourd’hui il est plus prudent pour moi de commencer avec la sincérité la plus profonde de mes vœux de l’Aïd à mes compatriotes. Le terme prudence est exprimé ici dans le sens d’une crainte d’une mauvaise compréhension plutôt que celle d’éviter la colère et des jugements peu conformes en cette période de fête collective.

Le massacre à une échelle incontrôlée des moutons est impressionnant autant qu’horrifiant. Il me semble que la religion a bon dos pour justifier une hystérie nationale qui n’a plus de sens si on s’éloigne de la nécessité d’un moment de partage et de réflexion.

Qu’importe mes convictions ou leur inexistence, là n’est pas la question. La signification  de l’acte de sacrifice représente un passage du récit religieux musulman mais il a un sens profond de parabole, c’est-à-dire d’un récit allégorique portant une signification symbolique au service d’un enseignement religieux. Le sacrifice d’un mouton a une légitimité dans la pratique de la religion mais qui a affirmé qu’il est inscrit dans le dogme ?

En lui-même, le sacrifice d’un animal ne peut me choquer car c’est indirectement ce que je vais faire tout à l’heure, très certainement, c’est à dire me nourrir de viande puisque j’ai cette chance de le pouvoir.

Il n’y a aucun sujet de polémique pour cela. Mais est-on obligé de ressentir la nécessité d’un spectacle d’égorgement et de dépècement de la bête en public, de surcroît avec la présence d’enfants ? Est-on obligé de tuer le pauvre animal sans l’anesthésier avec tellement de méthodes possibles ?

Est-on obligé de supporter l’image de la descente du bateau par des milliers de pauvres bêtes effrayées, c’est même contraire à la pensée de compassion religieuse. Un spectacle horrifiant de manquement de respect de ce que les croyants disent être des créatures de Dieu. Le prétendre est pourtant admirable pour la beauté de la nature qui nous enchante autant qu’elle subvient à nos besoins vitaux d’alimentation.

Est-on obligé de déverser dans les rues et les conduits des villes des immenses quantités de déchets ? Est-on obligé de provoquer un énorme gâchis de tonnes de nourriture vu le prix colossal de la viande qui serait un bien pour nourrir tellement de familles algérienne, souvent en incapacité d’en manger tous les jours même si elles ne sont pas dans l’indigence ?

Sans compter ce qui me met en rage, la compétition des familles à hauts revenus dans la quantité de moutons. Et nous, c’est deux moutons, et nous, c’est trois moutons. C’est un acte d’indécence le plus condamnable.

Et qu’on ne me dise pas que l’obligation de partage avec les nécessiteux suffit à acheter une bonne conscience. Le gâchis est au contraire l’impossible équilibre économique pour une perpétuation de la consommation de viande pour toutes les familles durant une période plus pérenne. 

Est-on obligé pour la réflexion religieuse d’en arriver au contraire de son message. Une gigantesque frénésie digne du récit du veau d’or ? Il faut revenir à la modestie et à la discrétion de cet acte symbolique. 

Non, la religion, pour ceux qui la pratiquent, doit être un moment de communion collective, pas un moment de massacre sans signification et hors du sens de l’allégorie. Il y a tellement de façons dignes de traiter ces malheureux animaux même s’il est légitime et nécessaire de nous en alimenter.

Bon, après ma grosse colère, une autre qui est annuelle, on ne m’a jamais laissé des côtelettes et abas en réserve, juste pour le symbole de mon appartenance à ce pays qui m’a vu naître et que j’aime.

Bien grillés et épicés, s’il vous plait !

Boumediene Sid Lakhdar

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Paris accueille le 31e Maghreb des livres : les lettres algériennes à l’honneur

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Maghreb des livres

Le rendez-vous littéraire emblématique du monde maghrébin revient à Paris pour sa 31e édition. Organisé par l’association Coup de soleil, en partenariat avec la Ville de Paris, le Maghreb des livres se tiendra les 28 et 29 juin 2025 dans les salons prestigieux de l’Hôtel de Ville.

Cette année, les lettres algériennes seront mises à l’honneur, dans un hommage vivant à la richesse et à la diversité des voix venues d’Algérie et de sa diaspora. 

Des milliers d’ouvrages et une librairie algérienne invitée

Les visiteurs auront accès à des milliers de titres (romans, essais, bandes dessinées, beaux livres…), édités en France ou au Maghreb, proposés par plusieurs librairies partenaires. Nouveauté de cette édition : la participation de la librairie Le Tiers-Monde d’Alger, aux côtés de L’Attrape-cœurs et du Tiers-Mythe. 

Une centaine d’auteurs présents

Une centaine d’écrivain(e)s ont d’ores et déjà confirmé leur présence. Parmi eux, des figures bien connues comme Maïssa Bey, Leïla Sebbar, Mohamed Kacimi, Kamel Daoud, Akli Tadjer, Lamis Saïdi, mais aussi des voix montantes telles que Dima Abdallah, Sabrina Kassa et Fatiha Saïd. 

Boualem Sansal, figure majeure de la littérature algérienne, ne pourra pas assister à cette 31e édition du Maghreb des livres. Emprisonné en Algérie depuis novembre 2024, il a été condamné à cinq ans de prison pour avoir remis en question l’intégrité territoriale du pays dans une interview accordée à un média français. Cette arrestation a suscité une vive réaction internationale, notamment de la part de la France, qui a exprimé son « regret » face à cette condamnation.  

Bien que physiquement absent, son œuvre continue de résonner. Des hommages et des lectures de ses écrits seront organisés lors du salon, témoignant de son influence durable sur la scène littéraire maghrébine. 

Débats, hommages et cafés littéraires

Le Maghreb des livres ne se limite pas à la dédicace. Pas moins de 16 débats sont programmés autour de thématiques phares : France, Maghreb, Méditerranée, culture, vivre-ensemble. 

Deux « cartes blanches » marqueront l’événement : l’une autour du collectif Enfance de filles, avec entre autres Maïssa Bey et Leïla Sebbar, l’autre dédiée à la revue Awal pour ses 40 ans. 

Deux rencontres mettront à l’honneur : 

« Les femmes remarquables du Maghreb », avec Faouzia Charfi et Zakya Daoud 

« Traduire les littératures du Maghreb », avec Touriya Fili, Salah Badis, Souad Labbize et Lamis Saïdi 

Deux hommages importants rythmeront également cette édition : l’un sur les attentats de 2015 et leur impact sur le vivre-ensemble, l’autre sur les journalistes du Maghreb. 

Les cafés littéraires, qui rassemblent cinq auteurs autour d’un thème commun, aborderont des sujets variés tels que l’immigration, le polar, la poésie méditerranéenne, les racines, l’écriture féminine et la fiction comme levier de transformation. 

Enfin, quatre tables rondes concluront le week-end, avec des échanges approfondis sur : 

L’actualité (Proche-Orient, conflits sans fin ?) 

L’intégration (20 ans après Zyed et Bouna) 

L’histoire (L’Algérie en résistance, d’Abd el-Kader à Fanon) 

La littérature algérienne, de la guerre d’indépendance à nos jours. 

Une agora littéraire à Paris

Avec cette nouvelle édition, le Maghreb des livres confirme son rôle de passerelle intellectuelle entre les deux rives. Dans une période où les enjeux mémoriels et les fractures sociales traversent de nombreux débats en France comme au Maghreb, ce salon reste un lieu d’échange indispensable. 

Entrée libre. 

Hôtel de Ville de Paris, 3, rue de Lobau, Paris 4e. 

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À Aix-en-Provence, l’Algérie au cœur des réflexions sur les guerres chimiques

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, Aix-en-Provence accueille le congrès de l’AEGES

Le jeudi 19 juin 2025, Aix-en-Provence accueille le congrès de l’AEGES (Association pour les Études sur la Guerre et la Stratégie) avec un panel au titre évocateur : « Prométhée aux Enfers : permanences et mutations de la guerre chimique aux XXe et XXIe siècles ». Au cœur des débats : les usages, les mémoires, mais aussi les silences entourant les différentes formes de guerres chimiques à travers l’histoire, notamment durant la conquête coloniale de l’Algérie.

Parmi les temps forts de panel accueillie par Sciences Po Aix, l’intervention très attendue du professeur Mostéfa Khiati. Intitulée « Les enfumades lors de la conquête de l’Algérie : état des connaissances », elle revient sur une des pratiques les plus controversées de la guerre coloniale française : l’usage d’asphyxies et de gaz dans les grottes où se réfugiaient les populations civiles. En érudit de la mémoire algérienne, Khiati exhume, à partir de sources rares, cette violence de masse longtemps reléguée aux marges de l’histoire officielle. Elle sera accompagnée d’une intervention du Dr. Christophe Lafaye sur les traces et stigmates de la guerre chimique pendant la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962).

L’Algérie n’est pas seulement objet d’étude mais aussi pleinement actrice de cette rencontre scientifique. La chercheuse Lina Leyla Abdelaziz de l’université de Batna 2, clôturera la journée par une intervention de synthèse proposant un autre regard sur la guerre chimique aux XXe et XXIe siècles.

Le panel, co-organisé par le Professeur Pierre Journoud, le docteur Christophe Lafaye et la docteure Lina Leyla Abdelaziz, s’ouvre avec quelques mots d’accueil du professeur émérite Jean-Charles Jauffret et une introduction générale du docteur Olivier Lepick, spécialiste international des armes chimiques. Il est structuré autour de trois tables rondes, l’une sur les aspects méthodologiques et les origines de la guerre chimique, une autre sur les atteintes environnementales et une dernière sur les formes contemporaines de la guerre chimique. Ce panel réunira une dizaine de chercheurs venus de France, d’Allemagne, du Cameroun ou encore d’Algérie.

Si les interventions sur le Cameroun, l’Algérie et le Vietnam sont d’un grand intérêt comparatif, la présence algérienne dans ce dispositif intellectuel souligne un regain d’intérêt scientifique et mémoriel pour les violences chimiques coloniales. Ce retour du refoulé colonial dans les études stratégiques interroge aussi bien les pratiques passées que les responsabilités présentes, dans une période marquée par de nouvelles conflictualités au Moyen-Orient et en Afrique.

Avec ce congrès, l’AEGES ouvre un espace critique où les voix du Sud, encore trop marginales dans les sciences de la guerre, prennent enfin leur juste place ».

Djamal Guettala en collaboration avec Dr Christophe Lafaye 

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Chasse aux sorcières à El Eulma : quand l’ignorance brandit le Coran comme un filet à papillons

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Sorcière
Image d'illustration


Bienvenue à El Eulma, charmante bourgade de l’est algérien, connue pour son commerce florissant, son marché « Charaâ Dubaï », et désormais pour sa toute nouvelle spécialité : la traque à la sorcière importée.

L’affaire ? Une étrangère en niqab, un Coran en main, un carnet dans l’autre. Elle traduit quelques versets pour elle-même, sans crier gare, sans tambour ni bougie noire. Malheureusement pour elle, dans ce pays où l’écriture étrangère a des airs d’incantation, c’était déjà trop.

Passe alors un auto-proclamé défenseur de la foi, radar mystico-policier vissé entre les deux oreilles. Il jette un œil sur le carnet. Il ne reconnaît ni l’arabe standard, ni le langage étranger, encore moins l’orthographe de Bled Makhlouf. Il voit des signes, des trucs chelous. Il ne comprend pas, donc il accuse. Sorcière, évidemment ! Parce qu’ici, dans cette Algérie 2025, tout ce qu’on ne comprend pas, on brûle. Et vite.

L’histoire aurait pu rester une bête méprise. Un de ces quiproquos qui font rire au café du coin. Mais non. Elle s’est transformée en micro-drame viral. On l’a traînée, verbalement, moralement, puis presque physiquement. Les gens ont crié, les téléphones ont filmé, et Internet a rendu son verdict : sorcière de catégorie A, Coran trafiqué, carnet maléfique.

Ce n’est plus de la paranoïa, c’est une ligne éditoriale. Un ministère fantôme de la suspicion permanente, avec ses agents zélés, armés de superstition, de fatigue sociale, et de chaînes YouTube aussi fiables qu’un horoscope sous acide.

Et l’État dans tout ça ? Spectateur. Mieux : figurant bénévole. Il laisse faire. Il applaudit parfois. Il embauche des hommes en uniforme pour aller traquer les sorcières – femmes exclusivement, évidemment, les hommes eux sont trop saints pour ça – et retourner des tombes dans les cimetières comme s’ils jouaient à Pokémon Go version Nécropole. On exhibe des poupées piquées, des cheveux ficelés, des fioles scellées… pendant que les vraies maladies, elles, se baladent en paix. Cas psychiatrique ? Alzheimer ? Cancer ? Diabète ? Ah non, ce sont sûrement les djinns. On vous dit que c’est spirituel.

On en est là. L’État fuit la rationalité comme le diable fuit l’eau bénite. Il laisse la médecine moderne se faire gifler par des « Roqias sponsorisées », où l’eau minérale se vend comme élixir sacré. On guérit tout par le Coran… sauf l’ignorance. Celle-là, elle est vaccinée, boostée, sanctuarisée.

Ce n’est plus la foi qui parle, ce sont les islamistes ; pas les musulmans, attention, mais les héritiers low-cost de l’inquisition. Version TikTok. Des barbus en 4G, algorithme affûté, qui diffusent la peur et récoltent les vues. Chaque malheur est un sortilège, chaque femme libre une menace, chaque carnet non homologué par un cheikh devient un grimoire de sorcellerie.

La société ? Elle suit. Elle obéit. Elle like. Fatiguée, enragée, désorientée, elle accepte n’importe quel coupable. Pourvu qu’il soit faible, différent, silencieux.

Pendant ce temps-là, les vrais sorciers courent toujours. Ils ne portent pas de turban, mais des cravates. Ils ne vendent pas des fioles, mais des contrats publics. Ils ne lisent pas dans le marc de café, mais dans les budgets à siphonner. Eux, aucun djinn ne les dérange. Aucun enquêteur ne les voit. Pas même une petite caméra de surveillance pour la forme.

Et pendant que les caméras filment les sorcières imaginaires, l’APN, elle, dépoussière le bon vieux Code de la famille. Voté récemment avec la souplesse d’un cercueil en chêne, il nous rappelle gentiment que la femme reste mineure à vie. Elle ne peut s’opposer au remariage de son mari. Et pour divorcer ? Ah non, pas elle. L’homme, oui, en une phrase, une salive. Elle ? Elle n’a qu’à se taire.

Mais rassurez-vous, l’État veille. Il veille à ce que la femme reste à sa place, allongée dans le Code. Il veille à ce que la superstition remplace la science, que les islamistes gangrènent les institutions, qu’on ferme les frontières à la pensée et qu’on ouvre les prisons à ceux qui pensent trop. Diviser pour mieux régner. Entretenir l’obscurantisme pour mieux gérer la lumière. Et on y arrive. Les prémices d’une révolte grondent doucement : restrictions de libertés, interdictions de sortir du territoire, enfermements arbitraires. Et pour couronner le tout, on balance en guise de diversion l’éternelle grenade dégoupillée : l’identité. Celle du peuple, qu’on secoue à coups de lance historique, à chaque fois qu’on veut noyer un poisson pourri.

Bienvenue en Algérie, où l’on chasse les sorcières imaginaires pendant que les véritables injustices dansent en toute impunité – et en costume trois-pièces.

Zaim Gharnati

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Tebboune préside une réunion du Haut Conseil de sécurité

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Haut conseil de sécurité

Le président de la République, Chef suprême des Forces armées, ministre de la Défense nationale, M. Abdelmadjid Tebboune, a présidé, mercredi, une réunion du Haut Conseil de sécurité, indique un communiqué de la Présidence de la République.

«Le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, Chef suprême des Forces armées, ministre de la Défense nationale, a présidé, ce jour, une réunion du Haut Conseil de sécurité», lit-on dans le communiqué.

APS

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Les dockers CGT du port de Fos refusent de charger du matériel à destination d’Israël

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Port de Marseille

Marseille. Dans un geste fort à la portée symbolique et politique, la Confédération Générale des travailleurs (CGT) des ouvriers dockers et des personnels portuaires du Golfe de Fos a annoncé ce mercredi son refus catégorique de charger un conteneur contenant du matériel militaire destiné à l’armée israélienne.

Selon le communiqué publié par le syndicat, il s’agit de 19 palettes de maillons pour fusils mitrailleurs, produits par l’entreprise marseillaise Eurolink. Ce matériel devait être expédié dans l’après-midi via le port de Marseille-Fos à destination du port d’Haïfa, en Israël.

Alertés par plusieurs réseaux, les dockers ont rapidement identifié le conteneur incriminé, qu’ils ont décidé de mettre de côté. « Les dockers et portuaires du Golfe de Fos ne participeront pas au génocide en cours orchestré par le gouvernement israélien », déclare le syndicat.

Fidèles à une tradition de lutte et de solidarité internationale, les travailleurs portuaires réaffirment leur attachement aux valeurs de paix et de justice. « Nous sommes pour la paix entre les peuples. Nous sommes opposés à toutes les guerres. »

La CGT portuaire déplore les conflits armés, leurs conséquences humaines désastreuses et l’exploitation capitaliste qui les alimente. Elle appelle à une mobilisation plus large contre la militarisation des ports français et l’implication indirecte de la France dans les conflits en cours.

Un précédent historique

Ce n’est pas la première fois que les dockers français prennent position contre des opérations militaires controversées. À plusieurs reprises dans le passé, notamment lors des interventions en Irak ou à Gaza, des syndicats de dockers avaient refusé de charger ou de décharger des navires transportant du matériel de guerre.

Dans un contexte marqué par la guerre à Gaza, où les bombardements israéliens sur la population palestinienne ont suscité une indignation mondiale croissante, ce geste des dockers du port de Fos prend un relief particulier.

En France, alors que le gouvernement reste discret sur la traçabilité des exportations d’armes et de composants militaires, cette action vient rappeler que les travailleurs de la logistique portuaire sont aussi des acteurs de conscience, capables de s’opposer, concrètement, à ce qu’ils considèrent comme une participation indirecte à un massacre.

Un appel à la responsabilité

Le syndicat conclut son communiqué par un appel à la paix et à l’arrêt des guerres dans le monde, tout en dénonçant les logiques de profit qui les sous-tendent. « Le port de Marseille-Fos ne doit pas servir à alimenter l’armée israélienne. Pour la paix. Pour une société débarrassée de l’exploitation capitaliste. »

Alors que les mobilisations pour la Palestine se multiplient dans de nombreuses villes d’Europe, ce geste des dockers français pourrait inspirer d’autres initiatives syndicales et citoyennes, en France comme ailleurs.

Djamal Guettala

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L’ex-ministre, Abdelkader Khomri, lourdement condamné

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Abdelkader Khomri,
Abdelkader Khomri,

L’ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, Abdelkader Khomri (71 ans), a été condamné mercredi à huit ans de prison ferme et un million de dinars d’amende par le pôle pénal économique et financier du tribunal de Sidi M’hamed. Un verdict sévère qui illustre la volonté des autorités judiciaires de s’attaquer aux figures emblématiques de la corruption ayant marqué l’ère Bouteflika.

Cette peine, parmi les plus lourdes infligées à un ancien ministre dans une affaire de malversations, intervient à l’issue d’un procès qui a révélé l’ampleur des abus commis entre 2014 et 2015, période durant laquelle Khomri dirigeait le département de la Jeunesse et des Sports.

L’enquête, fondée sur des rapports accablants de l’Inspection générale des finances, a mis en lumière des pratiques systématiques de détournement de fonds publics, des violations des règles de passation des marchés, ainsi que l’octroi d’avantages indus à des tiers.

Évincé du gouvernement en mai 2015, Abdelkader Khomri s’était depuis retiré de la vie publique. Mais son nom est revenu au cœur de l’actualité judiciaire dans le cadre d’un vaste dossier de corruption lié à la gestion de projets relevant de son ministère. 

Des condamnations en cascade dans les secteurs de la jeunesse et de la communication

Dans la même affaire, plusieurs anciens responsables ont également été condamnés. À l’Agence nationale de divertissement pour la jeunesse, Mohamed Khemisti, ex-directeur général, a été condamné à cinq ans de prison ferme et un million de dinars d’amende. Un autre cadre (F.M.) a écopé de trois ans, tandis qu’une ancienne directrice de la jeunesse au ministère (également désignée par F.M.) a été condamnée à quatre ans de prison et à la même amende.

Du côté de l’Agence nationale d’édition et de publicité (ANEP), l’ex-directeur général Ahmed Bousenna a été reconnu coupable et condamné à deux ans de prison ferme et 500 000 dinars d’amende. Des peines identiques ont frappé d’anciens responsables internes de l’agence, dont l’ex-directeur de la publication Lazhari Labter et l’ancien directeur des finances A. Mourad.

D’autres procédures sont en cours concernant la gestion de l’ANEP. Elles ont déjà conduit, en mars 2023, à l’incarcération de deux anciens directeurs, Djamel Kaouane et Amine Echikr  et au placement sous contrôle judiciaire de l’ex-ministre de la Communication, Hamid Grine.

La rédaction

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Jean-Pierre Luminet : aux frontières du cosmos, entre science et poésie

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Jean-Pierre Luminet

Jean-Pierre Luminet, né à Cavaillon, est une figure éminente de l’astrophysique française, dont l’œuvre rayonne bien au-delà des sphères scientifiques. Astrophysicien de renom, écrivain accompli et poète inspiré, il s’est imposé comme une voix singulière à l’intersection de la science, de la littérature et de l’art.

Internationalement reconnu pour ses travaux pionniers sur les trous noirs et la cosmologie, il a occupé des postes de recherche prestigieux, notamment au sein du CNRS en tant que directeur de recherche émérite, après avoir exercé au Laboratoire Univers et Théories (LUTH) de l’Observatoire de Paris-Meudon, puis au Laboratoire d’astrophysique de Marseille.

Scientifique rigoureux et vulgarisateur passionné, Jean-Pierre Luminet s’est illustré en 1979 en réalisant la première simulation visuelle des distorsions optiques provoquées par un trou noir entouré d’un disque d’accrétion, une avancée qui a profondément influencé la manière dont ces objets célestes sont représentés, jusqu’à inspirer des œuvres cinématographiques telles qu’Interstellar. Parallèlement à ses contributions fondamentales en astrophysique, il s’est donné pour mission de transmettre le savoir scientifique au plus grand nombre, en cultivant un dialogue fécond entre science et création artistique.

Auteur prolifique, il a publié près d’une cinquantaine d’ouvrages mêlant essais scientifiques, romans historiques et recueils de poésie. Parmi ses titres phares, L’Univers chiffonné propose une réflexion sur la topologie cosmique, tandis que Le Bâton d’Euclide invite à plonger dans l’histoire de la bibliothèque d’Alexandrie, et L’Invention du Big Bang retrace les grandes étapes de la découverte de l’univers en expansion.

Ces dernières années, il a enrichi sa bibliographie de nouvelles publications qui témoignent de la diversité de ses intérêts et de la richesse de sa pensée. Voyager dans un trou noir avec Interstellar (Dunod, 2025) décrypte les représentations scientifiques du film de Christopher Nolan. Les trous noirs en 100 questions (Tallandier, 2024) répond avec clarté aux interrogations que suscitent ces énigmes cosmiques. Avec L’écume de l’espace-temps (Odile Jacob, 2024), il livre une méditation poétique et scientifique sur la nature de l’univers, tandis que La vie dans le cosmos (Glénat, 2023) explore les conditions de l’émergence de la vie au-delà de la Terre. Il rend également hommage à l’histoire de l’astronomie à travers Histoires extraordinaires et insolites d’astronomes (Phébus, 2023), et aborde les grandes notions de l’infini dans De l’infini (Dunod, 2023), coécrit avec Marc Lachièze-Rey. Son ouvrage Les nuits étoilées de Van Gogh (Seghers, 2023) révèle la profondeur scientifique de l’univers pictural du célèbre peintre, tandis que Le big bang : de l’origine à l’avenir de l’univers (Glénat, 2022) et L’univers en 40 questions (J’ai lu, 2022) proposent des synthèses accessibles sur la naissance et le devenir du cosmos.

Son œuvre est publiée par des maisons d’édition prestigieuses telles que Dunod, Odile Jacob, Glénat, Tallandier, Seghers ou encore Phébus, témoignant de la reconnaissance de son talent par les milieux éditoriaux. À travers une approche multidisciplinaire, Jean-Pierre Luminet construit un pont subtil entre la rigueur scientifique et la sensibilité artistique, ce qui fait de lui une figure incontournable de la culture scientifique contemporaine, à la fois savant, conteur et passeur d’univers.

Dans cet entretien, Jean-Pierre Luminet nous ouvre les portes de son univers, à la croisée de la science, de la littérature et de la poésie. Astrophysicien de renom, pionnier dans l’étude des trous noirs, écrivain passionné par l’histoire des idées, et poète contemplatif du cosmos, il incarne une rare alliance entre rigueur scientifique et sensibilité artistique.

Au fil de cette conversation, il revient sur son parcours, ses recherches fondamentales, ses engagements pour la diffusion du savoir, ainsi que sur sa vision singulière d’un univers qui ne cesse de se réinventer entre l’infini des équations et l’inspiration des étoiles.

Le Matin d’Algérie : Vous avez consacré une grande partie de votre carrière aux trous noirs et à la forme de l’univers. Quelle découverte ou intuition vous semble aujourd’hui la plus marquante ou prometteuse pour la cosmologie du XXIe siècle ?

Jean-Pierre Luminet : J’ai en effet consacré plus de trente années de recherches à ces astres les plus fascinants du cosmos que sont les trous noirs, pièges gravitationnels dont même la lumière ne peut pas sortir. Leur surface, appelée « horizon des événements », est une sphère totalement obscure. C’est donc un défi que de les visualiser. Mais dès lors qu’un trou noir est entouré de matière –du gaz, des étoiles –, il l’influence et la fait briller d’une manière caractéristique. Par des calculs théoriques mettant en jeu les équations de la relativité générale, on peut alors reconstituer l’image virtuelle d’une structure lumineuse quelconque autour d’un trou noir, par exemple celle d’un disque de gaz chaud qui tourne autour, en tenant compte des distorsions d’espace-temps, des déformations d’images et autres effets caractéristiques … J’ai été le premier à faire ce travail en 1978, à l’aide des outils informatiques assez rudimentaires de l’époque, et j’ai prédit que ce type d’image pourrait s’appliquer à un trou noir géant dont on soupçonnait l’existence au centre de la lointaine galaxie M87. En fournissant en avril 2019 la première image télescopique de l’ombre du trou noir M87 et de son disque d’accrétion, le Consortium international Event Horizon Telescope a démontré quarante ans plus tard la justesse de mes calculs. 

J’ai aussi été parmi les premiers à étudier, dans les années 1980, les effets du passage d’une étoile au voisinage d’un tour noir supermassif, montrant que ce phénomène pouvait se traduire par une destruction de l’étoile sous forme de « crêpe stellaire », en raison des effets de marée intenses causés par la proximité du trou noir. Ma théorie des « destructions maréales » (en anglais TDE, « tidal Disruption Events ») a été confirmée à partir de 2004 grâce à des télescopes embarqués sur satellites, qui détectent des sursauts de luminosité provenant d’étoiles brisées par des trous noirs massifs situés au cœur de galaxies lointaines. 

Un autre de mes thèmes de prédilection est la cosmologie – étude des propriétés à grande échelle de l’univers –, et plus particulièrement le vieux questionnement sur la forme de l’espace – est-il fini ou infini, a-t-il des limites, une forme, etc. ? La relativité générale ne suffisant pas, il faut rajouter des hypothèses venant d’une branche de la géométrie pure appelée la topologie, qui étudie les formes possibles des espaces. A partir des années 1990 j’ai donc commencé à explorer les formes théoriquement possibles de l’espace et à les importer dans les fameux modèles de Big Bang, ouvrant la voie à une nouvelle discipline appelée « topologie cosmique ». J’ai traduit l’idée que notre Univers puisse être d’extension spatiale finie mais sans bord par le terme d’« univers chiffonné », et cela m’a conduit en 2003 à interpréter, avec ma petite équipe de collaborateurs, certaines anomalies observées dans le rayonnement de fond cosmologique comme résultant de la signature d’un espace sphérique de forme dodécaédrique. 

Mais pour enfin répondre à votre question concernant les découvertes ou avancées théoriques des 20 dernières années les plus marquantes pour ma discipline, j’en citerai deux. L’une, de nature expérimentale, est la détection longtemps attendue des ondes gravitationnelles. Selon la théorie de la relativité générale, lorsque des corps massifs sont en mouvement dans l’univers, la courbure qu’ils impriment à l’espace-temps se propage de manière analogue à des vagues à la surface de l’eau. On désigne par « onde gravitationnelle » ce type de perturbation, qui se déplace à la vitesse de la lumière.

Einstein avait prédit leur existence en 1916, mais ces ondes sont de si faible amplitude qu’elles sont incroyablement difficiles à mesurer. Un siècle plus tard, les chercheurs ont réussi à mettre au point des détecteurs d’ondes gravitationnelles et en 2016, une annonce historique a rapporté la première détection directe d’ondes gravitationnelles émise par la fusion de deux trous noirs. Lors de cet événement baptisé GW150914, deux trous noirs de trente masses solaires situés à plus d’un milliard d’années-lumière de la Terre s’étaient unis pour former un trou noir unique. Dans la fusion, trois masses solaires s’étaient volatilisées en énergie gravitationnelle en moins d’une seconde. Depuis cette première captation, une centaine d’autres événements de même nature ont suivi, signant les débuts de « l’astronomie gravitationnelle », seule capable de fournir d’irremplaçables données sur les trous noirs et l’univers invisible. 

La deuxième avancée est d’ordre purement théorique. Le rêve des physiciens du XXIe siècle est d’unifier les deux grandes théories du siècle précédent, à savoir la relativité générale décrivant la gravitation qui gouverne l’univers à grande échelle, et la physique quantique décrivant les particules élémentaires.

Malheureusement ces théories sont incompatibles entre elles pour des raisons trop complexes pour être résumées ici. Il faut donc faire preuve de beaucoup d’imagination pour construire une théorie unifiée, dite de « gravitation quantique ». Dans un de mes livres récents, L’Écume de l’espace-temps, je brosse une vaste synthèse du sujet et décris sept approches différentes de gravitation quantique, qui chacune ouvre des perspectives fascinantes sur la nature ultime du cosmos, comme le multivers, l’existence de dimensions cachées de l’espace ou encore l’atomisation de l’espace et du temps.

Pardon d’avoir été un peu long à répondre à votre première question, mais ces sujets m’occupent depuis cinquante ans et ne cesseront de m’occuper l’esprit jusqu’à ma mort. Mais pas que… 

Le Matin d’Algérie : Vous êtes à la fois astrophysicien, romancier, essayiste et poète. Comment parvenez-vous à concilier ces différentes formes d’expression, et en quoi chacune nourrit-elle l’autre ?

Jean-Pierre Luminet : Adolescent déjà, je fourmillais d’intérêts divers et variés. Les sciences et les mathématiques, mais aussi la peinture, la poésie, la littérature et surtout la musique. La vie pour moi, c’est créer, penser, aimer. J’ai conduit ma vie en essayant sans cesse de me surpasser. Le métier de chercheur en physique fondamentale exige beaucoup, notamment en termes de création. Il comporte aussi un côté « aventure intellectuelle » et un aspect ludique qui le rendent très séduisant. Et puis, il y a la notion de risque. Très important le risque.

Aujourd’hui, j’ai l’impression que notre société s’assure pour tout. Je trouve cela insupportable. La vie est une prise permanente de risque. Rien n’est jamais acquis, il faut être prêt à tout.

Les mathématiques m’ont apporté beaucoup de satisfaction parce qu’elles correspondaient tout à fait à mes appétences pour l’abstraction, mais cela ne suffisait pas. Les démarches artistiques, littéraires ou philosophiques utilisent des langages complètement différents, d’autres façons de voir et de comprendre le monde qui nous entoure. J’ai malgré tout opté pour la profession de chercheur quand j’ai compris que la recherche théorique était tout aussi créative, faisant appel à toutes les ressources de l’imagination.

Mais loin d’abandonner mes activités artistiques, je les ai au contraire renforcées, notamment en essayant de tisser des liens entre art et science. Pas toujours de manière très consciente, d’ailleurs. Je me suis aperçu qu’il y a souvent eu des influences souterraines, des « fertilisations croisées ». Ces autres approches — musique, arts plastiques, poésie, écriture — nourrissent une forme de transcendance. Cela permet d’aller au-delà de ce que la science peut nous révéler. Selon moi, la science ne dit pas tout sur le monde. Mais cette opinion n’est pas universellement partagée. 

En tout cas, mes activités apparemment disparates forment vraiment un tout dans mon esprit.

Le Matin d’Algérie : En tant que scientifique et humaniste, quel regard portez-vous sur notre place dans l’univers ? Le progrès des connaissances a-t-il modifié votre propre rapport au sens ou à la spiritualité ?

Jean-Pierre Luminet : Même si j’ai été éduqué dans un collège privé catholique, à l’âge adulte j’ai pris du recul et je ne crois plus en aucune religion instituée. Cependant, on fait souvent l’erreur de croire que l’athéisme et le matérialisme évacuent la spiritualité.

Pour moi, la forme la plus haute de la pensée humaine est bien la spiritualité, mais une spiritualité qui ne passe pas forcément par la croyance en un Être supérieur, un Dieu ou un Grand architecte, appelez-le comme vous voulez. La vraie spiritualité se manifeste par les actes d’amour, de bonté, de tolérance, de générosité, de bienveillance envers autrui. Et plus particulièrement dans la vie sentimentale, dans la vie de couple et de famille, où la spiritualité consiste à donner tout ce l’on pense être le meilleur de soi : le soutien affectif, le dévouement, la bienveillance, le partage. On se rend compte que ce n’est pas si facile.

Chaque individu a sa propre histoire, ses limites, il ne perçoit pas toujours bien les demandes de l’autre, ou bien cet autre n’est pas forcément en mesure d’accepter le don et de le rendre, ce qui peut engendrer beaucoup d’incompréhensions et rendre les choses compliquées. Voilà pour moi les plus hautes formes de spiritualité, parfaitement compatibles avec le matérialisme et l’athéisme. En un certain sens je suis « mystique », mais pas au sens traditionnel du terme ! Encore que je me souvienne qu’entre mon adolescence et la trentaine, ayant quitté mes croyances catholiques, mon tempérament me portait vers les interrogations au-delà du monde matériel. J’ai lu nombre de livres sur les philosophies orientales, j’ai lu aussi les œuvres des grands mystiques comme Jean de La Croix et Thérèse d’Avila, je me suis même intéressé de près à l’ésotérisme, à l’hermétisme et à l’alchimie. La question que je me suis posée – et que je me pose encore parfois – c’est de savoir si, à travers leurs récits d’une bouleversante profondeur, les grands mystiques ont eu la chance d’accéder à quelque chose qui m’a échappé, ou bien s’il s’agissait d’un état de conscience altéré produit par un fonctionnement particulier de leur cerveau. 

Le Matin d’Algérie : Vous avez souvent collaboré avec des artistes et des compositeurs. Pensez-vous que la science a quelque chose à apprendre de l’art et inversement ?

Jean-Pierre Luminet : Il y a une véritable fascination de certains écrivains – poètes, philosophes, romanciers – et artistes – plasticiens, musiciens, architectes – pour le ciel et les étoiles. Un mélange de beauté et d’émerveillement. Mélange qui, aujourd’hui, tend malheureusement à disparaître : avec les lumières de la ville, on ne capte plus la beauté du ciel. Jean Giono évoquait souvent la nuit étoilée parce que, vivant à Manosque, il avait sous les yeux un ciel d’une extraordinaire pureté. Pensons aussi au bouleversement de Vincent van Gogh lorsqu’il a découvert la beauté des nuits provençales – je lui ai d’ailleurs récemment consacré un livre entier ! 

Derrière cette fascination pour les choses du ciel, il y a certes une part esthétique, mais il y a surtout un « étonnement philosophique ». Ainsi Gaston Bachelard faisait-il souvent allusion aux abîmes et profondeurs de l’âme humaine, en résonance avec la vertigineuse grandeur de l’espace cosmique. Cette résonance est profondément ancrée en nous : l’homme qui pense et réfléchit, y compris sur sa propre destinée, a tendance à jouer le jeu du miroir entre ce qu’il perçoit dans un monde très lointain et ce qui l’entoure dans son monde intime. Nous cherchons dans le ciel étoilé quelque chose qui dépasse la condition humaine, une sorte de correspondance avec nos abîmes intérieurs – tout aussi insondables. Les poètes les plus profonds sont ceux du sentiment cosmique, c’est-à-dire ceux qui retranscrivent le miroir entre leur propre univers et l’Univers qui les entoure. 

Aussi majestueuses soient-elles, les interprétations artistiques ou littéraires du cosmos ne font cependant pas avancer l’état de la recherche scientifique, du moins de façon directe. Mais les poètes, les philosophes et les romanciers aident à nourrir une certaine esthétique, qui me semble fondamentale pour les scientifiques. Ces derniers ne s’inspirent pas de leurs écrits pour élaborer une théorie scientifique, mais, à l’inverse, ils corroboreront peut-être des intuitions d’artistes. L’influence de l’art sur la science est surtout souterraine : les artistes permettent aux scientifiques de baigner dans une culture générale indispensable au développement d’une esthétique. 

Or il faut bien comprendre que, quand on est scientifique (je pense surtout aux physiciens théoriciens, qui élaborent des théories à partir de concepts), l’esthétique joue un rôle fondamental. C’est en effet un pari de la science, et en particulier de la physique, que de supposer que l’univers obéit à des lois organisatrices. Le pari pythagoricien ou platonicien consiste à croire que l’univers obéit à une certaine organisation – fruit du hasard ou d’une intelligence supérieure, mais cela est un autre problème… – et que cette organisation possède ses lois, les plus unitaires possibles : s’il y a une loi particulière pour chaque phénomène de la nature, alors ce ne sont pas des lois générales. Le pari du scientifique consiste à chercher des lois organisatrices et unificatrices. 

C’est ce pari qui fonde la physique depuis vingt-cinq siècles. Et ça marche plutôt bien, même si ces lois changent au cours du temps et deviennent de plus en plus invisibles.  Mais elles expriment toujours par des préceptes de symétrie, d’arithmétique, de géométrie… C’est précisément cela qui forme une esthétique, une élégance. Je rappelle que le mot «cosmologie» a la même racine que «cosmétologie», et renvoie à l’ordre, à la beauté, à l’arrangement. 

Pour en venir enfin à mes nombreuses collaborations avec des artistes (musiciens, graveurs, plasticiens, écrivains, architectes), je citerai notamment celle avec le compositeur Gérard Grisey, avec qui j’ai conçu le spectacle musical et astronomique Le Noir de l’Étoile, pour six percussionnistes, bande magnétique et retransmission de signaux astronomiques. L’œuvre, créée en 1991, intègre les battements métronomiques de pulsars captés par un radiotélescope dans une musique écrite pour percussionnistes humains. Plus récemment (2018), j’ai aussi eu la chance de collaborer avec le compositeur catalan Hector Parra, qui a composé une vaste pièce d’orchestre intitulée Inscape et décrivant un voyage imaginaire à travers un trou noir géant, ainsi qu’avec le compositeur franco-américain Gerard Pape dans une pièce pour voix, flûtes et électronique intitulée Atomes d’espace de temps (2024).

Le Matin d’Algérie : Dans un monde saturé d’informations, comment redonner aux sciences fondamentales la place qu’elles méritent dans la culture générale ? Que diriez-vous à un jeune qui hésite à se lancer dans une carrière scientifique ?

Jean-Pierre Luminet : Les méthodes de la physique fondamentale n’ont presque rien en commun avec celles des sciences du vivant, comme la biologie, et encore moins avec les sciences médicales, qui ne sont pas vraiment des sciences fondamentales mais plutôt des recherches empiriques. Chaque domaine a ses spécificités, et appliquer une prétendue méthode scientifique universelle à tous ces champs ne mène pas toujours à des résultats pertinents. Un glissement se produit quand on oublie cette variété et qu’on tente d’uniformiser ou de généraliser des principes qui ne sont pas adaptés à chaque discipline. C’est là que naissent des malentendus et des critiques envers certains secteurs relevant normalement de la science, qui peuvent affaiblir la confiance envers la science dans son ensemble.

On tend à sacraliser la science, oubliant qu’elle peut être détournée de son essence pour servir des objectifs idéologiques ou politiques. Ce n’est pas une nouveauté ; des exemples comme la science de Trofim Lyssenko sous le communisme montrent comment des idées scientifiques ont été manipulées pour soutenir une doctrine. Certains dévoiements actuels de la science obéissent à une logique similaire : transformer un contenu scientifique pour promouvoir une politique ou une gouvernance.

J’ai tenté de lutter contre ce type de dérive en optant pour une prise de parole publique et assumée. Durant la pandémie de Covid par exemple, j’ai tenu un journal où j’ai exprimé mes doutes et ma colère face à la manière dont toute réflexion divergente était systématiquement écartée ou caricaturée comme complotiste. Je ne me suis donc pas exprimé pour soutenir une idéologie, mais pour défendre l’idée fondamentale que le seul progrès repose sur le dialogue, sur l’écoute des points de vue différents et sur le respect de l’altérité de la parole. C’est dans cette confrontation constructive que les idées mûrissent et s’affinent.

Ces prises de position m’ont valu de me faire des ennemis dans certains cercles scientifiques, mais aussi des soutiens inattendus. Des collègues m’ont avoué que j’exprimais tout haut ce qu’ils pensaient tout bas, mais qu’ils n’osaient pas dire pour préserver leurs carrières. Cela m’a conforté dans l’idée qu’il est essentiel de défendre une liberté d’expression éclairée, même dans des contextes tendus.

Selon moi, nous sommes encore dans les balbutiements du savoir. Même si, au moins dans les sciences de l’univers, nous disposons d’outils et de théories extraordinairement sophistiqués pour décrire l’évolution des étoiles, l’expansion de l’univers, les trous noirs et autres phénomènes extraordinaires, nous restons encore aux prémices de la compréhension de cet univers dans lequel nous sommes.

Je pense par exemple que nous progressons très lentement dans les sciences du vivant. La biologie reste une discipline largement empirique, non formalisée et non mathématisée, parce qu’elle est bien plus complexe que la physique de la matière et de l’énergie. Nous y trouvons presque tout de ce qui touche au fonctionnement du corps humain.

A un jeune qui veut se lancer dans une carrière scientifique, au-delà de l’encouragement que je peux lui donner je l’avertis aussi d’un certain nombre de difficultés, pas seulement celles venant du haut niveau de compétition internationale que cela exige, mais aussi celle des salaires scandaleusement bas – particulièrement en France, du risque d’endoctrinement dans des doxas dictes par d’autres intérêts que ceux de la science, etc…

Mais comment ne pas encourager un jeune à s’engager dans la fantastique aventure que constitue le questionnement scientifique ? À l’origine de l’humanité, c’est le regard que l’homme des cavernes a porté sur la nuit qui a probablement suscité les premières grandes questions métaphysiques. Comment l’Univers est-il organisé ? Quelle est notre place en son sein ? Existe-t-il un Dieu qui a créé cela ? De ces questions procède la démarche de la science pour élaborer des réponses et d’autres approches plus philosophiques, métaphysiques, poétiques, qui toutes tentent de percer le mystère de la nuit et de comprendre le rapport entre l’homme et l’Univers.

Or, le risque est grand aujourd’hui d’une perte de contact collective avec l’univers dans lequel nous vivons. 

L’éclairage urbain efface peu à peu le panorama de la nuit et provoque une gigantesque perte de sens, ce que j’appelle le « sentiment cosmique ».Il y a des citadins, notamment les jeunes des banlieues, qui n’ont jamais vu la Voie lactée. Celui qui n’a jamais contemplé le ciel tel qu’il est réellement a-t-il conscience qu’une dimension fondamentale de l’expérience humaine lui échappe ? 

Le Matin d’Algérie : Y a-t-il un moment-clé, un livre ou une rencontre qui a orienté votre vocation scientifique ? Et si vous deviez résumer votre parcours en une image ou une métaphore, laquelle choisiriez-vous ?

Jean-Pierre Luminet : Je me souviens notamment avoir lu à l’âge de 15 ans une encyclopédie générale du savoir humain, dont un volume consacré à l’astronomie et la dernière page à la relativité générale d’Albert Einstein. Une phrase m’avait alors profondément marqué, disant que dans cette théorie « l’espace-temps a la forme d’un mollusque ». L’image m’avait stupéfié : comment pouvait-on parler d’un mollusque d’espace-temps ?  Cette formulation pittoresque a résonné très fort dans mon imaginaire, et allait plus tard guider toutes mes approches tentant de comprendre l’anatomie de ce mollusque, à savoir les formes de l’espace-temps et les distorsions engendrées par les trous noirs ou la topologie cosmique. Voilà comment une petite phrase d’apparence anodine peut susciter trente années de recherches ardues ! 

Un peu plus tard un autre livre a joué un rôle capital, une Introduction à la cosmologie, dans laquelle l’auteur (dont j’ai fait plus tard la connaissance à l’Observatoire de Paris) décrivait les modèles de Big Bang, dont à l’époque on discutait encore la pertinence. J’avais lu cela avec passion, et ce livre m’a fait comprendre que l’outil mathématique avec lequel j’étais plutôt à l’aise pouvait servir à mettre en forme logique les idées un peu vagues que je me faisais sur la nature de l’espace dans lequel baignent les étoiles. Les outils de la géométrie pouvaient ainsi aider à répondre à de grandes questions métaphysiques comme « l’univers a-t-il un début, une fin ? L’espace est-il fini, infini ? Le temps est-il éternel ou non ? ». Parmi toutes les activités créatrices que je pratiquais à cette époque, je ne savais pas ce que j’allais faire de ma vie, devenir écrivain, musicien, peintre… Ce livre a été le véritable déclencheur de ma vocation de chercheur.

Le Matin d’Algérie : Dans ce monde en ruine, consumé par la soif de destruction, où la science chancelle sous le poids des intérêts et des lobbys, quel avenir accordez-vous à la connaissance et à l’esprit critique ?

Jean-Pierre Luminet : L’un des plus grands fléaux de notre époque est la marchandisation de toutes choses.  Elle a certes toujours existé, mais sous des formes et à des degrés moindres, par rapport aux outils de l’ingénierie sociale dont nous disposons aujourd’hui. Prenons l’exemple de la pandémie de COVID-19. On a entendu tout et son contraire, des mesures souvent aberrantes et néfastes, et des injonctions contradictoires. Cette période a révélé une méfiance légitime envers des discours scientifiques téléguidés par des autorités sanitaires dont les motivations n’étaient pas scientifiques, mais politiques, financières et économiques.

La marchandisation autour des vaccins a à juste titre renforcé une certaine méfiance envers la science dès lors que cette dernière paraissait détournée de ses vrais objectifs – en l’occurrence, soigner les malades ! Dès que la science perd son indépendance et se soumet à des pressions extérieures, la défiance devient justifiée. Cependant, il faut faire attention à ne pas sombrer dans les excès du rejet systématique.

Cette méfiance est différente de celle qu’on pouvait observer autrefois, lorsque les religions s’opposaient frontalement aux découvertes scientifiques. On n’est plus dans le même registre. Mais les discours scientifiques dévoyés, qui se prêtent à des manipulations, risquent de généraliser cette défiance à l’ensemble du domaine scientifique, ce qui serait une dérive inquiétante pour l’avenir.

Ceci dit, le doute doit être au centre de toute approche scientifique. Le doute est profondément enraciné dans ma nature même. Il a été ensuite conforté par la lecture des essais de Montaigne, notamment dans un chapitre extraordinaire, l’Apologie de Raymond Sebon ; dans lequel Montaigne discute des vertus du « scepticisme », c’est-à-dire ne jamais accepter la parole des « autorités » sans la discuter. Montaigne, justement, à son époque, faisait allusion à la théorie copernicienne. Il n’était pas astronome, il ne prenait pas parti, mais il expliquait qu’au moins, on ne devait pas la rejeter a priori sous prétexte qu’elle allait à l’encontre de l’enseignement d’Aristote ou celui de l’Église. Il proposait de mettre en œuvre un mode de pensée sceptique : on examine un objet, on réfléchit dessus, on pèse le pour et le contre.

Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?

Jean-Pierre Luminet : Toute ma vie j’ai fourmillé de projets divers et variés, dont je n’ai évidemment pu réaliser qu’une petite partie.  Même chose pour les quelques années à venir qui me restent. Je me contenterai de mentionner mes deux prochains ouvrages en cours d’écriture. L’un est une vaste anthologie de récits cosmogoniques – portant donc sur les origines du monde – , allant des mythes et légendes des différents peuples jusqu’aux cosmogonies relativistes et quantiques du XXIe siècle, en passant par les grands textes de penseurs et philosophes comme Platon, Lucrèce, Leibniz, Descartes, Kant, Laplace, etc –  sans oublier des poètes visionnaires comme Edgar Poe ou Raymond Queneau.  L’autre est une analyse détaillée de quarante œuvres d’artistes de tous temps et tous pays ayant voulu représenter-à leur manière leur perception intime du cosmos. 

Bien d’autres projets littéraires sont dans des cartons, mais il est impossible de savoir à l’avance si j’aurai le temps de les concrétiser. Maintenant, les vrais projets de vie sont ailleurs. Ils portent sur l’éducation et l’épanouissement de mes deux plus jeunes enfants (j’en ai eu cinq en tout dans ma longue vie quelque peu mouvementée…), afin qu’ils soient bien armés culturellement et intellectuellement pour affronter le monde un peu dingue qui est en train de s’instaurer, et où l’essentiel des valeurs culturelles, éthiques, morales qui ont tissé ma propre existence auront disparu. 

Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?

Jean-Pierre Luminet : On doit se demander pourquoi le savoir en tant que tel (et son enseignement) est trop souvent pratiqué de façon froide, dépourvue d’émotion. Or, la connaissance touche à l’émerveillement, à l’enchantement au monde. Pourquoi alors ne pas essayer de rapprocher le savoir et l’émotion ? Cela demande en fait toute une maturation personnelle, sans doute à cause des habitudes « réductionnistes » dont nous sommes encore imprégnés. L’émotion est souvent donnée par la surprise. Pensons à la surprise amoureuse ! Or, tant dans la recherche artistique que scientifique, la surprise est motrice. Celui qui n’est jamais surpris est atrophié et stérile, quel que soit son domaine d’activité. Finalement, le créateur idéal est peut-être l’enfant. L’enfant est par nature un artiste et un scientifique primitifs, soumis à une dévorante curiosité pour le monde. Il vit passionnément, pose toutes sortes de questions, il crie, il chante, il peint, il sculpte, il construit. Souvent, à l’âge adulte, presque tout est balayé. L’esprit se ferme à l’interrogation, excepté à une gamme d’expériences extrêmement réduite. « Chez l’homme, c’est le papillon qui devient souvent un ver », écrivait Montherlant. 

Pour conclure, je vous remercie de m’avoir posé des questions si pertinentes et de m’avoir permis d’y répondre, parfois un peu trop longuement !

Entretien réalisé par Brahim Saci

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