Il y a des joueurs qui passent, et d’autres qui restent dans les mémoires sans jamais avoir eu besoin de bruit. Abdelaziz Guechir, enfant de Collo, fait partie de cette seconde catégorie : les artistes discrets, les seigneurs du ballon qui marquent leur époque par la justesse de leur jeu et la droiture de leur parcours.
Les racines : Collo, la mer et le ballon
Né à Collo, petite ville accrochée à la Méditerranée, Guechir grandit dans une ambiance de passion sportive et de camaraderie. Là-bas, le ballon n’est pas un loisir, c’est un prolongement naturel du corps.
Au sein du Wifak de Collo, il s’impose très tôt. Dans les années 1980, alors que le club vit son âge d’or, le jeune milieu de terrain étonne par sa vision du jeu et son calme. À peine promu chez les seniors, il réussit à s’imposer parmi les plus anciens — un exploit dans un club où la concurrence faisait rage.
L’étoile s’élève à Batna
Au début des années 1990, le Chabab de Batna (le fameux CAB) repère ce talent pur et le recrute.
C’est là que tout bascule : Guechir devient rapidement le chef d’orchestre de l’équipe.
Sa lecture du jeu, sa technique épurée, ses passes laser et son sang-froid en font le métronome du milieu batnéen.
Sous ses ordres silencieux, le CAB retrouve la voie de la gloire. En 1993, il joue un rôle déterminant dans la montée en Division 1, après un duel homérique contre le voisin, la Mouloudia de Batna.
Les supporters se souviennent encore de cette saison, de ses gestes précis et de cette élégance qui le distinguait des autres.
La consécration nationale
Sa régularité et sa maîtrise lui valent la reconnaissance nationale. En 1993, il est convoqué en équipe d’Algérie par Rabah Madjer, avant de rejoindre la sélection de Fergani pour la CAN 1996 en Afrique du Sud.
Sous le maillot vert, il confirme ce qu’il a toujours été : un joueur d’équilibre, un penseur du jeu. Pas de fioritures, pas de coups d’éclat inutiles, mais une efficacité et une lucidité rares.
Il dispute plusieurs rencontres amicales et officielles, laissant une belle impression auprès de ses coéquipiers comme des techniciens.
La fidélité comme destin
Malgré les offres séduisantes venues de clubs de renom, l’administration du CAB refuse de le libérer. Guechir reste fidèle à ses couleurs. Une fidélité qui, si elle l’honore, lui coûte sans doute une carrière plus large.
Mais il ne se plaint jamais. Il continue de se battre pour son équipe, offrant à Batna son expérience et son talent.
En 1997, il conduit le club vers deux finales prestigieuses : la Coupe d’Algérie et la Coupe du 1er Novembre. Deux épopées qui scellent définitivement son statut de figure emblématique du football batnéen.
L’expérience et le retrait
Au tournant des années 2000, Guechir rejoint la JSM Skikda, où il apporte sa rigueur et son sens du collectif. Là encore, il laisse une trace : celle d’un professionnel exemplaire, respecté de tous.
À la fin de sa carrière, il revient à ses origines, à Collo, cette ville bleue qu’il n’a jamais quittée de cœur. Il prend les rênes du Wifak Collo, son club formateur, en tant que président, avant de se retirer définitivement du monde du football, avec une pudeur fidèle à son tempérament.
Abdelaziz Guechir, c’est aussi une certaine idée du football algérien : celui des années authentiques, où le maillot comptait plus que le contrat. Ceux qui l’ont côtoyé parlent d’un homme droit, modeste, à l’écoute, profondément attaché à sa région et à ses racines.
Son passage a laissé une empreinte durable — celle d’un joueur élégant, d’un coéquipier loyal et d’un dirigeant intègre.
Héritage d’un seigneur du milieu
Aujourd’hui encore, dans les cafés de Collo ou les ruelles de Batna, son nom revient avec émotion.
« Guechir, c’était le cerveau du jeu », disent les anciens supporters.
Et cette phrase, souvent répétée, dit tout : Abdelaziz Guechir n’a peut-être pas eu la carrière qu’il méritait, mais il a eu mieux — le respect éternel de ceux qui savent ce que veut dire jouer juste
Djamal Guettala
















