Il est très facile de faire tout endosser au pouvoir, car si le peuple rechigne à se remettre en question et ne fait aucun effort pour mériter les droits dont il rêve, la victoire lui sera pour longtemps compromise ; alors qu’elle reste au contraire toujours promise à ceux qui savent concentrer leur énergie sur l’essentiel.
Quand le peuple cède à l’effet de meute à chaque fois qu’une proie (souvent innocente) est lâchée, rien ne peut venir chambouler son quotidien médiocre et mener sa barque à bon port.
Il suffit de voir les directions et les proportions que prennent les débats contradictoires censé être productifs qui s’animent un peu partout, s’enflamment et sortent de l’essentiel pour déboucher sur l’insignifiant caractérisé par le pugilat et le lynchage systématiques.
Comment voulez-vous que de la discussion jaillisse la lumière si tout un chacun s’acharnait à boucher les horizons à chaque fois qu’elle se décidait à éclairer un quotidien de plus en plus sombre, et que les actions et les réactions qu’elles suscitent tendent à les assombrir davantage ?
Il suffit d’essayer de lancer un débat en partant d’une déclaration ou d’une citation d’un homme public, politicien comme Saïd Sadi, Mouloud Hamrouche, Louisa Hanoune, etc., un auteur ou un journaliste, ou même un chanteur, pour que les échanges fassent abstraction du contenu et tournent exclusivement sur la prétendue traitrise de l’un ou de l’autre, et que les intervenants se mettent à émettre des grossièretés qu’aucun bon sens, aussi ténu soit-il, ne peut accepter.
S’ils décèlent une erreur d’orthographe ou grammaticale ou autres, dans un texte (souvent des coquilles), ils en font leur pain béni, et ne s’intéressent guère aux idées espérées lumineuses que l’auteur a cru devoir partager.
Les débatteurs en sortent exténués et l’idée lancée est enterrée aussi profondément que les espoirs d’horizons meilleurs embrumés !
L’énergie, dont le peuple a vraiment besoin pour s’améliorer et arracher ses droits bafoués, est ainsi dilapidée ; et les sujets essentiels passent dans la case oubli, car il est plus facile de se donner bonne conscience en se perdant dans l’ignominie que de faire face aux véritables défis qui demandent beaucoup plus que des coups de sang et des gueulades qui n’ont comme résultats que colère inutile, bruits assourdissants et fureur sans intérêt.
Les peuples développés ont su recentrer à temps leurs intérêts sur l’essentiel, le superflu et les à-côtés étant laissés pour le divertissement et la détente, qui acquièrent une autre importance et prennent une autre envergure quand l’essentiel est assuré.
Le peuple doit savoir se prendre en main, faire le tri, séparer les bonnes graines de l’ivraie et préserver son énergie pour des actions et des tâches dont il est sûr de l’apport positif pour ses projets d’émancipation, de progrès. Bref, de bonheur dont certaines constitutions ont fait un article à part entière : « Poursuite du bonheur » !
Pour résumer, le peuple est aussi responsable, pour ne pas dire plus, que les gouvernants dans l’accomplissement de son destin, la sauvegarde de ses droits et libertés, l’amélioration de son quotidien et par là même le développement de son pays.
Youcef Oubellil, écrivain