Gaza, théâtre de la guerre et de la destruction, a récemment vu se dérouler un événement presque improbable : le Festival international du cinéma féminin, une initiative courageuse du Dr Ezzaldeen Shalh.
Dans ce territoire où les bombes laissent des cicatrices visibles et invisibles, un tapis rouge poussiéreux a accueilli les films et les spectateurs, symbole tangible d’un espoir que la violence ne peut anéantir.
Parmi les œuvres présentées, le film La Promesse d’Imane, de Nadia Zouaoui, a trouvé sa place dans ce festival singulier. Pour la réalisatrice, l’expérience est saisissante : « Quand on m’a proposé de présenter mon film à Gaza, j’ai cru à une mauvaise blague. Un festival de films de femmes en pleine guerre semblait absurde… et pourtant, il existe. » Ce paradoxe illustre toute la force de l’événement : dans un lieu où la vie quotidienne est constamment menacée, le cinéma devient un outil de mémoire, de résistance et d’espoir.
Le festival a ouvert avec The Voice of Hind Rajab, le film de la réalisatrice tunisienne Kawthar Ben Hania, déjà salué à Cannes, à Venise et au TIFF, et en lice pour les Oscars. Le film retrace la tragédie de la petite Hind, morte sous les bombes alors qu’elle tentait d’appeler à l’aide la Croix-Rouge. Lors des ovations, Ben Hania a insisté : « Le cinéma peut préserver la mémoire et résister à l’amnésie. » Ces mots résonnent profondément dans un territoire où la mémoire est sans cesse mise à l’épreuve.
Au-delà de la symbolique, le festival agit concrètement : il donne à voir et à entendre les histoires de femmes, souvent invisibles, et offre aux enfants un espace d’espoir et de projection. Nadia Zouaoui raconte l’émotion de ces jeunes spectateurs, leurs yeux brillants devant des films qui parlent de courage, de résilience et de droits des femmes. Dans un contexte de guerre, le festival devient un laboratoire de citoyenneté et de liberté, un lieu où l’art peut modeler l’avenir.
Pour la réalisatrice, le festival ne se limite pas à la projection de films. Il est un acte de résistance, une manière de dire que même dans les pires circonstances, la culture survit, se transmet et transforme. L’image du tapis rouge sur les ruines n’est pas seulement poétique : elle est politique. Elle affirme que, malgré la violence, la faim et la destruction, l’espoir persiste et que le cinéma peut en être le vecteur.
Enfin, Nadia Zouaoui évoque Imane Chibane, héroïne de son film, comme symbole de cette continuité : « Elle aurait été fière de savoir que son histoire a trouvé sa place dans ce festival de tous les espoirs. » Gaza démontre ainsi qu’au milieu des bombes et de la ruine, la résistance culturelle et la mémoire collective demeurent invincibles.
Ce festival, improbable et nécessaire, rappelle que le cinéma est un outil de mémoire, de dignité et de combat, capable de toucher les générations présentes et futures. À Gaza, même sur les ruines, un tapis rouge peut fleurir — et avec lui, l’espoir.
La réforme du Code de la route, la promotion des services de confiance pour les transactions électroniques, et le raccordement des grands projets agricoles au réseau électrique national sont les dossiers examinés, ce dimanche 2 octobre, lors d’une réunion du Conseil des ministres présidé par le chef de l’Etat, A. Tebboune.
Trois axes, qui traduisent, selon la lecture du communiqué de la Présidence, une volonté de modernisation simultanée des infrastructures, de l’économie et du cadre réglementaire.
Sécurité routière : un arsenal de mesures inédit
Ainsi, le projet de loi sur le Code de la route est jugé « exemplaire » dans sa rigueur et sa cohérence. Ce texte, fort de plus de 50 nouvelles dispositions sur un total de 193 articles, entend s’attaquer de front au fléau des accidents de la circulation, en agissant sur l’ensemble de la chaîne : écoles de conduite, conducteurs, véhicules et dispositifs de contrôle.
Le communiqué rappelle que le président a insisté sur la nécessité de doter les forces de sécurité de moyens technologiques modernes, notamment pour le paiement électronique des amendes, la détection de la consommation de stupéfiants et la vérification du poids des chargements.
Il a également ordonné la mise en place de contrôles médicaux réguliers et inopinés pour les conducteurs professionnels, ainsi que l’adoption d’un dispositif d’assermentation des agents de contrôle, afin de lutter contre les faux rapports et les déclarations mensongères. Ces mesures visent à simplifier les procédures judiciaires et renforcer la crédibilité des enquêtes sur les accidents.
Agriculture : électrification et vision à long terme
Le second point de l’ordre du jour a porté sur le raccordement des grands projets agricoles aux réseaux électriques,
notamment ceux dédiés aux cultures stratégiques. Le ministre de l’Énergie a fait état du branchement de plus de 100 000 exploitations agricoles à l’électricité, ainsi que de la fourniture d’énergie à plusieurs projets d’envergure, menés avec des partenaires nationaux et étrangers tels que « Baladna » (Qatar), Cevital (Algérie) et « BF » (Italie).
Le président Tebboune a souligné l’importance du projet de ligne électrique Nord-Sud, qualifié de structurant pour le développement territorial et la qualité du service. Il a également plaidé pour l’exportation du surplus énergétique vers l’Europe et l’Afrique, dans une logique d’ouverture et de valorisation des capacités nationales.
Dans le même registre, le chef de l’État a instruit le gouvernement d’autoriser sans délai l’importation de moissonneuses et de semoirs, y compris d’occasion (moins de cinq ans), afin d’accompagner la relance des filières céréalières et oléagineuses, notamment le maïs et le tournesol. Il a enfin appelé à l’élaboration d’un nouveau projet de loi d’orientation agricole, fondé sur une approche participative et prospective.
Transition numérique : un cadre juridique pour la confiance
Le Conseil des ministres a également adopté le projet de loi fixant les règles générales relatives aux services de confiance pour les transactions électroniques et à l’identification numérique.
Ce texte s’inscrit dans la stratégie de dématérialisation de l’administration et du commerce, en posant les bases légales de la signature électronique, de l’authentification sécurisée et de la protection des données.
Dans la même dynamique, un décret présidentiel a été approuvé, autorisant la création d’un bureau extérieur de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) à Alger. Par cette initiative, le gouvernement veut donner au pays les moyens de devenir un pôle régional dans le domaine de l’innovation et des technologies numériques.
Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a réagi dimanche soir au vote de l’Assemblée nationale française visant à dénoncer l’accord franco-algérien de 1968 sur la circulation, le séjour et l’emploi des ressortissants algériens en France.
Dans un entretien accordé à la chaîne d’information AL24 News, le chef de la diplomatie algérienne a adopté un ton à la fois mesuré et critique, qualifiant cette initiative d’« affaire franco-française » sans incidence directe, pour l’heure, sur les relations entre Alger et Paris.
Circulez il n’y a rien à voir ! Ahmed Attaf vient de renvoyer la petite tempête médiatique créée par le parti d’extrême droite, RN, à l’Assemblée, à une affaire « domestique française ». Le ministre est sans appel. « Sur le fond, cette affaire est une affaire entre l’Assemblée nationale française et le gouvernement français. C’est une affaire intérieure, une affaire franco-française. Elle ne nous concerne pas pour le moment », a déclaré M. Attaf, soulignant le caractère symbolique de la résolution adoptée jeudi dernier à Paris.
Le texte, proposé par le Rassemblement national (RN) et soutenu par des députés de droite (LR et Horizons), n’a pas de portée juridique contraignante, mais a provoqué de vifs débats dans les deux pays.
M. Attaf a exprimé son regret de voir “l’histoire d’un pays indépendant et souverain devenir l’objet d’une compétition électorale anticipée en France”. « Il est attristant de voir un pays aussi grand que la France se livrer à ce genre de manœuvres », a-t-il ajouté.
S’il a tenu à réaffirmer le respect d’Alger pour l’Assemblée nationale française, le ministre a jugé que le vote s’inscrivait avant tout dans une logique politicienne. « La première pensée qui m’est venue en voyant ce vote, c’est que la course à l’échalote se poursuit », a-t-il lancé, en référence à la surenchère observée entre partis français à l’approche des échéances électorales.
Tout en relativisant la portée du vote, M. Attaf a rappelé que l’accord de 1968 reste un “accord intergouvernemental” et donc “un accord international”. À ce titre, il ne pourrait être remis en cause qu’à travers un acte officiel du gouvernement français. « Tant que le gouvernement français ne nous a rien dit à ce sujet, nous considérons que cette affaire reste parlementaire et symbolique », a-t-il précisé.
Le ministre a toutefois laissé entendre qu’Alger suivait le dossier avec attention : « Cette question pourrait concerner l’Algérie si elle devient une affaire de gouvernement à gouvernement », a-t-il averti.
Faisant allusion aux récents signaux d’apaisement venus de Paris, notamment de la part du nouveau ministre français de l’Intérieur, Ahmed Attaf a conclu sur une note prudente mais optimiste : « Nous n’avons rien vu venir, et nous espérons ne rien voir venir. »
Pour l’heure, Alger privilégie donc la retenue et l’observation, considérant le vote du Parlement français comme un geste à usage interne plutôt qu’un acte diplomatique.
Le verdict est tombé à la stupeur générale. L’ancien magistrat et avocat tunisien Ahmed Souab a été condamné, vendredi 31 octobre, à cinq ans de prison ferme par le pôle judiciaire antiterroriste de Tunis, assortis de trois années de surveillance administrative.
L’annonce de cette lourde condamnation de Me Ahmed Souab a été confirmée par son avocate, qui dénonce un jugement « rendu en sept minutes, en l’absence totale de l’accusé et de son équipe de défense ».
Le comité de défense d’Ahmed Souab a immédiatement dénoncé « un jugement scandaleux », qualifiant la procédure de mascarade judiciaire. L’un de ses avocats, Me Leila Haddad, a affirmé que le tribunal avait refusé de notifier à la défense la date de l’audience, empêchant toute présence légitime des avocats ou de l’accusé lui-même. « C’est un procès politique. Tout le monde le sait », a-t-elle ajouté.
Pour de nombreux observateurs, cette condamnation marque une nouvelle étape dans la dérive autoritaire du régime de Kaïs Saïed. Depuis la suspension du Parlement en juillet 2021 et la réécriture de la Constitution, le président tunisien concentre entre ses mains tous les leviers du pouvoir exécutif et judiciaire.
La décision a suscité une vague d’indignation dans les milieux politiques, juridiques et associatifs. Le Parti républicain tunisien a dénoncé « un nouvel épisode du déclin judiciaire » et « une justice aux ordres du pouvoir exécutif ». Dans un communiqué, il déplore que les tribunaux se transforment en instruments de règlement de comptes politiques.
De son côté, le parti Afek Tounes a condamné « une dérive grave du système judiciaire » et « un recul inquiétant des libertés fondamentales ». Il appelle à la libération immédiate d’Ahmed Souab et à la restauration des institutions garantes de l’indépendance du pouvoir judiciaire, notamment le Conseil supérieur de la magistrature et la Cour constitutionnelle, tous deux affaiblis ou dissous par le président Saïed.
La société civile n’est pas en reste. L’Association Justice et Égalité estime que le verdict contre Souab est « une sanction politique et vindicative » infligée à un homme libre qui n’a cessé de défendre la séparation des pouvoirs et la primauté du droit. L’organisation parle d’une attaque frontale contre la liberté d’expression et contre les avocats qui s’opposent à la dérive du régime.
Un symbole de résistance pour la magistrature tunisienne
Avant de rejoindre le barreau, Ahmed Souab avait servi comme juge administratif pendant plusieurs décennies. Connu pour son intégrité, il s’était opposé publiquement à plusieurs décisions du président Saïed, notamment la révocation arbitraire de 57 magistrats en 2022, accusés sans preuves de « corruption » ou de « trahison ».
Depuis, Souab multipliait les prises de parole critiques contre la politique présidentielle. Il dénonçait « l’érosion de l’État de droit » et « la transformation de la lutte antiterroriste en instrument de répression politique ». Son arrestation en octobre 2025 avait déjà provoqué une onde de choc, avant que ce verdict ne vienne confirmer ce que ses proches qualifient de « vengeance d’État ».
Solidarité et indignation
Plusieurs figures politiques et intellectuelles tunisiennes ont réagi dès l’annonce du verdict. Moncef Marzouki, ancien président de la République, a évoqué « un jour noir pour la justice tunisienne ». Fawzi Ben Abdel Rahman et Yassine Mami, anciens ministres, ont dénoncé une instrumentalisation de la loi antiterroriste pour réduire au silence les voix indépendantes.
Pour eux, le message envoyé est clair : « Tout magistrat, tout avocat, tout citoyen qui critique le pouvoir peut désormais être accusé de terrorisme. »
Sur les réseaux sociaux, le hashtag #FreeAhmedSouab s’est rapidement propagé, soutenu par des avocats, des journalistes et des militants des droits humains.
Une inquiétude partagée au-delà des frontières
Les réactions ne se limitent pas à la Tunisie. Amnesty International et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) ont dénoncé, dans des communiqués distincts, « l’usage abusif de la législation antiterroriste pour réprimer la liberté d’expression et intimider les défenseurs des droits humains ».
Selon ces organisations, le procès d’Ahmed Souab s’inscrit dans une tendance régionale alarmante : celle de l’utilisation des lois d’exception pour museler les opposants politiques, les juges indépendants et les journalistes.
Un tournant inquiétant pour la démocratie tunisienne
Treize ans après la révolution du 14 janvier 2011, la Tunisie semble refermer le chapitre de son printemps démocratique. Les procès politiques se multiplient, les libertés syndicales sont menacées et la presse subit des pressions inédites depuis la chute de Ben Ali.
Pour les défenseurs d’Ahmed Souab, cette affaire dépasse le sort d’un seul homme. Elle incarne la lutte pour la survie d’un État de droit en péril, dans un pays où le pouvoir semble vouloir faire taire toute voix dissidente.
« Ce verdict est un message adressé à tous ceux qui refusent de se soumettre », estime un avocat du barreau de Tunis. « Mais il prouve aussi qu’il reste des hommes debout, prêts à défendre la liberté, même au prix de leur propre liberté. »
Trois jours après l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies d’une nouvelle résolution sur le Sahara occidental, l’Algérie a réagi officiellement par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf.
Dans un entretien accordé dimanche soir à la chaîne internationale AL24 News, le chef de la diplomatie algérienne a livré une lecture résolument optimiste du texte, à rebours des analyses qui y voient un revers pour la diplomatie algérienne.
Alors que plusieurs observateurs estiment qu’Alger n’a pas réussi à contrer le texte américain — jugé favorable au Maroc et à son projet d’autonomie pour les territoires sahraouis — M. Attaf affirme, au contraire, que la résolution “préserve le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui” et “met en échec les tentatives marocaines d’imposer un règlement unilatéral”.
Le ministre a expliqué que “le Maroc a voulu profiter de cette échéance pour faire disparaître la MINURSO, imposer son projet d’autonomie et éliminer définitivement le principe de l’autodétermination”. Ces objectifs, selon lui, apparaissaient clairement dans la première version du texte — le Draft Zero — “biaisé en faveur d’un seul camp”.
Face à cela, “huit États, dont l’Algérie, ont proposé des amendements afin de rééquilibrer la résolution”, a-t-il précisé. À l’issue des discussions, le mandat de la MINURSO a été renouvelé pour une année complète — “et non pour trois mois comme prévu initialement” —, tandis que la référence à l’autonomie n’a pas été érigée en solution unique. “Le texte final maintient ouvertes plusieurs pistes de règlement”, a insisté M. Attaf.
Le ministre a souligné que “le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination demeure reconnu” et que “le lien que Rabat voulait établir entre autonomie et autodétermination a été rompu”. Il a également salué la clarté du texte onusien, qui identifie explicitement les deux parties au conflit — le Maroc et le Front Polisario —, sans inclure l’Algérie. “L’ambiguïté entretenue par Rabat pour présenter ce différend comme un conflit maroco-algérien n’a plus lieu d’être”, a-t-il affirmé.
M. Attaf a rappelé les trois principes fondamentaux de la position algérienne : le cadre onusien comme seul cadre légitime de traitement du dossier, la reconnaissance du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, et la nécessité de négociations directes entre le Maroc et le Front Polisario.
Le chef de la diplomatie algérienne a également évoqué “une évolution notable” de la position américaine. Citant le conseiller du président Joe Biden, Massad Boulos, il a relevé que Washington “ne considère plus l’autonomie comme unique cadre de règlement” et admet “la nécessité de consulter le peuple sahraoui, notamment par voie de référendum”.
Selon M. Attaf, les États-Unis “distinguent désormais leur position nationale de leur rôle de médiateur” et “manifestent leur volonté de travailler sous l’égide des Nations unies, conformément au droit international et aux pratiques onusiennes en matière de décolonisation”.
En conclusion, le ministre a rappelé que “dix-sept territoires figurent encore à l’agenda de l’ONU comme entités non autonomes”, estimant “inconcevable que le Sahara occidental soit le seul à être privé du droit à l’autodétermination”.
“Ce droit reste la pierre angulaire de toute solution”, a-t-il insisté, avant de considérer que la résolution adoptée “reflète les principes défendus par l’Algérie et les huit États ayant contribué à son rééquilibrage”.
Ainsi, pour Alger, loin d’un échec diplomatique, le dernier vote du Conseil de sécurité constitue un signal encourageant : celui du maintien du Sahara occidental dans le cadre onusien et du rejet de toute tentative d’imposer un fait accompli.
Née en 2022 à Aix-en-Provence, la maison d’édition Épousées par l’écorce s’impose, en quelques ouvrages seulement, comme un lieu rare de rencontre entre poésie et arts visuels. Sous l’impulsion de son fondateur, Jean-Michel Durafour — essayiste, universitaire et passionné de dialogue esthétique —, elle explore la frontière féconde entre texte et image, sans que l’un ne domine l’autre.
Lors du Salon du livre de la Métropole à Marseille en octobre 2025, nous avons choisi de donner visibilité à des maisons d’édition indépendantes pour la qualité de leurs publications, mettant en lumière leur singularité et leur capacité à créer des objets littéraires uniques.
Dans cet entretien accordé au Matin d’Algérie, Jean-Michel Durafour revient sur la philosophie singulière de sa maison, sur les défis de l’édition indépendante et sur la force sensorielle du livre imprimé, cet « objet pensant » qu’il continue de défendre avec conviction.
Le Matin d’Algérie : Qu’est-ce qui vous a poussé à créer Épousées par l’écorce en 2022, dans un paysage éditorial déjà riche et diversifié ?
Jean-Michel Durafour : J’ai créé Les Épousées par l’écorce dans le but de retrouver un dialogue entre la poésie et les arts, qui a fait certaines des riches heures de la poésie du siècle dernier depuis l’aventure surréaliste, mais avec une spécificité qui ne me semblait pas avoir été suffisamment explorée : ne pas publier de textes faits à partir des images, ni des images faites à partir des textes.
Le Matin d’Algérie : Vous insistez sur le fait que les images ne sont pas de simples illustrations des textes. Pouvez-vous nous expliquer cette philosophie éditoriale ?
Jean-Michel Durafour : En effet, la ligne éditoriale des Épousées par l’écorce est de fabriquer les conditions matérielles de la rencontre entre deux œuvres qui, idéalement, ne se connaissent pas du tout. Chaque livre, confectionné avec soin et à tirage numéroté et limité, donne la parole à la conversation entre un écrivain et un artiste sans que les images soient des illustrations des textes ni les textes des commentaires des images. Nous aimons le pari de pouvoir ainsi révéler des aspects des œuvres restés dissimulés tant qu’on ne sort pas de leur médium d’origine. Une œuvre est faite dans un médium (littérature, photographie, etc.), mais on oublie trop souvent de se poser la question de son médium d’arrivée et nous présupposons trop qu’il est le même que celui de son émergence. Ce n’est pas si évident.
Le Matin d’Algérie : Votre maison d’édition se distingue par le dialogue entre texte et image. Comment choisissez-vous les collaborations entre écrivains et artistes ?
Jean-Michel Durafour : C’est le privilège du directeur éditorial que de choisir les collaborations, dans la mesure du possible (il arrive que nous ne respections pas cette règle). La maison d’édition fonctionne beaucoup à partir de commandes passées à des poètes ou à des artistes.
Mon métier officiel me permet d’avoir, dans les deux cas, un très large carnet d’adresses, national et international. Mais nous sommes aussi ouverts aux propositions spontanées. Elles émanent généralement de poètes. Nous en recevons plusieurs par semaine, et l’un de nos prochains ouvrages sera fait à partir d’une de ces propositions. Un très bel ouvrage, pour lequel nous allons collaborer avec une plasticienne norvégienne.
Le Matin d’Algérie : Quel rôle joue le format et le tirage limité dans votre démarche ? Pourquoi accorder autant d’importance à l’objet-livre ?
Jean-Michel Durafour : Comme dans le raccord cinématographique, où un troisième sens apparaît par l’association de deux plans l’un avec l’autre, le livre devient le l’enjeu d’un sens inédit. Le livre n’est pas qu’un simple réceptacle de quelque chose qui aurait son sens avant lui, indépendamment de lui, et qu’il se contenterait de rendre accessible aux lecteurs. Le livre pense.
Le Matin d’Algérie : Vos publications sont imprimées sur des papiers respectueux de l’environnement. Est-ce une exigence fondamentale de votre identité éditoriale ?
Jean-Michel Durafour : Oui, c’est capital pour moi d’agir à l’intérieur d’un cercle le plus vertueux possible. Cela a un coût, mais je suis ferme là-dessus. Pour la même raison, nous faisons toujours le choix de la proximité et de la limitation de l’empreinte carbone : notre imprimeur est à Nîmes, nous sommes autodistribués, etc.
Le Matin d’Algérie : Comment définiriez-vous le profil des lecteurs que vous visez avec vos ouvrages ?
Jean-Michel Durafour : Nos ouvrages s’adressent à des lecteurs amateurs de poésie, d’art et de beaux-livres, ayant du goût pour les objets uniques, c’est-à-dire absolument tout le monde (rires).
Sans plaisanter, nous ne souhaitons qu’une chose : qu’on lise plus de poésie, qu’on s’intéresse plus aux différents arts visuels. Tout lecteur est chez lui dans nos livres.
Le type de dialogue entre poésie et arts que nous proposons fait que c’est beaucoup au lecteur d’inventer le sens qui relie textes et images. Le livre pense parce qu’il est l’expression de la pensée du lecteur. Le lecteur contribue à créer le livre.
Le Matin d’Algérie : Pouvez-vous nous raconter une expérience ou un projet où l’échange entre texte et image a particulièrement bien fonctionné ?
Jean-Michel Durafour : Ce fut le cas, par exemple, avec nos deux derniers ouvrages (visuels). Ni les poètes ni les artistes ne se connaissaient auparavant. L’œuvre de l’autre a dans les deux cas fait ressortir des détails des textes ou des images, des choses latentes, qui sont là mais qui avaient besoin d’un révélateur extérieur pour se manifester. Les œuvres s’enrichissent ainsi mutuellement.
Le Matin d’Algérie : Quelles sont les plus grandes difficultés auxquelles vous êtes confronté en tant que jeune maison d’édition indépendante ?
Jean-Michel Durafour : Ces difficultés, hélas, sont bien connues : le manque de moyens, la nécessité de se faire connaître dans un milieu où différents types d’offre abondent et où la moindre publicité dans un journal spécialisé coûte trois années de budget, le recul de la lecture en raison des nouvelles pratiques technologiques culturelles… Dans certains cas, nous pouvons agir pour les diminuer par notre enthousiasme, les aides à la publication. Dans d’autres, nous ne pouvons pas faire grand-chose. Il faut rester stoïcien. Dans tous les cas, nous faisons tout notre possible pour aller à la rencontre du public et présenter notre maison d’édition, grâce au soutien des marchés ou des salons du livre, de librairies partenaires fidèles un peu partout en France, de recensions sur des sites littéraires importants ou des blogs de lecture.
Le Matin d’Algérie : À l’ère du numérique et des livres électroniques, comment percevez-vous l’avenir des livres imprimés, surtout dans votre démarche artisanale ?
Jean-Michel Durafour : Pour moi, nous n’avons mis tout ce temps depuis les tablettes de cire pour parvenir à l’objet livre et ensuite l’abandonner. Le livre imprimé tel que nous le connaissons depuis Gutenberg est le résultat optimal d’une adéquation entre la pensée occidentale et le texte matérialisé. Un livre numérique peut être très utile (pour chercher des occurrences rapidement, pour disposer de très nombreux textes difficiles à stocker dans des bibliothèques, etc.), mais je ne suis jamais parvenu à lire longtemps dans ce format. Comme beaucoup de gens, et je crois au fond tout être humain, le livre papier m’apporte des odeurs, des textures, les souvenirs de ses anciens propriétaires, une présence. Imagine-t-on manger ou aimer sans des contacts ? C’est pour moi du même ordre. Je ne crois pas que le livre disparaîtra pour cette raison. Plus le monde sera technologique, virtuel, plus nous aurons besoin en réaction de matérialité, de corporéité. Ou alors, c’est que nous serons devenus une autre espèce. C’est sans doute ce qui arrivera.
Le Matin d’Algérie : Quels projets ou collaborations peut-on attendre dans les mois à venir chez Épousées par l’écorce ?
Jean-Michel Durafour : Nous avons plusieurs projets. Comme je le disais rapidement tout à l’heure, une très belle rencontre entre Michel Bourçon, poète discret et raffiné, et la plasticienne scandinave Vilde Rolfsen (qui crée des paysages avec des sacs plastiques).
Nous allons aussi avoir au printemps 2026 le poète Pierre Vinclair, l’un des auteurs les plus doués de sa génération, qui nous a fait l’honneur et l’amitié de nous confier un de ses textes autour du Rhône (au cœur de ses précédents livres chez Flammarion).
Ce sera accompagné par des aquarelles de Jérémy Cheval faites avec l’eau… du Rhône. Le lien entre le texte et l’image peut parfois se loger dans des détails surprenants !
Le Collectif pour une alternative démocratique et sociale en Algérie (CADSA-Marseille) organise, le samedi 8 novembre à 17 heures, un débat consacré à Abbès Laghrour, l’un des premiers maquisards des Aurès et figure marquante de la guerre d’indépendance.
La rencontre se tiendra au local de l’association 1000 Bâbords, au 61 rue Consolat (1er arrondissement).
Dès le 1er novembre 1954, Abbès Laghrour participe aux premières opérations de l’insurrection dans les montagnes de l’Est algérien, aux côtés de Mostefa Benboulaïd, chef historique de la Wilaya I. Sa connaissance du terrain et son sens tactique en font un stratège redouté. Ses actions audacieuses forcent l’armée coloniale française à mobiliser d’importants effectifs pour tenter de neutraliser un petit nombre de maquisards déterminés.
« Ce fut un stratège militaire qui a contraint les chefs de l’armée coloniale à mobiliser l’ensemble des forces dont elle disposait en Algérie », souligne le texte de présentation du CADSA.
Le débat s’appuiera sur l’ouvrage que lui consacre son frère, Salah Laghrour, présent à Marseille pour l’occasion. Ce livre, fruit d’un long travail de mémoire familiale, retrace le parcours héroïque et tragique du combattant tout en livrant un témoignage rare sur les débuts de la guerre de libération.
En s’inscrivant dans une démarche de transmission historique, le CADSA-Marseille poursuit ainsi son engagement citoyen en faveur de la mémoire et de la démocratie.
Au-delà du souvenir, cette rencontre vise à rappeler la contribution essentielle des figures oubliées de la Révolution algérienne, souvent éclipsées par les grands noms de l’histoire officielle.
Date : Samedi 8 novembre 2025, à 17h00
Lieu : Local 1000 Bâbords, 61 rue Consolat, 13001 Marseille
Entrée libre
Un rendez-vous de mémoire et de fraternité pour celles et ceux qui veulent redécouvrir la geste des premiers maquisards des Aurès.
Dernier épisode d’une longue série de revers diplomatiques, le vote du Conseil de sécurité sur le Sahara occidental a mis à nu l’isolement d’une Algérie qui persiste à croire que la défiance peut tenir lieu de stratégie. Pour le faire oublier, le pouvoir et ses relais multiplient les célébrations folkloriques du 1er novembre 1954, un événement dont la portée est trahie depuis 1962.
On est en plus à un échec près avec Abdelmadjid Tebboune. Malgré une mobilisation de dernière minute pour rallier Pékin, Moscou et Islamabad à sa cause, Alger a vu ses alliés s’abstenir, laissant passer le texte américain favorable au plan d’autonomie marocain. La diplomatie de la taghenant montre ses limites. Et prouve si besoin que ces supposés alliés ne le sont pas réellement. En vrai : que peut offrir l’Algérie en contrepartie à ces pays ?
Le verdict du Conseil de sécurité de l’ONU sur le Sahara occidental, adopté le 1ᵉʳ novembre, a résonné comme un coup d’assomoire à Alger. En renouvelant le mandat de la MINURSO et en réaffirmant la “primauté” de la proposition marocaine d’autonomie, le texte américain a infligé un nouveau camouflet à la diplomatie algérienne. Celle-ci, fidèle à sa ligne de défiance — cette fameuse taghenant érigée en doctrine —, s’est retrouvée une fois de plus isolée, impuissante à infléchir le cours des choses.
Jusqu’aux dernières heures ayant précédé le vote, Alger a pourtant tout tenté pour mobiliser des soutiens autour du principe de la “décolonisation” du Sahara occidental. Le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a multiplié les entretiens téléphoniques avec ses homologues chinois, russe et pakistanais, espérant un front de refus. En vain. Les représentants de ces trois pays au Conseil de sécurité ont préféré s’abstenir, laissant la voie libre au texte américain. Une abstention lourde de sens, qui en dit long sur l’isolement diplomatique de l’Algérie jusque dans les rangs de ses partenaires dits “stratégiques”.
Ce revers n’est pas un accident. Il s’inscrit dans une série noire de déconvenues qui traduisent l’essoufflement d’une diplomatie désormais plus démonstrative que stratégique. Depuis l’arrivée d’Abdelmadjid Tebboune au pouvoir, les faux pas s’accumulent : échec retentissant de la candidature au club des BRICS, détérioration des rapports avec les voisins du Sahel, bras de fer perdus avec l’Espagne et la France, tensions avec les Émirats arabes unis, et impasse totale dans le projet d’un “Maghreb sans Maroc”.
L’Algérie a voulu jouer seule et contre tous. Résultat : elle se retrouve seule, tout court. Même au sein de la Ligue arabe, son influence s’érode. Le “sommet du retour” organisé à Alger en 2022 s’est soldé par un fiasco diplomatique. Exclue du dossier syrien, marginalisée dans le dossier palestinien, la diplomatie algérienne n’est plus la voix audible qu’elle fut dans les décennies précédentes.
Le prix du réflexe de défiance
Ce déclin ne tient pas seulement à des erreurs d’appréciation conjoncturelles. Il découle d’une culture politique et diplomatique figée, fondée sur la posture, la suspicion et le réflexe de confrontation. La “taghenant” — cette raideur érigée en vertu nationale — a fini par se retourner contre ceux qui l’invoquent à tout propos et qui oublient que le pragmatisme est une vertue cardinale en diplomatie.
Face à l’évolution rapide des rapports de force régionaux, Alger persiste à croire que la fermeté suffit à tenir lieu de stratégie. Or, la diplomatie moderne récompense la flexibilité, la capacité à bâtir des alliances et à composer avec la réalité. Ce n’est pas le cas de l’Algérie actuelle, qui préfère camper sur ses certitudes et se draper dans un discours souverainiste déconnecté des équilibres du monde.
Le désenchantement d’une puissance déclassée
Le naufrage diplomatique observé au Conseil de sécurité illustre ce désenchantement. Les capitales qui, hier encore, faisaient bloc derrière Alger, regardent désormais ailleurs. Même Moscou et Pékin, longtemps perçus comme des soutiens indéfectibles, ont choisi la neutralité. L’Algérie ne pèse plus, ni en Afrique, ni au sein des BRICS, ni dans le monde arabe.
En s’enfermant dans une logique de fierté blessée, le pouvoir algérien a transformé la diplomatie en vitrine de politique intérieure : tonner contre le monde pour mieux galvaniser l’opinion, brandir la “souveraineté nationale” pour masquer l’isolement. Mais la réalité internationale ne se plie pas aux discours.
Le vote du 31 octobre n’est pas seulement un revers dans le dossier du Sahara occidental. Il consacre la faillite d’une méthode : celle d’un pays qui confond dignité et raideur, et qui, à force de vouloir défier tous les autres, a fini par se défier lui-même.
La Rédaction
*La posture de taghenant qui signifierait : raideur, défiance, confrontation, fermeté exagérée et inopportune
Dans L’émail de mes maux, Leïla Elmahi nous livre un recueil d’une rare intensité, où chaque mot semble poli à la douleur comme à la lumière. À travers une poésie à la fois mystique et engagée, l’autrice explore les plis de l’âme humaine, les blessures de l’exil, la beauté des différences et la résistance par la culture.
Portée par une langue sensuelle et spirituelle, son écriture fait dialoguer la mémoire et le présent, la foi et la révolte, le silence et l’amour. Ce livre, à la frontière du poème et de la prière, s’impose comme un cri apaisé : celui d’une femme qui transforme ses maux en émail, c’est-à-dire en éclat d’humanité.
L’émail de mes maux de Leïla Elmahi, publié aux éditions Nombre7, est un recueil d’une intensité rare, à la croisée de la poésie spirituelle, de la méditation existentielle et du cri social. L’ouvrage se déploie comme un long souffle intérieur, un voyage de l’âme qui se cherche, s’éprouve et s’élève à travers les mots. Le titre, subtil jeu entre « émail » et « maux », évoque d’emblée cette idée de la douleur façonnée, polie par la parole, jusqu’à devenir éclat de lumière. C’est un livre qui guérit en même temps qu’il saigne.
Leïla Elmahi, autrice déjà remarquée pour L’envol du papillon et Mon “Je” de réflexion, s’affirme ici comme une voix singulière dans la poésie francophone contemporaine. D’origine maghrébine, elle tisse dans son écriture les fils multiples de ses héritages : la spiritualité soufie, la mémoire de l’exil, la culture arabe et la langue française. Son écriture, à la fois charnelle et métaphysique, se nourrit de cette double appartenance qu’elle ne cesse de transformer en puissance poétique. Chez elle, le poème n’est jamais simple ornement, mais acte de résistance, prière et manifeste à la fois.
Le recueil s’ouvre sur une quête : celle d’une conscience qui s’interroge sur le mystère de l’existence, sur la présence de l’âme dans le monde et sur la manière dont le temps modèle notre rapport à la vérité. Dès les premières pages, Leïla Elmahi pose les fondations d’une écriture de la traversée, traversée du moi, du monde, et de la mémoire collective. Sa poésie, oscillant entre vers libres et prose lyrique, épouse le mouvement même de la pensée : souple, fluide, parfois incantatoire, toujours habitée par la tension entre l’éveil intérieur et l’élan vers l’autre. Elle fait du poème un espace de réconciliation, une passerelle entre la blessure et la lumière.
Dans À ceux qui passent, à ceux qui restent, l’autrice rend un hommage vibrant à la lignée des penseurs et des créateurs qui ont façonné la conscience humaine. Le poème convoque Jeanne d’Arc, Montaigne, Rûmî, Marie Curie, Hugo ou encore Ibn al-Haytham, autant de figures qui deviennent des phares dans la nuit du présent. À travers eux, Leïla Elmahi tisse un chant de gratitude et d’espérance, rappelant que l’humanité se construit sur la mémoire des luttes et des rêves partagés. C’est une poésie de filiation, mais aussi d’héritage : l’écho des voix du passé y nourrit la promesse d’un futur plus juste.
Dans J’ai choisi la culture, l’écriture se fait manifeste. Ce texte puissant, à la fois poétique et politique, proclame le savoir, la création et la diversité comme remparts contre la haine et l’obscurantisme. Elmahi y affirme que la culture n’est pas un luxe, mais une nécessité vitale, une arme douce pour rassembler les peuples et préserver l’humanité dans un monde fragmenté. La plume y est militante, mais jamais sèche : elle respire l’amour et la foi dans la beauté comme force transformatrice.
Vient ensuite Les Larmes de l’exil, poème d’une sincérité poignante où la nostalgie se mêle à la douleur. Ici, l’autrice dit le déracinement, la perte, mais aussi la résilience de ceux qui ont dû partir sans cesser d’aimer leur terre. Le texte déploie la mémoire d’une enfance, d’une langue et d’une appartenance meurtrie, tout en rappelant que l’exil, loin de n’être qu’un arrachement, peut devenir un lieu de création et de résistance intérieure.
Mais au cœur de cette œuvre collective et universelle, s’entend aussi une voix profondément intime. Dans Ma fille, ma lumière, Leïla Elmahi se dévoile en mère, transmettant à l’enfant la force d’être libre, d’assumer sa singularité, de refuser les carcans. C’est une déclaration d’amour et un acte de foi en la transmission : la poésie y devient lien de génération, héritage d’âme plus que de sang.
Enfin, Les ombres du silence explore une dimension plus charnelle, plus secrète : celle du désir féminin, du corps contraint et de la liberté qu’il revendique. Ce poème, empreint d’une sensualité douloureuse, met à nu la lutte d’une femme contre les interdits et les injonctions sociales. La voix y tremble, mais ne cède pas : elle s’affirme comme un chant d’émancipation, un appel à vivre pleinement malgré les chaînes visibles ou invisibles.
Ainsi, tout au long du recueil, Leïla Elmahi tisse une tapisserie d’émotions et de réflexions où l’intime rejoint l’universel. Sa poésie oscille entre la ferveur mystique et la lucidité politique, entre la mémoire personnelle et la mémoire collective. Chaque poème devient une prière adressée à l’humanité, un appel à la lumière au cœur des ténèbres — un émail qui protège, éclaire et transfigure les maux du monde.
Ce livre a la force rare de ces voix qui refusent de renoncer à l’humain, qui persistent à croire que la parole peut encore sauver, relier, apaiser. Dans un monde saturé de bruit et de violence, Leïla Elmahi choisit la douceur des mots comme un acte de résistance. Sa poésie n’est pas fuite, mais engagement profond, engagement envers la beauté, envers la justice, envers l’amour. Elle écrit avec la conviction que la poésie peut encore redonner un sens au monde, qu’elle peut être cet espace de vérité où la blessure devient lumière.
Dans ses pages, Rûmî et Hugo, Darwich et Baudelaire se côtoient comme des compagnons d’âme. Le premier apporte la ferveur mystique et la foi en la transcendance de l’amour ; le second, l’élan humaniste et la défense des opprimés ; le troisième, la mémoire des peuples et la douleur des exils ; le dernier, la profondeur du désenchantement et la beauté du verbe. Elmahi ne les imite pas : elle les convoque, les mêle, les fait dialoguer dans un souffle poétique qui transcende les époques et les frontières. Sa poésie devient ainsi une agora de l’esprit, un lieu où se rencontrent les grands héritages de la littérature et de la pensée, réinterprétés à travers la sensibilité d’une femme d’aujourd’hui.
Sa langue, d’une fluidité organique, respire la vie. Elle éclate dans les poèmes de colère, pleure dans ceux de l’absence, embrasse dans les textes d’amour et de transmission. C’est une langue en mouvement, à la fois charnelle et spirituelle, qui ne cherche pas l’effet mais la justesse. Elmahi ose la simplicité là où d’autres se réfugient dans l’abstraction, et c’est dans cette clarté qu’elle touche au sublime. Elle abolit les frontières : entre les peuples, en revendiquant la fraternité des différences ; entre les genres, en donnant voix à une féminité libre et pensante ; entre les blessures, en les unissant dans une même humanité partagée.
L’apport de ce livre est immense : il rappelle que la poésie n’est pas un art élitiste ou décoratif, mais un lieu de réparation et de réconciliation. Leïla Elmahi y réunit le spirituel et le social, le mystique et le concret, le cri et la prière. Elle réconcilie la transcendance avec la réalité du monde, offrant un espace où les âmes dispersées peuvent se reconnaître et se rassembler. Dans ses vers, l’amour devient acte politique, la mémoire devient avenir, et la douleur devient un tremplin vers la lumière.
L’émail de mes maux est donc bien plus qu’un recueil : c’est un acte de foi en l’humain, un manifeste de tendresse et de résistance, un chant de guérison qui rappelle que, malgré tout, la beauté demeure possible, et que la parole, lorsqu’elle est juste, peut encore nous sauver.
L’impact de L’émail de mes maux se mesure avant tout dans la résonance intime qu’il provoque : ce n’est pas un livre que l’on lit, mais un souffle que l’on reçoit, une vibration qui se prolonge bien au-delà des mots. Chaque poème agit comme une onde, réveillant ce qu’il y a de plus enfoui en nous, la mémoire, la compassion, la conscience d’appartenir à un tout plus vaste. En redonnant à la poésie sa fonction première, celle de relier les êtres et d’éveiller les consciences, Leïla Elmahi s’inscrit dans la lignée des voix qui refusent la résignation. Sa parole se dresse, non pour accuser, mais pour réunir ; non pour blesser, mais pour réparer. Elle réhabilite l’idée que la poésie, loin d’être un refuge solitaire, peut être un acte social, une forme de résistance douce, un geste d’amour adressé au monde.
Dans un temps où les fractures identitaires, culturelles et spirituelles s’approfondissent, Elmahi rappelle que la culture n’est pas un divertissement, mais un souffle vital. Elle la conçoit comme un acte d’amour, un engagement envers la beauté du vivant et la dignité de l’humain. Sa poésie se fait alors arme pacifique, forgée dans la tendresse et la vérité. Par la force tranquille de ses vers, elle oppose à la brutalité de l’époque la délicatesse du verbe, à l’oubli la mémoire, à la haine la lumière du dialogue. C’est une forme de révolte, mais une révolte apaisée, portée par la certitude que la douceur peut être plus subversive que la colère.
En refermant L’émail de mes maux, le lecteur a le sentiment d’avoir traversé un espace sacré, un sanctuaire intérieur où l’âme, après avoir affronté ses ombres, retrouve sa clarté. Chaque poème devient un rite de passage : on y entre blessé, on en sort réconcilié, allégé, comme après une prière silencieuse. L’autrice nous guide dans ce territoire de l’être avec une main à la fois ferme et bienveillante, nous invitant à accepter nos fêlures comme les preuves mêmes de notre humanité.
L’émail de mes maux n’est pas un simple recueil : c’est une offrande, une expérience de l’intime partagé. En transformant la douleur en éclat, Leïla Elmahi nous tend un miroir où chacun peut contempler sa propre fragilité, ses luttes, ses espoirs. Et dans ce reflet, au creux du silence et de la lumière mêlés, on perçoit une promesse : celle que, malgré les blessures, quelque chose en nous demeure pur, vivant, inaltérable. Ce livre nous rappelle que l’art, quand il est sincère, n’a pas pour but de fuir le réel, mais de le transfigurer, et qu’au cœur du chaos, la poésie reste l’un des derniers refuges de la beauté humaine.
Le nouveau ministre français de l’Intérieur, Laurent Nuñez, a marqué une rupture nette avec la ligne de son prédécesseur, Bruno Retailleau, en plaidant pour une reprise du dialogue avec l’Algérie, jugeant inefficace la « politique du bras de fer ».
Dans un entretien accordé au quotidien Le Parisien, hier, samedi, il a mis en garde contre l’illusion que la confrontation et la « méthode brutale » puissent résoudre les tensions bilatérales, un style qui, selon lui, « ne réussit dans aucun domaine ». Le diagnostic posé par M. Nuñez est sans appel : les relations bilatérales sont au plus bas. Il a souligné que le canal de communication avec Alger est « complètement coupé », entraînant un arrêt total de la coopération sécuritaire et des échanges entre services de renseignement.
Finis donc les coups de menton à la Retailleau et ses déclarations comminatoires sans lendemains ?
La conséquence la plus visible de cette impasse est le blocage des procédures de reconduite à la frontière. Le ministre déplore que, depuis le printemps dernier, l’Algérie « n’accepte plus le retour de ses ressortissants en situation irrégulière », ne délivrant plus les laissez-passer consulaires nécessaires. Cette situation a conduit à une saturation des centres de rétention administrative (CRA), où les ressortissants algériens occupent environ 40 % des places, parmi lesquels se trouvent souvent des individus au lourd passé judiciaire que la France est dans l’incapacité d’expulser. Pour le ministre de l’Intérieur, cette rupture des échanges sécuritaires et migratoires constitue « un problème, un gros problème ».
Un appel au dialogue et des signaux positifs
Malgré ce constat alarmant, Laurent Nuñez a exprimé un optimisme prudent, révélant une ouverture du côté algérien. « Le ministre de l’Intérieur algérien m’a récemment écrit pour m’inviter, ce qui est en soi un indicateur encourageant pour un retour à des relations apaisées », a-t-il affirmé.
Cette main tendue intervient dans un contexte de forte crispation, notamment après le vote à l’Assemblée nationale, le jeudi 30 octobre, d’une proposition de résolution portée par le Rassemblement National (extrême droite) et soutenue par Les Républicains et Horizons, visant à « dénoncer » l’accord franco-algérien de 1968 qui régit le statut des Algériens en France. Le texte a été adopté à une seule voix de majorité, illustrant la fragilité politique de la relation entre les deux capitales.
Face à cette série d’incidents, M. Nuñez insiste sur la nécessité de renouer avec le dialogue et la confiance pour éviter une « rupture durable entre les deux peuples » sur des dossiers cruciaux comme l’immigration et la sécurité. Il réaffirme que le dialogue est l’unique voie pour sortir de l’impasse.
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