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lundi, 3 novembre 2025
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Privé de passeport, le journaliste El Kadi Ihsane ne pourra pas recevoir son prix à Leipzig

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El Kadi Ihsane

Le journaliste algérien El Kadi Ihsane, cofondateur de Radio M et de Maghreb Émergent, ne pourra pas se rendre à Leipzig (Allemagne) pour recevoir le Prix de la liberté et de l’avenir des médias 2025, a rapporté mardi Maghreb Émergent. Son passeport reste confisqué par la justice depuis plus de quatre ans.

La cérémonie, prévue mercredi 8 octobre, marquera le 25ᵉ anniversaire de cette distinction décernée par la Fondation Sparkasse de Leipzig. Le prix, doté de 30 000 euros, récompense chaque année des journalistes ou institutions œuvrant pour la liberté de la presse. El Kadi partage cette édition avec le professeur allemand Michael Haller, honoré pour l’ensemble de son œuvre.

Ne pouvant quitter l’Algérie, El Kadi Ihsane adressera un message vidéo enregistré à son domicile à Alger, qui sera diffusé lors de la cérémonie, selon la même source.

Le journaliste s’était vu retirer son passeport en avril 2021 dans le cadre d’une procédure judiciaire ouverte après la publication d’un article critique envers les autorités. Il avait été placé sous contrôle judiciaire, puis arrêté en décembre 2023, avant de passer 22 mois en détention. Les locaux de Radio M ont été mis sous scellés et la société éditrice dissoute par décision de justice.

Libéré en novembre 2024, El Kadi Ihsane reste interdit de sortie du territoire, malgré les démarches de ses avocats. Il poursuit néanmoins ses activités au sein de Maghreb Émergent. En clair, ce journaliste subit la double peine : avoir été arbitrairement emprisonné puis interdit de voyager.

Créé en 2001, le prix de Leipzig a déjà distingué plusieurs figures emblématiques de la liberté de la presse, dont Anna Politkovskaïa, Aslı Erdoğan et le collectif Correctiv. En honorant El Kadi Ihsane, la fondation allemande entend saluer le courage d’un journaliste qui, « malgré les intimidations, continue de défendre une presse libre et indépendante en Algérie », souligne Maghreb Émergent.

Rabah Aït Abache

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Sous la khaïma du Sahara à Marseille

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Khaima à Marseille

Entre Ghardaïa et Constantine, l’âme du désert s’invite à la Foire internationale de Marseille. Sous la tente de Nassro Hadj Moussa, le thé, le tissu et la mémoire s’unissent dans un même souffle d’Algérie.

Chaque automne, la Foire internationale de Marseille devient un carrefour de cultures et de senteurs. Mais c’est au Hall 6, plus connu sous le nom de Village du Monde, que l’on retrouve l’une des plus belles respirations du salon : la khaïma saharienne. Sous sa toile épaisse, tissée à la main, l’agitation du monde s’efface pour laisser place à une douceur rare — celle du thé, du silence et de la mémoire.

À l’origine de cette tente, il y a un homme : Nassro Hadj Moussa, diminutif de Nasseredine. Né à Constantine, la ville du pont suspendu et du malouf, il vit aujourd’hui à Ghardaïa, cité du M’zab aux maisons ocre et à la rigueur solaire. Dans sa khaïma, ces deux mondes se rencontrent : le Nord lettré et musical, et le Sud artisanal et spirituel.

Pour concevoir cette tente, Nassro n’a rien laissé au hasard. Il a choisi un tissu artisanal de Ghardaïa, confectionné selon des méthodes ancestrales. La laine, filée à la main, conserve l’odeur du sable et du feu. Les motifs géométriques, discrets mais puissants, rappellent les architectures mozabites, leur ordre, leur harmonie et leur sens du sacré. « Ce tissu, dit-il, c’est la peau du désert. Il protège et raconte. »

Sous la khaïma, Nassro accueille les visiteurs avec la générosité tranquille des gens du Sud. Il prépare lui-même le thé du Sahara, boisson devenue au fil du temps un véritable rite d’hospitalité. Le thé n’est pas versé, il est offert, dans un geste mesuré, presque cérémoniel. L’eau chauffe lentement sur le brasero, les feuilles de thé vert se mêlent à la menthe fraîche, puis Nassro verse de haut, sans trembler, pour créer la mousse parfaite — signe du respect accordé à l’invité.

Ce thé, amer et sucré à la fois, reflète l’équilibre du désert : la rigueur et la douceur, la solitude et la chaleur humaine. Chaque gorgée transporte vers les dunes, là où les caravanes faisaient halte pour échanger les nouvelles du monde. Boire le thé, c’est renouer avec un art du temps : celui qui s’écoule lentement, au rythme de la conversation et du feu.

Cette année, la khaïma s’est ouverte à une note constantinoise. Sur une table basse en cuivre, la djouzia, confiserie de miel et de noix, attend les visiteurs. La douceur du sucre se mêle à la fraîcheur du thé, tandis qu’en fond, s’élèvent les airs feutrés du malouf. Pas de musiciens visibles — juste la musique, venue de loin, comme une brise d’Andalousie passée par Constantine. Elle enveloppe la tente, adoucit les mots, relie les mémoires.

Ainsi, sous cette khaïma du Hall 6, Ghardaïa rencontre Constantine, et Marseille devient pour un instant un carrefour d’Algérie. Les tapis berbères, les lampes de cuivre, les verres de thé, tout semble dialoguer. Le désert y parle à la mer, la tradition à la modernité, la mémoire à l’exil. Car pour beaucoup de visiteurs, cette tente n’est pas un simple décor : c’est un retour symbolique, une parenthèse d’appartenance dans un monde trop rapide.

Nassro, lui, observe en silence. Il sourit, raconte volontiers l’histoire de la khaïma : son nom vient du verbe arabe khama, « abriter ». Jadis, elle était l’unique maison des nomades, montée et démontée selon le vent. Elle symbolisait la liberté, mais aussi la fragilité de la vie humaine face à l’immensité du désert. Aujourd’hui encore, elle conserve cette sagesse du provisoire : rien n’est figé, tout passe, sauf la mémoire.

Quand on quitte la tente, le vacarme de la Foire revient d’un coup. Les lumières artificielles, les cris, les stands saturés contrastent avec la paix intérieure que la khaïma dépose dans l’esprit. Dans la bouche, il reste un goût de menthe et de miel ; dans le cœur, une impression de retour à soi.

Sous cette toile venue de Ghardaïa, dans cette lumière qui rappelle le Sahara, Marseille se découvre un autre visage — celui d’un port d’accueil où la culture algérienne, patiente et fière, continue d’abriter les mémoires et les rêves.

Djamal Guettala

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La Cour d’Alger condamne l’historien révisionniste, Mohamed El-Amine Belghit, à 3 ans de prison ferme

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Mohamed Lamine Belghit
Le négationniste Belghit.

La Cour d’Alger a rendu, ce mardi, son verdict dans l’affaire de l’universitaire et enseignant en Histoire Mohamed El-Amine Belghit, condamné à trois ans de prison ferme et deux ans avec sursis pour ses propos révisionnistes et mensongers sur l’identité et l’histoire de l’Algérie. Cette décision intervient à l’issue de l’audience d’appel tenue la semaine précédente, confirmant en partie la condamnation prononcée en première instance.

Le tribunal de Dar El Beïda avait, le 3 juillet dernier, infligé à l’enseignant une peine de cinq ans de prison ferme assortie d’une amende de 500 000 dinars. Le dossier portait sur des accusations liées à la diffusion d’un discours jugé attentatoire à l’unité nationale et incitatif à la haine.

Les poursuites contre Mohamed El-Amine Belghit trouvent leur origine dans une interview accordée à la chaîne “Sky News Arabia”, au cours de laquelle certaines de ses déclarations avaient été perçues comme offensantes envers l’identité nationale et les fondements de la nation algérienne.  Il avait affirmé que « tamazight  est une création des services de renseignements sionistes et français par excellence. Il a aussi déclaré qu’il n’y a pas de chose appelée amazighité, mais seulement les Berbères, qui sont des Arabes anciens.Ces propos avaient suscité une vive controverse sur les réseaux sociaux avant de donner lieu à une action en justice.

L’historien était poursuivi pour plusieurs chefs d’accusation, notamment atteinte à l’unité nationale, atteinte à l’intégrité du territoire et diffusion de discours de haine et de discrimination via les moyens technologiques.

Au fil de la procédure, la défense avait sollicité la remise en liberté provisoire de son client, arguant de garanties suffisantes de représentation et contestant la nature pénale des faits reprochés, relevant davantage, selon elle, de la liberté académique et d’expression. La chambre d’accusation de la Cour d’Alger avait toutefois rejeté cette requête le 21 mai, maintenant l’universitaire en détention provisoire.

L’affaire Mohamed El-Amine Belghit a ravivé le débat sur la fragmentation du discours national et l’absence de consensus au sein de la société algérienne autour des questions identitaires et de la lecture de l’histoire. Elle met également en lumière la persistance des résistances à la reconnaissance et à la promotion effective de la dimension amazighe dans les institutions, en particulier dans le secteur de l’éducation nationale.

La rédaction

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7 octobre, Israël pleure ses morts. 77 ans que la Palestine pleure les siens

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Gaza

En ce 7 octobre, Israël veut arracher les larmes au monde. Les yeux de ce monde sont secs pour les avoir tant fait couler pour ses victimes. En ce jour du 7 octobre, Israël veut faire croire aux Palestiniens et au monde qu’ils n’ont aucune âme humaine et qu’ils se réjouissent. 

Ce sont les Palestiniens qui ont une âme, pas les Israéliens. Mais ce jour du 7 octobre n’a aucune signification particulière pour eux, le désespoir est à jamais accroché à leurs visages et les tombes, à leur existence. Ils savent reconnaitre la douleur d’un être humain détenu en otage et de ses enfants disparus. Ils ont toujours souffert pour les leurs qui ont croupi dans les geôles d’Israël et que beaucoup le sont encore. 

Pour ce peuple colonisé et massacré, le 7 octobre, c’est tous les jours, la souffrance est le quotidien de sa vie. Ses enfants sont confrontés au malheur dès leur naissance. Ils savent ce que sont les pleurs.  

Pourtant, le pays génocidaire nous demande aujourd’hui de pleurer sa peine. Le bourreau demande à la victime sa compassion. Il veut nous rappeler les statistiques de leurs otages et de leurs morts, les Palestiniens n’ont pas assez d’encre pour compter les leurs depuis toujours.

Israël a refusé de restituer aux Palestiniens leur terre qui leur aurait  été confisquée au nom d’un héritage divin nous dit-il. Et si ces derniers avaient fini par accepter le droit de vivre dans un pays amputé en reconnaissant des frontières négociées (ou plutôt imposées), c’était pour enfin cesser une vie d’exilés et de retrouver une dignité.

Mais ce ne fut jamais le cas. Israël n’a jamais respecté la vie humaine et a aussitôt repris sa colonisation et ses meurtres. Ce pays est aujourd’hui génocidaire, un mot qu’il nous avait toujours lancé à la figure pour acheter le silence coupable de nombreuses nations.

Aujourd’hui, 7 octobre, le peuple palestinien compte ses morts, ses affamés et ses sans abris. Il n’a pas le temps de penser au malheur d’une poignée d’otages et de disparus du pays qui commet un génocide les plus atroces de l’histoire. Ce peuple palestinien sait pourtant qu’une vie est précieuse et que chacune en vaut une autre. Mais il est occupé à penser aux dizaines de milliers qu’il doit pleurer et aux centaines de milliers d’autres qu’il doit protéger autant qu’il le peut encore.

Pour ce peuple, hier était le 6 octobre, demain sera le 8 octobre. Le drame palestinien n’a plus de calendrier pour compter les jours abominables que lui fait subir celui qui pleure le 7 octobre.

Israël devrait par contre en avoir un  pour cocher les mois ou les années afin d’égrainer le temps qui le sépare de sa fin. C’est le sort de toutes les colonies, à fortiori les génocidaires.

Boumediene Sid Lakhdar

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Belaïd At Ali : Tabrat (Tazmamt n°9, asebter 458)

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Belaïd At Ali

Juhra n Tbilbuzt tura tabrat i mmi-s Laârbi, d aâssekriw di Lezzzayer, ass n sebt sbeḥ.

A mmi n tasa-w,

Tabrat i yaɣ-d-tceggaâḍ, attan tewweḍ-aɣ-d. Niqal yugi baba-k ad yi-tt-id-isken, armi yas-tt-id-iddem di lǧib gma-k Rabeḥ, ad t-iḥrez Reppi. A mmi, mazal-it kan di nnḥas-nni kan ɣer-i. Lemmer yettaf ur selleɣ ara yakk s lexbar-nwen yakk, temmuten neɣ teddrem. Akka seg wasmi yi-teǧǧam akk, qqimeɣ-d gar wi yilan d wur yi-nli. Tanyirt-iw… Lemmer d ayen ttaâttibent tilawin, iẓra Reppi ttaâttbeɣ, ma lḥiɣ, ma uzzleɣ, ma wteɣ dderz ḥafi, fell-awen.

Akka, armi d ass aneggaru, iruḥ Belqasem ɣer Fransa, ula d slam yugi ad imsalam yid-i. Ass-nni sbeḥ, iǧǧa-yi armi subbeɣ ɣer tmazirt, iruḥ iṭṭef ṭumubil, am win ara irewlen. Inna-yasen, d nek i yeffren akken ur t-ẓerreɣ mara iruḥ !… Muqel a mmi ! Dɣa, a Laârbi, ad ig Reppi tufiḍ-iyi-d ddaw tmedlin, ad ig Reppi ur ḥdireɣ i lferḥ-ik, a mmi aâzizen, d wass-a n sebt ; armi d-uɣaleɣ ɣer uxxam i testaâmel tmeṭṭut-is, Dehbiya, tenna-k : « A yell-i, yurǧa-kem, yurǧa-kem ad d-taliḍ s axxam ad temsalamem… taggara-ya yuyes-ikem, yuzzel ɣer ṭumubil lemmer ad t-teǧǧ ». Twalaḍ a Laârbi a mmi ? Lemmer ad t-teǧǧ, wala ad issuden aqerru n yemma-s-nni i t-id-isaân ! Maâna Belqasem akka si zik ; asmi kan yesaâ sin isurdiyen i yaâzel fell-anneɣ, mar ad aɣ-yerr lxir.

Umayna-agi, iceggaâ-d lmanda i tmeṭṭut-is, tacekkart n uksum i d-tenfeq i nettat akked yess-is. S uqerruy-ik d uqerru n Rabeḥ aâzizen ar qrib mmuteɣ seg useqḍiḍ. Tameddit, testaâmel tewwi-yi-d aftat anect n tḍadect, nniɣ-as : « D bucḥiḍ-nneɣ, ma yekcem-d axxam ! ». Daɣ netta, seg wass-nni aql-i d tamuḍint, deg usu ur ttembiwileɣ ara. Annaɣ a mmi, ma tewaâiḍ cwiṭ, d laâwacer-ayagi d-iteddun : medden akk ad zlun, ad ččen, ad ferḥen, nekkni ḥaca ma yella kra i yaɣ-d-tcegaâḍ keč. Lemmer d lebɣi ad d-taseḍ, keč s yiman-i, ad k-nẓer, ad nemwali, cedhaɣ-k aṭas-ayagi tura… neɣ mulac, ceggaâ-d lxersum d cwiṭ n yedrimen swayes ara nbeddel imensi.

Gma-k Rabeḥ s yixf-is meskin ar ḥafi, aâryan, i la ileḥḥu, lukan ad as-d-tefkeḍ cwiṭ n tbalṭut swayes ara idel iman-is. Ata la teqqareḍ di tebrat akken kan i d-teffɣeḍ si sbiṭar ? Annaɣ a mmi ttḥadar iman-ik. Tezwar seḥḥa-k. Ma ur tezmireḍ ara ad d-truḥeḍ, ma d idrimen i d-tefkiḍ, ur ten-id-ččeggiɛ ara ɣer yisem n baba-k, ad ten-iffer fell-anneɣ. Efk-iten-id ɣur win akken i yak-mliɣ yumayna, ad ten-id-yawi s afus-iw. Lukan d akken d uwqim tili aql-ak yagi s tmeṭṭut-ik dagi ɣur-i… ad tt-waliɣ meqqar… ahat ad mmteɣ ur ḥḍireɣ i warraw-ik ?! Ala keč d Rabeḥ, saâet-agi, ideg ṭammaâeɣ ad iyi-terrem cwiṭ n lxir. 

A tameṭṭut n Ferḥat, mi telsa taqendurt tajḍit, ad tleḥḥu deg-s di lḥara, tini-yas akken ad as-sleɣ : « Ad iyi-iḥrez Reppi argaz-iw i yi-d-ifesslen ! » Meḥsub a Laârbi a mmi : « sel-d a tamɣart, kem ileḥḥun aâryan ». Maâna ɣur-s lḥeqq, imi d nek la tlusuɣ kan ijerbuben. Armi ula d baba-k, mi yas-d-tesqezzeb s ufenǧal n lqahwa, neɣ s teḥdert n uɣrum, ad iyi-ittnaɣ nek. Yini-yak : « d kem i d tamcumt ! D kem i yenfan arraw-nneɣ ». Tabaɛ, ula d Rabeḥ s yiman-is, yumayen-agi  ufiɣ-t-id la s-iqqar i baba-s :

– Ur zewǧeɣ ara alamma temmut yemm-a !

Yemma-s-nni i t-issutḍen !… A war t-tqas tebbuct-nni dɣa yeṭṭeḍ akken deg-i. Maâna netta meẓẓi… ẓriɣ d imeqqranen i yas-iheddren, yagi bɣan ad t-awin d ubrid-nni i wwin nutni… Ad t-yemnaâ Reppi di daâwessu… 

Ferḥat, umayna, yuǧew-d tleṭṭac n lgelbat n temẓin, sliɣ-as s umeẓẓuɣ-agi ara yečč wakal, la s-iqqar i tmeṭṭut-is, weḥḥed-sen : « armi d tura i thennaɣ ». Ithenna imi yeǧǧa yemma-s !… Sakin arraw-is ad senaâten tirbaâtin n uɣrum s zzit, di lḥara, am win innan « ccah ! Muqel kan nerwa ». Nek sakin ad tt-rreɣ i yimeṭṭawen. Ma d baba-k, tikwal ibeqqu ad iyi-irnu tiɣrit, yini-yak : « Nɣant-kem tismin ula deg warraw-im ». Attan a mmi aâzizen lihala n yemma-k. Ad rnuɣ sakin ass kamel iḥerqan, tazzla ɣer tala, d isɣaren, d aman, d leqdic i lxert n laâmer-iw, armi atan kerfent tgecrar-iw, iḍarren-iw akk jerḥen, ula d lkanun ɣer umnar, alamma s taâkkazt i ttebdadeɣ… Lumaâna ulayɣer k-rnuɣ aɣbel-nneɣ. Berkak-k leḥq-ik. 

Annaɣ a mmi ḥader iman-ik ! Jmaâ idrimen, tamurt dagi temmut di laẓ. Wa ad itečč ala ayen ẓiden, wa ad yeskad kan s tiṭ-is. 

Nekkni aql-aɣ bxir, neḥmed-it, ncekker-it. Ekkes aɣbel i wul-ik. Ɣur-k kan annaɣ a mmi, lmanda efk-itt-id ɣur « winna i k-nniɣ ». Ini-as ad yi-tt-id-yefk s afus-iw. D ayagi a mmi.

Axxam a la nettellim-n fell-ak.

Yemma-k : Juhra. 

Belaïd At Ali

Timerna/notes :

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Mali : le Jnim multiplie les attaques, l’armée et les chasseurs dozos exécutent au moins 28 personnes

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Le groupe terroriste #JNIM a diffusé une vidéo montrant 61 soldats maliens et burkinabè captifs, certains détenus depuis plusieurs années, capturés lors de différentes attaques.
Le groupe terroriste #JNIM a diffusé une vidéo montrant 61 soldats maliens et burkinabè captifs, certains détenus depuis plusieurs années, capturés lors de différentes attaques.

Au Mali, les jihadistes du Jnim, liés à al-Qaïda, revendiquent plusieurs attaques ce 6 octobre 2025 contre l’armée malienne dans les régions de Sikasso et Tombouctou. Durant le week-end, plusieurs civils ont été enlevés et des camions citernes incendiés par les jihadistes.

Dans ce contexte, l’armée malienne poursuit ses opérations. Au cours de l’une d’elle, au moins 28 personnes ont été exécutées. C’était le 2 octobre à Kamona-Pont, dans la région de Ségou.

Kamona-Pont est un petit village de la commune de Pogo, cercle de Niono. Selon les nombreuses sources locales jointes par RFI, les militaires maliens et leurs supplétifs chasseurs traditionnels dozos y sont arrivés jeudi en fin de matinée, à bord de plusieurs véhicules et motos. Les hommes qui n’ont pas pris la fuite ont été sommairement exécutés : certains par balles, d’autres égorgés. Au moins 28 corps ont été enterrés le lendemain vendredi, selon un témoin direct, qui explique que les victimes appartiennent à diverses communautés : peules, bozos, bambaras, bellas. D’autres sources avancent un bilan plus élevé de 35 à 37 morts.

Plusieurs sources rapportent également l’exécution samedi matin, toujours par les Forces armées du Mali (Fama) et leurs supplétifs dozos, et toujours dans la région de Ségou, de six personnes qui se rendaient à la foire hebdomadaire de Dougabougou.

Populations prises en étau

Le Jnim, lié à al-Qaïda, est très actif dans la région de Ségou, où les populations sont depuis des années prises en étau entre les jihadistes, qui imposent leur loi dans de nombreux villages, et l’armée, dont les opérations antiterroristes sont régulièrement entachées de bavures contre des civils. Les villageois vivant dans des zones passées sous contrôle jihadiste déplorent être souvent considérés comme complices par l’armée.

L’état-major n’a pas communiqué sur l’opération de Kamona-Pont et, sollicité par RFI, n’a pas donné suite. La veille, le 1er octobre, l’armée indiquait avoir « neutralisé » « deux terroristes en train de collecter la zakat [l’impôt, NDLR] sur de paisibles paysans » près de Seribala, dans la même zone de Niono.

Les jihadistes du Jnim, de leur côté, multiplient les attaques sanglantes. Les jihadistes revendiquent la prise de contrôle ce lundi matin d’un poste militaire à Koutiala, région de Sikasso, et une attaque à Niafunké, région de Tombouctou, contre un véhicule de l’armée malienne et du Corps africain russe, sans fournir de bilan. La veille, dimanche, des camions-citernes ont encore été incendiés dans la région de Sikasso, précisément à Louloni. Ce lundi 6 octobre, c’est à Kolondieba, près de la frontière ivoirienne, que le Jnim a mis le feu à des camions-citernes.

Le manque de carburant se fait de plus en plus ressentir dans tout le pays, y compris dans la capitale Bamako, en dépit des escortes militaires mises en place par l’armée pour tenter de sécuriser des convois de camions-citernes. Des contacts ont également été établis avec le Jnim par des notables de la région de Mopti, sous l’égide des services de renseignements maliens, pour tenter de négocier la fin de ce blocus sur le carburant. Selon les sources locales jointes par RFI, ces négociations n’ont pas abouti à ce stade.

Route Bamako-Ségou

Le Jnim, de plus en plus actif sur la route qui relie Bamako à Ségou, a enlevé dimanche deux civils près de Konobougou. Selon certaines sources, les deux hommes travaillaient pour l’Office du Niger, un organisme public, ce que RFI n’a pas été en mesure de confirmer. Vendredi, c’est le président du Conseil régional de Ségou, Siaka Dembélé, et son chauffeur, qui étaient enlevés. Jeudi, sur la même route, les jihadistes avaient tué l’ancien député de Ségou Abdoul Jalil Mansour Haïdara.

Une information plus réjouissante en revanche : la libération samedi soir d’Ousmane Kampo. Le maire de Konna, région de Mopti, était détenu par les jihadistes du Jnim depuis le 25 mai dernier.

RFI

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Peut-on mieux taxer les plus riches de la planète ?

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Taxe Zucman

La taxe Zucman, qui fait actuellement beaucoup de bruit de par le monde et plus particulièrement en France, pourrait-elle être une réponse aux demandes de l’Unesco qui veut une meilleure répartition de la richesse sur la planète ?

Cette année, le magazine Forbes recense plus de 3 000 personnes au classement mondial des milliardaires. Ceux-ci possèdent au total 16 000 milliards de dollars. Quand il a publié son premier recensement en 1987, il n’y avait que 140 noms.

En Afrique, quatre milliardaires détiendraient 57,4 milliards de dollars, soit plus que la richesse combinée de la moitié de la population du continent, environ 750 millions de personnes.

Selon les chiffres d’Oxfam, la fortune des milliardaires a augmenté de 6 500 milliards de dollars en 10 ans. Le 1 % le plus riche de la population mondiale a vu sa richesse explosée de 33 900 milliards de dollars « de quoi éradiquer la pauvreté mondiale annuelle 22 fois », affirme l’organisme qui plaide depuis plusieurs années pour une meilleure répartition des richesses.

Pour Gabriel Zucman, professeur d’économie à l’université de Californie à Berkeley et à la Paris School of Economics, la priorité serait donc de taxer les super riches, «Non seulement ce sont les personnes les plus riches du monde, mais ce sont aussi celles qui paient le moins d’impôts. »

Pour une taxe sur les grandes fortunes

Dans la lignée des travaux de Thomas Piketty, la taxe Zucman s’est imposée dans le débat public pendant le G20 en novembre 2024. Elle propose aux États de la planète de récupérer de 200 à 250 milliards de dollars par an par un impôt minimum de 2 % sur la fortune d’environ 3 000 milliardaires. Lors du sommet du G20, le Brésil, l’Allemagne, l’Espagne et l’Afrique du Sud ont signé une motion en sa faveur pour augmenter les ressources publiques et réduire les inégalités.

Bien qu’elle n’ait pas été adoptée par le G20, le communiqué final mentionnait : « Nous allons essayer de coopérer pour nous assurer que les individus les plus riches soient imposés de façon effective. » Que ce soit au Royaume-Uni, en Allemagne, en Norvège ou au Brésil, l’impôt sur les grandes fortunes fait actuellement l’objet de mobilisation.

La taxe Zucman fait aussi beaucoup de vagues en France dans une version ou le patrimoine qui dépasse 100 millions d’euros est ciblé. Celle-ci a été adoptée par l’Assemblée nationale française, mais rejetée par le Sénat.

Le prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz, ex-conseiller de Bill Clinton et l’économiste américaine Jayati Ghosh sont pour la taxe Zucman.

Des économistes influents tels Jean Pisani-Ferry et Olivier Blanchard se disent aussi favorables à cette taxe, faute de mieux.

Ceux contre

Considérant l’état actuel des forces politiques sur la planète, il y a peu de chance que Donald Trump décide de taxer les milliardaires.

L’organisation patronale française, Medef, dans un document de 14 pages qui a été distribué à des chefs d’entreprise et au lobby patronal en région, donnait des arguments pour gagner la bataille contre « la taxe Zucman ». Il demandait aux Medef territoriaux de contacter les parlementaires socialistes pour « les sensibiliser sur les risques importants que de telles mesures feraient courir aux entreprises de leur territoire ».

Le document proposait que ces organismes territoriaux trouvent des témoignages de chefs d’entreprise dont l’activité serait grandement menacée par cette taxe et d’autres législations similaires. Ceux-ci devaient lister les innovations qui seraient bloquées par une politique fiscale trop défavorable.

Le milliardaire Bernard Arnault, la personne la plus riche de France, a dénoncé la taxe Zucman, qualifiant son auteur de « pseudo-universitaire d’extrême gauche ». PDG de LVMH, il affirme que cette loi est alignée sur une idéologie qui « vise la destruction de l’économie libérale » mettant même en doute la compétence universitaire de Zucman.

Le premier ministre français, Sébastien Lecornu, pour sa part, ne veut pas appuyer la taxe Zucman considérant qu’elle est dangereuse pour l’économie et l’emploi. Il propose plutôt une taxe sur les holdings qui ne toucherait pas aux biens professionnels.

Répondre positivement à l’UNESCO ?

Norma Cohen, une ancienne journaliste du Financial Times, actuellement chercheuse à la Queen Mary University of London, affirme que l’impôt sur le patrimoine a longtemps constitué la principale source de revenus de plusieurs pays. Elle date du milieu et de la fin du XXe siècle au Royaume-Uni. « Jusqu’à la Première Guerre mondiale, presque personne ne payait d’impôt sur le revenu dans le pays », affirme-t-elle.

Gabriel Zucman fait valoir que sa taxe veut instaurer un plancher et non surtaxer qui que ce soit. Des législations pourraient être mises en place pour éviter que les grandes fortunes aillent s’installer dans des paradis fiscaux.

Ce ne serait pas une première pour plusieurs pays. Afin d’éviter que les riches ne placent leur fortune à l’étranger, certains pays ont déjà adopté une taxe à la sortie. L’Allemagne, le Japon, l’Australie, la France et le Canada font partie des 14 pays de l’OCDE à taxer la différence entre le coût d’acquisition et la valeur réelle d’un bien de ceux qui quittent fiscalement le pays. Les États-Unis, eux, taxent plutôt les individus qui renoncent à leur citoyenneté américaine.

Cette menace, bien que réelle, pourrait être exagérée. Le directeur du groupe de réflexion britannique CenTax et professeur à l’université de Warwick, Arun Advani, affirme qu’« Il y a moins d’exilés fiscaux qu’on ne le pense, mais il y en a. »

L’économiste Thomas Piketty a commenté pour sa part à ce sujet que la taxe Zucman est un « minimum syndical » et qu’il faudrait un siècle pour simplement revenir au niveau de 2010 en l’appliquant.

Michel Gourd

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Libertés syndicales et pouvoir d’achat : la CSA interpelle Tebboune et dénonce un climat de « répression »

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Tebboune nomme le gouvernement Sifi Ghrieb
Tebboune sourd aux appels des syndicats, de l'opposition et des Algériens.

La Confédération des syndicats algériens (CSA) a appelé le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, à intervenir face à la dégradation du climat syndical en Algérie.

Dans un communiqué diffusé le 4 octobre, la CSA dénonce une « politique de restriction et de répression » visant les représentants des travailleurs. Elle évoque la multiplication des suspensions, mutations et poursuites judiciaires « injustifiées » contre des syndicalistes, citant notamment Massoud Boudissa et son collègue du CNAPESTE ainsi que Lounis Saïdi, ancien responsable de la Fédération des cheminots.

La Confédération fustige également les entraves administratives persistantes, rappelant qu’elle attend toujours son agrément depuis 2018 et dénonçant l’interdiction de réunions, l’absence de récépissés et la non-publication des décrets sur la représentativité syndicale.

Sur le plan social, la CSA lie la défense des libertés syndicales à la question du pouvoir d’achat, mis à mal par « la flambée incontrôlée des prix ». Elle réclame la révision des lois 23-02 et 23-08 sur l’exercice du droit syndical et de grève, ainsi que l’application des décisions présidentielles relatives aux statuts particuliers et régimes indemnitaires de la Fonction publique.

Tout en affirmant son attachement au dialogue social, la CSA appelle à la mobilisation de ses membres, soulignant que « jamais un droit n’est perdu lorsque des revendications sont formulées ».

La rédaction

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NAPEC 2025 à Oran : Mohamed Arkab annonce 60 milliards de dollars d’investissements

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Arkab au Naped

En inaugurant, lundi, la 13ᵉ édition du Salon et Conférence internationale sur l’Énergie et l’Hydrogène en Afrique et en Méditerranée (NAPEC 2025), le ministre d’État, ministre des Hydrocarbures et des Mines, Mohamed Arkab, a fait la promotion de  la stratégie énergétique et minière de l’Algérie. L’occasion d’annoncer un plan d’investissement de 60 milliards de dollars à l’horizon 2029, tout en lançant un appel à de nouveaux partenariats internationaux, notamment dans l’exploitation minière.

Placée sous le thème « Accélérer l’énergie de demain », cette édition du NAPEC a réuni à Oran décideurs, experts et grandes compagnies énergétiques du monde entier. Dans son allocution, le ministre a réaffirmé la position stratégique de l’Algérie comme acteur clé de la sécurité énergétique mondiale, grâce à une politique articulée autour de trois axes : valorisation des hydrocarbures, transition vers les énergies propres, et diversification minière.

Des investissements massifs pour moderniser le secteur énergétique

Mohamed Arkab a révélé que l’Algérie projette de mobiliser plus de 60 milliards de dollars dans les domaines des hydrocarbures, de la pétrochimie et du raffinage entre 2025 et 2029. « Près de 80 % de ces montants seront consacrés aux activités amont, notamment l’exploration et la production », a-t-il précisé.

Parmi les projets structurants, le ministre a cité la nouvelle raffinerie de Hassi Messaoud, la construction d’unités de méthanol et de carburants propres, ainsi que le développement d’une industrie pétrochimique à forte valeur ajoutée. Il a également évoqué l’appel d’offres international lancé en 2025, ayant abouti à l’attribution de cinq blocs à des groupes majeurs comme Qatar Energy, Eni, Sinopec et TotalEnergies, pour un montant d’environ un milliard de dollars.

Le ministre a rappelé que la transition énergétique ne saurait signifier l’abandon des ressources fossiles : « Le gaz naturel reste un combustible de transition incontournable, dans un contexte de demande mondiale croissante », a-t-il soutenu, citant les projections de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

Hydrogène et transition verte : une stratégie à long terme

Sur le plan environnemental, Mohamed Arkab a mis en avant l’engagement de Sonatrach à réduire le torchage à moins de 1 % d’ici 2030 et à adhérer aux initiatives mondiales « Zéro Méthane » et « Fin du torchage routinier ». Il a par ailleurs évoqué le lancement d’un programme national de reboisement de plus de 520 000 hectares, associant captation du carbone et création d’emplois locaux.

Le ministre a également réaffirmé le rôle de l’Algérie dans le développement de l’hydrogène vert, présenté comme une opportunité stratégique pour diversifier les exportations énergétiques vers l’Europe et l’Afrique.

Les mines, nouveau pilier de la diversification économique

Consacrant une large partie de son intervention au secteur minier, Arkab a invité les partenaires étrangers à « devenir acteurs des futurs succès miniers algériens ». Il a mis en avant plusieurs projets structurants : le gisement de fer de Gara Djebilet, le complexe intégré de phosphate de Tébessa, ainsi que les futurs sites d’exploitation du zinc et du plomb à Béjaïa.

Ces projets, a-t-il expliqué, traduisent « la volonté du gouvernement de transformer la richesse minière en valeur ajoutée locale », en misant sur la formation, le transfert technologique et les partenariats public-privé.

En conclusion, Mohamed Arkab a lancé un appel clair  aux investisseurs étrangers  :  « L’Algérie est une terre d’opportunités. Nous disposons de ressources abondantes, d’une stratégie claire et d’une volonté d’ouverture. Nous n’invitons pas seulement à constater nos avancées, mais à en devenir partenaires. »

Samia Naït Iqbal

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Chadia Arab et Annelise Verdier : « Derrière chaque fraise cueillie en Espagne, il y a une femme marocaine »

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Chadia Arab et Annelise Verdier

Chadia Arab et Annelise Verdier ne sont souvent que des chiffres dans les rapports officiels, anonymes derrière les barquettes de fruits qui emplissent nos étals. Mais derrière chaque fraise cueillie en Espagne, il y a une femme marocaine, souvent pauvre, analphabète, mère, et porteuse d’une histoire faite de sacrifices, de solidarité et de courage.

Dans Dames de fraises, la géographe Chadia Arab et l’autrice de bande dessinée Annelise Verdier unissent enquête et récit graphique pour dévoiler la réalité méconnue de ces travailleuses saisonnières. Entretiens croisés.

Le Matin d’Algérie à Chadia Arab : Qu’est-ce qui vous a poussée à enquêter sur le quotidien des « dames de fraises » et sur la migration saisonnière féminine marocaine ?

Chadia Arab : Mes choix se portent sur des populations invisibles et vulnérables. Le sujet des « Dames de fraises » m’a interpellée dans le cadre de ma thèse sur les migrations marocaines vers l’Europe des Aït Ayad. Il y avait là un enjeu de genre et d’inégalités : ces femmes ne sont souvent que des chiffres dans les rapports officiels. J’ai voulu leur donner un visage, raconter leur vie au Maroc, leur parcours migratoire et leurs conditions de vie en Espagne.

À travers cette migration circulaire, c’est tout un système de précarité et d’inégalités qui se révèle. Mon enquête a également un objectif de sensibilisation et d’action politique : fournir des connaissances pour orienter les décisions.

Ce travail montre que derrière la façade d’une migration « encadrée et éthique » se cache une réalité très dure pour ces femmes rurales, souvent pauvres et analphabètes. Depuis la première enquête, j’ai pu constater les effets persistants de cette précarité et de l’exploitation, mais aussi la force et la résilience de ces femmes. 

Ces parcours sont un miroir des politiques migratoires et de leurs limites concrètes sur le terrain. J’ajouterais que ce travail m’a permis de prendre conscience de la puissance des voix individuelles pour éclairer des problématiques collectives, et combien chaque récit compte pour modifier les perceptions et les politiques. Il m’a aussi révélé l’importance de l’écoute et de la confiance : chaque parole recueillie est un fragment précieux d’histoire.

Le Matin d’Algérie à Annelise Verdier : Qu’est-ce qui vous a séduite dans ce projet pour transformer une enquête académique en bande dessinée ?

Annelise Verdier : A vrai dire j’avais déjà travaillé deux fois sur le thème des Dames de fraises. D’abord pour la Via Campesina (grâce à qui tout a commencé) qui est une organisation internationale pour le droit des paysans, au travers d’une BD un peu plus courte, puis pour la Revue Gibraltar, avec une histoire qui faisait une quinzaine de pages. Simona Gabrielli, qui était en contact avec l’éditrice marocaine de Chadia, Kenza Sefrioui, m’a proposé d’adapter « Dames de fraises » et d’en faire un livre. Je connaissais bien le livre de Chadia. J’ai accepté. C’était juste après le Covid, je savais que je repartais dans les fraises pour un long moment. 

Le Matin d’Algérie à Chadia Arab : Pouvez-vous partager une rencontre ou un témoignage marquant parmi ces femmes ?

Chadia Arab : Chaque rencontre a été marquante. Je repense à Saida, rencontrée en 2008 avant son départ pour l’Espagne, qui m’a permis d’entamer mon enquête ethnographique. Je me souviens aussi du groupe de dix femmes harcelées et exploitées, que j’ai retrouvées en Espagne en 2018.

Enfin, Zahra m’a profondément bouleversée : mère célibataire rejetée, analphabète, elle a trouvé dans la migration une voie vers sa dignité. Grâce à son travail, elle a été réintégrée dans sa famille et est devenue un pilier familial. Son parcours illustre la capacité des femmes migrantes à s’émanciper dans un contexte hostile, et leur force silencieuse face aux politiques migratoires.

Chaque entretien avec Zahra ou d’autres femmes m’a rappelé combien l’histoire individuelle peut éclairer des dynamiques sociales complexes, et combien la migration transforme non seulement les individus, mais aussi leurs familles et communautés.

Ces rencontres m’ont aussi appris à observer la résilience dans les gestes simples du quotidien et à comprendre leur stratégie de survie.

Le Matin d’Algérie à Annelise Verdier : Comment avez-vous choisi le style graphique pour représenter ces femmes et leur environnement de travail ?

Annelise Verdier :Je voulais au départ travailler en traditionnel (sur du papier) car je venais de travailler à un projet collectif où j’avais produit un récit aux crayons de couleurs. Ayant passé un long moment sur la préparation, enquête, scénario, documentation, recueil des images nécessaires… j’ai éprouvé le besoin d’accélérer et de rentrer dans la réalisation des pages. J’ai investi dans une tablette à écran qui m’a permis de faire l’encrage et la couleur sur photoshop et de gagner du temps. C’était important de pouvoir revenir en arrière, corriger facilement au fur et à mesure des relectures de Simona et Chadia.

Le Matin d’Algérie à Chadia Arab : Quelles formes principales d’exploitation ou d’injustice avez-vous observées sur le terrain et comment les avez-vous documentées ?

Chadia Arab : La migration saisonnière féminine est encadrée par des conventions entre le Maroc et l’Espagne, mais elle est doublement discriminatoire. Les femmes sont sélectionnées en fonction du genre et doivent avoir des enfants de moins de 18 ans. Une fois sur place, leurs libertés sont limitées et plusieurs droits sont bafoués : droit au travail, droit social, droit à la santé, droit à la mobilité et même droit à une vie conjugale normale. J’ai documenté ces situations grâce à une méthodologie mixte : plus d’une centaine d’entretiens semi-directifs, des questionnaires, et un suivi longitudinal des parcours migratoires entre le Maroc et l’Espagne, parfois sur plusieurs années. La documentation a été renforcée par l’observation directe, le dialogue avec les syndicalistes et des missions de terrain à Huelva.

En ajoutant ces dimensions, l’objectif était aussi de montrer que derrière chaque donnée statistique se cache une vie humaine, avec ses stratégies de survie et ses contradictions. Cela m’a permis de mettre en évidence la complexité du système migratoire circulaire et de rappeler que les politiques, bien que théoriquement éthiques, ont des conséquences concrètes sur la vie de ces femmes.

Le Matin d’Algérie à Annelise Verdier : Quels ont été les principaux défis pour traduire en images la dure réalité tout en respectant la dignité de ces travailleuses ?

Annelise Verdier : Le plus gros défi a été de trouver des images de l’intérieur des entreprises. Elles sont fermées comme des prisons pour beaucoup, donc il faut avoir des contacts de l’intérieur. Des femmes rencontrées au Maroc m’ont montrée des photos sur leur téléphone. Et plusieurs ouvrières rencontrées sur place grâce au SAT, m’ont aidée en m’envoyant des images, notamment du travail de nuit à la lampe frontale. J’ai reçu des vidéos de femmes en colère qui montraient des habitations dans des états épouvantables. Dans tous les cas, s’il y a un manque de dignité, c’est de la part des employeurs qui louent des logements qu’ils ne donneraient pas à leur chien, sans la possibilité de boire et se laver à volonté. Pour ma part, j’ai du mal à dessiner des scènes de violence – le viol par exemple – est plutôt suggéré ou sous entendu, le mot n’est réellement prononcé que par l’avocate dans la scène du commissariat.   

Le Matin d’Algérie à Chadia Arab : Comment avez-vous travaillé pour restituer la complexité de leur vie : entre précarité, sacrifices et solidarité ?

Chadia Arab :Depuis 2009, mon enquête est longitudinale et transnationale. Elle repose sur des entretiens approfondis, des questionnaires et l’observation des conditions de travail, des dynamiques familiales et des logiques migratoires. Les visites sur le terrain, accompagnée de syndicalistes ou en soirée, m’ont permis d’accéder aux coopératives et logements malgré la méfiance croissante.

Cette approche mixte rend compte à la fois de la vulnérabilité et de la solidarité entre ces femmes. Mon objectif était aussi de montrer que leur solidarité est stratégique et vitale : elles s’entraident pour survivre dans des conditions extrêmes et maintenir un équilibre familial et social. J’ai également observé la créativité et l’ingéniosité de ces femmes pour gérer le quotidien, protéger leurs enfants et maintenir un lien avec leur famille malgré l’éloignement et les contraintes sociales et légales.

Le Matin d’Algérie à Annelise Verdier : Comment s’est passée votre collaboration avec Chadia Arab pour rester fidèle à l’enquête tout en créant une narration visuelle forte ?

Annelise Verdier : Chadia m’a laissée assez libre pour l’interprétation : je voulais créer une fiction pour ne pas tomber dans une simple accumulation de témoignages avec un chapitre par femme, etc. Il fallait une histoire avec un lien entre les personnages- et je voulais mettre aussi de ma propre expérience, des personnes que j’ai rencontrées et des lieux que j’ai vus. Grâce à Chadia, j’ai rencontré des femmes au Maroc qui ont le profil des Dames de fraises -de milieu rural et très pauvres- et je suis allée à Huelva où le syndicat m’a permis d’en rencontrer d’autres et de voir les lieux, les entreprises et les bidonvilles. Chadia a un peu orienté aussi les parcours des personnages- par exemple il fallait montrer que certaines personnes s’en sortent mieux que d’autres, comme le personnage de la dame berbère qui est très contente de sa migration et améliore un peu plus sa maison chaque année. Pour ce qui est de la narration visuelle,il y a un code couleur pour le Maroc et un autre pour l’Andalousie, où le paysage déformé par les serres est presque un personnage en soi.

Le Matin d’Algérie à Chadia Arab : Quel message souhaitez-vous que le public retienne de cette bande dessinée et de votre enquête ?

Chadia Arab : Je souhaite que le public comprenne que derrière chaque fraise, il y a une femme avec un parcours de vie complexe, courageux et digne. Mon livre et la BD veulent briser l’invisibilité, donner des visages et des voix à ces femmes, et éveiller les consciences sur l’exploitation et la résilience qui se cachent derrière la migration saisonnière féminine. Il s’agit de rendre visible l’invisible et de rappeler que l’empathie est un premier pas vers la justice sociale. Ces histoires doivent aussi inciter à repenser la manière dont nous consommons, comprenons et valorisons le travail des femmes migrantes

Le Matin d’Algérie à Annelise Verdier : Y a-t-il des scènes ou des gestes précis que vous avez voulu mettre en avant pour faire ressentir l’épuisement et la solidarité des femmes ?

 Annelise Verdier : Oui, dans certaines pages j’insiste sur les gestes de la cueillette, la nécessité des gants, le mal au dos. La scène où Farida s’assoit et se plaint est un résumé de toutes les douleurs que j’ai pu constater à Huelva : une jeune femme rencontrée au syndicat m’a montré ses mains, toutes brûlées après seulement 10 jours de travail sans gants. Dans le bidonville, une autre femme m’a parlé des ongles de pieds qui se décollent quand on travaille sans bottes.

Ce sont des réalités qu'on ne peut pas inventer, imaginer quand on ne les vit pas. La solidarité est essentielle entre elles pour tenir le coup, cacher une grossesse, résister aux pressions des chefs, boire... ce sont aussi des femmes qui sont habituées à se penser en commun, en collectif, avec de bons et de mauvais côtés- elles cuisinent ensemble, souvent par chambrée, mais elles se surveillent aussi. 

Le livre de Chadia montre bien comment la migration les oblige aussi à se penser comme individu, pour la première fois – ce n’est pas rien de voyager seule, d’arriver dans un univers inconnu dont on ne maitrise pas la langue, d’être séparée de sa famille pour la première fois, de devoir prendre une décision quand on est pas habituée à dire « je ».

Le Matin d’Algérie à Chadia Arab : Depuis votre première enquête, quelles évolutions ou changements avez-vous pu observer dans le travail saisonnier en Espagne ?

Chadia Arab :  Les conditions de travail se sont souvent aggravées : intensification, cadences plus dures, pression accrue, risques sanitaires liés aux pesticides, et difficulté croissante d’accès aux coopératives pour enquêter. La précarité reste massive et les protections insuffisantes. La dégradation écologique et sociale alerte sur la nécessité de repenser ce modèle agricole. L’accès limité aux femmes et aux coopératives témoigne également d’un climat de méfiance et d’intimidation croissante, renforçant la vulnérabilité des saisonnières et rendant la documentation sur le terrain plus complexe qu’auparavant. Ces évolutions montrent aussi que la solidarité et la résilience des femmes restent leur force la plus précieuse, malgré la pression croissante des structures institutionnelles et économiques.

Le Matin d’Algérie à Annelise Verdier : Quel impact espérez-vous que cette bande dessinée ait sur le lecteur et sur la visibilité de ces parcours de vie marginalisés ?

Annelise Verdier :Ce que je pense important c’est de faire du lien entre ce que nous mangeons, c’est à dire des fruits et légumes hors saison, et la réalité économique, environnementale et humaine qu’il y a derrière. Le contexte des fraises est particulier, mais peu plus loin à Almeria, ce ne sont pas les fraises mais les légumes qui poussent grâce à des travailleurs migrants sans papiers, sub sahariens pour beaucoup, qui vivent en bidonvilles et n’ont aucun droit. Derrière les fraises et des légumes « pas chers » il y a des humains qu’on exploite. Et des ressources en eau et en terre agricole qu’on épuise et qu’on pollue. Je ne sais pas si ce type de livre peut toucher d’autres lecteurs que ceux qui sont déjà convaincus, mais peut être qu’il fera basculer quelques sceptiques, qui ne font pas de lien, on ne sait jamais!… En tant que consommateurs, nous avons notre rôle à jouer, et le premier est de s’informer. Il faut résister à la propagande de de l’agro industrie qui nous persuade qu’on ne peut pas nourrir la planète sans elle, alors qu’elle nous mène droit dans le mur. 

Entretien réalisé par Djamal Guettala 

Événements à venir

Dans le cadre du Salon du livre métropolitain – Citadelle de Marseille

Samedi 18 octobre

10h‑13h et 14h‑17h : Annelise Verdier au Salon des Éditeurs – Alifbata

Dimanche 19 octobre

14h‑17h : Annelise Verdier au Salon des Éditeurs – Alifbata

Samedi 18 octobre, 18h30

Présentation de Dames de fraises, doigts de fées

Avec Annelise Verdier et Kenza Sefrioui

Librairie Transit – 51 Bd de la Libération, Marseille, 13001

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