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Qui a piqué le fromage de l’Homo docens ? 

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Image par Gerd Altmann de Pixabay

L’Homo docens incarne la profonde singularité de l’espèce humaine : sa capacité à apprendre, intentionnellement, à inventer des défis cognitifs pour ses pairs, et à apprendre de l’autre pour dépasser les limites du déjà connu (Dehaene, 2018 ; Repusseau, 1972). 

Pourtant, à l’heure où l’éducation devrait être l’espace privilégié où s’exprime cette vocation anthropologique, de nombreux étudiants normaliens semblent aujourd’hui marqués par une forme d’inertie cognitive, renonçant à la quête active de savoirs au profit de routines sécurisantes ou, parfois, d’une résignation à la stagnation. 

Pour Dehaene  (2018), si tous les humains ont reçu les structures de la cognition, seuls les membres de notre espèce développent, de manière systématique, l’intentionnalité pédagogique. Homo docens est dans cette perspective celui qui non seulement apprend, mais provoque l’apprentissage chez autrui -enseignants compris- ; qui sait mobiliser ses acquis pour décoder ce que l’autre ignore, concevoir des exercices adaptés, et guider activement le processus d’apprentissage.

Ce mode repose sur la plasticité cérébrale, sur la métacognition et le contrôle de l’attention, talents essentiels, sans lesquels le cerveau reste prisonnier de ses routines (Dehaene, 2018). Cette capacité n’est, cependant, pas déployée dans la communauté académique. Car elle requiert non seulement de l’enseignant de transmettre, mais aussi de l’étudiant le désir d’apprendre.

Gärdenfors et Högberg (2017) rappellent que l’enseignement intentionnel n’est pas simplement la transmission butée des savoirs, mais l’art du questionnement et de l’auto-questionnement, du doute et de la réforme permanente du curriculum pour stimuler les esprits face à la nouveauté.

Dans leur fable allégorique, Johnson et Bernard (2015) proposent une réflexion sur l’adaptation au changement à travers quatre personnages confrontés à la disparition de leur fromage, métaphore du confort intellectuel ou matériel : Sniff et Vouf, les souris, incarnent l’intuition et l’action directe ; Hum et Haw, les nains, traduisent les mécanismes du raisonnement humain, capables de s’attacher à leurs croyances et de résister au mouvement universel du changement. Hum refuse de changer, sommé par la peur, tandis que Haw traverse le labyrinthe, apprend de ses erreurs et réinvente sa trajectoire. Cette histoire met en lumière deux attitudes face à l’incertitude : la défense illusoire de la routine de l’un et la curiosité exploratrice de l’autre. ​​

La comparaison avec les étudiants normaliens d’aujourd’hui révèle une résonance troublante. De par sa vocation, l’ENS, tout comme l’université, devrait être le creuset de l’innovation par la recherche et le questionnement. Or, de nombreux constats font état d’une perte de motivation durable chez nombre d’étudiants.

La routine académique, l’absence de stimulation adaptée, et la défiance envers les défis intellectuels nouveaux engendrent une forme de décrochage cognitif, analogue au comportement d’Hum dans la fable : l’étudiant reste immobile, guettant le retour du « fromage » sans accepter d’en explorer d’autres, se réfugiant dans la répétition des acquis et la passivité critique. L’intentionnalité pédagogique s’éteint, la curiosité est inhibée – le syndrome du fromage disparu devient celui d’une formation sans projet, sans aventure et sans risque.​​

Dehaene (2018) a montré, à partir des neurosciences, que la curiosité n’est pas un trait accessoire mais la condition même de tout apprentissage durable. Si le cerveau n’est pas stimulé par des situations nouvelles, adaptées au niveau de l’apprenant, rien ne sera appris, et la motivation s’épuise (Dehaene, 2018). 

Or, l’institution de l’enseignement supérieur, quand elle ne renouvelle pas ses défis ou valorise la consolidation au détriment de l’exploration, peut engendrer chez l’étudiant non pas l’Homo docens, mais son double négatif : un Homo ignorans résigné, dont seuls les acquis antérieurs sont cultivés, le goût du risque intellectuel inhibé par la peur de l’erreur ou le manque de reconnaissance. Cette situation rejoint les observations de Johnson et Bernard (2015): la peur du changement, la difficulté à quitter la zone de confort, l’attente d’une solution extérieure favorisent la paralysie académique et l’extinction du désir d’apprendre.

Pendant ce temps, Sniff et Vouf, figures de l’intuition et de l’action, incarnent une forme d’apprentissage expérientiel et adaptatif, propre à l’Homo docens : capacité à se tromper, à inventer de nouvelles stratégies, à se lancer sur des pistes inconnues, en mobilisant l’intelligence collective, l’attention à l’évolution des contextes, susceptible de donner lieu à de nouvelles expériences et la volonté de dépasser la routine (Johnson et Bernard, 2015 ; Dehaene, 2018). A l’inverse, Hum et Haw illustrent les travers de l’apprenant figé : rigidité conceptuelle, attachement au statu quo et déni du réel. 

L’école, temple historique de l’apprentissage, en vient trop souvent à dévaloriser la prise de risque ou la curiosité, et fabrique des générations de Hum, vivant dans l’attente vaine du retour du fromage, refusant l’aventure cognitive, incapable d’envisager la multiplicité des fromages possibles. 

Le défi pour les étudiants d’aujourd’hui est de réhabiliter l’Homo docens en eux via le projet personnel, la prise d’initiative intellectuelle, la considération constructive de l’erreur et la quête active du savoir.  

De même, l’art pédagogique ne se résume pas à dispenser passivement des contenus : il exige de l’enseignant une capacité à saisir les signaux faibles du décrochage cognitif, à inventer des défis adaptés, à encourager l’autonomie de pensée et la prise de parole. Comme le rappelle Freire (1968), la pédagogie doit viser la conscientisation, la révolution critique et l’ouverture au dialogue, pour faire de chaque élève un Homo docens, capable d’exercer un regard réflexif et d’enseigner à son tour, dans une dynamique de transmission créative et responsable.​

La crise actuelle des apprentissages, chez les normaliens, doit être comprise comme le symptôme d’un défaut de mobilisation de l’intentionnalité pédagogique, de la curiosité et du goût du questionnement. L’Homo docens peut certes disparaître dans le confort d’un fromage vieilli, néanmoins, il garde toutes ses chances de se réinventer dans l’aventure du labyrinthe, et dans sa capacité à questionner ses certitudes et à explorer l’inconnu: là où l’immobilisme guette, il doit réhabiliter l’audace ; là où la peur paralyse, il doit célébrer l’erreur constructive et le désir d’apprendre. 

Johnson et Bernard (2015) ont bien raison de penser que le changement survient et qu’il déplace le fromage sans cesse, qu’il nous incombe de l’anticiper, et de nous préparer à ce que le fromage bouge. Tel est le profil de l’Homo docens requis dans la société du XXIe siècle.​

Dr Belkacem Hamaïzi, ENS de Sétif

Références bibliographiques

  • Dehaene, S. (2018). Apprendre! Les talents du cerveau, le défi des machines. Paris: Odile Jacob.
  • Gärdenfors, P., & Högberg, A. (2017). The archaeology of teaching and the evolution of Homo docens. Current Anthropology, 58(2), 188-208.
  • Johnson, S., & Bernard, J. P. (2015). Qui a piqué mon fromage?. Michel Lafon.
  • Repusseau, J. (1972). Homo docens: l’action pédagogique et la formation des maîtres. FeniXX.
  • Freire, P. (1968). La pédagogie des opprimés. Agone.

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Gazoduc du Maghreb : l’Algérie dit niet, le Maroc réinvente ses flux énergétiques

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Gazoduc

L’Algérie a tranché sans équivoque : le gazoduc du Maghreb, fermé depuis 2021, ne rouvrira pas. Ce conduit stratégique, traversant le Maroc avant d’atteindre Tarifa, alimentait autrefois le royaume chérifien en gaz naturel. Sa fermeture avait suivi le soutien explicite de Pedro Sánchez au rattachement du Sahara occidental au Maroc, provoquant une rupture diplomatique avec Alger.

Aujourd’hui, cette décision n’est pas simplement énergétique : elle est le symbole d’une souveraineté nationale revendiquée et d’une mainmise sur les flux stratégiques de la région.

Depuis trois ans, le Maroc s’est adapté. Le royaume importe du gaz naturel liquéfié sur les marchés internationaux, principalement en provenance de Russie, qu’il regazéifie dans des centrales espagnoles avant de l’acheminer vers son territoire. Madrid avait accepté d’inverser temporairement le flux du gazoduc pour garantir l’approvisionnement marocain. Mais Alger a posé un veto ferme : aucun gaz ne transiterait via Medgaz ou par bateau si sa destination finale est le Maroc. Cette position confirme l’Algérie comme acteur central dans l’équilibre énergétique de la Méditerranée et du Maghreb.

Cette situation traduit une compétition énergétique croissante. Le Maroc investit dans un nouveau gazoduc transafricain, traversant huit pays pour acheminer le gaz du Nigeria vers le royaume. La Chine soutient ce projet, tandis qu’un autre conduit similaire reliera le Nigeria à l’Algérie, accentuant la rivalité régionale et mettant en lumière l’importance stratégique des routes gazières africaines. L’énergie devient ainsi un instrument de puissance, et chaque décision sur les flux de gaz pèse sur les équilibres diplomatiques et économiques.

Pour l’Espagne, le contexte impose un rééquilibrage stratégique. Les exportations de gaz espagnol vers le Maroc atteignent désormais des niveaux records, tandis que les importations marocaines de diesel ont été scrutées pour leur possible origine russe. Madrid se retrouve ainsi entre deux feux : maintenir sa coopération énergétique avec Rabat tout en respectant les contraintes imposées par Alger, un équilibre délicat où chaque choix peut avoir des répercussions régionales.

Le gazoduc du Maghreb reste plus qu’une infrastructure énergétique : il est le reflet d’une tension persistante entre souveraineté nationale, concurrence régionale et influence internationale. L’Algérie démontre qu’elle ne cédera pas face aux pressions européennes ou espagnoles, et le Maroc confirme sa stratégie de diversification énergétique. Dans ce contexte, la Méditerranée et l’Afrique du Nord apparaissent comme un terrain de rivalités complexes, où énergie, diplomatie et puissance économique se croisent et s’entrelacent.

Cette affaire illustre également une dynamique plus large : la redistribution du pouvoir énergétique en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne, où chaque projet gazié devient un levier stratégique. L’Algérie contrôle toujours ses flux, le Maroc investit dans sa propre autonomie, et l’Espagne tente de jouer un rôle de pont logistique. Dans ce jeu d’influences, le gazoduc du Maghreb demeure un symbole tangible de la géopolitique énergétique, où chaque décision éclaire les ambitions et les alliances régionales.

Synthèse Mourad Benyahia 

Source : Carlos Ribagorda, Okdiario, 16 novembre 2025 lien

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Blessure de Youssef Belaili : un coup dur pour l’Algérie

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Belaili blessé

Le milieu offensif algérien Youssef Belaili, joueur de l’Espérance Sportive de Tunis, traverse une période difficile. Lors du match de la 14ᵉ journée du championnat tunisien contre le Club Africain, Belaili a été victime d’un tacle appuyé qui l’a contraint à quitter le terrain dès la 21ᵉ minute.

Les examens médicaux réalisés ensuite ont confirmé une déchirure du ligament croisé du genou, une blessure sérieuse nécessitant une intervention chirurgicale et une longue période de rééducation.

Cette situation prive l’Algérie de l’un de ses éléments clés au milieu de terrain et en attaque. Belaili devait en effet participer à la Coupe arabe des nations au Qatar ainsi qu’à la Coupe d’Afrique des Nations au Maroc, deux compétitions majeures pour le football algérien. Son absence représente un véritable coup dur pour le staff technique et pour ses coéquipiers, qui comptaient sur sa créativité et son expérience sur le terrain.

Le staff médical de l’Espérance a souligné que l’intervention chirurgicale et le programme de rééducation sont essentiels pour assurer une récupération complète et éviter toute complication susceptible de compromettre la carrière du joueur. La durée de son absence est estimée entre 6 et 10 semaines, ce qui pourrait l’éloigner des terrains pendant les prochains matchs importants de son club et de la sélection nationale.

L’entraîneur de l’Espérance a déclaré après la rencontre que Belaili avait ressenti une douleur aiguë au genou, et que sa sortie du terrain était nécessaire pour prévenir une aggravation de la blessure. Les coéquipiers et le staff technique ont exprimé leur inquiétude face à cette perte temporaire, consciente de l’importance de Belaili dans le système de jeu.

Au-delà de l’aspect physique, cette blessure représente également un choc moral pour le joueur, très attaché à la représentation de son pays lors des grandes compétitions. Les supporters et le public sportif attendent désormais de voir sa détermination et sa résilience face à cette épreuve, espérant un retour rapide et en pleine forme sur les pelouses.

Pour le moment, l’accent est mis sur la réussite de l’opération et sur le suivi rigoureux du programme de rééducation. L’objectif est clair : permettre à Youssef Belaili de retrouver son niveau et de continuer à briller avec l’Espérance Sportive de Tunis et l’équipe nationale algérienne lors des prochaines échéances footballistiques.

Djamal Guettala 

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Exode massif depuis le Mali : l’Algérie face à un défi humanitaire et sécuritaire

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réfugiés maliens
Réfugiés maliens

La crise sécuritaire qui secoue avec l’avancée des djihadistes du GSIM d’Iyad Ag Ghali, le Mali a franchi les frontières pour frapper le Sahel et inquiéter l’Algérie mais aussi la Mauritanie.

Depuis que le groupe armé “Nusrat al-Islam wal-Muslimin” a imposé un blocus du carburant à Bamako, la capitale malienne se retrouve paralysée et les civils exposés à des violences incessantes. L’armée malienne, fragilisée par des mois d’instabilité, peine à protéger la population face aux attaques djihadistes, et l’échec des négociations informelles avec les groupes terroristes ne fait qu’aggraver la situation. Au-delà, l’engagement des mercenaires du groupe russe Africa Corps ne semble pas influer sur la situation sécuritaire.

Conséquence directe : un exode sans précédent vers les pays voisins. Selon des rapports internationaux concordants, environ 300 000 Maliens ont trouvé refuge en Mauritanie, tandis que la Côte d’Ivoire fait face à un afflux inédit de déplacés fuyant les violences. Ces mouvements de population entraînent des défis humanitaires majeurs pour les États hôtes, qui doivent à la fois fournir un accueil et sécuriser leurs frontières. Par ailleurs, le nombre d’enlèvements d’étrangers au Mali a atteint un niveau record cette année, avec 26 victimes recensées, accentuant l’inquiétude des autorités régionales.

Face à cette situation, l’Algérie se retrouve à un carrefour délicat. Si le pays affiche une tradition d’ouverture humanitaire, le président Abdelmadjid Tabboune a rappelé que les crises du Sahel, bien que préoccupantes, ne constituent pas une menace directe pour l’Algérie. Il souligne toutefois que l’afflux potentiel de réfugiés comporte un risque sécuritaire réel, notamment si des éléments armés profitent de ces mouvements de population pour infiltrer le territoire.

Au-delà de l’urgence humanitaire, le défi est aussi logistique et économique : accueillir un grand nombre de réfugiés demande des ressources importantes, que ce soit pour la santé, l’hébergement ou la sécurité. La situation met en lumière la double vulnérabilité des pays frontaliers du Sahel, pris entre la nécessité d’humanité et l’impératif de sécurité.

Cette crise rappelle que l’instabilité au Mali ne reste jamais confinée et qu’elle exerce un effet domino sur l’ensemble de la région. L’Algérie, forte de son expérience dans la lutte contre le terrorisme, est aujourd’hui appelée à conjuguer gestion humanitaire et vigilance sécuritaire pour prévenir toute escalade, tout en restant fidèle à son rôle de refuge pour les populations en détresse.

Mourad Benyahia 

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Belaïd At Ali : Sbiṭar (Tazmamt n°9, asebter 466)

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Belaïd At Ali

Dduklent d tarbaât ɣer sbiṭar, ad d-awint ddwa sɣur temrabḍin n Irumyen.

  1. Aâdidi : D talemmast, taɣezfant, irna teǧhed, d tahrawant, armi ula d irgazen ttagaden-tt i wemseččew. Ayen i yas-d-inna uqerruy-is ad t-id-tini. Nettat ad d-tawi ddwa i taâbbuṭ-is.
  2. ‘’Akufi’’ : (nettat isem-is Mesaâd, lakin qqaren-as akka, degmi tcuff s tuzert am ukufi ; segmi taâwej tɣenjurt-is, tegumma ad taf i zwaǧ. Truḥ tesaâdda-d kra n wussan ɣur gma-s di Lezzayer, daɣ netta tḥefḍ-d sin imeslayen n trumit, tettzuxxu yis-sen ula nebla lmaâna. Nettat, d aqerruy-is.
  3. ‘’Tamesaâuṭ’’ : D tamɣart, nettat ur iẓri ḥed dacu i d lehlak-is, tettruḥu kan tettawi-d ddwawi.
  4. Tilawin nniḍen, akken aṭas, d tarbaât, mkul yiwet d ddwa i teḥwaǧ.
  5. La sœur blanche, tamrabeṭ n Irumyen. Ur tessin ara taqbaylit ad tt-tfhem wala ad tt-tehḍer. Aâni… d tajḍit ɣer tmurt.

Beddent ɣer sdat tebburt n sbiṭar, segmi mazal lḥal, la traǧunt akka agemmaḍ, deg ubrid n Urumi, ad d-teffeɣ ‘’la sœur’’ ad tebdu tikci n ddwawi. Yaf, tabaɛ, dinna ɛument tlawin n tuddar nniḍen, ttraǧunt nutenti. Lakin mkul sut taddart, ddukulent akken d tagemmuct.

La ttraǧunt… ttraǧunt… aṭas ayagi…

Yiwet tmeṭṭut : Annaɣ a Reppi ! Aâni ur d-teldint ara yakk tabburt ass-agi ?…

Tamesaâuṭ : A yell-i… nekkunti dacu ar aɣ-yerren s Adɣaɣ ! Ayagi aql-i mmuteɣ !

Tameṭṭut nniḍen : Akka-agi a yell-i mkul ass ; ɣef cwiṭ n ddwa, alamma neqqim dagi ass kamel… yura…

‘’Akufi’’ : Axaṭer dagi ulac n serbis ! Lukan di Lezzayer…

Aâdidi : Dɣa kem berka ! Imi truḥeḍ kan yippas (yiwen wass) ɣer Lezzayer, dɣa Lezzayer, Lezzayer !

‘’Akufi’’ : A yell-i ! Aâni ad iyi-tekkseḍ ur heddreɣ ara ?…

Aâdidi : Ad am-ikkes Reppi anzaren-nni pakli (n wakli) !… mer kan ad as-qqarent « sut Udɣaɣ akk ttruḥunt ɣer Lezzayer » !…

‘’Akufi’’ : A nnger-im, aâni tufiḍ Lezzayer, tugiḍ-tt ! ‘’Semmum laâdri’’ (1) !… Pudem-im (n wudem-im) !…

Aâdidi : Ala a yexti, pudem-im kan kem ! N tɣenjurt-im !…

‘’Akufi’’ : (tezzi diɣen ɣer tmeṭṭut-nni taberranit) A yell-i nniɣ-am, a lemmer di Lezzayer, ad tili ata aṭas ayagi ideg tewwiḍ ddwa, truḥeḍ s axxam-im, maâna dinna tifermliyin leḥḥunt serbis, serbis…

Tameṭṭut-nni : Tiffer… tiffermi… ?

‘’Akufi’’ : Ti-fer-mli-yin, ih, dinna akka i d ismawen-nsent. Mačči am tigi n dagi, ad tent-ixdaâ Reppi, ur am-ttakent ddwa alamma…

Aâdidi : A yell-i, ad kem ixdaâ Reppi kan kem !… Nek ssneɣ-tent, kra degmi d-ruḥeɣ ɣur-sent fkant-iyi ddwa, ḥliɣ. Ur d-wjiɛeɣ ara di tbermlin, neɣ tibermilin-im !… yerna dɣa a taxeddaât, ihi acimi d-truḥeḍ ass-agi ɣur-sent ?… Mi d iwermilin i tḥemmleḍ ?…

‘’Akufi’’ : Acimi d-ruḥeɣ ?… Aâni d lemzegga-nsent ? D la lwan ad iyi-fkent ddwa bessif !… D berzidan i tent-id-ittxellisen si Fransa !…

Aâdidi : Ad iberreẓ Reppi aqerru-im dɣa ! Alma d deqqal ad as-tiniḍ i Massur (ma sœur) !… (dɣa la sœur atta teldi-d tabburt, kra din n tlawin kkrent ɣef ubrid, guggint ɣur-s, zzint-as, mkul yiwet d akken tettaâggiḍ : « Nnaɣ a Massur ! Annaɣ a Massur ! D nek i d tamezwarut, nnaɣ a Massur ttxil-m ! (la sœur tugad ad tt-aâfsent, temdel diɣen tabburt).

La sœur : Doucement ! Doucement ! (s laâqel kan, s laâqel !)

‘’Akufi’’ : A Massur, sivupli, mwa jiswi buku malad !… sivupli !…

La sœur : (i Ukufi) Viens toi. (Taâdda-d tkufit ɣer la sœur, ad as-temmal akk s trumit dacu i tt-iqerḥen. La sœur teddem-d tiaâqqayin, la sent-id-tḥesseb s afus. Syahin akkin, Aâdidi ur tufi yara akken ad d-taâddi ɣer leḥris-nni n tlawin, la d-treffed kan afus-is s igenni, acebbub ixreb, la d-tesmermuɣ).

Aâdidi : A Massur ! A Massur ! Ur as-ttak ara ddwa i m-yinzer-nni ! A Massur ! Tura kan i yam-tedaâ s ccer ! A Massur ! Irna tezwar-d deg-s !!!

La sœur : (i Ukufi) Qu’est-ce qu’elle raconte celle-a ? (dacu i d-tḥekku tinna ?)

‘’Akufi’’ : A Massur, i fu pa likuti, ili ful. (ur as-smeḥsis ara i tinna, d tameslubt).

La sœur : Ah ! Bien. (Di syen aâddint tilawin nniḍen, wwint mkull yiwet d ddwa i yas-ilaqen. Taâddi akken ula d Tamesaâut, ma d Aâdidi, dɣa segmi simal la trennu s usmermeɣ, mi d-tqerreb ula d nettat nnuba-s, ad as-tini la sœur : « toi la folle, laisse-nous tranquille !», sakin la tt-ttarrant kan ɣer deffir… ar tt-ttarrant ɣer deffir… armi ruḥen akk tlawin, teqqim-d kan nettat weḥd-s d taneggarut.
Ula d sut Udɣaɣ ; niqqal urǧant-tt, urǧant-tt… taggara-ya, ruḥent, tedda yid-sent Kufi. Teḍher-as i Aâdidi, ala Tamesaâut i ibedden weḥd-s deg ubrid n Urumi la tt-tettraǧu. Taâddi sakin ɣer temrabeṭ, tefka-yas-d taqeraâtt n waman n ddwa i taâbbuṭ-is, di syen tsubb-d s abrid, taf-d din Tamesaâût, ruḥent, dduklent. Ass yaâdda di nsaf. Tiyiḍ ahat wḍent yagi s axxam).

Aâdidi : Meqqar d kem turǧaḍ-iyi , ad am-iḥrez Reppi tamgarṭ-im.

Tamesaâut : Hi aâni ad kem-in-ǧǧeɣ ad n-truḥeḍ weḥd-m ?…

Aâdidi : A yell-i !… daya !… tin yeḍran yid-i ass-agi ur tt-tettuɣ ara !…

Tamesaâut : Ayexti !… Ula d kem !… Di laânaya n Reppi dacu ara kem-yawin ad tesmermuɣeḍ akken, neɣ acimi yakk ara teskecmeḍ iman-im deg wayen i kem-ixḍan ?…

Aâdidi : I yi-ixḍan ?… A yell-i nek ɛuddeɣ… maâna… d tidet ɣur-m lḥeqq… lemmer ḥsiɣ akka…

Tamesaâut : Mer ḥsiɣ akka ! Mer ḥsiɣ akka !… daya kan i tessnemt ad tinimt !… Maâna alamma ifut lḥal !… Mer ḥsiɣ akka … (Tamesaâut tkemmel akken testemtum, la tleḥḥu tekna i taârurt-is ɣef taâkkazt ; ma d Aâdidi tebra kan i tuyat-is. Taswiɛt)

Tamesaâut : Mmektiɣ-d yiwen usefru, wissen ma tessneḍ-t ?

Aâdidi : Anwa ?

Tamesaâut : D asefru-nni kan n temɣarin, maâna nek gummaɣ ad t-ttuɣ :

Ay iles illan d aksum
Dacu k-irran d ilili
Aqerru yerwa lehmum
Uli d-ternuḍ keččini
Tura ddunit i leqzub
ɣas ma d ccer yettmenni
Ma ur tettcebbiḥeḍ ara i laâyub
Susem kan xir-ak a mmi !…

Lamaâna atan ula d isefra, alamma ifut lḥal i ten-id-nettawi. Nessen ad nini « mer ḥsiɣ akka » !… « mer ḥsiɣ akka » !…

Belaïd At Ali

Timerna/notes :

  1. « Semmum laâdri « : semmum lqiqeb i wuccen ; semmum-it tẓurin i wuccen…

Avec l’aimable autorisation d’Ibrahim Mohand qui a coordonné, réécrit avec une graphie plus récente et fait rééditer, en 2014, nous publions ici l’ensemble de l’œuvre de Belaïd At Ali. Au fil des semaines, vous retrouverez ici les nouvelles, contes et la poésie de Belaïd At Ali.

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Le détenu d’opinion Mohamed Tadjadit entame une grève de la faim

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Mohamed Tadjadit
Mohamed Tadjadit en grève de la faim. Crédit photo : DR

Condamné arbitrairement à 5 ans de prison ferme par le tribunal criminel d’Alger, Mohamed Tadjadit dit le poète du Hirak entame aujourd’hui dimanche une grève de la faim illimitée.

« C’est là l’ultime recours d’un homme libre pour faire entendre sa voix et se faire l’écho des voix de toux ceux épris de justice, de vérité, d’égalité et de liberté, précise Me Fetta Sadat, militante des droits humains.

Depuis le déclenchement de la dissidence populaire communément appelée Hirak Tanekra, en février 2019, Mohamed Tadjadit a été plusieurs fois interpelé et condamné à la prison ferme. A 31 ans, Mohamed Tadjadit n’aura connu que la prison depuis sous le règne de la dyarchie Tebboune – Chanegriha. Derrière la dernière condamnation à 5 ans de prison ferme, il y a de la part de cette justice punitive mise en branle par le régime comme une volonté de briser la volonté de ce jeune dissident à rester debout.

Cherif Mellal, ancien président de la JSK, qui croupit en prison depuis 4 ans a lui aussi mené plusieurs grèves de la faim. En vain. Le Dr Kameleddine Fekhar, militant emblématique des Mozabites, a également mené une grève de la faim jusqu’à en mourir en prison en 2019.

Mohamed Tadjadit qui ferraille contre l’arbitraire n’ignore rien du cynisme et de l’indifférence manifeste des détenteurs du pouvoir concernant les détenus d’opinion dont ils nient même le statut. Il sait aussi la profonde hybris d’un régime sourd et aveugle. Il mesure chaque jour derrière les barreaux l’absence d’État de droit. Une réalité que tout un chacun connaît : en Algérie, les lois sont instrumentalisées pour neutraliser les voix critiques, et les accusations de « terrorisme” couvrent la répression politique. Quant aux procès équitables relèvent du fantasme. Mohamed Tadjadit se dresse donc comme un prisonnier lucide des pratiques de ceux qui ont décidé de le jeter au trou.

Alors, son cri d’indignation et de dénonciation sera-t-il entendu par ceux-là même qui ont décidé sa condamnation ? A la lumière du sort fait à l’Etat de droit et donc aux libertés, nous craignons que cela ne soit pas le cas malheureusement.

Hamid Arab

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Mansoureh Kamari : « Ma vie passée en Iran m’avait dépouillée de mon identité »

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Mansoureh Kamari
Mansoureh Kamari

Publié par Casterman le 10 septembre 2025, Ces lignes qui tracent mon corps est un roman graphique où Mansoureh Kamari livre une œuvre d’une intensité rare. Entre mémoire intime et dénonciation des violences faites aux femmes, son trait raconte un combat : celui d’une femme iranienne qui se reconstruit à travers l’art.

Installée aujourd’hui en France, l’autrice et dessinatrice revient, dans cet entretien accordée au Matin d’Algérie, sur la genèse de son livre, la puissance du dessin comme thérapie et la portée politique involontaire de son geste créatif.

Ce récit visuel explore la mémoire du corps comme lieu de souffrance, mais aussi comme instrument de libération et de résilience. Chaque planche témoigne de son parcours intime, mêlant expériences personnelles et observations sur la condition des femmes en Iran. À travers ce travail, Mansoureh Kamari invite le lecteur à une rencontre profonde avec l’émotion, la mémoire et la force de l’expression artistique.

Le Matin d’Algérie : Votre album s’intitule Ces lignes qui tracent mon corps. Pourquoi avoir choisi ce titre, à la fois charnel et symbolique ?

Mansoureh Kamari : Parce que la première chose qui m’identifie en tant que femme, c’est ma silhouette. Mais dans ce livre, je dessine non seulement mon corps, mais aussi mes expressions à travers mes lignes. Ces traits transmettent beaucoup de mes émotions et de mes pensées intérieures, qui font aussi partie de mon identité actuelle. Je crois que dans cet ouvrage, je cherche à retrouver mon identité en parcourant mes souvenirs, ce qui finit par dresser un portrait complet de moi en tant que femme artiste.

Le Matin d’Algérie : Vous signez le scénario, le dessin et la narration. Comment s’est construit ce projet, entre besoin personnel et volonté de témoigner ?

Mansoureh Kamari : Le fait d’être à la fois l’auteure et la dessinatrice de ce projet m’a donné une grande liberté pour exprimer mes émotions comme je le souhaitais. J’ai abordé ce livre comme une forme de thérapie, un moyen de traverser des périodes du passé que j’avais essayé d’oublier, car elles étaient trop douloureuses à revisiter. Mais à un certain moment, j’ai compris que ces expériences faisaient partie de ma vie, qu’elles avaient laissé de nombreuses cicatrices, et qu’il fallait les reconnaître et les accepter pour qu’elles puissent enfin commencer à guérir. C’est seulement ainsi que je pouvais, avec le temps, avancer.

Le Matin d’Algérie : Dans le livre, le corps est à la fois mémoire, souffrance et libération. Comment avez-vous trouvé la force de le représenter graphiquement, après tant d’années de silence ?

Mansoureh Kamari : Je pense qu’à un moment donné, j’ai compris que si je voulais vraiment devenir autrice, je devais d’abord apprendre à comprendre mes propres émotions. Comme j’avais beaucoup d’insécurités concernant mes capacités à le devenir, j’ai réalisé que commencer par raconter ma propre histoire pourrait m’aider — et ça a été le cas, même si ce n’était pas facile. J’ai dû affronter beaucoup de doutes et d’hésitations en écrivant ce livre, mais plus j’avançais, plus je prenais confiance en moi et en ma voix d’artiste.

Le Matin d’Algérie : Vous évoquez la peur permanente, les agressions et l’oppression des femmes en Iran. Aviez-vous conscience, en dessinant, que votre geste devenait aussi un acte politique ?

Mansoureh Kamari : Pour être honnête, pas vraiment. Au départ, je voulais simplement raconter mon histoire. Mais la situation que je décris était aussi celle de nombreuses femmes iraniennes. Cela dit, en dehors des lois discriminatoires de la société, ce que je raconte sur ma famille n’est pas la réalité de toutes — tous les pères iraniens ne sont pas aussi violents que le mien. Malheureusement, mon père l’était, et sous les lois islamiques, il avait le pouvoir de faire ce qu’il voulait. Au final, je pense que c’est le système que je remets en cause. Il faut aussi dire qu’en Iran, quand on est une femme et qu’on ne possède ni son propre corps ni sa propre voix, tout ce qu’on fait peut être perçu comme un acte politique.

Le Matin d’Algérie : Votre album paraît à un moment où la voix des femmes iraniennes résonne dans le monde entier, notamment depuis la mort de Mahsa Amini. Comment percevez-vous cette résonance internationale ?

Mansoureh Kamari : Je trouve qu’il est très fort de voir que, malgré toutes les restrictions et les dangers, les femmes iraniennes continuent de se battre et refusent d’accepter l’oppression. Leur courage m’inspire profondément. Quant à l’impact réel à l’international, je ne peux pas vraiment le mesurer moi-même, mais j’espère sincèrement qu’il est important, car leurs voix méritent d’être entendues partout.

Le Matin d’Algérie : Vous avez dit que dessiner, c’était se libérer du passé. Peut-on dire que cet album est une forme de thérapie par l’art ?

Mansoureh Kamari : Absolument. Comme je l’ai expliqué plus tôt, pour moi cet album a été une forme de thérapie, mais pas une thérapie où j’analyse chaque émotion de façon introspective. Plutôt, en les regardant telles qu’elles étaient — en les revivant émotionnellement puis en prenant du recul pour les transformer en récit. Ce recul m’a permis de mieux comprendre mes émotions en profondeur.

Le Matin d’Algérie : Le dessin dans votre œuvre est épuré, parfois tremblé, parfois rageur. Comment avez-vous travaillé cette esthétique pour traduire l’émotion sans tomber dans la complaisance ?

Mansoureh Kamari : J’avais une base d’écriture concrète dans laquelle je travaillais beaucoup le dosage des émotions pour que tout serve le récit. J’ai en fait coupé pas mal de souvenirs et de sensations que je trouvais répétitifs ou excessifs. En tant qu’auteur, il est essentiel de rester fidèle au cœur de ce que l’on veut dire, même si c’est difficile ; comme je l’ai dit, prendre de la distance par rapport à ses émotions aide beaucoup, car on doit regarder l’histoire dans son ensemble.

Le Matin d’Algérie : En Iran, la loi islamique fait du père le “propriétaire du sang de ses enfants”. Comment cette réalité a-t-elle façonné votre rapport à la notion de justice et d’humanité ?

Mansoureh Kamari : Malheureusement, beaucoup de lois islamiques ne sont pas écrites à partir d’une logique humaniste, mais pour défendre le sacré de la religion. Elles n’ont pas évolué avec le temps et restent imperméables aux adaptations culturelles ou aux avancées scientifiques. C’est pour cela, à mon avis, qu’il nous faut un État laïque, sans affiliation à ces lois religieuses.

Le Matin d’Algérie : Vous avez quitté l’Iran en 2006 pour la France. L’exil vous a-t-il offert le recul nécessaire pour aborder cette œuvre ? Ou au contraire, a-t-il ravivé les blessures ?

Mansoureh Kamari : En fait, je suis partie d’Iran avec mon mari et nous avons vécu cinq ans en Malaisie parce que nous n’arrivions pas à obtenir le statut de réfugiés ; il nous a fallu cinq ans pour arriver enfin en France en 2011. Pour répondre à votre question, l’exil m’a beaucoup aidée : dès mon arrivée en France, j’ai eu l’impression de renaître. Ici, j’ai pu avancer, me former en ayant accès aux films, livres et musées. J’ai eu besoin de quelques années pour simplement découvrir qui j’étais. Ma vie passée en Iran m’avait en quelque sorte dépouillée de mon identité, et j’ai dû la recréer, la retrouver.

Le Matin d’Algérie : Dans plusieurs scènes, vous montrez votre apprentissage du nu artistique, acte tabou en Iran. Ce passage marque-t-il votre renaissance comme femme et comme artiste ?

Mansoureh Kamari : Je ne dirais pas qu’il s’agit d’une libération totale, plutôt du début du processus. Même si je suis nue dans ces scènes, je reste hantée intérieurement par mon passé et j’essaie de m’en éloigner. Le défi d’éprouver une liberté complète est difficile : une partie de moi reste encore empreinte d’oppression et d’insécurités, et il m’est difficile de me sentir totalement sûre et confiante. Mais je sens que j’avance, et après chaque livre j’espère me sentir un peu mieux et plus forte.

Le Matin d’Algérie : Votre œuvre s’inscrit dans la lignée de récits graphiques comme Persepolis de Marjane Satrapi, mais avec une dimension plus intime, plus charnelle. Comment situez-vous votre travail dans cette tradition de la BD autobiographique engagée ?

Mansoureh Kamari : Je laisse aux autres le soin de classer mon travail. Honnêtement, je n’y pense pas trop. J’essaie simplement de parler des sujets qui m’interpellent. Il est vrai que la condition des femmes me préoccupe beaucoup, et j’aime en parler, mais ce n’est pas quelque chose de systématique ou de prémédité.

Le Matin d’Algérie : Aujourd’hui, que souhaitez-vous que les jeunes femmes iraniennes — ou d’ailleurs — retiennent de votre livre ? Est-ce un message d’alerte, d’espoir, ou les deux à la fois ?

Mansoureh Kamari : J’espère surtout qu’il les encouragera à raconter leurs propres histoires et à parler de leur situation, de leurs sentiments, et aussi de la génération de femmes qui les a précédées. Pendant longtemps, beaucoup de femmes n’ont pas pu raconter leurs récits. Mon histoire n’est pas l’exhaustivité de ce que vivent les Iraniennes — nous avons besoin de beaucoup plus de témoignages de femmes iraniennes, assurément.

Entretien réalisé par Djamal Guettala 

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Stade de Tizi-Ouzou : une merveille architecturale, un civisme encore à construire

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Stade de Tizi-Ouzou

Beaucoup de choses se disent, beaucoup d’éloges circulent sur le nouveau stade de Tizi Ouzou. Et pourtant, c’est en le vivant de l’intérieur que l’on mesure vraiment ce qui fonctionne… et ce qui reste à améliorer.

Cet été, j’étais accompagné de mon ami Nadir et de mes deux petits neveux pour assister au derby JSK – OA, lorsque j’ai réalisé à quel point la réalité est plus complexe que les images partagées sur les réseaux sociaux — et ma déception fut totale.

Le stade, il faut le reconnaître, est une prouesse architecturale. Par son design, sa structure et ses installations, il n’a rien à envier aux grandes enceintes sportives d’Europe ou d’Amérique. En tant qu’ancien cadre de la jeunesse et des sports, j’ai visité de nombreux stades à travers le monde, et je peux l’affirmer : celui de Tizi Ouzou figure parmi les plus beaux.

Mais si la forme impressionne, le fond reste perfectible. La réussite d’un grand stade ne repose pas uniquement sur la beauté du bâtiment, mais aussi sur la qualité de l’organisation : l’accueil, la gestion des flux, la sécurité, la fluidité et surtout le comportement du public.

Oui, certes : si l’on compare l’organisation du stade de Tizi Ouzou avec celle des autres stades du pays, nous sommes clairement au-dessus du lot. Sur ce point, il faut être juste.

Mais comparé aux standards internationaux, nous en sommes encore très, très loin.

Ce jour-là, j’ai vu des milliers de spectateurs avancer avec une simple feuille A4 en guise de billet d’accès : un système archaïque, fragile, indigne d’une enceinte aussi moderne. Et au passage aux portiques, nous étions poussés, compressés, entassés comme du bétail, sans signalétique claire ni gestion maîtrisée des flux.

Comment peut-on construire un stade d’envergure internationale tout en conservant des pratiques d’un autre âge à l’entrée ?

L’ambiance, elle, reste extraordinaire : ferveur, passion, intensité. Les supporters vivent le football comme un acte d’identité. Mais cette énergie est trop souvent entachée par des comportements inciviques : insultes, vulgarité, agressivité, jets de bouteilles d’eau… autant d’attitudes qui n’ont rien à voir avec le sport que nous voulons transmettre aux jeunes.

Et puis, comment ne pas évoquer la présence remarquable de la gente féminine, de plus en plus nombreuse dans les tribunes ? Cela m’a fait une immense joie : voir des femmes, des jeunes filles, des familles entières partager la passion du football est un signe encourageant d’ouverture et de modernité.

Dommage… car l’ambiance parfois vulgaire et les insultes répétées gâchent cette avancée, au point de rendre ce moment parfois inconfortable pour celles qui n’aspirent qu’à vivre un match dans la sérénité.

Lors du même match, après que Nadir eut rappelé calmement à un jeune supporter que les insultes et les gros mots n’étaient pas nécessaires, celui-ci lui a répondu :
« On est au stade, non ? »

Et permettez-moi d’ajouter une chose : avant de baptiser ce stade du nom de Hocine Aït Ahmed, certains auraient dû réfléchir à ce que cela implique réellement. Associer le nom d’un homme connu pour son sens de la dignité, de la retenue et du débat civilisé à une enceinte où résonnent grossièretés, insultes et comportements indignes… il y a, quelque part, une profonde incohérence.

Un stade qui porte le nom de Hocine Aït Ahmed mérite mieux que des vulgarités. Il mérite un climat de respect, de civisme et de responsabilité. Autrement, ce n’est pas la mémoire du défunt que l’on honore, mais que l’on trahit.

Cette phrase du jeune résume tout. Comme si le stade devenait un espace d’impunité. Comme si la passion justifiait l’irrespect. Comme si la ferveur effaçait les règles élémentaires du vivre-ensemble.

Et malgré cette déception, je veux adresser un mot d’encouragement à mes anciens collègues et à leurs responsables, aujourd’hui en charge de la gestion du stade. Ils ont entre les mains un outil exceptionnel, et je suis convaincu qu’avec plus d’investissement, d’invention et de créativité, ils peuvent en faire un véritable modèle national.

À ce titre, je me permets une proposition simple : organiser des journées de sensibilisation dans les maisons de jeunes, les lycées et les universités, afin d’éduquer les futurs supporters au respect, au civisme et à la culture sportive — si ce n’est déjà fait, ce que j’ose espérer.

Car un public mieux formé, c’est un stade plus sûr, plus convivial et plus digne du nom qu’il porte.

Un stade est un lieu de joie, pas un défouloir. Il est un espace de communion, pas de dérive. Il est un symbole de modernité, pas un théâtre d’incivilités.

Le stade de Tizi Ouzou a tout pour devenir une référence nationale – et même internationale – mais cela exige un investissement réel dans la culture du civisme, la professionnalisation de l’accueil, la modernisation des accès et une gestion digne des grandes arènes sportives.

Car au-delà de l’architecture et de la technologie, ce qui fera la grandeur de cette enceinte, ce n’est pas seulement le béton ou le design.
C’est la qualité de l’expérience humaine qu’elle offrira.

Aziz Slimani

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«J’ai rencontré Victor Hugo » de René Leucart : le flambeau du tribun

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René Leucart : J'ai rencontré Victor Hugo

L’ouvrage de René Leucart, « J’ai rencontré Victor Hugo », est bien plus qu’un simple hommage littéraire ; c’est un manifeste civique et une œuvre de fiction politique qui ancre la pensée du grand poète dans les débats brûlants de 2025.

À travers la rencontre improbable entre un visiteur venu de Metz et l’ombre de Victor Hugo dans l’enceinte sacrée de l’Assemblée nationale, Leucart réactive le rôle du poète comme gardien des principes républicains. Guidé par une préface (fictive) d’Alphonse de Lamartine, ce dialogue d’outre-temps interroge sans concession la montée des extrêmes, l’injustice sociale, la menace du communautarisme et les défis éthiques de l’intelligence artificielle, faisant de la voix de Hugo une boussole morale pour une République en quête d’unité et d’élévation humaine.

Le livre « J’ai rencontré Victor Hugo » de René Leucart, publié chez Fensch Vallée Éditions, se présente comme une œuvre de fiction dialoguée audacieuse. Son dispositif narratif est à la fois simple et profondément symbolique : l’auteur se met en scène sous l’apparence d’un visiteur contemporain qui, mû par une profonde inquiétude civique, entreprend un véritable pèlerinage républicain.

L’intrigue s’inscrit dans le contexte temporel précis de l’année 2025, soulignant l’actualité brûlante des thèmes abordés. Le voyage du visiteur commence à Metz et le conduit à Paris par TGV, un trajet moderne qui contraste avec l’esprit séculaire qu’il cherche à retrouver. Ce déplacement n’est pas anodin ; il est une quête symbolique vers le cœur battant de la démocratie française : l’Assemblée nationale, désignée comme le « temple de la République ». C’est là, dans la solennité des couloirs du pouvoir, que le visiteur, grâce à une autorisation obtenue par un ami parlementaire, parvient à converser avec l’ombre, le fantôme, ou plus concrètement, le buste de Victor Hugo. L’artifice de cette rencontre, parler à une statue, brouille la frontière entre le réel et l’imaginaire, un flou essentiel pour conférer à Hugo une voix capable d’interroger le présent.

L’objectif de cette démarche est clairement énoncé : le visiteur cherche à entendre une « voix d’outre-temps » capable de lui fournir une boussole pour retrouver le chemin des principes républicains. Face aux divisions et aux incertitudes politiques de son époque, le narrateur se tourne vers Hugo, figure tutélaire de l’engagement moral et politique, pour trouver une source de lumière et de guidance face à l’affaiblissement des idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité.

L’ouvrage utilise également un procédé littéraire élégant : il est introduit par une préface d’Alphonse de Lamartine, rédigée fictivement depuis son cimetière de Saint-Point. Ce choix n’est pas anodin. Lamartine, lui aussi poète, orateur politique et grand acteur de la Seconde République, était un contemporain et rival intellectuel de Hugo. Sa préface annonce ce « dialogue improbable, mais nécessaire » entre deux grandes âmes unies, au-delà de toute contingence, par la quête inlassable de la justice et de la liberté. Cet hommage croisé valide la portée universelle et intemporelle des questions soulevées par Leucart.

L’apport principal de ce livre réside dans la réactualisation vigoureuse et pertinente de la pensée hugolienne face aux défis du XXIe siècle. René Leucart, s’inspirant de son propre militantisme et de son admiration profonde pour le poète, ne se contente pas d’un hommage nostalgique ; il insuffle à Victor Hugo une acuité intacte pour interroger les luttes contemporaines. Le dialogue s’articule autour de questions universelles qui, malgré le temps, continuent de brûler : la justice, le rôle moral de la France dans le monde, la construction et la place de l’Europe, la menace de l’arme nucléaire, la fatalité de la pauvreté endémique, la difficile coexistence de la science et de la morale, ou encore l’avenir de la démocratie face à la montée des populismes.

Leucart utilise la voix de Hugo pour commenter l’actualité politique la plus récente. Le poète exprime de profondes préoccupations concernant la montée des extrêmes, qu’il perçoit comme un affaiblissement des valeurs républicaines fondamentales. Il dénonce avec force les discours populistes qui cherchent à diviser la société par la haine et l’exclusion. Fidèle à son combat historique, le Hugo de Leucart prône l’unité dans la diversité, s’opposant catégoriquement au communautarisme et s’inquiétant de l’injustice sociale croissante et de l’isolement des individus dans un monde fragmenté. Le message est un rappel puissant des exigences de la solidarité et de l’unité indivisible de la nation.

Le dialogue aborde également des enjeux futuristes majeurs que Hugo n’aurait pu connaître, notamment celui de l’intelligence artificielle (IA). L’auteur projette la vision progressiste et humaniste du poète sur cette technologie. Selon cette projection, l’IA doit impérativement servir l’humanité et non les puissants. Elle doit être un outil de justice et d’émancipation, et non de contrôle. Cette perspective appelle à une gouvernance éclairée, impliquant les peuples, les savants et les éducateurs, ainsi qu’à l’établissement de lois claires pour encadrer son utilisation. Le but ultime, fidèle à la philosophie hugolienne, doit être l’élévation de l’homme, et non la suppression de l’outil, assurant que la science reste au service de la conscience.

Le livre devient ainsi un moyen efficace de transmettre, non pas les solutions, mais la méthode morale de Victor Hugo pour aborder les problèmes du XXIe siècle, transformant une figure du passé en un éclaireur du présent.

L’objectif principal du livre de René Leucart, au-delà de sa dimension narrative, est de générer un impact réflexif et civique chez le lecteur. L’œuvre est conçue comme un puissant texte d’éveil, un « dialogue avec son passé pour mieux éclairer son avenir ».

En faisant symboliquement revenir la voix du « tribun de la misère », l’auteur cherche à stimuler les consciences endormies par l’apathie ou le cynisme contemporain. L’œuvre se positionne comme un appel à l’action intellectuelle et morale. La préface de Lamartine insiste sur cette fonction essentielle : le livre guide le lecteur vers « l’âme » profonde de l’engagement hugolien, attestant que « son combat n’a jamais cessé d’être le nôtre ». Ce message de continuité vise à rappeler que les luttes pour la justice sociale et la liberté sont éternelles.

L’ambition du livre est explicite : laisser au lecteur un « flambeau » à porter « où l’ombre menace ». Cette métaphore du flambeau rappelle que l’écriture est un acte de combat et de lumière, un héritage à préserver face aux menaces qui pèsent sur la République et l’humanité (l’extrémisme, le désespoir, l’abus de l’IA). Il confère à chaque lecteur une responsabilité active dans la perpétuation des idéaux de progrès.

L’impact du livre est également souligné par une réflexion profonde sur la nature de l’échange lui-même, soulevant des questions essentielles sur la mémoire et l’oubli. Le visiteur interroge la frontière floue entre le réel et l’imaginaire, se demandant s’il s’adresse au véritable Hugo, son esprit planant dans l’Assemblée, ou à une simple projection de son propre idéal et de son esprit.

Ce face-à-face suspendu, où le silence peut être interprété comme une absence ou une écoute intense, enrichit la portée de l’œuvre. En ne fournissant pas de réponses claires à cette énigme, le livre transmet une étincelle d’espoir et de questionnement qui résonne au-delà du simple récit. L’incertitude sur la nature exacte de la voix oblige le lecteur à internaliser la pensée de Hugo, reconnaissant que c’est finalement dans l’esprit du vivant que la pensée des grands hommes perdure. En conclusion, « J’ai rencontré Victor Hugo » s’affirme bien au-delà de la simple évocation ou de l’hommage littéraire. L’œuvre de René Leucart est un véritable manifeste politique et social contemporain qui utilise la figure tutélaire de Victor Hugo comme un gardien invisible des idéaux républicains. Le dialogue avec le buste à l’Assemblée Nationale confère à Hugo le rôle de conscience de la Nation, rappelant avec force l’exigence de la justice, de l’unité et de la fraternité face aux dérives modernes.

L’échange entre le visiteur et Hugo n’aboutit pas à une réponse définitive ou à une feuille de route politique immédiate. L’auteur choisit au contraire un « au revoir » empreint d’une grande sobriété. Le jeune homme repart avec un silence chargé de promesses, marquant ainsi la fin de la conversation visible et le début d’une nouvelle certitude intérieure. Ce silence est hautement symbolique : il n’est pas une absence, mais une transmission effective. Il signifie que le flambeau a été passé, et que la responsabilité des actions incombe désormais au visiteur, représentant la nouvelle génération civique.

Le message final du livre est fondamentalement optimiste : celui de la persistance de l’espérance. L’échange, bien que suspendu, marque la certitude que la pensée du poète demeure vivante dans l’esprit des hommes. L’héritage de la pensée et de la création, le rêve, le questionnement, la lutte, persiste à travers les individus qui continuent de se battre pour un monde meilleur.

Finalement, le livre de René Leucart « J’ai rencontré Victor Hugo » se clôt sur un message qui est à la fois profondément réconfortant et résolument exigeant pour le citoyen contemporain.

Le réconfort réside dans la certitude que les grandes voix du passé ne cesseront jamais tout à fait de parler. La rencontre fictive avec Hugo garantit au lecteur que les idéaux d’humanité, de justice et de liberté ne sont pas morts. La pensée de Hugo, ce « regard invisible posé sur le siècle à venir », perdure et demeure accessible. Il suffit qu’il y ait des âmes prêtes à écouter leur écho pour que cette sagesse traverse les âges. Le silence qui suit l’échange n’est donc pas une fin, mais une résonance, un transfert de responsabilité et d’inspiration.

Cependant, cette permanence impose une exigence : celle de traduire les principes hérités dans l’action du présent. L’héritage hugolien n’est pas une simple contemplation, mais un appel au militantisme. L’œuvre est un vibrant appel à considérer l’histoire non pas comme un lieu de mémoire figé, non comme un musée, mais comme une source vive d’inspiration et de combat perpétuel pour la dignité humaine. Il rappelle que la démocratie et la République sont des constructions fragiles qui nécessitent une vigilance et un engagement constants contre l’injustice et le populisme.

L’essence même de l’œuvre de René Leucart réside dans cet appel à l’action. Il ne s’agit pas d’un simple exercice de mémoire, mais d’une tentative pour insuffler une dynamique militante au cœur de la citoyenneté contemporaine.

Leucart met en évidence la nécessité de transcender la réflexion historique, la simple connaissance du passé, pour la convertir en énergie civique. Le dialogue avec Hugo n’est pas une fin en soi, mais un catalyseur. Les idées d’humanisme, de justice sociale, et d’unité républicaine, défendues avec passion par le poète, doivent cesser d’être des concepts figés pour devenir une force agissante dans le présent. Le visiteur qui quitte l’Assemblée nationale ne doit pas seulement se souvenir des paroles de Hugo, il doit les incarner et les défendre dans le débat public et dans sa vie quotidienne.

Le livre positionne l’héritage de figures tutélaires comme Victor Hugo en tant que boussole morale. Dans un contexte de relativisme et de crise des valeurs, cette figure historique offre une direction éthique claire. Elle rappelle les fondamentaux de l’engagement républicain : la lutte contre la misère, le refus des extrêmes, et la primauté de l’élévation de l’homme, même face aux enjeux technologiques inédits comme l’intelligence artificielle. Le dialogue sert à calibrer ce compas moral, permettant au lecteur de naviguer les complexités des luttes de demain avec la clarté et la passion qui animaient le grand Tribun. L’exhortation finale est donc une invite à l’engagement perpétuel, où l’histoire fournit les principes, et le citoyen, l’action.

Brahim Saci

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Sheikh Hasina : la fin d’un cycle autoritaire au Bangladesh

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Sheikh Hasina
Sheikh Hasina

Le Bangladesh retient son souffle. À Dacca, les rues sont quadrillées par la police et l’armée, les universités fermées et les médias sous surveillance. Dans les prochains jours, un tribunal spécial doit rendre son verdict contre l’ancienne Première ministre Sheikh Hasina, accusée de crimes contre l’humanité pour la répression meurtrière du soulèvement de 2024.

Le procureur général, Tajul Islam, a requis la peine de mort, affirmant que l’ex-dirigeante était la « cerveau et instigatrice principale » de la répression. Le procès, mené en son absence, accuse Hasina d’avoir ordonné personnellement les exécutions de manifestants étudiants et militants politiques.

Exilée en Inde depuis le 5 août 2024, Sheikh Hasina dénonce une « farce judiciaire ». Aucun avocat choisi par elle n’a été autorisé à la représenter ; un conseil commis d’office assure une défense minimale. Les avocats britanniques de l’ancienne dirigeante ont saisi les Nations unies, dénonçant un procès « bâti sur la vengeance politique » et privé de toute garantie d’équité.

Une transition sous contrôle militaire

Depuis sa chute, le Bangladesh est dirigé par un gouvernement intérimaire mené par le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus. Trois jours après la fuite d’Hasina, Yunus a pris les rênes du pays en promettant une transition démocratique. Les élections sont annoncées pour février 2026, mais le principal parti d’opposition, l’Awami League, reste interdit.

Des dizaines d’anciens responsables politiques et militaires ont été arrêtés. Vingt-cinq ex-officiers, dont des chefs des services de renseignement, sont inculpés pour disparitions forcées commises sous le règne d’Hasina. Quinze d’entre eux sont détenus dans la prison militaire du cantonment de Dacca.

Entre justice et règlement de comptes

Pour nombre d’observateurs, le procès Hasina illustre la dérive d’un pays où la justice est l’instrument du pouvoir. Les chefs d’accusation – meurtres, tortures, usage d’armes létales contre des civils – renvoient à des faits avérés ; mais la procédure expéditive et l’absence de défense crédible ternissent toute prétention à l’impartialité.

Un rapport de l’ONU a recensé jusqu’à 1 400 morts lors des manifestations de l’été 2024. Le gouvernement intérimaire avance le chiffre de 800 morts et 14 000 blessés. Hasina et ses partisans, de leur côté, dénoncent des bilans gonflés pour justifier la répression post-coup d’Etat.

L’ombre de l’Inde

Sur le plan régional, la présence d’Hasina en exil en Inde embarrasse New Delhi. Longtemps alliée privilégiée du pouvoir d’Hasina, l’Inde se retrouve aujourd’hui accusée d’héberger une criminelle d’État. Dacca a convoqué le vice-haut-commissaire indien après des entretiens télévisés accordés par Hasina à des médias indiens, perçus comme une ingérence.

Une ère qui s’achève

Qu’on la déteste ou qu’on la regrette, Sheikh Hasina aura marqué le Bangladesh moderne. Fille du père fondateur Mujibur Rahman, elle a consolidé la croissance économique, mais aussi verrouillé l’espace politique et muselé la presse.

Son procès scelle la fin d’un cycle autoritaire, mais non encore l’avènement d’une véritable démocratie. Entre justice et règlement de comptes, le Bangladesh joue aujourd’hui son avenir politique, suspendu entre le désir de rupture et la tentation de la revanche.

Mourad Benyahia 

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