3 mai 2024
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El-Harrach, cellule N° 40 (Acte VII)  

Chronique d’un confiné 

El-Harrach, cellule N° 40 (Acte VII)  

De gros nababs ayant dirigé le pays et ses finances se retrouvent encastrés dans une cellule de la célèbre prison d’El Harrach, à Alger. Une salle où l’ambiance qui y règne, en ces temps de pandémie, mérite un plongeon entre ces murs, histoire d’en rire ou d’en pleurer. C’est selon.

Ce matin-là, un léger brouillard couve les remparts de la confrérie religieuse Zaouïat Sidi Marjajou (1). Les fidèles sont encore plongés dans un sommeil profond, lorsqu’un émissaire frappe à la porte une première fois, une deuxième fois, puis plusieurs fois au bout du compte. Mais sans réponse. 

Le messager, chargé de transmettre une missive frappée du sceau de la plus grande confidentialité, ne peut se permettre d’attendre plus longtemps. 

Il prend alors sur lui de lancer une pierre dans la cour, mais c’est finalement une vitre qu’elle atteint. Et c’est l’alerte dans la luxurieuse demeure, érigée à l’effigie d’un fou-amoureux de… la bonne chère, moyennant quelques prières chèrement formulées pour les plus croyants. 

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Les fidèles, redoutant l’assaut de quelques pauvres habitants de la bourgade en mal de vivre, courent protéger la salle des provisions, où sont stockés les dons alimentaires des visiteurs. Le Cheikh, qui reste cependant cloîtré dans sa pièce, avale la clé du coffre-fort abritant les liasses de billets ramassées lors du dernier festival manqué des… 40. 

–  Seigneur, faites qu’ils n’ont pas découvert la contre-khoutta (la contre-stratégie), prie le Cheikh ! 

Une voix provenant de l’extérieur des murs, tente cependant de rassurer. 

Les fidèles, méfiants, exigent Kalimet-E’ssir (le mot secret). 

–  Ouya3’tih, Ouya3’tih ! (2) 

La porte est immédiatement ouverte. 

Ayant pris conscience de l’intérêt de la visite, le chef de la confrérie se précipite dans la salle des prières. 

Lorsque le visiteur pénètre dans la pièce, le cheikh est prosterné sur le saint tapis.  

– Slam e’rab3ine 3la Moulana (Le Salut des 40 sur notre Cheikh) 

Mais le gardien du temple semble toujours absorbé par ses méditations.

Le messager lâche alors le gros sac par terre, et quelques billets y débordent. 

– Esslam 3la h’bab el moula, merssoul e’rab3in li dja w’djab ch’kara (Que le Salut soit sur les amis du Cheikh, le messager des 40, porteur du sac), conclût sa prière le Cheikh. 

En faisant mine de se relever péniblement, le Cheikh ramasse le saint tapis et les quelques billets tombés autour, aussi.

–  Amen !  

M.M.

Renvois

  1.  Marjajou est un cabaret réputé à Oran, à l’ouest du pays. 

  2.  Ouya’3tih est une expression courante dans les milieux de la vie nocturne oranaise, rendue célèbre par une vedette des cabarets.

Mail de l’auteur : mehdimehenni@yahoo.fr

Auteur
Mehdi Mehenni

 




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