18 mai 2024
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La plus jeune maquisarde Nna Wiza At Warab (Berkaine-Ibri) s’est éteinte

HOMMAGE

La plus jeune maquisarde Nna Wiza At Warab (Berkaine-Ibri) s’est éteinte

Qui se rappelle du Petit Omar, de son vrai nom Yacef Omar ? 

Ce petit Algérois originaire d’Azeffoun en Kabylie maritime, tué par les commandos parachutistes français à l’âge de 13 ans durant la bataille d’Alger. Des évènements qui étaient portés sur écran dans un film algéro-italien de Gillo Pontecorvo, sorti en 1966.  

Pour rappel le Petit Omar est tué le 8 octobre 1957 dans la Casbah dans une maison où il se cachait avec Hassiba Ben Bouali, Ali Ammar, dit Ali la Pointe, et Hamid Bouhamidi, dit Mahmoud. Il avait été marqué à l’époque par les grandes figures de la Révolution qui défilaient dans la maison de son oncle, notamment Abane Ramdane, Krim Belkacem, colonel Ouamrane et Ali Ammar.

Est-il le seul enfant qui s’est impliqué durant la révolution de 1954 à 1962. Certainement pas. Par exemple au petit village At Lḥaǧ (At Smaḍ) situé dans la commune At Maḥmud dans la région d’At Dwala en Kabylie, est née et a vécu une brave dame du nom de Nna Wiza At Warab, ou Berkaine Ouiza. 

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Celle-ci vient de rendre l’âme, le 25 février 2020 à l’âge de 71 ans. Son enfance est digne des histoires qui méritent d’être racontée dans les manuels d’histoire ou encore à être portée un jour sur écran comme dans le cas du Petit Omar.  Ne dit-on pas que l’histoire est faite par les vainqueurs. Le moment est venu ou nous les kabyles, et amazighs en général, de raconter notre histoire et d’en faire des films. En voici une parmi d’autres.

Le père de Nna Wiza, Dda Areski né en 1930, était un maquisard de la première heure au village At Lḥaǧ, non loin des deux villages Tawrirt Musa At Wamer et At Xelfun. En effet dès le déclenchement de la révolution en 1954, Dda Resqi a pris les armes pour sortir les colons français, pour reprendre l’expression bien connue chez le commun des kabyles : « I wakken a nesuffeγ Fransa ».

Durant 1959-1960 la guerre entre Kabyles et l’armée française a atteint son apogée. Par exemple durant cette période l’opération dites Jumelles est menée par l’armée française contre la Kabylie (wilaya III) dans le cadre du plan Challe. L’armée française mobilise 60 000 hommes dont la demi-brigade de fusiliers marins (DBFM), le 5e régiment étranger d’infanterie (REI), la 10e Division parachutiste (DP), des avions et des hélicoptères et l’appui des services de renseignements du 2e bureau, afin de ratisser la wilaya et d’éradiquer totalement l’ALN par des combats continus.

Les maquisards kabyles de tous les villages étaient surveillés et cernés de toutes part. Ils avaient de la difficulté à bouger et même à se nourrir car impossible de se rapprocher des siens. Ce fut le cas du maquisard Resqi At Warab (Berkaine Areski) du village At Lḥaǧ et de ses amis qui ont pris le maquis autrement dit : Rejoindre la résistance. 

En 1959 Nna Wiza, la fille de Resqi At Warab avait 10 ans quand elle avait pris de grands risques en apportant périodiquement de la nourriture à son père et ses amis du maquis. Elle la déposait dans un ravin (Iγzer) situé entre At Lḥaǧ et Tawrirt Musa At Wamer, pour être récupérer au moment opportun par son père, loin des regards du colon.  

Nna Wiza, comme l’histoire du petit Chaperon rouge qui partit dans la forêt pour apporter de la galette à sa grand-mère, le faisant jusqu’au jour où Resqi At Warab a été tué avec les autres amis maquisards, suite à une bombe que l’armée française a lâché et qui lui a décapité la tête. C’était en Mai 1960 vers la fin de la période de l’opération Jumelles.

Pour l’histoire un jour, le campement militaire installé au village Tawrirt Musa At Wamer a constaté avec des jumelles qu’une petite fille apportait de la nourriture aux maquisards. Ils l’ont bombardé de loin. Chanceuse Nna Wiza l’a échappé belle. Les soldats du campement militaire de Tawrirt Musa At Wamer n’ont pas désespéré. Ils l’ont signalé à leurs vis-à-vis du campement militaire d’At Xelfun en leur donnant l’ordre de la poursuivre jusqu’au village. Paniquée Nna Wiza a couru vers Taddart (le village). Les femmes d’At Lḥaǧ, voyant les militaires français s’approcher de Taddart à la recherche de la petite fille Wiza, ont eu l’intelligence de lui changer rapidement sa robe, tout en cachant la sienne dans une maison abandonnée.   

C’est ainsi que la petite Wiza a échappé à une mort certaine. De son vivant son père Dda Areski, impressionné par son courage et sa bravoure, a juré qu’à l’indépendance, si encore vivant, il ferait son bonheur. Tout en poursuivant que si le destin serait autrement, il implorait que Dieu le ferait à sa place.   

À l’indépendance Nna Wiza s’est mariée avec le fils de son village, Mouloud Ibri avec qui elle a eu 9 enfants dont le militant de la kabylité, de l’identité amazighe, de la démocratie et de la citoyenneté M. Ali Ibri. Ce dernier est actuellement un élément important du mouvement de mobilisation citoyenne en Algérie et ce depuis février 2019.  Il ne rate jamais le week-end pour se déplacer à Tizi Ouzou en compagnie des siens venant en masse de son village.

Nna Wiza et son mari qui ont élevé leurs 9 enfants, avec seulement 5000DA/mois de pension, est un parmi tant d’exemples qui montrent l’échec de l’indépendance confisquée par des voyous encore au pouvoir. Généreuse qu’elle était, Nna Wiza s’est même permis d’élever 7 autres enfants orphelins d’une mère, qui était sa voisine, partie prématurément.

Heureusement que le frère ne Nna Wiza ne l’a jamais abandonnée, aussi bien elle que son autre sœur qui était aussi dans le besoin. Il s’agit du militant M. Achour Berkaine, qui était parmi les tous premiers à avoir traversé l’océan Atlantique pour s’installer au pays d’Érable, le Canada, et ce dans les années 1970. Il est un militant sincère, honnête et discret connu et respecté par la communauté kabyle au Canada. Il fût un des membres fondateurs de la toute première association amazighe au Canada et en Amérique du Nord en général. 

À M. Achour Berbaine, à M. Ali Ibri, aux familles Berkaine et Ibri de Kabylie et d’ailleurs, je leur transmets mes sincères condoléances.

Paix à l’âme de Nna Wiza. 

Sgunfu di talwit a Nna Wiza.

Racid At Ali uQasi

Canada , le 26 février 2020

Auteur
Racid At Ali uQasi

 




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