Manifestant du 14 juin 2001. Crédit photo (colorisée) : DR
La Kabylie porte une histoire longue, saturée de résistances, de répressions et de renaissances successives. Elle concentre dans sa trajectoire un faisceau de dynamiques que les pouvoirs successifs n’ont jamais su — ou voulu — absorber autrement que par la contrainte, la suspicion et la segmentation.
Depuis quelques années, la régence militaro-bureaucratique élabore une entreprise systématique de désarticulation de la région, dans la continuité d’un contentieux ancien dont les racines plongent à la fois dans l’histoire longue des sociétés amazighes et dans les fractures fondatrices de l’État algérien contemporain.
La première strate de cette longue histoire se construit autour de l’autonomie sociale structurante des villages de Kabylie. Ce territoire montagneux a développé, au fil des siècles, une architecture politique fondée sur tajmaεt où se mêlent délibération collective, rotation des responsabilités et contrôle social horizontal. Les sanctuaires naturels ont préservé cette forme d’organisation face aux conquérants successifs : Phéniciens, Romains, conquérants musulmans, dynasties et pouvoirs locaux, Ottomans, puis ordre colonial français. La région, rarement soumise durablement, a protégé ses formes d’auto-gouvernement. Cette autonomie n’est pas un mythe : elle repose sur des institutions sociales documentées, étudiées et décrites par les anthropologues ; elles sont toujours observables jusque aujourd’hui.
La seconde strate est celle de la rencontre violente avec l’ordre colonial. La répression de 1871 — soulèvement mené par la Kabylie en alliance avec le Constantinois — a porté à la région un coup d’une brutalité inouïe : séquestre de près de 500 000 hectares, confiscations massives, amendes impossibles à acquitter, déportations vers la Nouvelle-Calédonie, ruine économique et structurelle. La misère qui en découle propulse des générations entières sur les routes de l’émigration. Ce mouvement d’exil devient une matrice politique. Dans les années 1920-1930, l’ENA — structure précurseur du nationalisme algérien moderne — s’appuie fortement sur les immigrés kabyles, nombreux dans les milieux ouvriers et syndicalistes. L’Internationale communiste, par sa huitième condition d’adhésion, érige le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en pilier doctrinal : la lutte nationale algérienne y puise une énergie théorique et un cadre stratégique, et cette élaboration s’opère largement dans les foyers d’immigration où les Kabyles forment une part décisive des militants.
La singularité politique de la Kabylie provient donc d’un triple mouvement : une tradition d’autonomie enracinée, un particularisme sociolinguistique structuré par la langue amazighe et les formes sociales communautaires, et un contact précoce avec les idées d’émancipation issues de l’immigration ouvrière du début du XXᵉ siècle. La région acquiert ainsi un rôle spécifique dans la trajectoire nationale : foyer de contestation, zone d’organisation, puis espace d’articulation entre revendications culturelles, justice sociale et projet démocratique.
À l’indépendance, la fracture interne au mouvement national laisse une trace durable. Wilaya III historique, la Kabylie se positionne aux côtés du GPRA contre la prise de pouvoir par l’armée des frontières, et avec les wilayas II et IV, elle conteste la légitimité d’un appareil politico-militaire excentré, peu impliqué dans la guerre à l’intérieur du territoire national et résolu à confisquer l’État naissant. Cette rupture de 1962 est fondatrice. Elle éclaire le fil historique qui mène aux accusations récurrentes de régionalisme ou de sécessionnisme brandies par la régence pour neutraliser toute expression autonome de la région.
Le projet d’État qui s’impose à l’Algérie naissante est un compromis par élimination. L’armée des frontières, devenue Armée nationale populaire le 4 août 1962 par auto-proclamation, bâtit sa légitimité non sur son engagement dans la lutte armée — quasi inexistant sur le sol national — mais sur une opération discursive qui décrète que le seul héros, c’est le peuple. Ce nivellement symbolique place les wilayas de l’intérieur et les combattants qui ont porté le poids de la guerre sur le même plan que ceux qui, restés aux frontières, n’ont pas subi l’épreuve du feu. Dans le même mouvement, le GPRA est disqualifié pour concessions supposées dans les Accords d’Évian, l’ALN intérieure est accusée de régionalisme, et la légitimité révolutionnaire est reconfigurée pour effacer la pluralité des trajectoires historiques.
Ce basculement permet à la régence naissante d’opérer une substitution radicale. L’appareil politico-administratif hérité du Gouvernement général colonial est récupéré intact, tandis que la construction d’un État national fondé sur des racines régionales — celle des wilayas, du mouvement national — est abandonnée. L’État post-1962 n’est pas l’héritier organique du combat national : il s’inscrit dans une continuité bureaucratique coloniale, dotée d’un bras militaire autonome, structuré selon une logique de centralisation. La Kabylie, dans cette configuration, devient un foyer de résistance institutionnelle et politique.
La régence, en s’installant, considère les villages kabyles comme des foyers d’autonomie indésirables. Les villes coloniales, investies massivement par les populations rurales à l’indépendance, acquièrent le statut de dortoirs dépourvus de vie civique. Les cités anciennes — Alger, Constantine, Oran — sont déstructurées. Aucune politique urbaine démocratique n’est mise en place pour absorber l’exode rural massif. La régence trouve dans cette urbanisation sans citoyenneté un environnement idéal : la population isolée est plus contrôlable que des villages dotés d’organisations sociales historiques. La chanson de Meskoud éclaire ce mouvement : elle saisit l’errance d’une population déplacée, jetée dans des villes sans âme, éloignée de ses structures de solidarité originales.
Le pouvoir, pour maintenir son emprise, a longtemps utilisé les réseaux FLN, les anciens moudjahidines et moudjahidates, les enfants de chouhadas, les cercles de cooptation, les distributions sélectives de postes. Mais ces réseaux, épuisés par le temps et discrédités par l’échec de la gouvernance, ne suffisent plus. La régence recourt alors à une politique de désarticulation des villages kabyles : blocage économique, entrave du développement local, injection de crises sociales (toxicomanie, criminalité, précarité contrôlée, réseaux informels), fragilisation délibérée des structures communautaires. La Kabylie, longtemps repère de cohésion sociale, est ciblée pour être transformée en zone fragmentée, gérable par dispersion et non plus par affrontement frontal.
La dénonciation récurrente du régionalisme kabyle fonctionne comme un outil politique. Elle masque les véritables logiques du régionalisme d’État qui, depuis 1962, structure les luttes internes de la régence : cooptations par origines tribales ou locales, réseaux corporatistes ou népotiques, logiques de clientélisme qui traversent les appareils sécuritaires et administratifs. La région kabyle, en réalité, offre un modèle opposé : régulation par la base, capacité d’auto-organisation, vitalité associative, culture du débat interne. Son existence même est un rappel vivant de ce qu’aurait pu être un État national fondé sur la pluralité des espaces locaux et sur la délibération populaire.
Dans ce paysage, l’accusation de séparatisme est l’outil ultime de la régence. Elle sert à délégitimer la demande démocratique. Elle sert à neutraliser l’histoire propre de la région, son rôle dans le mouvement national, son engagement dans la guerre d’indépendance. Elle sert à masquer la continuité coloniale de l’appareil d’État et à empêcher l’émergence d’un débat sur la refondation politique du pays.
Ainsi se dessine la dynamique actuelle : un pouvoir central vieillissant, privé des réseaux de contrôle traditionnels, confronté à une région dotée d’un héritage social complexe, tente de briser ce qui subsiste d’autonomie locale en Kabylie. Mais la longue histoire de la région montre que les entreprises de domestication n’ont jamais produit l’effet escompté. Chaque tentative d’étouffer la Kabylie a produit l’effet inverse : une politisation accrue, un renforcement de la mémoire collective et une réactivation des structures d’autodéfense symboliques.
Le conflit entre la régence et la Kabylie n’est donc pas conjoncturel : il est structurel. Il met aux prises deux conceptions du politique. L’une, centralisatrice, opaque, issue de la continuité bureaucratique coloniale. L’autre, horizontale, enracinée, productrice de citoyenneté. Ce choc façonne l’histoire politique de l’Algérie depuis soixante ans et détermine une grande part de ses impasses actuelles.
Aucun pouvoir ne désarticule impunément les lieux où s’est forgée la colonne vertébrale du nationalisme. Aucun système ne détruit sans risque l’une des matrices essentielles de la conscience collective. La Kabylie a été un foyer d’émancipation sociale au début du XXᵉ siècle ; elle est aujourd’hui un foyer de résistance civique au cœur d’un État néo patrimonial.
Avec Irina, un opéra russe, paru le 22 août 2025 aux Éditions Emmanuelle Collas, Anouar Benmalek signe une œuvre où la mémoire, la douleur et l’exil s’entrelacent comme des fils invisibles d’une tragédie humaine. À travers Irina et Walid, il explore les tumultes de l’histoire russe et les fragilités de l’existence, où l’amour devient refuge et la fiction, un espace de liberté.
Pour Anouar Benmalek, « écrire, c’est penser malgré l’évidence » : chaque personnage devient miroir de nos propres blessures, chaque phrase tisse un pont fragile entre ce qui fut, ce qui souffre et ce qui persiste. Lire Irina, c’est se confronter à l’épreuve de vivre, sentir battre le pouls du passé et entrevoir, au cœur des douleurs, la lumière fragile de la réconciliation. Dans cet entretien accordé à Le Matin d’Algérie, l’écrivain revient sur les racines de son œuvre, son rapport à la mémoire et à l’exil, et cette quête de vérité qui traverse toute son écriture.
Le Matin d’Algérie : Votre roman met en scène des trajectoires multiples, marquées par l’exil, la mémoire et la douleur. Comment ces personnages se sont-ils imposés à vous ?
Anouar Benmalek : À mon sens, un roman répond d’abord à une question : que se passerait-il si… C’est la vieille question qui nous taraude tous, à laquelle l’être humain tente de trouver une réponse depuis l’aube de l’humanité. La mémoire et la douleur sont des composantes essentielles de la définition même du fait d’être humain. Sans mémoire, nous ne sommes rien ; sans douleur, il est peu probable de mener une vie digne de l’être, puisque toute vie digne d’être vécue suppose de se colleter avec ce qui l’empêche justement d’être digne. Quant au fait d’être exilé, nous le sommes tous d’une manière ou d’une autre : exilé de son pays dans le sens le plus littéral du terme, exilé de son enfance, exilé d’une époque où l’on a été heureux avec ses parents ou avec des êtres chers. Vivre est une tragédie, qui se termine toujours mal, comme aucun de nous ne l’ignore, malheureusement.
Dans Irina, un opéra russe, j’ai voulu rejouer cette tragédie de vivre avec les ingrédients propres à la Russie que j’ai connue à l’époque où je préparais une thèse de mathématiques. Je suis parti, comme toujours, d’un couple, Irina et Walid, dont l’histoire d’amour va évoluer dans le temps et dans l’espace dans cet immense monde soviétique, en me concentrant plus particulièrement sur sa partie russe. Comme la Russie ne se comprend pas sans un détour par son passé, il m’a fallu introduire un personnage, Vladimir, conçu au départ comme secondaire, mais qui, rapidement, s’est imposé à moi comme une pièce essentielle au cours de la construction du roman.
Le Matin d’Algérie : La transmission intergénérationnelle est au cœur du récit. Est-ce pour vous une manière de lutter contre l’oubli ou le silence imposé ?
Anouar Benmalek : En caricaturant, nous avons généralement une mémoire de moineau en ce qui concerne les grands événements historiques. Leur complexité est, très souvent, galvaudée, donc niée, en transformant le récit de cet événement en une espèce de « pitch » tenant plus du slogan publicitaire que de la vérité historique. Chaque État entend se construire son propre roman national, de préférence héroïque, qu’importe si le résultat ressemble plus souvent à un scénario de film hollywoodien qu’autre chose ! Si l’Histoire, la vraie, ne correspond pas aux desiderata du scénariste en chef du moment, eh bien, on change l’Histoire ! La lutte contre l’oubli ou, pire, la réécriture sans vergogne du passé est sans fin, harassante, un véritable labeur de Sisyphe, dont on ne sort pas vainqueur en règle générale.
Le Matin d’Algérie : Dans vos pages, l’intime croise toujours l’Histoire collective. Comment avez-vous trouvé l’équilibre entre ces deux dimensions sans sacrifier ni l’une ni l’autre ?
Anouar Benmalek : Je respecte infiniment le travail des historiens, mais je n’ai pas vocation à écrire des romans historiques. Ce qui m’intéresse, c’est la réaction individuelle, particulière, de quelqu’un d’ordinaire qui se trouve confronté à l’Histoire avec un grand H (ou, plutôt, avec une grande hache !) Les thèmes de mes livres sont souvent très graves, leur écriture me mobilise pendant de longues périodes et la seule manière pour moi de garder mon énergie littéraire est d’y introduire une histoire d’amour. Mais, somme toute, n’est-ce pas également le but de notre vie : que vaudrait cette dernière si l’amour lui demeurait étranger ?
Le Matin d’Algérie : Peut-on lire votre livre comme une fresque des blessures du siècle, mais aussi comme une tentative de réconciliation ?
Anouar Benmalek : Probablement. Au fond, je suis ce qu’Emile Habibi nommait un « peptimiste », c’est-à-dire un pessimiste qui ne demande qu’à être optimiste. Écrire, c’est penser malgré l’évidence que les deux à trois années passées à s’échiner sur un roman que personne ne vous a demandé peuvent valoir la peine que l’on s’est donnée parce que quelques lecteurs vous diront après la lecture : « Ah, cette Irina, j’en suis presque tombé amoureux ; et ce Vladimir, c’est un véritable salaud, mais, après réflexion, peut-être n’aurais pas été différent de lui, peut-être n’aurais-je pas eu à mon tour le courage d’être héroïque tout le temps ; et cette famine d’une si grande ampleur au Kazakhstan, pourquoi n’en ai-je jamais entendu parler, etc. »
Le Matin d’Algérie : On dit souvent de vos romans qu’ils sont portés par une écriture « incandescente », où la poésie côtoie la violence. Comment parvenez-vous à travailler cette tension dans la langue ?
Anouar Benmalek : J’applique au travail sur mes fictions la réponse de Joe Louis, l’immense boxeur du milieu du siècle dernier, à des journalistes qui lui avaient demandé sa recette pour avoir été aussi longtemps champion du monde toutes catégories : « J’ai fait du mieux que j’ai pu. »
Quant à moi, plus modestement, je me mets réellement à la place de chaque personnage, leur destin devient littéralement le mien et, comme le contexte dans lequel je les plonge est parfois abominablement compliqué, ma réaction et, par conséquent, mon écriture sont pleines de cette tension que nécessite la survie ! Faire de son mieux est la première obligation du romancier s’il entend faire œuvre nouvelle, originale, une obligation artistique et éthique à la limite du commandement religieux. À quoi bon écrire sinon ?
Le Matin d’Algérie : Y a-t-il, derrière cette écriture, un héritage littéraire précis qui vous accompagne encore aujourd’hui ?
Anouar Benmalek : Je suis l’héritier de tous les livres que j’ai lus, des plus médiocres aux plus remarquables. Et j’en ai lu beaucoup, des romans policiers de base aux ouvrages les plus sophistiqués, des comics tellement aimés de mon enfance à la science-fiction la plus échevelée. Et puis la poésie, ah, la poésie…
Le Matin d’Algérie : Votre livre convoque plusieurs temporalités et points de vue. Était-ce une contrainte narrative ou, au contraire, une liberté indispensable ?
Anouar Benmalek : Notre principal ennemi est le temps, cet assassin qui nous pousse sans arrêt dans le dos jusqu’à nous précipiter dans l’abîme à la fin. Qui résisterait à la possibilité magique, si elle lui était accordée, de remonter ce maudit temps afin de changer le passé et de repartir à l’assaut de l’avenir, à nouveau plein d’espoir et d’illusion ? L’auteur que je suis n’y a pas résisté, mais il a introduit dans son roman une contrainte : remonter le temps se paie toujours très cher, car l’univers n’est en rien conçu pour être tendre envers les créatures vivantes.
Le Matin d’Algérie : Quel rôle joue pour vous la fiction dans l’exploration de la mémoire historique ?
Anouar Benmalek : Je suis d’abord romancier, c’est donc le théâtre des sentiments des êtres humains qui est au centre de mon travail : la fiction est donc l’essentiel, la mémoire historique, le décor en quelque sorte où se meuvent mes personnages. J’ai à cœur cependant que cette restauration de la mémoire soit la plus précise possible ; ce scrupule de présenter l’histoire telle qu’elle aurait dû être présentée, de la débarrasser des oripeaux du mensonge, est pour moi la politesse minimale que l’on doit au lecteur.
Le Matin d’Algérie : Votre œuvre est traversée par des préoccupations politiques et morales. Pensez-vous qu’un écrivain puisse rester en retrait des grands drames contemporains ?
Anouar Benmalek : Un écrivain est aussi un citoyen. Mais il ne doit pas mélanger ses deux identités, car les exigences de l’une et de l’autre ne se sont pas interchangeables. D’un autre côté, j’ai toujours tenté autant que faire se peut de remplir mes devoirs de citoyen, en particulier de m’élever contre les trop nombreuses atteintes à la démocratie et à l’État de droit depuis l’indépendance de notre pays. Mais dans ce domaine, on est toujours très loin d’en faire assez, malheureusement.
L’Algérie est un pays « difficile », et les différents pouvoirs qui s’y sont succédé peuvent vous faire payer très cher vos velléités de participation à la vie de la nation…
De plus, la « compréhension » qu’ont les dirigeants de la nécessaire liberté qui accompagne la création est très relative, sinon nulle.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes vous-même exilé depuis longtemps. Quelle part de votre expérience personnelle irrigue ce livre ?
Anouar Benmalek : L’exil est formateur, dans le sens qu’il vous apprend à vous départir de vos habitudes de pensée et, partant, de nombre de vos préjugés. L’exil est parfois âpre, sinon douloureux. Mais je sais également que je n’aurai pas pu écrire les livres que j’ai écrits en restant en Algérie. L’accueil qui a été réservé en Algérie, par exemple, à mon roman Ô Maria, avec son cortège d’articles incendiaires et de menaces de mort, m’est resté en travers de la gorge, cette gorge qu’un groupe terroriste se promettait justement de trancher pour crime supposé, et absurde, d’atteinte aux « constantes spirituelles » du pays.
Le Matin d’Algérie : Dans un monde saturé de violence, où les guerres et les exils se multiplient, quel rôle attribuez-vous encore à la littérature ?
Anouar Benmalek : Un écrivain ne doit pas espérer changer le monde, tout au plus, s’il n’est pas trop maladroit, de créer un instant d’échange, parfois précieux, entre lui et une poignée de lecteurs. Si la littérature avait le pouvoir de changer le monde, cela se saurait.
Regardez la pléthore d’écrivains de génie qui ont traversé le vingtième siècle : cela n’a pas empêché ce siècle de subir plusieurs génocides, deux guerres mondiales, la barbarie coloniale sur tous les continents, l’impérialisme arrogant et meurtrier des uns et des autres, etc.
On continuera malgré tout à écrire des romans, des nouvelles, de la poésie parce que, comme le soutient une célèbre maxime, il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer.
Le Matin d’Algérie : Enfin, que diriez-vous aux jeunes lecteurs algériens et francophones qui vous découvrent aujourd’hui avec ce roman ?
Anouar Benmalek : Lisez, et lisez autant que vous pouvez. C’est la meilleure hygiène morale et spirituelle qui soit dans ce monde décérébré par la propagande des chaînes de télévision et la bêtise souvent crasse des réseaux sociaux.
Entretien réalisé par Djamal Guettala
À noter
Une rencontre avec Anouar Benmalek autour de son roman Irina, un opéra russe (Éditions Emmanuelle Collas, 2025) se tiendra le vendredi 14 novembre 2025 à partir de 18h30, à la librairie L’Île aux Mots, 7 rue Urbain V, Marseille 2ᵉ (quartier Joliette/Arenc).
Crédit. Image générée par IA par Jeanette Atherton de Pixabay
Il ne se passe pas un seul jour où dans la presse nationale autorisée l’Algérie ne bombe pas son torse, ne menace pas, ne montre pas son prestige et sa certitude de la portée de sa voix. Le fennec algérien a toujours eu cette ambition de sortir de son désert et conquérir le monde par son cri.
Mais le fennec est petit, frileux et ne ferait même pas fuir une mouche sur un chameau. Pourtant c’est ce qui se passe dans mon pays natal. Ils vivent encore dans cette croyance de puissance, un demi-siècle après l’esbroufe des moustaches du colonel.
Lisez n’importe quel journal algérien autorisé et recensez combien d’articles concernent la glorieuse participation au monde de sa force à régler les conflits, mettre fin aux agressions des pays occidentaux ou siéger dans des conférences aux noms aussi longs que le bras et aussi téméraires par leur ambition.
On se demande d’ailleurs comment fait notre ministre des affaires étrangères qui ne sait plus où donner de la tête ni de la voix menaçante. Il sort ses griffes à l’ONU, hurle dans les conférences et ne cesse, d’escale en escale, de porter la voix de notre dictature devant des autocrates qui ne sont intéressés que par les variations de la bourse pour leur propre intérêt.
Mon pays voulait être le phare du tiers-monde et pense l’être encore. Comme phare il y a plus fiable après tant de bateaux qui se sont fracassés sur les récifs. Cinquante ans que le pauvre Polisario compte sur les muscles déployés de l’Algérie. Il vient de recevoir un gros coup de massue sur la tête par la perte de tous ses espoirs.
Le régime crypto-militaire a menacé mille fois Israël de sa foudre. Il n’a même pas été capable d’envoyer un seul soldat pour défendre les Palestiniens ni même garantir sa survivance alimentaire et sanitaire.
Il a défendu et a siégé dans toutes les réunions des plus gros dictateurs de la terre. Il n’a jamais pu en tirer véritablement profit, ils tombent tous et sont remplacés par d’autres. Il faut alors courir derrière le nouveau et se faire pardonner l’appui pour celui qui a été renversé.
Nous avons abandonné nos cultures et nos langues pour prendre ceux du septième siècle et des monarchies du pétrole. Eux, ils n’ont pas été aussi stupides et se sont retournés vers la puissante Amérique, ses dollars et sa langue.
Notre régime a créé l’islamisme comme rempart à son pouvoir, il s’est retourné contre lui. Il l’a combattu au prix du sang des Algériens et le résultat est qu’on a aujourd’hui, les militaires et les foulards.
Grandiloquence, stature ridiculement menaçante, ce régime n’a de pouvoir que celui d’alimenter les banques étrangères en flux de corruption. Nous n’avons aucun levier de fixation mondial des prix du pétrole et du gaz. L’Algérie compte les points des événements mondiaux, elle encaisse lorsque c’est à son profit, elle menace dans le vent lorsqu’elle y perd.
Le pauvre fennec, il voulait jouer dans la cour des grandes forêts du monde. Il n’en n’a ni la force ni le pouvoir d’adaptation.
Pourtant, nous nous serions parfaitement contentés de ce magnifique animal d’une grande beauté. Sa furtivité lui permettait de nourrir sa portée et il aurait pu se contenter de cette beauté et de son utilité. Nous aurions été fiers qu’il soit l’emblème de notre pays au-delà de celui d’une équipe de baballe. Il doit en rougir de honte de ne pas mériter plus.
Notre régime crypto-militaire a revêtu son armure de chevalier justicier des opprimés. Il les a dépouillés jusqu’à les laisser en guenilles. L’Ivanhoé à l’assaut de l’injustice du monde s’est converti en brigand détrousseur des plus démunis.
Nous l’aimons bien notre fennec, nous n’avons pas besoin d’un lion qui nous dévore. Nous en sommes fiers comme il est et nous le chérissons.
Il nous aurait protégés de sa noblesse sans qu’il soit obligé de prendre la posture du lion.
Harragas 2033, Arezki et Elke, liaison dangereuse entre Paris et Alger est le dernier roman publié par Kacem Madani aux éditions du Net. Ce livre tranche avec les autres œuvres que cet auteur a publiés ces dernières années.
Même si le titre est quelque peu futuriste et nous projette dans le temps, ce roman est d’une brûlante actualité. Tout commence pour ce jeune harraga sur un quai de gare parisienne. Son regard croise celui d’Elke, une jeune femme qui venait d’arriver d’Amsterdam flanquée de deux valises avec lesquelles elle se débattait. Grand cœur Arezki propose de l’aider. Ravie la jeune femme acquiesce. Au bout de quelques mètres, l’invraisemblable se produit. Elke disparaît. Et Arezki se retrouve avec deux valises cadenassées comme perdu à la sortie de cette gare très fréquentée. Son comportement attire les policiers qui surveillent les allées et venus des voyageurs.
Sans papiers, Arezki n’est pas rassuré. Il sait qu’il n’est pas à l’abri à tout moment d’un contrôle policier. Ce qui ne tarde pas à arriver. Aux questions des policiers de plus en plus insistants, Arezki oppose des réponses évasives, peu convaincantes. Papiers ? demande un policier. Le harraga garde un silence embarrassé. « Ouvrez vos valises ?» Demande un autre. … Comment ouvrir des valises dont il n’a pas les clés ? Il tente de s’expliquer, mais pour les policiers, il est déjà « coupable ». Embarqué, jugé et vite expulsé en Algérie… Alors commence le chemin de rédemption d’Elke. Nous n’en dirons pas plus de ce roman plein de rebondissements et de surprises.
Avec un style simple mais efficace, Kacem Madani déploie les plis par couches émotionnelles et humaines successives pour donner à voir l’être humain dans toute sa complexité. Sa grandeur et sa petitesse devant les événements.
Kacem Madani, chroniqueur au Matin d’Algérie, a publié de nombreux essais et des recueils de ses chroniques. On peut citer : « Légendes kabyles, impérieuse culture de mon terroir », « Lounis Aït Menguellet, chants d’honneur », « Fratricide obsession », « Le coupable idéal et autres nouvelles », ainsi ses recueils de chroniques parues sur le site du Matin d’Algérie.
Hamid Arab
Harragas 2033, Arezki et Elke, liaison dangereuse entre Paris et Alger de Kacem Madani. Edilivre éditions
Alors que le Mali subit une pénurie de carburant massive depuis que les jihadistes du Jnim ont décidé, début septembre, de s’en prendre aux camions-citernes qui le ravitaillent, la France recommande à ses ressortissants de quitter temporairement le pays.
« Depuis plusieurs semaines, le contexte sécuritaire se dégrade au Mali, y compris à Bamako », affirme le ministère français des Affaires étrangères dans une note aux voyageurs publiée ce vendredi 7 novembre.
Depuis le début du mois de septembre, outre les attaques visant des positions militaires, les jihadistes du Jnim détruisent les camions-citernes qui circulent sur les routes du Mali. En dépit des escortes qui permettent de sécuriser certains convois, le pays subit une pénurie de carburant massive : de nombreuses activités sont ralenties ou à l’arrêt, la fourniture d’électricité est également affectée.
Du fait de la dégradation de ce contexte sécuritaire et de son imprévisibilité, la France a donc conseillé à ses ressortissants de quitter le pays « dès que possible », ce vendredi 7 novembre, comme les États-Unis, le Canada, l’Allemagne, l’Espagne ou encore le Royaume-Uni l’avaient fait avant elle. Mais les expatriés qui n’avaient pas déjà fui le Mali ces dernières années sont parmi les plus ancrés dans le pays. Alors si certains se sont résignés à partir, d’autres s’y refusent toujours.
« La situation n’est pas dangereuse pour notre sécurité »
Nombre d’entre eux expliquent ainsi à RFI vouloir rester au Mali pour des raisons familiales, le plus souvent, professionnelles, aussi, et parce qu’ils ne veulent pas abandonner tout ce qu’ils ont construit. Mais la plupart préfère ne pas témoigner au micro, même pour exprimer leur amour du pays.
Hélène N’Diaye, elle, a accepté. Cette Française a acquis la nationalité malienne en se mariant à un Malien. Elle est paysagiste, installée à Bamako depuis 22 ans. « Je ne me suis même pas posé la question de savoir si je devais rester ou partir, explique-t-elle. Je vis ici, c’est chez moi. La situation n’est pas, à l’heure actuelle, dangereuse pour notre sécurité personnelle dans Bamako, estime encore Hélène N’Diaye. J’ai une logique très pragmatique, positive, « à la malienne » ! C’est-à-dire qu’on est dans une fragilité économique, mais on n’est pas attaqués. Bien sûr que c’est difficile, mais il est hors de question que je tombe dans ce piège de l’inquiétude. On est dans l’épreuve, mais ce n’est pas pour ça que je vais aller voir ailleurs. »
Mireille, elle, est belge – son nom a été changé à sa demande. Elle a passé près de vingt ans au Mali, pays dont, elle aussi, a acquis la nationalité. Après avoir déjà assisté à trois coups d’État (2012, 2020, 2021), à l’occupation du Nord par les groupes jihadistes (2012), à l’extension progressive des attaques vers le centre puis le sud du pays, ainsi qu’à toutes les phases successives de la guerre depuis plus de dix ans, Mireille s’est finalement résignée à partir il y a quelques jours… temporairement, espère-t-elle.
Crise panique
« C’est une peur qui est venue, une crise panique, confie Mireille. Je me suis dit : aïe, aïe, aïe, est-ce qu’on est en train d’assister à une situation comme en Afghanistan où les jihadistes vont prendre le pouvoir ? C’est ça qui m’a fait peur : les jihadistes. La pénurie de carburant non, je suis très solidaire de tous les Maliens. Ensuite, c’est le risque d’insécurité alimentaire. » Pour autant, Mireille se sent encore moins bien depuis qu’elle est partie. « Je pleure, je pleure le Mali, je pleure la situation, poursuit-elle la voix tremblante. J’ai ma vie au Mali, le Mali est dans mon coeur ! Je ne suis partie qu’avec trois valises de vêtements. Je me sens comme chez moi au Mali, c’est mon pays de coeur et je suis prête à y retourner quoiqu’il arrive. »
À ce stade, la perspective d’une attaque militaire du Jnim pour prendre Bamako est écartée par la plupart des analystes sécuritaires, le groupe jihadiste n’ayant ni les moyens ni l’intention d’exercer le pouvoir pour le moment. Une situation en dépit de laquelle Paris a donc malgré tout demandé à ses ressortissants présents au Mali de « prévoir un départ temporaire » « dès que possible par les vols commerciaux encore disponibles ». Jusqu’ici, la France n’avait recommandé qu’une « vigilance accrue ». Plus de 4200 Français vivent actuellement au Mali, pour l’immense majorité des binationaux.
Le professeur Maaoui avec le professeur Djilali tendant le document. Crédit photo : DR
Le Professeur Mustapha Maaoui, chirurgien de renom et ancien président du comité pédagogique national de chirurgie, revient sur un demi-siècle de pratique médicale à travers son livre Histoires de la chirurgie – Jeux de mains, jeux de mots (Casbah Éditions). Dans cet entretien, le Pr Maaoui raconte l’évolution technique et éthique de la chirurgie, les rencontres marquantes de sa carrière et l’influence des contextes historiques sur sa vocation.
Le Matin d’Algérie : Votre livre retrace le long parcours de la chirurgie à travers les siècles. Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous pencher sur cette histoire et de la raconter de l’intérieur ?
Professeur Mustapha Maaoui : Quand j’ai pris ma retraite en 2023, cela faisait exactement 50 années que je m’étais aventuré dans ce monde très particulier de la médecine avec, dès le départ, l’intention de m’orienter vers la chirurgie. Tous les retraités ne rêvent pas nécessairement de grasses matinées ou de pêches miraculeuses. J’ai ressenti un vide immense que j’ai voulu combler en poursuivant une activité modérée en privé et surtout en me consacrant à l’écriture. Après un premier livre qui raconte une saga sur fond du XXᵉ siècle et de tous les événements qui l’émaillèrent (Éclats de vie. Mémoires synaptiques, Casbah Éditions), j’ai décidé de parler de la chirurgie qui avait accompagné l’Homme depuis qu’il existe et qui a pris sa forme contemporaine avec la maîtrise de l’asepsie, de l’antisepsie, du contrôle de la douleur (antalgiques), des hémorragies (hémostase), du curare pour l’abord des viscères abdominaux, c’est-à-dire une période couvrant à peine un peu plus d’un siècle et demi. On sait par ailleurs que les guerres étaient souvent à l’origine de progrès de la médecine et surtout de la chirurgie.
Avec les deux guerres mondiales ainsi que les guerres de décolonisation (Indochine-Vietnam, Algérie), ou encore le terrorisme de la décennie noire, il y avait de quoi faire. Plus récemment débuta l’ère des transplantations d’organes. La première transplantation, attribuée au seul Christian Barnard, brillant chirurgien narcissique et dépourvu de scrupules, eut un retentissement comparable à celui des premiers pas de l’Homme sur la lune. Les transplantations rénales, hépatiques, pancréatiques, intestinales, etc., prirent le relais. Puis les progrès technologiques occupèrent le devant de la scène avec l’avènement de la chirurgie laparoscopique, puis robotique, ouvrant la voie à la télé-chirurgie comme nouvelle chirurgie. C’est une période exaltante mais qui comporte des zones d’ombre qui imposent des précautions d’ordre éthique et qui peut poser au législateur la révision de la notion de responsabilité. Ayant vécu tous ces événements, il m’a semblé utile de témoigner.
Le Matin d’Algérie : Le sous-titre « Jeux de mains, jeux de mots » interpelle. Quelle place occupe l’humour, l’ironie ou le jeu dans votre manière d’aborder une discipline aussi sérieuse que la chirurgie ?
Professeur Mustapha Maaoui : Le titre initial que j’avais proposé était Histoires de la chirurgie. De fil en aiguille. La conseillère littéraire de mon éditeur, le professeur Aïcha Kassoul, a proposé le titre définitif qui résume, me semble-t-il, un certain état d’esprit qui anime une partie des chirurgiens. Vous conviendrez avec moi que le métier de chirurgien est des plus stressants qui soient. Pour conjurer le mauvais sort, certains ont recours à la musique classique pour apporter une touche apaisante, d’autres chantent, souvent des chansons de salles de garde, lors de moments de grande difficulté, à la manière des soldats qui montent au front et qui ont besoin d’hymnes ou de trompettes pour préserver leur ardeur.
Certains enfin s’en remettent au Seigneur par quelques formules incantatoires murmurées du bout des lèvres. Les plus nombreux, hélas, ont recours à l’invective et aux remontrances souvent sonores pour attribuer les difficultés opératoires à l’aide peu vigilante, au scialytique qui éclaire mal, au malade qui ne dort pas suffisamment et qui « pousse » (reproche indirect adressé à l’anesthésiste…). Enfin, je fais partie des descendants de carabins qui font appel à l’humour ou aux calembours (parfois douteux) pour dissiper la tension. Il faut rappeler que le caractère « sérieux » est loin d’être corrélé fatalement à la tristesse ou la morosité.
Voici ce que pensait Aïcha Kassoul de mon tapuscrit : « Il est des livres dont on appréhende le trop de sérieux. À en croire le titre, celui de Mustapha Maaoui aurait pu faire partie de ces ouvrages sévèrement documentés, si le chirurgien ne connaissait pas les vertus d’une main « légère », habilement apte à se saisir des sujets les plus âpres pour en faire le récit le plus plaisant qui soit. Jeux de mots, jeux d’esprit, le stylet de l’écrivain remplace le bistouri pour fouailler ce qu’il y a de meilleur en nous : la curiosité, l’intérêt pour le savoir, une réflexion sur le sens de la vie et la valeur de l’homme face aux enjeux technologiques et financiers. Le texte, on le voit, ne manque pas de profondeur sans aller toutefois jusqu’au vertige, ni même jusqu’à donner le tournis. L’auteur conforte le chemin avec une sacrée dose d’humour et un sens de la formulation qui fait mouche, signalant non seulement une intelligence de l’esprit mais aussi celle du cœur. (…) L’invitation au voyage serait peut-être plus attrayante si l’on donnait au titre un sous-titre qui mettrait l’accent sur son aspect « littéraire ». Proposition : Histoire de la chirurgie. Jeux de mains – Jeux de mots. »
Le Matin d’Algérie : Vous montrez comment la relation entre soignant et soigné a changé avec le temps. Peut-on encore parler aujourd’hui de « présence » du médecin au chevet du patient ?
Professeur Mustapha Maaoui : Avec l’amélioration étonnante de l’imagerie médicale, souvent demandée par le médecin traitant (et parfois par le malade lui-même), il arrive de plus en plus fréquemment, hélas, de court-circuiter l’examen clinique classique et donc de sacrifier la sémiologie (interrogatoire, inspection, palpation, auscultation) pour scruter exclusivement les images du scanner et/ou l’interprétation de l’imageur. La décision thérapeutique concerne en quelque sorte une image plus qu’un être humain ! Par ailleurs, dans certains pays de haute technologie, on opère de plus en plus grâce à l’avènement de la robotique des malades qui se trouvent dans d’autres pays, voire d’autres continents.
Le Matin d’Algérie : L’introduction du livre évoque l’émergence de l’intelligence artificielle et des technologies invasives. Comment le chirurgien peut-il rester maître de son art dans un tel contexte ?
Professeur Mustapha Maaoui : Cette IA est de plus en plus présente dans différents domaines des activités humaines. Si les progrès technologiques sont inéluctables et représentent bien sûr un bienfait pour l’humanité quand ils sont maîtrisés, ils risquent, dans le cas contraire, de se transformer en un cauchemar, ce qui a fait dire à Einstein : « Le progrès technique est une hache qu’on aurait mise entre les mains d’un psychopathe. »
Le Matin d’Algérie : Vous avez entamé vos études dans les années 1960 à l’université d’Alger, dans une Algérie fraîchement indépendante. En quoi ce contexte historique a-t-il influencé votre vocation ?
Professeur Mustapha Maaoui : Durant la colonisation, les ambitions universitaires pour les « indigènes » étaient canalisées et balisées : pour le droit, on ne pouvait être qu’« Oukil » ou « Bougadhou », ayant pour vocation de régler les chikayettes et les disputes de Clochemerle, et pour la médecine, l’ambition ne pouvait aller au-delà du toubib, médecin de famille. L’indépendance a corrigé cette injustice. Avec beaucoup de mes compatriotes, je me suis engouffré dans cette filière élevée au niveau du possible.
Le Matin d’Algérie : Vous parlez d’un parcours de chirurgien « nomade ». Quelles spécialités avez-vous explorées et que vous ont-elles appris, au-delà de la technique ?
Professeur Mustapha Maaoui : Par « nomade », j’entends les différents services où j’ai été affecté à des périodes étalées sur le temps : Mustapha (Orthopédie-Bichat), Neurochirurgie, Chirurgie pédiatrique, Chirurgie oncologique-CPMC, Chirurgie digestive-CCA, Gynécologie-obstétrique Parnet, Chirurgie Rouïba, Service de Chirurgie au CHUV de Lausanne, Chirurgie Ain Taya, Chirurgie Thénia, SAMU 38 de Grenoble, Chirurgie Kouba. On voit à travers cette liste les objectifs spécifiques ainsi que la différence des moyens mis à la disposition des chirurgiens selon les sites : entre les moyens du CHUV de Lausanne et ceux de Thénia (où le voltage de l’électricité est à 110 V) avec une activité qui s’est déroulée de 1990 à 1998, en pleine décennie noire, la différence est énorme. Pourtant, c’est à ce niveau que s’est consolidée ma conviction de l’importance de l’élément humain au sein d’une équipe déterminée.
Le Matin d’Algérie : Avez-vous le sentiment que la chirurgie, telle que vous l’avez pratiquée, appartient aujourd’hui à un monde révolu ?
Professeur Mustapha Maaoui : En dehors de quelques pays très minoritaires, qui pratiquent une chirurgie futuriste, pas obligatoirement au service du malade ou de la santé publique, l’immense majorité des pays pratiquent une chirurgie avec aménagements et adaptation progressifs de leurs activités, et les règles de la chirurgie demeurent les mêmes dans leurs grandes lignes. Pour démarrer une voiture, on a recours de moins en moins à la manivelle et on est passé progressivement de la vitesse au volant à celle du plancher, puis au boîtier de vitesse automatique, et même aux voitures sans chauffeur, sans que les règles de conduite changent fondamentalement.
Le Matin d’Algérie : Le livre est aussi une galerie de portraits, de maîtres, de collègues, de patients. Quelles rencontres vous ont le plus marqué, humainement et professionnellement ?
Professeur Mustapha Maaoui : J’ai côtoyé de très nombreux chirurgiens dont un grand nombre mériteraient d’être cités — il faudrait un bottin ! Comme la chirurgie est un travail d’équipe, je me contenterai d’évoquer l’équipe de Bichat, les fameux Bichat’s Boys, mon premier service, sous la férule du professeur Ferrand, avec Chitour, Martini, Mehdi, Brahimi, Ould M’hamed, Guidoum, Zitouni, et l’équipe « d’en face » : Mentouri, Roche, Djilali. Parmi mes collègues, tous remarquables, je citerai volontiers Saïd Bouhelassa pour ses qualités humaines et professionnelles exceptionnelles.
Deux patients m’ont profondément marqué. Le premier, un ami de longue date de mon père, que j’avais opéré d’un monstrueux chordome périnéal, tumeur derrière le rectum. Il était en position ventrale, ce qui avait provoqué, en fin d’intervention, un arrêt cardiaque. J’étais aidé par deux débutants et il m’a fallu un grand calme pour le retourner, rassurer mon équipe et procéder à un massage cardiaque qui l’a finalement sauvé. Le second patient, je l’ai opéré à Thénia durant la décennie noire. A…, le bijoutier du village, appartenait à une grande famille alliée à toutes les tribus de la région.
Parmi eux, certains étaient des hommes discrets et respectables comme lui, mais il avait, et c’était de notoriété publique, des parents haut placés dans la hiérarchie des groupes terroristes. Un de ses neveux, H…, anesthésiste dans mon équipe, me l’avait amené en consultation avec un dossier complet. Il savait qu’il s’agissait d’un cancer du rein droit localement avancé, occupant tout l’abdomen, avec envahissement de la veine cave. La famille refusait l’idée de toute évacuation, me demandant de l’opérer sur place, dans une totale confiance. Le « jour J », l’hôpital était envahi par une foule d’hommes de tous âges, répartis en petits groupes dans les couloirs. L’anesthésiste me rassura : tout était prêt, la banque de sang débordait de flacons du groupe de son oncle, et de nombreux parents attendaient dehors pour donner le leur, « du sang sur pied », en quelque sorte. L’atmosphère était lourde : cinq heures d’une chirurgie périlleuse, au cœur d’un environnement vasculaire complexe, avec un prolongement cancéreux flottant dans la veine la plus grosse et la plus fragile de l’organisme, à retirer en même temps que le rein.
Autour du bloc, une foule silencieuse, peut-être mêlée d’assassins. Mais je ne ressentis aucune hostilité, seulement une tension extrême. J’ai choisi de ne voir que le malade. L’intervention se déroula sans incident. Le bijoutier se remit rapidement et vécut encore trois ans, sans récidive. Avec le recul, j’avais sans doute commis un délit de faciès, mais les craintes étaient réelles. Quant aux grands chirurgiens, j’en ai croisé beaucoup, mais s’il ne fallait en retenir qu’un, ce serait Ton That Tung. Fils de mandarin annamite, il refusa la charge héréditaire pour se consacrer à la chirurgie, entamant à Hanoï une carrière fabuleuse qu’il poursuivit à Paris.
En 1937, il décrivit magistralement, en la « réinventant », l’anatomie du foie, révolutionnant ainsi la chirurgie hépatique majeure. Ton That Tung démocratisa cette chirurgie en prouvant qu’on pouvait, avec une parfaite connaissance de l’anatomie, réaliser les opérations les plus complexes sans appareillage sophistiqué — simplement avec les doigts. Il appelait cela la digitoclasie. Refusant les honneurs et la richesse, il retourna en Indochine rejoindre le combat de son peuple. Il dirigea les services de santé pendant trente ans, menant la lutte contre le colonialisme français, puis contre l’impérialisme américain.
De la jungle, il publiait dans des revues occidentales indexées des articles en chirurgie hépatique, en neurochirurgie et d’autres spécialités avec des résultats supérieurs à ceux des plus grands centres occidentaux. À la fin de la guerre, alors que les Anglo-Saxons l’invitaient partout, lui et son épouse déclinèrent toutes les offres, sauf celle du professeur Mentouri, qui les invita en Algérie. À la clinique chirurgicale A, cette légende vivante nous fit l’honneur d’une conférence ; il ne s’aida ni de transparents ni de diapositives, mais du tableau noir et de la craie. « Ce que l’on conçoit bien se dessine clairement », aurait-on pu dire en conclusion de cet exposé magistral. Cette conférence fut suivie d’une hépatectomie tout aussi magistrale.
Le Matin d’Algérie : L’éthique occupe une place centrale dans votre réflexion. Quels sont, selon vous, les dilemmes éthiques les plus urgents auxquels la chirurgie contemporaine est confrontée ?
Professeur Mustapha Maaoui : Soigner, c’est avoir cette possibilité très particulière de faire intrusion dans l’intimité et parfois de porter atteinte à l’intégrité corporelle d’autrui. De toutes les spécialités médicales, la chirurgie est celle qui permet d’atteindre ces objectifs et le passage à l’acte, y compris au sens psychanalytique du terme, est accepté, voire demandé par le patient, et autorisé par la loi, car légitime et porteur d’un projet thérapeutique. Étymologiquement, la chirurgie est l’œuvre de la main. C’est en partie vrai, car c’est le cerveau qui guide la main (Homo sapiens guidant Homo habilis). Et même si on sait ce qu’il faut faire et qu’on sait le faire, on ne peut pas toujours le faire : il y a une régulation morale, éthique, religieuse, juridique… La révolution industrielle a été à l’origine de la spécialisation.
La révolution numérique laisse apparaître la perspective d’une sur-spécialisation. On a de plus en plus recours à l’intelligence artificielle et à la robotique en rajoutant des CO-BOT (Coopération-Robotique), c’est-à-dire des bras animés chargés de seconder le chirurgien. Il se pose alors deux grandes questions autour de cette situation : comment le chirurgien, avec sa mentalité et son ego, forgés sur des millénaires et renforcés à l’ère moderne par des progrès plus visibles et donc « plus palpables », accepterait-il ce contrôle ? La deuxième question est : « jusqu’à quand le cyborg se contenterait-il du rôle de supplétif ? » La révolution industrielle a été à l’origine de la spécialisation. La révolution numérique laisse apparaître la perspective d’une sur-spécialisation qui va partager ses prérogatives avec d’autres spécialistes, voire avec un robot s’il ne lui en délègue pas simplement toute l’initiative. Nous sommes en train d’assister à un glissement vertigineux qui a poussé certains pays, parmi les plus avancés, à revoir les attitudes et comportements dont doit faire preuve le chirurgien, notamment au sens des responsabilités en ce qui concerne les soins à prodiguer au patient, les relations éthiques avec les collègues, les patients et les proches, ainsi que la capacité de s’adapter aux innovations et aux changements dans le domaine de la chirurgie. Un chirurgien doit s’en tenir aux fondamentaux, sans perdre de vue les nécessaires progrès que l’on se doit de maîtriser en évitant d’en être les esclaves.
Le Matin d’Algérie : Vous évoquez avec lucidité les dérives financières qui influencent les choix médicaux. Comment préserver l’acte chirurgical des logiques de rentabilité ?
Professeur Mustapha Maaoui : Le pouvoir financier et la corruption, qui est son bras armé, ont gangréné tous les secteurs de la vie : la politique, le commerce, les sports, les religions, etc. La santé en général, et la chirurgie en particulier, n’échappent pas à ce pouvoir. Le plus bel exemple est celui du kyste hydatique qui est provoqué par un parasite, véhiculé par les carnivores (chiens), transmis au mouton et qui indirectement peut infecter l’homme. Quand on a compris ce cycle et le problème qui y est directement lié, la solution était évidente : s’en tenir à des règles drastiques en matière d’hygiène : abattage des moutons sous contrôle vétérinaire dans des abattoirs et destruction à la chaux de toute carcasse de mouton malade, lavage des mains et purges régulières des chiens de compagnie. Pour avoir appliqué ces règles élémentaires de propreté, les Irlandais, par exemple, ont éradiqué le kyste hydatique. Dans notre pays, nous nous payons le luxe de traiter cette maladie archaïque en chirurgie laparoscopique, voire robotique, avec, comme traitement adjuvant, des « médicaments » qui n’ont d’autre intérêt que celui d’enrichir ceux qui arrivent à les vendre aux pays sous-développés.
Le Matin d’Algérie : En tant que chirurgien ayant exercé en Algérie, quel regard portez-vous aujourd’hui sur l’évolution du système de santé algérien, notamment dans le domaine de la chirurgie ?
Professeur Mustapha Maaoui : Notre pays est un pays composé en grande partie de jeunes, supposés être en bonne santé. Certes, il faut qu’il y ait quelques grands hôpitaux polyvalents équitablement répartis à travers le territoire national, mais le système de santé doit être orienté plus vers la prophylaxie que vers les thérapeutiques lourdes. Les accidents de la circulation sont parmi les plus meurtriers d’Afrique, et la drogue fait des ravages. Ce doit être un axe de travail qui ne relève pas seulement du domaine de la santé. Il convient donc de préférer Hygiée à Panacée et de s’occuper du bien-être des populations (droit au travail, au logement, etc.) pour être efficace.
Pour ce qui concerne la chirurgie, je sais qu’il y a d’excellentes équipes chirurgicales à travers le territoire national. J’ai une seule crainte quant aux récentes réformes concernant l’enseignement de la médecine en général et de la chirurgie en particulier : celle décidée brutalement de passer à l’anglais.
Certes, c’est jusqu’à présent la langue de la recherche scientifique, mais quid de la langue chinoise qui représente un pays qui va prendre les rênes des innovations scientifiques à venir ?
Une telle décision aurait dû être prise par une commission pédagogique et concerner l’enseignement supérieur d’abord, accompagnant la langue arabe et française jusqu’au passage du témoin. Dans un pays où l’anglais est maîtrisé au « stade » de « One Two Trai, Viva l’Ongérée », la décision me paraît suicidaire en l’état. Nous nous retrouvons dans la situation où le retour à la langue arabe, qui était une nécessité morale, culturelle, indépendantiste, aurait dû respecter les acquis et échapper à l’idéologie pour n’obéir qu’à la pédagogie. Pour avoir failli dans cette stratégie, nous avons acquis la maîtrise non pas de la langue arabe, mais de la langue de bois.
Le Matin d’Algérie : Si vous deviez résumer en une phrase l’esprit de Histoires de la chirurgie, que voudriez-vous transmettre avant tout à vos lecteurs ?
Professeur Mustapha Maaoui : Une équipe chirurgicale fonctionne comme une équipe de football : c’est une équipe qui fonctionne collectivement avec des individualités qui ont chacune son ego, et il peut se manifester aussi bien de la solidarité que des sentiments comme l’esprit de compétition, ce qui est positif, mais aussi de la jalousie. Par ailleurs, le chirurgien, comme le footballeur, reste un être humain vivant à des périodes données et dans des sociétés particulières, et c’est cette humanité, avec ses forces et ses faiblesses, que j’ai voulu transmettre, en mettant en lumière des figures comme Ton That Tung, le « Maradona de la chirurgie », qui a allié maîtrise technique et engagement humain, plutôt que Pelé, très grand sur le terrain et uniquement sur le terrain.
Entretien réalisé par Djamal Guettala
Mustapha Maaoui — Ancien président du comité pédagogique national de chirurgie, ex-vice-président du Conseil de l’Ordre des Médecins, ex-chef de service de Kouba.
Des pluies parfois sous forme d’averses orageuses, accompagnées localement de chutes de grêle, avec rafales de vent sous orages, affecteront plusieurs wilayas du centre et de l’est du pays à partir de samedi, indique un Bulletin météorologique spécial (BMS), diffusé vendredi par l’Office national de météorologie.
De niveau de vigilance « Orange », le BMS concerne les wilayas de Tipaza, Alger, Blida, Boumerdes et le nord de Bouira, avec des quantités de pluie estimées entre 20 et 40 mm et ce, de samedi à 18h00 à dimanche 12h00, précise la même source.
Les pluies toucheront également les wilayas de Tizi Ouzou, le nord de Sétif, Bejaia, Jijel, Skikda, Annaba et El Tarf de samedi à 21h00 à dimanche à 21h00, avec des quantités estimées entre 30 et 50 mm, pouvant atteindre ou dépasser localement 70 mm.
Le Bureau de l’Assemblée populaire nationale (APN) a arrêté le programme des séances consacrées au débat du projet de loi de finances (PLF) 2026, lors d’une réunion présidée par le président de l’Assemblée, Brahim Boughali, indique un communiqué de l’institution législative.
Le débat du PLF 2026 débutera dimanche, lors d’une séance plénière, au cours de laquelle le texte sera présenté par le représentant du gouvernement, suivie de la présentation du rapport préliminaire de la commission compétente, puis des interventions des députés, précise la même source.
Le débat général se poursuivra lundi et mardi, sachant que la séance de l’après-midi du deuxième jour sera consacrée aux interventions des présidents des groupes parlementaires, ainsi qu’à la réponse du représentant du gouvernement, selon la même source.
Il a également été décidé de soumettre le PLF 2026 au vote le mardi 18 novembre, tandis qu’une séance consacrée aux questions orales est prévue pour jeudi 20 novembre.
Lors de la même réunion, le Bureau de l’APN a examiné les questions orales et écrites qui lui ont été soumises, et a décidé de transmettre au gouvernement celles qui remplissent les conditions légales, conclut le communiqué.
Le 28e SILA a été fortement marqué par un hégémonisme rétrograde d’ »épiceries halal » destinées au seul public assoiffé pourtant d’acculturation livresque. Au passage de chacun des stands d’éditeurs et de libraires locaux, la mémoire littéraire de plus de 5000 ans est réduite à un liminaire 1954-62.
La mémoire de nos lettres crie au blasphème à chaque fois que les restes des tenants de l’Article 120 de la déchéance culturelle se prononcent au nom de la critique littéraire ou des neurosciences.
Faut-il brûler Albert Camus ou carboniser Jean Amrouche, afin de standardiser l’abjection ? Il est plus salvateur de s’éloigner de cette pseudo-sous-culture et de se ressourcer auprès de diligentes plumes. Il y a 79 ans, l’une de ses dernières osait de s’interroger pour savoir qu’est-ce qu’il y a de commun entre l’homme absurde de Camus et l’homme héroïque de Jules Roy, de l’ouvrier d’Emmanuel Roblès, du Bunoz jouisseur et âpre de Claude de Fréminville et la poésie hautaine de L’Etoile secrète de Jean Amrouche ?
Forment-ils réellement une «Ecole nord-africaine» ?
Passé sous silence par une certaine critique littéraire, le nom d’Henri Hell (1916-1991) est totalement méconnu en Algérie. Originaire du Venezuela, de son véritable nom José Enrique Lasry a observé de près l’évolution de cette littérature nord-africaine multiethnique. Elle fut une institution informelle qui prônait «l’amour de la même terre, du même ciel, une même passion de la violence et du détachement», autant de projets d’écritures qui gravitaient autour de la personne de Claude de Fréminville.
Pour Henri Hell, cet exilé hispanique des faubourgs parisiens et le court séjour oranais, apprit que le pessimisme et l’amour de la vie chez Jules Roy font partie du « caractère africain » et «forment toute la pensée méditerranéenne ». L’enfant de Caracas ne le saisit pas de la sorte. Dans le Littéraire, du 14/12/1946, il abordait la question de la littérature en Algérie. Pour le critique d’art qu’il fut, musicologue et critique littéraire, L’Etranger de Camus est « un pure récit français, tel que notre époque se devrait de le renouveler », que les livres de Roblès « ambitionnent la puissance d’un Hemingway », ceux de Jules Roy s’inscrivent dans « la lignée de Saint-Exupéry » et que la poésie de Jean Amrouche « semble issue directement de l’Ecole de Tasse ».
Il n’y a rien, dans ces œuvres, de spécifiquement nord-africain, notera-t-il à cette époque. Remontant aux sources inspiratrices de cette École, il considérera qu’un Fromentin ne trouva sur la terre africaine qu’une source d’inspiration, qu’André Gide n’eut que les assises d’une éthique personnelle, qu’Henry de Montherlant ne développa qu’un style de vie et que pour Jean Grenier, la terre d’Afrique n’est autre qu’un support d’une métaphysique. Il conclura que ces écrits , s’inspirent tous dans le même climat. La seule école littéraire réelle digne de ce nom « devrait être constituée par des indigènes du pays », signale Henri Hell. Des écrivains de culture française a formé et qui fournissent de leur côté, l’apport de leur propre culture algérienne, tunisienne et marocaine. Ils seront des plumes qui s’exprimeraient dans la langue française « leur âme, leurs problèmes et leur conception de l’homme nord-africain ».
Le souhait du critique Hell, s’exhaussera dès la parution du Fils du pauvre et de La Colline oubliée, deux textes que nous désignerons aujourd’hui, comme deux versants d’une même montagne Kabyle. Mais durant les années 40 du siècle passé, il était plus question de cet ex-élève officier du 8e tirailleurs tunisiens (1929), devenu professeur de lettres au collège de Sousse (Tunisie).l’enfant de cette Kabylie errante de part le monde, donnera en février 1931, une conférence sur L’espace de France au sein du local de l’Association des anciens élèves de l’Ecole franco-arabe de la même ville. Deux ans après, il évoquera toujours à Sousse, les rapports entre Poésie et mystique au même moment, il publiait son poème «Prière» dans la revue tunisienne Marges.
L’homme n’était pas top accepter par une certaine France, collaborationniste et pétainiste. C’est ainsi que le plumitif de l’hebdomadaire France-Jeu paraissant à Lyon, écrivait dans son numéro du 5/12/1942 que Jean Amrouche, qu’étant Berbère et de vieille souche « arrive à se racheter d’une incompréhensible agrégation de Lettres par une intelligente critique des plus pénétrantes et la chaude sympathie qui inspire tout ce qu’il écrit (ceux-là seuls qui connaissent les Arabes ne s’étonnant pas de me voir effaré de ce que Jean Amrouche au carrefour de deux civilisations lumineuses et pourrissantes, réalise cet harmonieux équilibre qu’il se refuse à toute compromission».
Après les massacres de mai 1945 et en pleine phobie macartiste mondialisée, les furtifs débats sur un éphémère statut particulier de l’Algérie en l’admettant au sein d’une nouvelle union coloniale. Jean El Mouhouv Amrouche est avec Albert Camus à Paris au début 1947, sur invitation du proconsul Chataigneau afin d’inaugurer, et grandes pompes, une exposition sur «la vitalité littéraire de l’Algérie». L’objectif est d’édifier une voie conciliante de l’après génocide de mai 1945. Mais toujours cette France, issue de l’Action française et de ses appendices (PPF-PSF), qui ne se lasse pas de la cabale anti-Amrouche jusqu’à la veille des premiers contacts entre le FLN-GPRA et le gouvernements du MRP.
Pour se rendre compte de ce climat cryptofasciste de la république parisienne, nous citerons deux gratte-papiers et écrivailleurs de l’Empire coloniale: Pierre Boutang (1916-1988) qui notait dans La terreur en question. Lettre à Gabriel Marcel (Paris, 1958) qu’un Jean Amrouche est « un haineux berbère et ingrat», tout en qualifiant les tragiques événements de Sakiet-Sidi-Youssef d’une simple «embuscade de fellaga» au même moment où on a arrimé le bateau Slovenija, portant une cargaison d’armes lourdes « aux communistes pour la relance de la rébellion en Algérie ».
Le second écrivassier est encore plus virulent, Pierre Debray (1922-1999) et en bon maurrasien du nationalisme-royaliste, notait dans La troisième guerre mondiale est commencée (1958) que, J. Amrouche n’est qu’un « rallié de dernière heure, homme de lettres déçu dans ces ambitions » et que, « si méprisable qu’il soit, un Jean Amrouche a sur Martinet l’incommensurable supériorité de la logique ».
C’est ainsi que la France du populisme cagoulard voyait celui qui avait dit qu’on « voudrait enfermer l’homme dansce dilemme:liberté ou justice. Nous ne renonçons ni à l’un ni à l’autre. Notre destin d’hommes est de souffrir la contradiction pour la dépasser. Pas de liberté sans justice, pas de justice sans liberté ». Jean Amrouche posait véritablement problème à cette France du pétainisme déchu, lorsque la revue de tourisme et des stations thermales et climatiques, Le Pays de France, paraissant à Paris, demanda pour son numéro 4 janvier 1947 à Amrouche et Albert Camus de présenter un récit de voyage sur leurs pays respectifs en vue d’inciter le public à la découverte des terres coloniales, le premier a préféré sa Tunisie qu’il connaît si bien, alors que pour le second il sera question de cette Algérie sans passé.
Jean Amrouche le paysagiste tunisien…
En 1947, le Kabyle de Sousse est une réelle force de la nature qu’il est impossible de dissocier de l’histoire littéraire de la Tunisie. Son étude, intitulée Paysages tunisiens, et devançant celle de Camus, le plus «Africain» de toute l’équipe de la revue L’Arche évoque dans un ton de confidence « toute la gamme des blancs, car ce pays entre tous effacé n’admet pas le bariolage des tons heurtés ». Ici, il est question de cette Tunisie « petite sœur de l’Algérie, cousine pauvre du Maroc, elle est plus précieuse, comme un bijou ancien brille d’un éclat plus rare qu’un bijou neuf », celle d’un pays classique, de la discrète médiocrité et de la grâce, note-t-il.
Aux côtés de deux pays, tellement riches « d’énigmes et de contrastes », la Tunisie de Jean El Mouhouv Amrouche a une subtile essence qui émane d’elle, l’enveloppant « d’une tranquille magie » à travers ses lieux déshérités.
Dès l’ouverture de ce récit sensé inciter aux voyages, Jean Amrouche insiste sur cet Orient qui se dégage du pays telle « cette immense oasis de silence où les couleurs s’éteignent, où les gestes ne sont que de furtifs glissements, où les paroles n’ont d’autre sens que celui qu’elles reçoivent d’un imperceptible mouvement de lèvres ».
Personne ne peut se vanter de connaître ce pays, notamment dans « sa réalité spirituelle ». Nous ne pouvons saisir que sa mince écorce, qui ne laisse rien transparaître de cette profonde âme tunisienne, note-t-il fortement. Il y a bien deux Tunisie qui se dégagent de cette poésie de Jean El Mouhouv Amrouche, celle d’abord où l’on songe à une terre nonchalante, « non point tant ensommeillée que nerveuse, où les soucis du présent s’estompent dans l’ombre solennelle des grands souvenirs de l’histoire, où la fièvre mécanicienne des temps modernes se tempère au contact de la résignation orientale ». Il y a cette autre Tunisie, qui souffre, qui a été bouleversée par la guerre et elle a payé « cher la gloire des armes ». Le pays des villes martyres : Bizerte, Tunis et Sousse. La Tunisie qui attend d’être reconstruite dans un effort « de création où la volonté et l’imagination, où l’esprit novateur devraient triompher de la routine ».
Si la Tunisie fait figure de parente pauvre par rapport au Maroc et à l’Algérie, c’est surtout un pays qui vit moins par lui-même, puisque c’est un pays qui a tout « emprunté, et qui continue; une transition entre le Maghreb proprement dit où de puissances masses de Berbères ont conservé leur antique civilisation et le véritable Orient, foyer de rayonnement de l’Islam moderne ». La Tunisie de Jean Amrouche est une poésie de la terre, bien différente de cette oblitération camusienne d’une terre qui est, certes en lui, mais n’existe nulle part.
Albert Camus et ses villes sans passé
À l’affût de toute représentation de cette « école littéraire nord-africaine », Le Littéraire du 10/8/1946 publia une interview d’Albert Camus que l’auteur de Caligula donna au journaliste Gaëtan Picon et le long de laquelle nous apprenons que c’est bien un homme lucide, patient, réfléchi et d’une « énergie retenue » qu’il enclenche sur la question de son roman L’Etranger en disant qu’il « n’est qu’une nouvelle. Les critiques en ont parlé comme si j’avais, dans ces quelques pages, livré mon œuvre entière. Les critiques parlent souvent trop tôt ».
La rencontre s’est faite au moment où Albert Camus entamait La Peste. Un romanque « j’écris avec beaucoup de difficultés et de lenteur» dira-t-il. Une question d’apprentissage de techniques d’écriture, relève encore Camus. L’épidémie qui aurait touché la ville d’Oran est beaucoup plus une intention d’écrire une histoire liée « à cette terre dont je proviens », une « vraie patrie » où à n’importe quel lieu du monde où qu’il soit, il reconnait « ses fils et mes frères à ce rire d’amitié ».
Du pays en question, que faut-il visiter lorsque l’on est un « voyageur sensible » ? La recette est dans son article de la revue Le Pays de France, avec Alger que Camus voit comme une ville arabe, qu’Oran est un village nègre et quartier espagnol, alors que Constantine n’est qu’un simple quartier juif. Même si Alger a un « long collier de boulevards sur la mer qui lui fait dans la nuit la plus somptueuse des parures », Oran à quand même cette place d’Armes avec « ces deux lions de bronze qui sont bien laids », et que Constantine, n’a que ce pont suspendu « où l’on se fait photographier » et que « les jours de grand vent, on y a le sentiment du danger ».
Entre la douceur italienne d’Alger, le cruel éclat bien espagnol d’Oran et cette Constantine qui fait penser à Tolède, Albert Camus est dans l’ironie – il le signal, lui-même – d’une tourisme de l’absurde. Si l’Espagne et l’Italie « regorgent de souvenirs, d’œuvres d’art et de vestiges exemplaires », les cités de sa terre natale « sont des villes sans passé. Ce sont donc des villes sans abandon, et sans attendrissement ». Elles n’offrent rien à la réflexion, ne sont pas faites même pour la sagesse, ni pour les nuances du goût, écrivait-il au début de son article. N’allez pas en Algérie, il n’y a rien à voir !!! C’est son attachement avec cette Algérie qu’il conçoit dans son ego, qui « l’empêche d’être tout à fait clairvoyant à son égard », il y a ces Arabes, naturellement et « puis les autres ». Les Français d’Algérie sont « une race bâtarde faite de mélanges imprévus », écrit Camus.
Entre la poésie du très « hautain » Jean Amrouche – le jalouse-t-on – et le déflagrateur des races urbaines, il y a toute une histoire littéraire à épousseter.
Au-delà de l’écrivain, le pédagogue. Le travail de Jean-Michel Wavelet dans son essai « Albert Camus : Enseignant empêché, pédagogue résistant » lève le voile sur une dimension longtemps ignorée de l’œuvre et de la vie du Prix Nobel : sa pensée éducative.
En dévoilant la « blessure secrète » de Camus, son exclusion de l’enseignement pour cause de maladie, l’ouvrage démontre de manière percutante comment cet empêchement a paradoxalement catalysé une réflexion humaniste et critique sur l’école, faisant de l’auteur de L’Étranger un « pédagogue résistant » dont le message sur les valeurs et la justice résonne puissamment dans la crise éducative contemporaine.
Le livre de Jean-Michel Wavelet, « Albert Camus : Enseignant empêché, pédagogue résistant », publié aux éditions L’Harmattan, s’impose comme une contribution essentielle et opportune aux études camusiennes en s’attaquant à un angle mort de la critique : le rapport intime et complexe de l’auteur de La Peste à l’éducation et à la pédagogie. Il est remarquable que les exégètes aient si longtemps négligé cette dimension, alors même que Camus a exercé, bien qu’intermittente, une activité professorale non négligeable.
L’auteur, déjà reconnu pour avoir éclairé d’autres aspects de l’œuvre, notamment ses recherches sur Gaston Bachelard et sa lecture précise de la thématique de la pauvreté chez Camus, vise à dissoudre « l’énigme du silence » qui entoure cette période de sa vie. Ce silence est d’autant plus frappant que l’engagement de Camus dans l’enseignement, incluant des cours de philosophie et des sessions collectives, s’est étendu sur près de huit années.
C’est d’ailleurs ce silence que Camus cultive lui-même avec force, répondant d’un « Jamais » catégorique à une journaliste qui l’interroge sur une activité professorale en 1945. Jean-Michel Wavelet initie son travail en pointant l’incohérence entre la durée de cette implication et son absence quasi-totale dans les analyses approfondies. En s’attaquant à cette lacune, l’essai ne cherche pas seulement à rétablir une vérité biographique, mais à prouver que cette expérience d’enseignant, et, crucialement, l’empêchement qui en a découlé, est constitutive de la pensée camusienne, de ses valeurs humanistes et de son engagement en faveur de la justice sociale.
L’auteur révèle de surcroît l’énigme d’une exclusion non uniquement médicale pour l’agrégation en 1938, maintenue malgré les avis médicaux de guérison, questionnant ainsi l’influence du climat politique hostile de l’Algérie française. L’introduction prépare ainsi le terrain pour la révélation centrale de l’ouvrage : le rôle déterminant d’une « blessure secrète » dans la cristallisation de la vision pédagogique de l’écrivain.
L’apport fondamental de l’ouvrage de Jean-Michel Wavelet réside dans la révélation et l’élucidation du « mystère » qui entourait l’activité d’enseignement de Camus. Jean-Michel Wavelet ne se contente pas de signaler la lacune historiographique ; il en découvre l’origine traumatique : la « blessure secrète » d’Albert Camus. L’auteur met au jour le lien direct entre le silence de l’écrivain et son exclusion douloureuse du milieu enseignant, une double humiliation professionnelle, le refus d’un poste d’instituteur puis l’impossibilité de se présenter à l’agrégation, toutes deux causées par la tuberculose, une maladie que Camus lui-même stigmatisait comme la « maladie des pauvres ». C’est là que l’analyse atteint toute sa force paradoxale : cette mise à l’écart forcée, loin de l’éloigner du sujet, a servi de catalyseur à l’élaboration d’une pensée éducative d’une profondeur insoupçonnée.
Son engagement en tant que « pédagogue résistant » est d’ailleurs illustré par son action concrète en Algérie de février 1941 à février 1942, où il a enseigné aux enfants et adolescents juifs exclus de l’enseignement public par les mesures antisémites du régime de Vichy. Jean-Michel Wavelet démontre que cette réflexion est omniprésente, non pas sous forme de traités théoriques, mais « à l’arrière-plan des textes, dans les interstices des récits », se manifestant comme une véritable éthique de l’éducation. Camus n’est pas présenté comme un théoricien systématique, mais comme un pédagogue réflexif s’inscrivant dans la lignée de la tradition libertaire, dont la figure de Ferrer est explicitement mentionnée. Sa pensée n’est pas axée sur des doctrines ou des méthodes, mais sur l’importance cruciale des valeurs, la justice, la vérité, la fraternité, comme fondement de toute transmission.
Cette perspective est indissociable du parcours personnel de Camus : l’enfant pauvre, issu d’une lignée d’analphabètes, dont l’ascension intellectuelle fut entièrement tributaire de l’école républicaine et de figures emblématiques comme son maître Louis Germain, à qui il rendit un hommage poignant lors de son discours de Stockholm. Jean-Michel Wavelet érige l’éducation chez Camus en une véritable quête de justice et de dignité, montrant comment l’écrivain, privé de la transmission directe, a reporté son idéal pédagogique dans l’acte d’écrire, faisant de son œuvre le prolongement de son ambition d’éducateur.
L’impact de l’étude de Jean-Michel Wavelet est profondément novateur et se déploie sur deux niveaux essentiels. D’une part, pour les études camusiennes, l’ouvrage comble une lacune historiographique persistante en offrant une grille de lecture absolument inédite. En réintégrant la dimension pédagogique au cœur de l’humanisme camusien, Jean-Michel Wavelet éclaire sous un jour nouveau des textes fondamentaux, notamment l’ultime roman inachevé, Le Premier Homme, dont le thème central est précisément l’éducation et la transmission. La souffrance de l’« enseignant empêché » devient ainsi la source d’une éthique littéraire : le rôle de l’écrivain est de faire ce que l’instituteur n’a pu faire. D’autre part, l’essai injecte une matière riche et essentielle dans la réflexion pédagogique contemporaine.
L’œuvre de Camus, relue à travers le prisme de l’éducation, se révèle porteuse d’une critique radicale et étonnamment actuelle du système éducatif. L’auteur d’Alger dénonçait un modèle jugé inadapté au monde à venir, coupable de préparer les enfants à vivre dans un monde obsolète, et non à affronter les réalités complexes de leur temps. Pour Camus, la mission de l’enseignement devait être un « style de vie » et non plus des connaissances générales, cherchant avant tout « d’accroître la somme de liberté et de responsabilité qui est dans chaque homme ». En articulant sa critique virulente, nourrie par son expérience de la pauvreté et de l’exclusion, avec une éthique forte de l’engagement et de la résistance, Camus force le lecteur et le pédagogue à reconsidérer le rôle de l’école. Son œuvre devient une source de questionnement sur la finalité de l’enseignement : l’école doit-elle former des citoyens dociles ou des hommes capables de justice, de révolte contre l’injustice et d’autonomie morale face aux urgences du monde moderne ? L’étude de Jean-Michel Wavelet rend ainsi à la pensée de Camus une actualité brûlante dans le débat sur l’avenir de l’école.
Le travail d’exégèse mené par Jean-Michel Wavelet dans son essai est à la fois une réhabilitation et une démonstration de force. Il établit de manière définitive que l’empêchement professionnel subi par Albert Camus, cet interdit d’enseigner lié à la maladie, loin d’être un point d’arrêt, a paradoxalement fécondé et nourri une pensée éducative et humaniste qui infuse l’intégralité de son œuvre.
Le livre prouve que la frustration du maître empêché a été sublimée en une mission d’écrivain : transmettre les valeurs et l’expérience. Cette pensée, intrinsèquement liée à la condition de l’enfant pauvre, témoigne avec une force renouvelée, face à l’injustice sociale et à la misère, des exigences impérieuses de justice et de fraternité. Elle se dresse en rempart contre les fatalités et les systèmes qui aliènent l’individu. Jean-Michel Wavelet parvient ainsi à confirmer l’écrivain comme un véritable « pédagogue résistant » qui, n’ayant pu enseigner sur l’estrade, a choisi la voie de l’écriture pour délivrer son message. L’éducation morale et existentielle de l’homme n’a jamais cessé d’être sa préoccupation majeure, comme en atteste de manière poignante son ultime roman inachevé, Le Premier Homme, qui demeure, dans cette perspective, son testament pédagogique le plus précieux et le plus éloquent.
Brahim Saci
Albert Camus : Enseignant empêché, pédagogue résistant, Éditions l’Harmattan
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