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Industrie: hausse de la production du secteur public de 6,3% au deuxième trimestre

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Ecran plat

La production industrielle du secteur public national a enregistré une hausse de 6,3% au deuxième trimestre 2025, de meilleure ampleur que celle enregistrée durant la même période de 2024 (3,8%), a indiqué l’Office national des statistiques (ONS), qui a relevé que près de l’ensemble des secteurs a contribué à cette tendance.

Selon un communiqué de l’Office, « le secteur de l’énergie affiche une hausse de 9,2% proche de celle observée à la même période de l’année précédente (10,2%) », précisant qu’après quatre trimestres marqués de stabilités et de baisses modérées, le secteur des hydrocarbures « affiche une variation positive de 1,5% au deuxième trimestre 2025. Cette amélioration résulte, principalement, de la branche de la production du pétrole brute et gaz naturel (+3,0%) et de la branche du raffinage (+6,2%) ».

Pour le secteur des mines et carrières, un rebond de production a été relevé durant ce deuxième trimestre de l’année en cours, atteignant un taux de 1,2% contre une baisse de 3,7% observée au trimestre précédent, après une tendance haussière définissant l’année 2023 et l’année 2024″.

Même tendance pour les matériaux de construction qui enregistrent une « hausse remarquable de 16,7% » au cours de la même période, confirmant ainsi les performances observées dès le premier trimestre 2024, indique l’ONS.

Les industries chimiques, quant à elles, se sont redressées et « affichent une variation positive de 2,5% contre une baisse de 11,1% accusée au trimestre précédent, selon les données de l’Office qui précise que les secteurs des cuirs et des bois « continuent de progresser et affichent des taux respectifs de +40,7% et de 131,6%, bien au-delà de ceux inscrits au trimestre précédent, +13,7% et +91,1%, respectivement ».

En revanche, il est enregistré des reculs dans le reste des secteurs de moindre ampleur que ceux accusés au trimestre précédent: Le secteur des ISMMEE (industries sidérurgiques, métalliques, mécaniques, électriques et électroniques) affiche un taux de -1,8%, l’agro-alimentaire (-4,7%) et les textiles (-10,4%), ajoute le communiqué.

APS

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Abed Abidat : « Montrer la vie qui nous entoure, qui nous touche »

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Abed Abidat

Nous avons rencontré Abed Abidat pour la première fois à la librairie Transit, à Marseille, lors de la présentation de son livre 8 Mai 1945. L’émotion et la rigueur de son regard m’avaient alors frappé : une photographie ancrée dans la mémoire, nourrie d’une conscience historique aiguë.

Quelques mois plus tard, je le retrouvais, cette fois en tant qu’éditeur, au Salon du Livre de la Métropole, fidèle à son engagement pour une photographie citoyenne et sociale.

À travers Images Plurielles, qu’il a fondée, Abed Abidat explore l’humain, les territoires et les traces de l’Histoire. Ses livres et expositions font surgir les mémoires enfouies, les visages des oubliés, les récits que l’on tait. En 2018, il est retourné dans sa cité d’enfance, les Aygalades, pour y initier Comme une résurgence, un projet participatif qui restitue, à partir d’albums de famille et de portraits, la dignité et la beauté d’un quartier souvent caricaturé.

Cette double rencontre a ouvert un dialogue sur la responsabilité de l’image face à l’oubli et aux silences de l’Histoire. Nous revenons ici, dans cet esprit, sur le parcours d’Images Plurielles, sur la démarche éditoriale d’Abed Abidat et sur la manière dont la photographie peut devenir un outil de transmission.

Le Matin d’Algérie : Qu’est-ce qui vous a motivé à créer Images Plurielles et à concentrer vos activités sur la photographie contemporaine ?

Abed Abidat : Images Plurielles est née du désir de diffuser les travaux de photographes qui n’avaient pas la possibilité de montrer leurs images au plus grand nombre. Avec un groupe de photographes, nous avons décidé de créer cette maison d’édition il y a plus de 25 ans. Ensuite, tout a été une histoire de rencontres. Il y avait aussi cette envie de montrer, à travers les expositions ou les éditions, la vie qui nous entoure, qui nous touche.

Le Matin d’Algérie : Votre ligne éditoriale met l’accent sur l’Histoire, la mémoire et les populations vulnérables. Comment choisissez-vous les projets que vous publiez ?

Abed Abidat : Les propositions arrivent de différentes manières. Parfois, c’est une envie personnelle de traiter un sujet d’actualité ou de revisiter une histoire contemporaine. Dans ce cas, je cherche les photographes qui travaillent sur ces thématiques : je consulte les agences, regarde sur Internet, visite des expositions. D’autres fois, ce sont des photographes qui me contactent avec des projets en phase avec la ligne éditoriale d’Images Plurielles ou qui méritent d’être mis en lumière parce qu’ils abordent des sujets peu traités ou méconnus.

Le Matin d’Algérie : Vous combinez édition de livres, coffrets photos et diffusion d’expositions. Comment ces différents supports se complètent-ils ?

Abed Abidat : En général, lorsqu’un livre ou un coffret est édité, nous l’associons à une exposition que nous produisons ou que le photographe met à notre disposition. L’exposition est un excellent outil pour mieux diffuser le livre et prolonger son impact.

Le Matin d’Algérie : Votre maison mène également des actions sociales et des ateliers auprès d’adultes et d’enfants. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Abed Abidat : Avant de devenir éditeur à temps plein, j’étais éducateur, et je suis toujours photographe. J’utilisais déjà la photographie comme outil de communication dans mes actions sociales : ateliers photos avec des chibanis dans les résidences Alotra, en milieu carcéral ou dans des foyers d’enfants. Cette démarche s’est poursuivie avec Images Plurielles. C’est un savoir-faire que je continue à transmettre à de nouveaux publics.

Mes dernières actions ont eu lieu à Alger, plus précisément dans la Casbah et à Bab El Oued, où nous avons organisé des ateliers photo avec des enfants et des adolescents. J’y ai même installé un labo photo argentique pour former des adultes à cette pratique.

Le Matin d’Algérie : Le projet Comme une résurgence à la cité des Aygalades est particulièrement emblématique. Quelle a été votre démarche pour constituer cette mémoire photographique ?

Abed Abidat : Ce projet a commencé à la suite d’un appel lancé par le FASILD sur le thème “Identités, parcours et mémoire”. Il s’agissait de créer des actions numériques autour de la mémoire de l’immigration. Avec une sociologue, nous sommes allés à la rencontre des acteurs sociaux de ce quartier, qui s’avérait être ma cité d’enfance. Le but était de laisser une trace écrite et visuelle consultable par tous.

Aujourd’hui, le site existe toujours et j’espère pouvoir l’enrichir. C’est un projet que nous aimerions d’ailleurs reproduire ailleurs.

Le Matin d’Algérie : Quels sont les principaux défis d’une maison d’édition indépendante centrée sur la photographie contemporaine ?

Abed Abidat : Le principal défi pour une maison d’édition est de réussir à produire un ouvrage, mais surtout de trouver les moyens de le faire vivre après sa sortie : le diffuser le plus largement possible. Les conditions sociales et économiques actuelles rendent le travail d’éditeur de plus en plus difficile. Pour certains, c’est désormais une question de survie.

Le Matin d’Algérie Comment travaillez-vous avec les photographes et les artistes pour donner vie à leurs projets ?

Abed Abidat : Cela doit être une véritable collaboration, du début jusqu’à la fin du projet, si les conditions le permettent. La construction du livre se fait ensemble, et même après la publication, car la phase de diffusion est capitale. Le photographe doit se sentir en confiance avec son éditeur.

Le Matin d’Algérie : Quels projets récents ou à venir illustrent le mieux l’esprit et la mission d’Images Plurielles ?

Abed Abidat : Le prochain projet, qui paraîtra fin novembre, est particulièrement emblématique. Il s’agit d’une monographie consacrée à la photographe palestinienne des années 1920, Karmeh Abboud, la première photographe arabe professionnelle du Moyen-Orient. The Lady Photographer. C’est un projet initié en 2022, qui évoque la mémoire d’un lieu et d’un témoignage. L’objectif est de raconter une autre histoire, effacée par les bouleversements géopolitiques — celle de la Palestine d’avant la Nakba de 1948.

Le Matin d’Algérie : Comment percevez-vous l’évolution de l’intérêt du public pour la photographie contemporaine et les questions sociales qu’elle aborde ?

Abed Abidat : J’ai toujours constaté un fort intérêt pour la photographie contemporaine. Aujourd’hui, le champ est encore plus vaste grâce à l’évolution des techniques et à la diffusion numérique : réseaux sociaux, plateformes, applications…

Il y a trente ans, il existait peu de médias dédiés à la photo, mais leur contenu était souvent d’une grande qualité. Aujourd’hui, l’offre est plus large, mais beaucoup de productions sont “accompagnées” d’un flot d’images assez médiocres.

Le Matin d’Algérie : Quels conseils donneriez-vous à de jeunes éditeurs ou photographes souhaitant valoriser des voix et territoires méconnus ?

Abed Abidat : C’est déjà une très belle initiative que de vouloir aborder des sujets peu traités. Mon conseil serait de démarrer prudemment, sans prendre trop de risques, et d’avancer étape par étape. L’essentiel est de garder la passion et la rigueur du regard.

Propos recueillis par Djamal Guettala 

Images Plurielles 

https://www.imagesplurielles.com/fr

communication@imagesplurielles.com

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Sénégal : «On n’a jamais vu une dette cachée de cette importance» en Afrique, constate le FMI

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Sénégal. Pêcheur
Image par DEZALB de Pixabay

« On n’a jamais vu une dette cachée de cette importance » en Afrique, affirme Edward Gemayel. Le chef de mission du Fonds monétaire international (FMI) au Sénégal s’est exprimé, jeudi 6 novembre, à l’issue d’une visite de deux semaines pour discuter de la reprise d’un programme de prêt de l’institution internationale.

Cette importance explique, selon lui, que les discussions doivent se poursuivre et n’aient pu aboutir, jusqu’à présent, à la conclusion d’un nouveau prêt attendu par le Sénégal.

« Le cas du Sénégal, avec une dette cachée de cette importance, » est inédit, a reconnu auprès de RFI, Edward Gemayel, le chef de mission du FMI à Dakar, en faisant référence à la dette accumulée entre 2019 et 2024 par le Sénégal, de près sept milliards de dollars (sous l(administration de Macky Sall). Et c’est « ce qui complique les choses », dit-il au micro de Léa-Lisa Westerhoff. Une façon de justifier que les discussions entamées en août dernier avec le Sénégal prennent du temps et vont devoir se poursuivre à distance dès la semaine prochaine, assure le FMI, qui se dit « engagé » à aboutir à un nouvel accord de prêt « rapidement ».

Parmi les conditions préalables : la mise en place de mesures dites « correctrices » pour éviter qu’une telle dissimulation ne puisse se reproduire. La centralisation des fonctions de gestion de la dette au sein d’un seul ministère est un exemple parmi d’autres. Le FMI attend que le Sénégal mette en place cette mesure, tout comme la publication des résultats de l’audit des arriérés.

Du côté du l’institution monétaire internationale, c’est l’analyse de la viabilité de la dette qui peine à être finalisée. Une étape cruciale – réalisée avec la Banque mondiale – pour statuer si la dette du Sénégal est soutenable. En dépit de l’absence d’accord ce 6 novembre, le FMI se veut rassurant. « Il est rare qu’un nouvel accord soit finalisé après une première visite », assure Edward Gemayel, selon lequel le prochain round de négociations pourrait se terminer en quelques semaines, même s’il ne veut s’engager sur aucune date.

Du côté du Sénégal, la non-conclusion d’un nouvel accord avec le FMI est une mauvaise nouvelle. Elle risque de prolonger et d’aggraver la situation financière du Sénégal, dont la note s’est déjà vue dégradée à trois reprises en un an, « au vu de l’augmentation des risques concernant la trajectoire d’endettement et la situation budgétaire préoccupante du pays », selon l’agence de notation Moody’s. La dette du Sénégal s’élève désormais à 132% du PIB.

RFI

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Mali : Malick Aliou Maïga et Youssoufa Moussa Touré (journalistes) arrêtés à Gao et Ansongo

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Assongo

Au Mali, les journalistes Malick Aliou Maïga, de la radio Aadar Koïma de Gao, et Youssoufa Moussa Touré, de la radio Aadar Koukia d’Ansongo, tous deux très connus et respectés dans ces régions du Nord, ont été interpelés mercredi 5 novembre.

Malick Aliou Maïga a été libéré jeudi 6 novembre. Aucune communication officielle des autorités à leur sujet, mais selon les sources locales jointes par RFI, il leur est reproché d’avoir diffusé des informations ayant déplu aux autorités de Transition.

Malick Aliou Maïga a été arrêté mercredi 5 novembre par la brigade de recherche de Gao peu après 14 heures, avant d’être transféré au camp militaire Firhoun Ag Alançar de la ville. Youssoufa Moussa Touré a, quant à lui, été interrogé dans les locaux de la gendarmerie d’Ansongo.

Dans un communiqué transmis jeudi 6 novembre dans l’après-midi, la direction de la radio Aadar Koima de Gao informe de la libération de son journaliste Malick Aliou Maïga et remercie plusieurs organisations de la société civile qui se sont impliquées pour obtenir cette libération. À ce stade, Youssoufa Moussa Touré, de la radio Aadar Koukia d’Ansongo, est toujours détenu, mais les discussions se poursuivent pour obtenir sa libération, selon les sources jointes par RFI. Ni les autorités locales, ni les rédactions concernées n’ont communiqué officiellement sur les motifs de ces arrestations.

Mouvement de contestation

Selon des membres de l’entourage de ces deux journalistes et des notabilités de Gao et d’Ansongo, il leur serait reproché d’avoir relayé dans leurs journaux les communiqués de plusieurs ambassades – États-Unis, Allemagne ou Espagne, entre autres – qui demandent à leurs ressortissants de quitter le Mali en raison de la menace jihadiste grandissante et de l’embargo sur le carburant imposé par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim).

Surtout, les deux journalistes ont évoqué sur leurs antennes l’existence d’un mouvement de contestation défavorable aux autorités de transition. Ledit mouvement appelle à des rassemblements pacifiques vendredi.

Deux personnalités respectées pour leur intégrité et leur courage

Youssoufa Moussa Touré est une personnalité respectée à Ansongo, directeur de sa radio et professeur au lycée public de la ville.

Quant à Malick Aliou Maïga, il est une figure incontournable de Gao, réputé pour son intégrité, son courage et son patriotisme. En 2012, lorsque les régions du Nord étaient occupées par les groupes jihadistes, sa radio Aadar Koïma avait été la dernière à poursuivre ses programmes à Gao. Alors qu’il relayait à l’antenne la mobilisation des habitants contre l’amputation d’un homme accusé de vol, les jihadistes du Mujao avaient interrompu son journal en direct et l’avaient tabassé, le laissant grièvement blessé.

Toutes les sources locales jointes par RFI se disent aussi indignées par ces arrestations qu’inquiètes pour les deux journalistes.

Rfi

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« Comment naît le fascisme», de Gramsci éclaire nos temps sombres

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Comment ne pas relire Antonio Gramsci en ces temps où nous assistons au retour en force des extrêmes droites, du fascisme et des manipulations des foules ? La parution de « Comment naît le fascisme », recueil de dix articles de Gramsci (1920-1924) traduits pour la première fois en français, tombe à pic.

Cet ouvrage court mais percutant est un cinglant diagnostic  du fascisme des années 1930. Etrangement, Vif et particulièrement lucide, il est d’une actualité troublante.

Antonio Gramsci, ancien socialiste italien, compagnon de lutte de Mussolini avant d’être l’un des fondateurs du Parti communiste italien et l’un des plus grands adversaires du dictateur fasciste, déroule son analyse sur une centaine de pages et dissèque les racines du fascisme de l’intérieur.

Malgré ses longues années en prison, Antonio Gramsci n’a pas perdu son sens critique. A la lecture de cet ouvrage, il montre, dès les lendemains de la Première Guerre mondiale, l’apparition des symptômes qui feront basculer une démocratie parlementaire vacillante vers l’autoritarisme. Il note, entre autres, la « décrédibilisation du régime parlementaire », l’aspiration au chef, la brutalisation de la politique, le sentiment de déclassement de la classe moyenne, le cynisme d’une partie du grand capital. Des éléments inquiétants qui ne sont pas sans nous rappeler ce à quoi nous assistons en Europe et en Amérique, deux continents où la démocratie avait fait quelques avancées.

Cette nouvelle édition française  avec une préface de la spécialiste du penseur italien Marie‑Anne Matard‑Bonucci, replace ces textes dans leur contexte historique, mais surtout alerte sur leur usage possible aujourd’hui : une récupération des concepts de Gramsci – notamment celui d’« hégémonie culturelle » – par l’extrême-droite.  Cette mise en garde est essentielle : l’histoire enseigne, mais « personne ne l’écoute », écrivait déjà Gramsci.  

« On ne reculera devant aucune violence pour soumettre le prolétariat industriel et agricole à un travail servile : on cherchera à briser inexorablement les organismes de lutte politique de la classe ouvrière … » Prémonitoire, ces mots  se vérifieront dans l’Italie de Mussolini et résonne encore actuellement.

« Si le fascisme est bien le visage réactionnaire du capitalisme, les analyses de Gramsci s’intéressent aussi à ses soutiens qui dépassent largement la bourgeoisie agraire ou industrielle », constate Marie-Anne Matard-Bonucci.

Pour le lecteur contemporain, deux leçons majeures se dégagent : d’abord, la vigilance envers l’érosion du débat démocratique avec son corolaire qu’est les manipulations médiatiques à coups de propagande largement relayée par un écosystème de médias riches et puissants ; ensuite, la compréhension que l’autoritarisme ne surgit pas seulement dans les urnes, mais dans l’usure sociale, le repli identitaire, dans la perte de sens collectif et dans l’effacement progressif de la médiation démocratique. « Comment naît le fascisme » n’est pas un livre confortable : il rappelle que ce qui semblait irréversible peut basculer — et que la mémoire critique est le meilleur rempart devant les dérives fascistes et totalitaires qui menacent le monde.

En ces temps où les fragilités démocratiques se multiplient, du flot de désinformation qui inonde les foyers et de l’explosion décomplexée des discours populistes et autoritaristes, ce petit livre tient sur une ligne : penser les alertes avant qu’elles ne débloquent. Avec Gramsci comme boussole, mais aussi comme avertissement : aucune promesse n’est éternelle. A lire pour ne pas dire que nous ne le savions pas.

Yacine K.

« Comment naît le fascisme » d’Antonio Gramsci aux éditions Grasset, collection Les Cahiers rouges.

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« L’éden perdu » de Brahim Saci

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Il est des hommes habités par la poésie ; toute leur vie est ainsi vouée aux mots, le jour, la nuit. Brahim Saci en fait partie. Depuis, maintenant, neuf ans, il publie recueil sur recueil ; le fleuve poétique qui le prend avec lui ne veut guère le déposer quelque part.

Certes, il y a des thématiques qui reviennent dans ces textes mais le poème n’est jamais le même ; comme si le temps faisait changer, d’une façon ou d’une autre, le regard du poète, pour le mener, toujours, au fond de lui-même, dans un processus interminable de la quête de l’essentiel.

Dans son 21e recueil, intitulé L’Echo d’Amélie, le poète revient vers cette muse, déjà présente, dans le tout premier recueil ; l’amour, c’est connu, est inépuisable. Et pourtant, il y a la séparation, il y a les années qui se sont amoncelées, il y a une forme de sagesse qui pousse à accepter la fin de l’aventure. Préfacé par Philippe André, ce recueil est introduit par une phrase de Victor Hugo : « Tu n’es plus là où tu étais mais tu es partout là où je suis ».

Brahim Saci se souvient du Calvados des jours heureux, de ces belles virées dans le Nord, empreintes d’harmonie, de rires et de nobles sentiments. La Normandie lui paraît, aujourd’hui, perdue ; elle est située dans un passé impossible à revivre.

Filou, c’est le chat ramené de Kabylie ; c’est le gardien silencieux de toute l’histoire d’amour. Filou est également le témoin de la fin d’un monde. « Brise mélancolique, souffle des regrets, tu portes mes rêves en habits discrets, tu passes sur l’âme en silence apaisé, et tu laisses un goût de ciel embrumé », se souvient le poète.

L’absence est ainsi un effroi, un immense vide ; la plume tente de faire revivre les senteurs d’autrefois. Le poète crie son désarroi ; il ambitionne de ne pas sombrer. « Je n’ai plus peur de leurs silences, je porte en moi la délivrance, chaque mot que je n’ai pas dit, devient flamme, devient défi », confie Brahim Saci.

Dans un monde tourmenté, le poète ne peut pas rester insensible au malheur des plus faibles. « Les enfants tombent sans bruit, sans cercueils, sans noms, sous les regards froids de ce vieux monde en plomb, et moi, naufragé de l’amour et du sens, je cherche un pourquoi dans ce long silence », écrit Brahim Saci dans un poignant poème intitulé, Palestine déchiquetée.

Mais il faut toujours garder l’espoir de jours meilleurs. Car, nous dit Brahim Saci, l’espoir naît d’un souffle ancien qui traverse le destin. Car le poète sait, désormais, que la muse, son éden perdu, coule dans ses veines.

Youcef Zirem

L’Echo d’Amélie, de Brahim Saci, éditions du Net, 2025

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« Sous le joug du patriarcat », de Chérifa Bouatta, décortique les violences contre les femmes

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Couverture Violences contre les femmes fnle

La semaine prochaine, les librairies accueilleront « Sous le joug du patriarcat », édité par Koukou éditions, un ouvrage qui se penche sur l’un des problèmes sociaux les plus persistants et inquiétants : les violences contre les femmes.

Chérifa Bouatta, professeure des universités et spécialiste en psychologie clinique et sociale, propose ici une analyse rigoureuse et engagée, mêlant expériences cliniques, sociologie, études féministes et psychanalyse.

Le livre commence par dresser un constat accablant : des insultes quotidiennes aux féminicides les plus dramatiques, les violences faites aux femmes se multiplient, et la partie visible de l’iceberg ne représente qu’une fraction de la réalité. De nombreuses victimes se taisent, ne portent pas plainte, ou se voient demander de « pardonner » leurs agresseurs, souvent sous prétexte de « valeurs familiales » rétrogrades et misogynes. Cette normalisation et cette impunité des violences sont au cœur de l’analyse de Bouatta, qui souligne combien le silence social contribue à perpétuer ces comportements.

L’auteure mobilise les notions de patriarcat et de ses mécanismes : la violence symbolique, l’habitus social et la structuration des rapports de domination. Elle montre comment, dès l’enfance, les corps et les esprits sont façonnés pour tolérer certaines formes de violence psychologique, physique ou sexuelle. Cette approche permet de comprendre que les violences contre les femmes ne sont pas seulement des actes isolés : elles sont le produit d’un système social et culturel profondément enraciné, où les normes patriarcales façonnent les mentalités et imposent le silence.

Bouatta adopte également une perspective intersectionnelle, rappelant que toutes les femmes ne subissent pas ces violences de la même manière. L’âge, la classe sociale, l’origine ou la situation familiale influencent la vulnérabilité face aux agressions et l’accès à la justice. Cette dimension souligne la nécessité d’une approche différenciée et adaptée, loin d’une lecture uniforme ou simpliste du phénomène.

Le livre s’inscrit aussi dans une perspective historique et politique. En rappelant les luttes des femmes algériennes pour l’émancipation citoyenne et contre le Code de la famille dans les années 1980, Bouatta met en évidence que les droits obtenus sont le fruit de combats courageux et que leur maintien n’est jamais acquis. Dans un contexte où les reculs démocratiques et les remises en cause des acquis féministes se multiplient, le traitement réservé aux femmes victimes de violences est un indicateur majeur de l’état de nos sociétés.

Directrice du Laboratoire Interdisciplinaire santé et population à l’Université Aboudaou de Bejaïa, présidente de l’Association pour l’Aide, la Recherche et le Perfectionnement en Psychologie (SARP) et membre de plusieurs commissions et réseaux spécialisés, Bouatta s’appuie sur plus de dix ans d’expérience auprès de victimes de violences terroristes et sur ses travaux de recherche pour nourrir son analyse. Son livre ne se limite pas à un constat : il est un appel à la vigilance, à la mobilisation et à l’action pour briser le silence et contrecarrer l’impunité.

Sous le joug du patriarcat est donc un ouvrage essentiel, à la croisée de la sociologie, de la psychologie et des études féministes, qui interroge nos sociétés et invite à un engagement collectif. Dans un contexte où chaque retard se paie au prix de vies brisées, ce livre se veut un outil pour comprendre, prévenir et combattre les violences faites aux femmes.

Mourad Benyahia

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TikTok, le risque pour vos jeunes, la protection pour les miens

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TikTok

J’ai été sidéré lorsque j’ai entendu cette information de la bouche d’un chroniqueur à la télévision. Il s’agit d’un rappel d’un constat apparemment très connu suite à l’actualité concernant en France le procès intenté à TikTok, le fameux réseau social chinois.

Un rappel mais pour moi, une découverte car je n’ai plus l’âge de ce réseau social qui me donne le tournis tant les images défilent à une vitesse impossible à suivre. En fait la seule partie de l’être humain qui travaille n’est pas le cerveau mais le doigt, en perpétuel mouvement de haut en bas et cela pendant un nombre d’heures invraisemblable dans la journée.

Cependant, comme je ne suis pas tout à fait « déconnecté » du monde, je sais combien la plateforme chinoise est critiquée, y compris par les États qui y voient des menaces en tous genres. Suspicions de s’approprier les données, d’abrutir le cerveau des jeunes, de construire des schémas de pensées dirigées, de créer des addictions qui permettent un flux considérable (dont on sait que c’est le générateur des profits) et ainsi de suite.

Dans l’actualité de ce moment Tik Tok est accusé devant un tribunal de pousser certains adolescents au suicide par son algorithme. C’est le mécanisme de choix par l’algorithme des contenus proposés qui est en cause. Lorsqu’un jeune poste son mal être, jusqu’au projet de suicide, l’algorithme, au lieu de lui proposer des posts positifs qui puissent le rassurer, l’inonde des posts de tous ceux qui sont dans le même sentiment de désespoir. La boucle devient infernale et emprisonne ceux qui en sont à penser au suicide. 

Tout cela, nous le savions pour la communication publicitaire (justement la source de revenus de toutes les pages sur Internet dont j’ai déjà parlé). Vous commandez une paire de chaussures ou tout simplement vous faites une recherche à ce sujet et des flots de publicités d’offres de chaussures envahissent votre parcours sur Internet pendant des jours et des semaines. Pour TikTok, l’accusation devant un tribunal est plus grave, il s’agit de l’influence sur la pensée morbide des adolescents en situation fragile.

Je le savais et je n’en ferai pas le sujet de ma chronique (il était temps que j’arrive au vrai, n’est-ce pas ?). Alors, qu’est-ce que j’ai découvert et que tout le monde semble déjà connaître ? Tik Tok, la plateforme chinoise qui s’est déversée dans le monde n’existe pas en Chine. Stupéfiant, j’ai sursauté de mon canapé !

En fait, plus exactement, TikTok existe mais par un équivalent pour le réseau interne au pays. Et ce n’est absolument pas la même histoire. Il s’agit de la plateforme Douyin qui nécessite un numéro de téléphone chinois. Les deux ont été développées par une même société, ByteDance. La plateforme Douyin, en plus d’être réservée au public chinois présente des différences majeures avec TikTok.

La plateforme interne au pays est avant tout une application commerciale pour achats numériques. Livres, hôtels, services en tous genres et outil de paiement.

Mais c’est par le second volet de l’offre que j’avais sursauté dans mon canapé en l’apprenant. Pour les mineurs, la réglementation chinoise impose à la plateforme des contenus éducatifs en sciences, histoire, art, musique et ainsi de suite entre 6 h et 22 h. Autrement dit le temps est strictement limité par les horaires mais surtout, limité à 40 minutes par jour. Et tout cela est contrôlé par des systèmes assez rigoureux. 

En conclusion, TokTok débilise les adolescents du monde entier et les soustrait de l’éducatif, du matin jusqu’à tard le soir, si ce n’est la nuit pour beaucoup. Mais pour la jeunesse chinoise, particulièrement les mineurs, tout est fait pour un contrôle de l’addiction et favoriser une immersion dans tout ce qu’il y a de plus beau et utile dans la formation de la jeunesse.

Tous les risques, jusqu’au suicide qui est à l’ordre du jour, sont donc pour notre jeunesse et toute la protection et éducation pour celle des créateurs de TikTok. C’est magnifique, le monde entier est le dindon de la farce de cette histoire qui est en même temps une gigantesque affaire de domination commerciale comme celle des esprits. 

Pour ce qui est du réseau social que je fréquente, aucun risque, il est devenu le mouroir des gens de mon âge. Le seul risque physique est d’attraper une crise de rhumatisme en faisant tourner la roulette de la souris. Quant au risque de morbidité, c’est seulement lorsque j’ai envie d’assassiner l’imbécile qui m’insulte en réponse à mes posts. Mais allez assassiner un courageux anonyme dont vous ne connaissez ni le nom ni le visage.

Si un jour vous notez que mes chroniques ont disparu subitement de ce journal, suspectez-moi d’avoir eu l’imprudence de me pencher au-dessus des épaules d’un(e) jeune adolescent(e) qui regarde TokTok.. 

Prononcez mon éloge funèbre, l’algorithme m’aura tué. 

Boumediene Sid Lakhdar

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Tamazight langue officielle, dites-vous ?

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Tamazight

On s’en doutait bien, cette histoire de tamazight langue officielle est un leurre concocté par le pouvoir pour calmer les ardeurs des Imazighen, en premier lieu les Kabyles, car soyons sérieux, quelle région d’Algérie se sent aussi concernée par le tamazight que la Kabylie ? À part, peut-être, le M’zab !?

Ainsi donc, comme à l’accoutumée, on vient de décider que le tamazight ne devait pas figurer dans les examens scolaires importants. 

Ce coup fourré n’est pas le premier en son genre. On nous le renouvelle quasiment chaque année. Jusqu’à quand perpétuera-t ’on ce grossier mensonge qui consiste à ne considérer comme officielle notre langue ancestrale sur papier et sur papier seulement ?

Il est vrai que notre langue dérange les tenants du pouvoir depuis longtemps, et ils ne manquent pas une occasion de faire sombrer dans l’humiliation, ses millions de pratiquants. 

Il ne serait pas étonnant que l’objectif des gugusses qui nous gouvernent est de casser la dynamique d’excellence scolaire affichée chaque année en Kabylie et alentours.

Quand comprendra-t-on enfin que la richesse de cette langue est telle que l’apprendre en premier à l’école est un gage de réussite et de maîtrise des autres langues ?

Mais de l’excellence généralisée qui en veut vraiment en haut lieu ? Là où règne une médiocrité hors du commun.

Du point de vue phonétique, le berbère est d’une richesse incommensurable, que ni un francophone, ni un anglophone, encore moins un arabophone, ou tout autre « lingua-phone» ne saurait appréhender avec justesse.

Ne serait-ce que pour son extrême richesse phonétique, il est impératif de préserver ce trésor inestimable. Je ne connais pas très bien le tifinagh pour me prononcer sur son aptitude à prendre en charge l’éventail des phonèmes berbères, mais je sais qu’à ce niveau l’arabe est très pauvre. Même si la langue est belle, elle ne peut rivaliser, en termes de phonologie, avec tamazight.

Petite anecdote fort à-propos : un riche Saoudien se retrouve en voiture sur une place de Londres. Ne sachant où se garer, il s’adresse à un policier : La lettre p « marbouta » ou « mazbouta » n’existant pas en arabe, la question « May I park here » se transforme en « May I bark here ? » (Puis-je aboyer ici). L’agent de sa majesté répond poliment « Suit yourself Sir ! », faites comme il vous plaît monsieur, aboyez donc ! Une petite lettre qui joue bien des tours aux saoudiens, aux pays de Shakespeare et d’Hemingway. 

Quand nous étions collégiens à Alger et que l’on nous avait, en lieu et place du virus d’obédience, inoculé celui d’une soif de savoir universel, nous fréquentions de nombreux centres culturels, parmi lesquels le centre culturel Italien de la rue Charras, le centre culturel russe, pas très loin, du côté du marché Clausel, le centre culturel Bulgare, en face de la grande poste, etc.

Chaque fois que nous nous inscrivions aux cours de langue, c’était toujours la même constatation et le même émerveillement à notre égard, de la part de nos profs : les berbérophones ont une aptitude unique à apprendre les langues. Non pas parce qu’ils seraient plus intelligents que les autres, mais tout simplement parce que le premier rempart de la prononciation est rompu avec aisance.

Constat et fascination confirmés par nos profs d’anglais aux USA. Même si nous nous faisons agresser par nos compatriotes arabophones quand nous cochions la case « Berber » au lieu de la case « Arab » sur la fiche de renseignements individuelle pour indiquer notre langue maternelle. Que de remontrances du style : « Wech ? djebtouna el-problème taâkoum hata ellahna ya-el-kbayel ? » Vous nous avez ramené votre problème jusqu’ici les Kabyles ?) N’empêche qu’au bout du compte, les notes de TOEFL (Test Of English as a Foreign Language) obtenues par les berbérophones étaient, de loin, supérieures à celles de toutes les autres composantes ethniques : sud-américains, africains, saoudiens, asiatiques, etc… À tel point que la directrice du centre de langues que nous fréquentions nous avait chargé de transmettre un message à nos responsables de Sonatrach, demandant que les étudiants algériens de l’époque soient tous envoyés en formation dans son établissement. Nous faisions augmenter le GPA (Grade-Point-Average) -sorte de moyenne globale- du centre d’un sacré facteur.

S’obstiner à vouloir diminuer l’importance de Tamazight fait partie d’un processus de destruction massif organisé. Le but de tout ce tapage est de trouver le plus court chemin pour l’appauvrir et le rendre conforme à l’inertie dont est victime la langue arabe, pour des raisons qu’il est inutile de développer ici. Arrêtons de chercher d’autres excuses ! Nous l’avons suffisamment mis en relief sur ces colonnes, le but est édicté par une volonté d’aliénation à grande échelle. Comme si ce qui est fait avec l’arabe ne suffisait pas, ils veulent s’attaquer à la sève maintenant. 

Quand j’étais collégien, au collège Sarrouy de la Casbah d’Alger, pour menacer les perturbateurs, le directeur avait toujours à ses lèvres la même leçon de morale chaque fois qu’il débarquait à l’improviste pour mettre fin au chahut d’élèves indociles : « Vous savez mes enfants, quand dans un panier de poires, il y en une de pourrie, il faut se dépêcher de l’enlever, si l’on ne veut pas courir le risque d’avarier toutes les autres. » Les perturbateurs saisissaient très vite le message, croyez-moi ! Le hic maintenant chez nous, c’est que les dégâts se sont si fortement propagés que l’on ne sait plus si le nombre de poires pourries est supérieur ou inférieur à celui des poires saines. Entamer une opération de nettoyage adéquat devient, de ce fait, bien compliqué. 

Le français est un butin de guerre, avait formulé Kateb Yacine. Le pouvoir a tout fait pour le noyer dans des abysses sans fond. Mais concernant le berbère, la donne est tout autre. Il ne s’agit plus de butin que l’on cherche à nous confisquer, mais de la sève qui coule dans nos veines que l’on s’acharne à empoisonner. 

Tout comme les langues de nombreuses autres minorités, le Tamazight est sous le joug d’un colonialisme aux allures d’ornements pacificateurs pervers. Mais en tant que patrimoine universel, il est du devoir de l’Unesco de le soutenir et d’en protéger les peuples qui le pratiquent encore. Chercher à en diminuer l’importance c’est vouloir précipiter son anéantissement pur et simple. 

Ce que le pouvoir ne sait pas, c’est que plus il use de stratagèmes lamentables pour noyer notre langue maternelle, plus il éveille les esprits d’une jeunesse avide d’irriguer ses racines. Malgré des décennies de matraquage idéologique pervers, les jeunes Amazighs savent ce qu’ils sont et connaissent leurs références historiques. Jouer au yoyo avec leur langue ne sert à rien.

D’ailleurs, qu’on nous dise comment peut-on prétendre enseigner la lointaine langue de Shakespeare sans le moindre moyen, aussi bien pédagogique que logistique, alors qu’on peine à imposer une langue incrustée dans nos gènes ?

Décidément, on massacre un pays, au vu et au su de tous, et surtout de ses impuissants habitants.

Kacem Madani

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SILA : ombres, silences et voix étouffées

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Sila

La pluie frappe les vitres du SILA. Les néons tremblent. Les allées sont désertes. Sur une table, un livre d’Hitler repose sous un projecteur. À côté, le Manuel du parfait salafiste attend le lecteur interdit. Silence. Trop lourd. Trop parfait.

Des dizaines d’auteurs algériens ont disparu. Des Professeurs, journalistes, médecins, anciens de l’ALN qui ont publié leurs ouvrages chez Koukou éditions sont exclus avec cette courageuse maison d’édition. Leurs noms ont été rayés des listes. Pas de convocation. Pas d’explication. Une chaise vide. Un livre fermé. L’absence crie plus fort que n’importe quel discours. La censure a eu raison des symboles de Novembre 1954 et de grands écrivains d’ici et d’ailleurs.

Alger dicte encore le ton. Trop centrée sur elle-même, la capitale absorbe la culture. Les voix de Batna, Constantine, Tamanrasset s’éteignent dans ses couloirs. Elles deviennent des murmures, à peine entendus. La fête du livre se transforme en théâtre silencieux. Chaque stand est un écran. Chaque absent, un spectateur forcé.

Puis le paradoxe éclate. Des ouvrages interdits, extrêmes, totalitaires, brillent sous les lumières officielles : Mémoires de Mussolini, Éric Zemmour, Hitler. Les livres interdits aux auteurs locaux. Le crime n’est pas dans les pages, mais dans le lecteur. Dans la pensée qu’on refuse de voir.

Un document tombe, noir et net. Un procès-verbal. Le président de la Commission de censure avoue : les sanctions contre KOUKOU Éditions ont été ordonnées par la ministre de la Culture, Soraya Mouloudji. Motif : « rapport secret des services de sécurité ». Les livres : « destructeurs », « nuisibles à l’image de l’Algérie ». Voire !

Destructeurs ? Les pages racontent la mémoire, les paysages, la vie. Elles parlent, elles dérangent, mais elles ne tuent pas. La véritable menace pour les censeurs est la liberté de penser. L’audace de raconter autrement. L’Algérie qui vit dans ces pages n’est pas celle qu’on exhibe à Alger : elle est multiple, plurielle, vivante.

Un écrivain algérien installé à Londres l’a exprimé ainsi : « Notre pays et notre production culturelle viennent de toutes les régions. Le SILA se transforme peu à peu en salon du livre arabe, alors qu’il devrait être algérien, africain, méditerranéen, berbère, arabe, francophone… et pourquoi pas espagnol, italien, anglais. Il faut ouvrir les portes à toutes les formes de culture et d’art, à toutes les voix, ici et à l’international. »

Les couloirs du SILA, vides des auteurs absents, deviennent alors un décor de polar. Chaque stand vide, chaque chaise non occupée, est une image de contrôle et d’injustice. Chaque livre interdit devient un point lumineux dans la nuit. Et chaque lecteur qui ose ouvrir ces pages devient acteur, éclaireur, résistant.

La nuit tombe. Les cagoulards veillent. Les rapports secrets s’empilent. Les bureaux sont silencieux, les lumières tamisées. Mais la lumière perce toujours. Chaque lecture libre, chaque voix qui s’élève défie le silence imposé. Le suspense reste entier. Les idées ne meurent jamais.

Le SILA aurait pu être une fête pour toutes les voix, un miroir de la richesse culturelle algérienne. Il devrait refléter toutes les régions, toutes les langues, toutes les influences. Mais tant que la culture restera captive d’un axe unique, la parole demeurera incomplète. Et tant que les cagoulards décideront qui peut exister, la liberté continuera de se battre dans l’ombre.

Mourad Benyahia

👉 www.koukou-editions.com

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