Le 22 février 2019, le peuple algérien a exprimé clairement et massivement sur tout le territoire national son aspiration au changement démocratique et sa volonté de recouvrement de sa souveraineté.
Après près de cinq années de Hirak réprimé, de militants harcelés, embastillés, violentés, torturés, lourdement condamnés, de familles en souffrance et d’exils forcés, le pouvoir politico-militaire est aujourd’hui dans une impasse historique mettant l’Algérie en grand danger existentiel.
La pacification de façade obtenue par la terreur a réduit le pays au silence et au désespoir et l’a vidé progressivement de ses forces vives. Les hameaux, villages et quartiers urbains sont inexorablement désertés par une jeunesse sans avenir, qui cherche à vivre ses rêves sous d’autres cieux, souvent après des voyages périlleux pour leur vie. L’hémorragie de l’élite, la répression de toute réflexion et la persécution de l’intelligence se rajoutent pour fragiliser si besoin le maigre capital de chercheurs et de compétences vitaux pour la Nation.
Droits humains en Algérie : constat accablant et recommandations de Mme Mary Lawlor
La rupture avec le peuple est plus que jamais consommée et la poursuite sans aucun répit de la répression démontre l’ampleur de la crainte du régime qui ne se maintient que grâce au tout sécuritaire. Conscient de son illégitimité et de l’échec de l’Algérie nouvelle dans tous les domaines : droits humains, économie, social, éducation, santé, culture, sport et diplomatie, le pouvoir est de plus en plus fébrile et sur la défensive, évitant tout contact avec les populations, poussant sa pusillanimité jusqu’à se sentir menacé par la simple parole d’un jeune poète.
Les rares manifestations organisées en sa faveur s’appuient essentiellement sur sa clientèle proche et sur des groupes de marginaux peu recommandables tout en exhibant quelques rares trophées obtenus par la trahison d’ex-hirakistes corrompus.
A l’étranger, ses supplétifs organisent des rassemblements de soutien au régime sous prétexte de célébration de dates symboliques alors que ces manifestations sont interdites dans le pays. Un projet de rassemblement de la diaspora à des fins de propagande et de prédation est annoncé par des relais du pouvoir dont une figure médiatique aux antécédents douteux.
Sur le plan institutionnel, l’élection présidentielle devrait avoir lieu à la fin de cette année 2024. Cette échéance a toujours été le moment clé du système pour procéder à sa propre succession en réglant à sa manière les conflits du sérail pour se maintenir aux commandes du pays. Ignoré, le peuple sera appelé à entériner la décision choisie par un vote factice.
Cependant, la situation de blocage actuel fait douter même du respect de cette échéance. Sans adhésion du peuple, sans vision politique et sans aucune ouverture des champs politiques et médiatiques, la difficulté pour le régime est aggravée par l’impossibilité de reproduire l’illusion d’une élection plurielle, contrairement aux élections précédentes qui permettaient une certaine ouverture de l’expression publique pour formaliser un pluralisme de façade. Comment assurer, en effet, un semblant de campagne électorale quand toute expression est interdite et que la moindre proposition d’un changement de gouvernance tombe sous le coup de l’article 87 bis du code pénal, en l’assimilant à du terrorisme ?
À quelques mois de l’échéance présidentielle, aucune annonce ou solution n’est perceptible, indiquant que ce système, en incapacité structurelle de changement, ne sait que faire pour se renouveler et qu’il est arrivé au bout de sa logique et au terme de son temps.
Face à cela, l’opposition n’a pas réussi à construire une alternative politique forte et crédible pour le peuple algérien.
Plus à même de porter la revendication de changement démocratique du Hirak, le camp démocrate a failli. Il est vital d’en rechercher les causes, de faire une autocritique courageuse et ne pas se complaire dans la victimisation facile.
Cet événement historique majeur de février 2019 qui a exprimé un désir de démocratie de millions d’Algérien.nes qui vaut un référendum, a- t -il été pris en compte dans sa pleine mesure et sa signification profonde? C’était pourtant une opportunité historique inédite offerte à ce courant politique pour constituer une puissante assise populaire en capacité de porter un véritable projet démocratique du peuple algérien.
Mais, malgré la présence de quelques personnalités politiques intègres et courageuses et de l’engagement de militants sincères, la classe politique démocrate s’est plutôt enlisée dans ses intérêts partisans et ses logiques d’appareil sans acter une véritable rupture jusqu’à céder, pour certaines formations, aux manœuvres de division et de récupération.
Dans une position attentiste de l’agenda du pouvoir lui assurant une place dans la périphérie du système, ayant perdu le sens du combat et de l’initiative et se contentant d’accompagner le Hirak en arrière-garde, l’opposition politique n’a pas réussi à jouer son rôle et son devoir de traduction politique et de combat en tête pour l’aspiration du peuple à une « Algérie libre et démocratique ».
L’échec de l’initiative du Pacte des forces de l’Alternative démocratique (PAD) qui avait généré un grand espoir, montre que les solutions n’ont pas été à la hauteur des enjeux de la nouvelle donne révolutionnaire induite par le Hirak. Cette tentative de rassemblement des forces démocratiques n’a pas pu relever le défi de la recomposition politique nécessaire pour répondre aux exigences de l’heure incarnées par un Hirak qui regardait vers d’autres horizons, et qui, dans une exigence de rupture avec l’ordre ancien, appelait à une pensée nouvelle et ne plus faire du « neuf avec du vieux ».
PADA est convaincu que la solution est toujours dans le rassemblement des forces démocratiques qui doivent s’atteler sérieusement à travailler sur une alternative politique à proposer au peuple algérien et fondée sur les idéaux du Hirak.
En se référant aux revendications principales du mouvement populaire, portant sur les fondamentaux démocratiques, sur une communauté de destin et une transition pacifique, il est possible de constituer un socle politique pour un projet qui réponde aux aspirations du peuple, car il est vain de trouver des solutions ailleurs.
PADA considère que l’urgence, aujourd’hui, n’est pas l’élection présidentielle maintenue à échéance ou reportée, mais d’aller, malgré les entraves, à la construction d’un pôle démocratique qui soit porteur d’une vision de l’Algérie rêvée du Hirak, avec une pensée et un discours politique traduisant cette espérance, pour une offre politique supra-partisane structurée en une force politique capable d’imposer la nécessité d’une transition démocratique.
PADA est convaincu, par ailleurs, que le mode de gouvernance qui convient à l’Algérie n’est pas le régime présidentiel actuel. Le régime parlementaire, plus conforme à notre société, serait le plus à même de nous prémunir des dérives autoritaires du présidentialisme, de respecter la souveraineté populaire et de traduire la pluralité de la Nation.
PADA, en cette cinquième année de Hirak, appelle à ne pas perdre espoir. La désillusion, le désenchantement, la déception et la peur sont certes compréhensibles, mais il n’y a pas de fatalité. Que les patriotes algériens trouvent ensemble des solutions pour arrêter cette descente aux enfers du pays pour en changer le destin et démontrer que cette belle Algérie, donnée à voir au monde entier en cette année 2019, est une Algérie bien réelle.
Libération de tous les détenu.es d’opinion !
Vive l’Algérie libre démocratique et plurielle !
Paris, le 22 février 2024
Pour une Alternative Démocratique en Algérie (PADA).