Lundi 23 mars 2020
Les phares d’Algérie (VI)
Le phare de Sidi Abdelkader (Dellys). Textes et crédit photo : Zinedine Zebar.
Nous vous livrons la suite de l’histoire des phares du pays tirée du livre « Photographies des phares d’Algérie », de Zinedine Zebar publié chez Casbah Edition. C’est le fruit de trois ans de périple et des escapades à travers la côte algérienne longue de 1600 km. Le photographe a répertorié 32 phares. Nous vous présentons ici quelques phares de l’ouest du pays.
Phare de la pointe de Sidi Abdelkader, Dellys (Boumerdès) 1885)
Selon L.Jacquot, qui y faisait des recherches archéologiques, le rocher phare de Dellys ressemble à « une étrave de navire » ; lors du séisme de Boumerdés, en 2003, le feu de balisage du phare a été affecté.
Le phare du Cap Azzefoun (ex-Corbelin), (Tizi Ouzou )1905
C’est un éperon escarpé de la Kabylie maritime, « avec sa masse roussâtre et ses couches de roche disposées par stries obliques», sur lequel on a érigé un phare d’une portée lumineuse de 22 miles nautiques. Les hautes falaises de ce cap constituent un rempart naturel contre les vents d’est. Le capitaine de corvette M.A. Bérard, aidé par Mohamed, un vieux pilote de la marine algérienne, suite à un voyage d’étude, « premier travail hydrographique », effectué en 1831, le long de la côte algérienne, fournit de précieuses informations sur ce cap. « A l’O. de ce cap, signale-t-il, on trouve une petite baie et un mouillage pour les vents d’E., appelé Mers-el-Fahm (port au Charbon) ; c’est là que les barques de la côte, les sandales, venaient chercher le charbon de bois qu’elles transportaient à Alger.» (42 )
L’appellation « Port au charbon » s’explique par la présence de forêts denses dans la région. A. Hanoteau et A. Letourneux, dans leur ouvrage La Kabylie et les coutumes kabyles, 1871, relèvent que « le charbon était préparé avec des sarments de vigne, du bois d’une espèce de saule appelé isemsel et du laurier-rose. »
Jusqu’en 1929, la gestion de ce phare a été une affaire de famille. Après la mort du premier gardien, c’est son épouse qui a pris la relève, sur intervention du président français Doumergue. « Leur successeur, jusqu’à 1962, fut un M. Deroziers, dont un neveu était devenu, par son mariage, un de mes oncles, révèle Pierre Bertrand (témoignage sur le web). Pour l’anecdote, la coupole fut montée au sol, et ensuite posée après treuillage. Le phare fonctionnait au pétrole et tournait grâce à un système de poids (comme les très anciennes horloges) ; en cas de panne du système, une cloche alertait les gardiens, qui alors devaient tourner toute la nuit une manivelle, parfois plusieurs nuits de suite, avant réparation ; les pannes d’éclairage n’étant pas signalées, gardiens et enfants (sept puis six personnes assuraient une veille continue) ;pas d’électricité, pas de téléphone, le plus proche étant celui du sémaphore ! Un jour de forte tempête, un navire militaire s’est cogné aux récifs, et il n’y eut aucun survivant, à quelques mètres pourtant de la terre ferme ! Le dirigeable Dixmude (normalement basé à Pierrereu, dans le Var) avait également dangereusement frôlé le phare. Une fois par semaine, avait lieu le ravitaillement puisqu’il n’y avait comme seul moyen de transports que les ânes de proches voisins kabyles. »
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LIRE : Les phares d’Algérie (V)
Le phare du Cap Sigli (Bejaia) 1905
Le phare de Cap Sigli, à 40 km à l’ouest de Béjaia, a été érigé à mi-chemin du cap Corbelin et du cap Carbon. Tour octogonale en maçonnerie lisse, ce phare de jalonnement a une lanterne coiffée d’une coupole, sa portée lumineuse est de 17 milles. Il fait partie des phares les plus hauts du pays. Le nom de cap Sigli est lié à la richesse de sa flore et de sa faune marine et aussi à une histoire de « largage clandestin d’armes » durant la période de la présidence de Boumediene, événement intriguant qui reste à élucider.
« Le cap Sigli est formé par des terres de moyenne hauteur, souligne-t-on dans « Annales maritimes et coloniales », Vol. 22. Qu’on vienne de l’E. ou de l’O., lorsqu’on côtoie à petite distance, il paraît s’avancer beaucoup en mer. Son sommet est remarquable par des blocs de roches disposés d’une manière bizarre et qui ressemblent beaucoup à des ruines ; c’est par une pente assez douce qu’on peut descendre jusqu’à son pied, qui est environné d’une multitude de petits rochers de formes très irrégulières, mais qui ne sont pas écartés vers le large ; on y voit un îlot de couleur rousse, diversement haché dans tous les sens, à peine séparé de la côte, et tout à fait aride. »
Le journaliste Ameziane Ferhani a révélé que sur le livre d’or du phare de cap Sigli, l’écrivain Tahar Djaout a rédigé un superbe texte.
Dans son documentaire Lighthouse in The Sea of Time, Le voyage, ou trois ans en bord de mer, Zineb Sedira restitue l’univers singulier des gardiens de phares, ceux de cap Sigli et de cap Caxine. « Nous faisons la connaissance de Karim Ourtemach, dit Krimo, le gardien du phare du cap Sigli. Nous l’observons, consciencieux et entièrement dévoué à la vie du phare. Nettoyer le grand verre de la lampe, inspecter la machinerie, grimper les innombrables marches et mettre à jour le registre du phare. Une vie ponctuée de rituels quotidiens. »
Les textes et photos de cet article sont tirés du livre ci-dessous.