26 avril 2024
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Boualem Sansal interpelle les consciences

LECTURE

Boualem Sansal interpelle les consciences

« Chacun a pu le remarquer, les commissariats, la police politique, les tribunaux, les prisons, les centres d’interrogatoire et de torture, les cimetières, les camps de regroupement n’ont jamais chômé dans ce pays, pas un jour, pas une heure. » Boualem Sansal

Il y a une quinzaine d’années, Boualem Sansal a publié « Poste restante : Alger » dédié à la mémoire du président Boudiaf assassiné par son propre officier de sécurité. En sous-titre : Lettre de colère et d’espoir à mes compatriotes. Bien des publications séparent cet essai de celui qui nous occupe aujourd’hui.

Dès le début, l’écrivain pose les bases de sa légitimité à parler des sujets qu’il aborde : l’argent, la religion, le fast-food et les jeux d’arène. Il ne s’explique pas pourquoi, forte de ses compétences acquises durant des millénaires, l’humanité continue de tirer ces boulets qui l’empêchent d’être heureuse.

« Accepter encore et encore de subir les mêmes charlatans qui se prennent pour des guides spirituels, s’agenouiller devant des dictateurs qui ne pensent qu’au pouvoir, continuer à suivre une route qui ne mène nulle part, voilà où on en est malgré les lanceurs d’alertes qui ne cessent de pointer du doigt les pièges tendus. 

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Le monde dans lequel nous vivons est désespérant et l’Algérie illustre bien cet étrange engrenage. Après s’être débarrassée de l’assujettissement occasionné par plus d’un siècle de présence coloniale française, ce pays s’est engouffré corps et âme dans les politiques népotiques, claniques et mafieuses. La corruption est devenue une méthode de gestion, ce qui a ouvert la voie aux violences engendrées par la montée de l’islamisme et de la division ethnique.

De l’autre côté de la Méditerranée, ce sont d’autres violences qui surgissent et qui régissent la vie des peuples. La consommation effrénée de programmes télévisés débiles, des hamburgers qui dégoulinent « de matières grasses, toutes aussi cancérigènes les unes que les autres, les sels les plus corrosifs, et dissimulés sous des codes indéchiffrables, un savant dosage de drogues dures, la magie diffusée par la beauté des emballages… »

Dans le chapitre consacré aux religions, Boualem Sansal célèbre la Science, la Philosophie, la Nature, l’Homme et le Rien qui a l’avantage de n’obliger à rien. Contrairement à la religion qui « soumet (les ouailles) à dates et heures fixes au test de la fidélité et du don de soi, à l’exercice de la prière et de la pénitence, à l’épreuve du carême et de la retraite. »

Boualem Sansal met en place l’évaluation du problème et, après avoir tourné et retourné l’objet de son étude, se demande pourquoi « les hommes n’aient pas vu la solution ; elle crève les yeux, elle est dans la sortie de l’âge des religions et des dieux et dans l’entrée dans l’âge de l’homme et des étoiles. »

Boualem Sansal, homme totalement libre, est non seulement l’immense écrivain que nous connaissons tous, abhorré dans son propre pays, considéré comme un traitre par les bien-pensants et jeté aux chiens par les moins hargneux mais c’est aussi un lanceur d’alerte hors normes qui, courage en bandoulière, ne se contente seulement pas de dire. Il vit ses affirmations puisque résidant dans une ville située à l’est d’Alger, il s’adresse à nous à partir du ventre de la bête.

C’est, à l’évidence, la voix majeure, le plus grand écrivain qui nous est donné depuis la mort de Kateb Yacine. D’aucuns trouveront dans mes mots la subjectivité d’un homme s’adressant à son ami mais la grande amitié qui nous lie n’est pas diluée des paroles qui peuvent se dire les yeux dans les yeux ; et ce soir je te le répète comme je te l’ai toujours dit : Boualem, ton courage honore tous ceux qui se battent pour se libérer du joug de ceux qui tentent de nous mettre à terre. Et avec toi comme compagnon de route, nous pouvons t’assurer que nous ne faiblirons jamais. »

Je terminerai mon compte-rendu de lecture par une note d’espoir trouvée dans ce livre : « Il est interdit de désespérer, car c’est lorsque tout est perdu qu’un jour noir comme les autres une petite lueur apparaît et que des bouts de choses commencent à frémir dans le corps social en putréfaction avancée »

Cette lettre d’amitié est une sublime proclamation de foi d’un athée qui magnifie et qui rend un culte à la vie. Il nous met en garde contre les causes de nos malheurs et qui sont les quatre calamités qu’il nomme « les Destructeurs » et l’islamisme est double calamité puisqu’il réunit les défauts de la religion et les bassesses de la politique.

K. B.

« Lettre d’amitié, de respect et de mise en garde aux peuples et aux nations de la Terre » de Boualem Sansal

Boualem Sansal

Auteur
Kamel Bencheikh

 




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