15 mai 2024
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De la souveraineté illusoire par le pétrole à la souveraineté alimentaire par le travail !

REGARD

De la souveraineté illusoire par le pétrole à la souveraineté alimentaire par le travail !

« Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il nous prenne par la gorge » Winston Churchill

La fin du règne du pétrole va creuser la faim dans le monde. Chaque jour, plus d’un milliard de personne souffrent de la faim, l’urbanisation sauvage et l’exode rural, vont précipiter la famine et les premiers pays à être touchés ce sont les économies rentières suivies des pays industrialisés. Le Covid-19 va révolutionner le monde.

« Des villes seront détruites et des déserts construits » nous dit la tradition musulmane. Des ruisseaux souterrains coulent sous les déserts. C’est une bénédiction divine. Avec dix milliards d’importations de denrées alimentaires chaque année, la chute drastique du prix des, l’Algérie du pétrole creuse sa  tombe sans témoins et sans linceul. L’heure est au confinement. Avec une densité de cinq habitants au kilomètre carré au sud et deux cents habitants au kilomètre carré au nord, l’Algérie est un bateau qui chavire. Elle délire, son système immunitaire ne répond plus, le respirateur artificiel est en panne de courant. Le covid-19 achève l’Algérie officielle. L’Algérie renaît de ses cendres. On chasse le naturel, il revient au galop. 1962, L’Algérie avait des rêves ; cinquante ans après, elle a des cauchemars. Le pétrole a fait des institutions, pâles copies de celles de nos illustres maîtres à penser occidentaux, des coquilles vides pléthoriques et budgétivores, sans impact sur la société, destinées à camoufler la réalité au regard de l’étranger, mais personne n’est dupe. Le monde aujourd’hui ne croit plus au père Noël.

A la moindre baisse du prix du baril du pétrole, elles s’écroulent comme un château de cartes. Elles ne servent que de devanture au regard de l’opinion internationale. Les exportations hors hydrocarbures sont insignifiantes. Pourtant seul le travail peut s’opposer au pétrole. Or, il est marginal. Il représente moins de 2 % des exportations depuis plusieurs décennies. N’est-ce pas le signe évident de l’échec des politiques économiques dites publiques qui n’ont de publics que les fonds, menées à tambour battant par les élites qui se sont succédés et qui aujourd’hui se sont convertis dans l’opposition ou dans l’islamisme. La démocratie est une vue de l’esprit dans une économie rentière dominée par un Etat militaro-rentier. Toute opposition politique qui s’appuie sur les forces laborieuses est vouée à l’échec. Le poids de l’inertie est prépondérant, les forces vives sont faibles. 

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Le travail a perdu ses lettres de noblesse. Il s’incline devant le dictat du pétrole. Pourtant, « le pétrole est l’excrément du diable, il corrompt les pays et pervertit les décisions économiques », vérité vieille de cinquante ans mais encore vivace de nos jours. La rente pétrolière et gazière rend pratiquement inutile la production agricole et la facilité de payer les importations croissantes joue un rôle dissuasif non négligeable vis-à-vis de l’urgence du développement agricole. Alors que pour notre voisin de l’ouest, « gouverner c’est pleuvoir » pour les algériens, « gouverner c’est importer ».

L’ajustement du niveau de consommation aux ressources alimentaires a entraîné un processus d’importation de biens alimentaires de plus en plus chers sur le marché mondial. L’insuffisance de l’offre agricole locale est due essentiellement à la médiocrité des rendements qui n’enregistrent aucun progrès appréciable. Les superficies consacrées à la céréaliculture n’ont connu aucune augmentation sensible ont au contraire régressées par rapport à la période coloniale.

Le facteur explicatif est l’eau car disent les experts au-dessous de 400 mm de pluie la céréaliculture est impraticable et les rendements dérisoires. Si la pluie était un produit fabriqué par les usines occidentales, on n’aurait pas hésité à l’importer pour peu qu’on touche sa commission au passage. Heureusement que l’eau est un don de Dieu et non un produit marchand, et qu’elle se trouve en quantité industrielle dans le sous-sol saharien, que Dieu soit loué. Il est miséricordieux.

La moyenne des rendements se situe autour de neuf quintaux à l’hectare comparée aux rendements céréaliers obtenus dans d’autres pays qui sont de l’ordre de quarante quintaux soit à peine le quart, l’un des derniers rangs au monde. La crise qui affecte la production a des origines lointaines : elle découle de la spécialisation à laquelle a été soumise l’agriculture durant la période coloniale vers la satisfaction des besoins de la métropole et donc déconnectée des besoins de la population locale et des causes plus récentes se rapportant à la politique « socialisante » menée aux pas de charge au lendemain de l’indépendance par les pouvoirs publics.

Les difficultés du secteur agricole ainsi que la faiblesse de la production céréalière sont à l’origine de la persistance et de l’approfondissement d’un vaste mouvement d’importations massives et coûteuses. Ces importations jouent le rôle de soupape de sécurité pour le pouvoir parce que empêchant que la crise du secteur agricole ne traduise la faillite totale d’une économie largement dépendante de l’extérieur pour sa survie. « Et le cargo diabolique nous enchaîna à tout jamais » tant pour l’exportation de notre seule richesse naturelle exportable (les hydrocarbures) que pour l’importation de notre nourriture et de nos médicaments ».

Mais l’horrible vérité, c’est peut-être que les gouvernants qui se sont succédé ont besoin des importations pour asservir leur population. Un peuple de paysans indépendants vivant de ses récoltes pourrait devenir têtu et fier pour demander l’aumône à ses dirigeants. C’est pourquoi les premières victimes des politiques agricoles sont les paysans indépendants et ce, à commencer par la révolution agraire. La révolution agraire a donné l’illusion que la justice sociale est rétablie alors qu’en réalité c’est le travail de la terre qu’on enterre.

La rente pétrolière rend dérisoire le surplus agricole potentiel et la facilité de payer les importations croissantes joue un rôle dissuasif vis-à-vis de l’urgence du développement agricole. Les importations sont un instrument imparable d’aliénation très efficace qui permet aux élites dirigeantes d’accumuler plus de pouvoir et plus de richesses. Mais cela peut également les mener à leurs pertes. La flambée des prix de produits alimentaires sur le marché international a été un des facteurs déclenchant de la chute des dictatures arabes et africaines.

L’Algérie se trouve dépendante du marché international pour son approvisionnement en produits céréaliers dans la mesure où elle est satisfaite par un groupe limité de pays dont la France d’où l’extrême vulnérabilité économique et la fragilité de son équilibre alimentaire. Face à cette situation contraignante où le taux de dépendance croît rapidement et d’une manière alarmante, est-il possible de renverser la vapeur ? C’est à dire d’augmenter l’offre locale. Pour augmenter l’offre alimentaire, on peut, soit étendre la superficie cultivée soit améliorer les rendements. L’agriculture saharienne offre des perspectives rassurantes pour peu que la volonté politique soit manifeste. Les pays développés soutiennent la production, les pays rentiers soutiennent les importations c’est-à-dire financent la dépendance du pays aux variations des prix vers la hausse sur les marchés internationaux rendant vulnérables leurs populations.

L’Algérie est le seul pays au monde à négliger ses paysans, ses artisans, ses travailleurs qualifiés, ses fonctionnaires honnêtes, ses penseurs, ses créateurs alors qu’aujourd’hui en Europe, aux Etats-Unis, le revenu des paysans est protégé et subventionné et la terre prend de la valeur. La revalorisation de la terre serait un moyen de redonner à l’algérien le goût du travail et non l’envie de fuir le pays ou de mettre sa vie en péril dans des embarcations de fortune. La fin du pétrole va creuser la faim dans le monde. La famine sera le critère biologique déterminant de sélection des peuples à la survie. C’est dire toute la responsabilité du choix des hommes devant conduire le destin de la nation.

Que l’argent du sud retourne au sud, le nord en a fait un très mauvais usage. Le financement de l’agriculture par les recettes pétrolières s’est avéré un fardeau trop lourd à supporter. L’Algérie n’était-elle pas le grenier de la France coloniale au XIX siècle ? Il est vrai que la population ne dépassait pas quatre millions d’âmes et qu’aujourd’hui, elle compte dix fois plus. Comme il est juste de dire que l’Algérie utile se trouvait au nord (10 % du territoire) et qu’actuellement, elle se trouve au sud (90 % de la superficie totale).

Une fois les gisements pétroliers et gaziers épuisés et l’indépendance du pays compromise, le Sahara sera-t-il le futur potager de l’Algérie ? Ou sera-t-il de nouveau sacrifié pour produire des hydrocarbures non conventionnelles après avoir servi de terrain d’expérimentation de la bombe atomique française, des armes chimiques et avoir arrosé l’économie européenne d’un pétrole abondant et à bon marché,  et ainsi avoir assuré la survie artificielle d’une civilisation matérialiste occidentale en déclin ? Est-ce la fin des temps ?

La tomate d’Adrar est-elle un signe avant-coureur ? L’agriculture saharienne, de surcroît une agriculture « bio à bas prix », n’est pourtant pas une utopie avec une lumière abondante, de grandes surfaces à perte de vue, une énergie solaire à profusion, des ressources en eaux souterraines accessibles captées, transportées, traitées, exploitées rationnellement comme dans le passé ancestral ou mieux encore, une main d’œuvre qui ne demande qu’à être employée, les techniques de production modernes existantes, un financement à portée de main. Des oasis verdoyantes fleuriront. Les populations se déplaceront, les Algériens se remettront au travail, des îlots de vie apparaîtront, l’espoir renaîtra.

Une ceinture verte de sécurité alimentaire des peuples de la région se formera ; elle sera plus profitable et moins coûteuse que toutes les armées sophistiquées réunies du monde mobilisées pour la protection des puits pétroliers et gaziers, vitaux pour le pays et d’un intérêt indéniable pour l’occident. L’Europe y trouvera certainement son compte et apportera sans aucun doute son savoir-faire pour ne pas courir le risque d’être envahie par les peuplades venant du Sud dans des embarcations de fortune traversant une méditerranée devenue au fil des ans le cimetière des africains.

« L’Algérie est capable d’accompagner les Etats du Sahel dans l’agriculture et la sécurité alimentaire » a déclaré le Directeur Général de la FAO à la réunion des ministres de l’agriculture des pays membres du Centre international des hautes études agronomiques du bassin méditerranéen (Ciheam). Que les pipelines et les gazoducs prennent la direction du sud. La paix dans la région passe par le développement de l’Afrique. Il y va de la protection de l’occident. Idées chimériques ou idées prometteuses ? Le pays doit tourner le dos à l’Europe et regarder en direction de l’Afrique subsaharienne. Que l’argent du sud retourne au sud, le nord en a fait un très mauvais usage avec évidemment la connivence du grand Nord qui défend les droits de l’homme, de l’homme occidental évidemment. Un grand Nord qui ne cherche que le pillage du grand Sud.

Avec une densité de cinq habitants au kilomètre carré au sud et deux cents habitants au kilomètre carré au nord, l’Algérie est un bateau qui chavire. Elle navigue au gré des vents sans boussole et sans gilets de sauvetage sur une mer agitée à bord d’une embarcation de fortune dans laquelle se trouve de nombreux jeunes à la force de l’âge, serrés comme des sardines, à destination de l’Europe, ce miroir aux alouettes, pour finir soit dans le ventre des poissons soit avec un peu de chance chez mère Theresa implorant la charité chrétienne pour le gîte et la nourriture en attendant des jours meilleurs sur une terre qui n’est pas la leur et où ils ne sont pas les bienvenus, fuyant un beau pays arrosé du sang des martyrs béni de dieu, riche à millions et vaste comme quatre fois la France, qui sacrifie l’avenir de ses enfants et de ses petits enfants pour un verre de whisky, une coupe de champagne, ou un thé à la menthe.

La remise à flots du navire Algérie suppose évidemment une répartition judicieuse de la population et une exploitation rationnelle de ses ressources humaines laissées en jachère par les politiques économiques suicidaires menées à tambour battant à la faveur d’une manne pétrolière et gazière providentielle en cours de tarissement dans un avenir proche. Aujourd’hui, l’Etat providence en Algérie vit une crise de légitimité doublée d’une crise financière et aggravée par une crise sanitaire. D’un côté, il est contesté par une frange importante de la population et de l’autre il est bousculé par l’amenuisement de la rente pétrolière et gazière qui ne parvient pas à le maintenir en vie.

Le monde d’aujourd’hui tend à marcher, avec ses deux pieds le spirituel et le temporel, le bien-être matériel et la tranquillité morale sachant que la religion apaise et que la modernité agite, le pied droit ne marche pas sans le pied gauche, l’homme sans la femme, le pouvoir sans son peuple, Les deux vont ensemble dans une même direction : celle de l’unicité de l’âme avec son corps, de la solidarité des parents avec leurs enfants, de la gratitude des enfants envers leurs parents, de la réconciliation des dirigeants avec leurs peuples, du respect des peuples à l’égard de l’autorité de leurs propres dirigeants.

Le rêve est-il permis ou doit-il recevoir l’aval de l’Etat ? ? De quelle vertu peut se prévaloir un gouvernement prédateur ? « Une seule hirondelle ne fait pas le printemps ; un seul acte moral ne fait pas la vertu » dira Aristote. Nos actes contredisent souvent nos paroles. Dieu est absent de nos cœurs. Le ventre a englouti notre cerveau. Nous prenons nos rêves pour des réalités. Nous délirons. Une population traumatisée, rebelle et imprévisible empêche le pouvoir de dormir.

Seul le pouvoir arrête le pouvoir. Le défi majeur à relever est d’empêcher qu’une population qui a goûté à la sécurité, au confort et à la facilité de sombrer dans la peur, la famine et le chaos. Car un faible niveau de développement et ou de modernisation n’apporterait qu’amertume et désespoir. Aucune force sociale n’est à même de formuler et encore moins de mettre en œuvre une proposition d’ensemble en vue de sortir le pays de la crise actuelle c’est-à-dire être en mesure de s’opposer au règne sans partage et sans limite du pétrole sur l’économie, de l’armée sur la société, et des pétrodollars sur la marche du monde. Le Covid-19 a réalisé cette prouesse. L’humanité en témoigne.

 

Auteur
Dr A. Boumezrag

 




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