6 novembre 2024
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De l’Armée et du peuple : qui est l’otage de qui ?

REGARD

De l’Armée et du peuple : qui est l’otage de qui ?

« Ce que le jour doit à la nuit » Yasmina Khadra

L’Algérie, un pays conquis par les armes, libéré par les armes et gouverné par les armes. C’est « la sacralisation des armes ». L’accession à l’indépendance a été le résultat d’une lutte armée. L’armée est devenue le principal garant de cet Etat post-colonial.

Le développement du pays, une volonté de l’armée. L’action de l’armée fonde la légitimité du pouvoir. L’armée est au centre du pouvoir. Il est établi que l’armée a régenté l’économie et la société. Le projet étatique réside dans la nature même de l’armée : autorité, obéissance, discipline, rigidité. Le sort du régime algérien est structurellement lié à celui des militaires. L’armée est détentrice d’une légitimité historique qui la place en position de force. Nous nous trouvons, nous semble-t-il, en présence d’un régime politique à hégémonie militaire durable.

L’Etat prend corps à partir de l’armée, il s’impose donc à la société. Mais pour se mettre en place, il a besoin du soutien du peuple. Par conséquent, il lui est nécessaire de se référer à lui pour se légitimer. En Algérie, l’Etat porteur d’un projet de développement croit trouver dans les revenus pétroliers, le moyen de concilier la réalisation de ce projet c’est à dire la construction d’un Etat fort, mais un Etat construit  sur la négation de la société. Discours d’un Etat qui cherche à imposer une « modernisation » sans recourir à l’exploitation capitaliste des populations.

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L’inflation considérable des discours exprime le désir d’assujettir les masses en leur enlevant toute initiative. Le projet de modernisation s’enracine dans la guerre de libération. Il incarne l’indépendance du pays. Il doit réaliser les espoirs d’égalité et de prospérité sociale c’est à dire tenir compte des aspirations populaires.  

Après la victoire des forces de libération nationale, l’intervention étatique pour vaincre le sous-développement fût un principe admis sans discussion. C’est ainsi que l’économie capitaliste coloniale a cédée le pas à une « économie politique » dominée par les décisions de l’Etat.

Du fait des rapports de forces qui s’instaurent durant et à la fin de la guerre de libération nationale, ce projet étatique de développement est finalement  assumée par l’Armée, c’est pourquoi, il est autoritaire et prétend imposer d’en haut, ce qui convient à une société contrôlée et modelée par l’Etat. Le phénomène contestataire contemporain est le produit de toutes les tensions, les traumatismes et des frustrations accumulées durant ces dernières décennies. Les mouvements de protestation traduisent le désarroi d’une population privée de liberté et de perspectives d’avenir dans un contexte de crise sociale  et de contradictions économiques. L’Etat post colonial est né d’une contradiction externe et non interne d’où son autoritarisme foncier. Pour se légitimer aux yeux du peuple, il tente de promouvoir le développement économique, en réalité il étouffe la société civile. Cette vision des choses s’enracine dans la dichotomie société civile- société politique. Elle présente l’Etat comme source d’autoritarisme auxquelles s’opposent les aspirations démocratiques de l’ensemble des citoyens.

Plus l’Etat est contre la société, moins il y a production, moins il y a adhésion et plus il y a frustration et humiliation. Or l’humiliation est peu productive économiquement mais remplit un rôle politique majeur pour le maintien au pouvoir de l’équipe dirigeante dans la mesure où elle démontre l’arbitraire qu’elle contient. Le système politique crée ainsi par sa propre dynamique interne, les conditions de son inefficacité, qui le rendent incapable d’atteindre les buts qu’il se fixe notamment dans le domaine du développement, où il se contente de poser quelques réalisations prestigieuses qui n’ont aucune emprise sur la dynamique sociale et économique ; mais donnent lieu simplement à une apparence du développement. Le système n’a pas d’idées, il n’a pas de convictions ; il a des armes et de l’argent.

Pour se maintenir, le régime politique de la société postcoloniale n’a que deux moyens : généraliser la corruption et semer la terreur contre ses propres citoyens.

Autoritaire et despotique, un tel pouvoir appelle fatalement la violence, d’où l’instabilité politique chronique qui règne dans la société postcoloniale. Ce fonctionnement chaotique et prédateur, rend sa capacité économique extérieure nulle. Alors, il tombe inévitablement dans l’orbite de la dette, qui entraîne les diktats des institutions financières internationales sous la forme de programmes d’ajustement structurels, voire culturels pour ne pas dire religieux.

Faible de l’intérieur, malgré son autoritarisme et sa violence, le régime politique postcolonial, l’est aussi à l’extérieur. Car sa fragilité économique en fait le jouet et la marionnette des grandes puissances. Il apparaît alors comme un Etat-client, manipulé à volonté par des Etats-patron., et incapable de jouer le moindre rôle sur la scène internationale.

Auteur
Dr Abdelkader Boumezrag

 




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