5 mai 2024
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Gaz de schiste : ce que les Américains diront aux jeunes d’In Salah

Un voyage leur sera payé par Sonatrach

Gaz de schiste : ce que les Américains diront aux jeunes d’In Salah

Sonatrach va payer un voyage d’agrément aux USA à des habitants d’In Salah pour les convaincre des bienfaits du gaz de schiste.

Les ressources en gaz du schiste du Sahara algérien sont connues depuis longtemps. L’intrusion des gaz de schiste sur la scène énergétique algérienne et mondiale aujourd’hui est imputable principalement à son mode d’exploitation.

Ces hydrocarbures longtemps ignorés car réputés inaccessibles le sont devenus grâce au développement et au perfectionnement de la fracturation hydraulique en forage horizontal, un dada des entreprises américaines. En outre, relativement proche chimiquement du gaz naturel, sa transformation n’exige apparemment pas d’ajustements techniques considérables pour pouvoir être traité par des installations existantes.

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Les coûts associés au gaz de schiste se situent donc à l’amont de la filière plus qu’à l’aval. Or, on fait tout en Algérie par les sociétés des services, Sonatrach est restée à la traîne parce qu’elle n’avait pas réussi à capitaliser, consolider et fertiliser l’expérience, le savoir et le savoir-être pétrolier et gazier, donc même si elle exploite ses ressources schisteuses, cela se fera au bénéfice des parapétrolières pour leur plan de charge.

Maintenant, la population du Sud et particulièrement celle d’In Salah n’a jamais pris les ressources non conventionnelles comme un poison mais s’élève contre cette façon de rester un terrain d’essai à chaque fois qu’on échoue dans une démarche de développement économique. Elle se demande pourquoi les décideurs s’entêtent-ils à privilégier les énergies fossiles à tout prix comme seule solution économique du pays. Par ces visions erronées, ils mettent en danger les générations futures.  Gaz de schiste ou pas, ces sources d’énergie se tarissent inexorablement et que tôt ou tard, ils seront impérativement mis devant leurs responsabilités.

Que va apprendre un voyage touristique à une dizaine de sudistes en Argentine, au Canada et encore moins aux Etats-Unis ? Va-t-il pouvoir  les rassurer sur la consommation d’eau de la fracturation hydraulique estimée en moyenne à 15 000 m3 par puits et impérativement douce pour revenir chargé de sel de la formation ?

Même si le sable est en abondance dans le sud, les autres adjuvants chimiques  qui y sont utilisés lors du Fracking des centaines le sont pour la plupart toxiques, voire cancérigènes. Ceci est établi et avéré par une association américaine de la santé et de l’environnement ASEF, ces jeunes vont-ils pouvoir la rencontrer ? De quelle manière peut-on  les convaincre que la roche souterraine fracturée ne  libère pas des substances toxiques, comme de l’arsenic, des métaux lourds (plomb, mercure etc.) ou encore de la radioactivité naturelle ? Ainsi, les polluants s’infiltrent dans les nappes phréatiques et contaminent l’eau que l’on consomme qui constitue pour la population  sa seule ressource pour leur développement local quelquefois négligé par les pouvoirs publics étant donné l’éloignement d’une oasis à une autre.

Outre la contamination de l’eau, les techniques d’extraction du gaz de schiste ont aussi un impact sur l’atmosphère.

Les techniques de forage utilisent des combustibles fossiles tels que le pétrole, qui participe à la pollution et au réchauffement de la planète. Comment peut-on aussi leur démontrer au prix où se situe le baril conjugué au coût de l’exploitation de cette ressources non conventionnelle  le bénéfice énergétique mis en avant par ceux qui
défendent ce projet, ainsi que leurs intérêts qui demeure  insignifiant par rapport aux
risques que l’on fait prendre aux populations. Au lieu de modérer la consommation énergétique, on l’amplifie par approche encore une fois fossile. Auront-ils l’occasion de visiter l’Institut National américain des Sciences de la santé environnementale (NIEHS) qui a dressé un état des lieux paradoxal à l’approche Trump. En effet les chercheurs de cette institution ont prouvé qu’il existe des risques potentiels pour la santé publique dus au développement du gaz de schiste, tout en notant un manque criant d’études épidémiologiques qui permettraient de sortir du doute sur leur réalité et l’ampleur de ces risques potentiels.

Tout ce qu’on peut faire pour agrémenter cette randonnée touristique, c’est de leur répéter la même chanson : vos gisements sont situés loin des nappes phréatiques et encore plus des  agglomérations alors ! Vous ne risquez rien. Tout ce qui va se passer, dans le cas où ce vœu se réalise, est qu’après avoir bien mangé et visité de bels endroits envieux par rapport à leur quotidien, ils iront au siège de l’Agence Internationale de l’énergie (AIE) pour écouter le discours de leur directeur qui répétera ce qu’a dit son collègue en septembre 2012, Didier Houssin, directeur des marchés et de la sécurité énergétique : «Nous disposons de plus de deux cents années de réserves de gaz, contre seulement quarante-cinq années pour le pétrole. Nous avons été les pionniers de l’eldorado de l’or noir et n’avons pas l’intention d’y renoncer». Sous entendu, vous irez avec nous que vous le vouliez ou non. En effet,  Pour les Etats-Unis, la Maison Blanche non seulement soutient les producteurs du gaz de schiste mais les subventionne lorsqu’ils sont en difficulté pour un seul objectif : être le premier producteur et exportateur du brut et gaz. Par comparaison, l’exploitation des gaz des schistes au Canada et en Argentine est encore embryonnaire. Les gaz de schiste y font l’objet d’une forte défiance de la population, attisée par la découverte économiquement exploitable  il y a moins d’une décennie. Le Parti québécois récemment réélu pourrait prochainement décréter un moratoire, promis pendant sa première campagne.

Aujourd’hui, il n’y a pas de régulation fédérale sur l’exploitation des gaz de schiste. Le gouvernement d’Ottawa pourrait néanmoins intervenir à la suite des résultats d’une étude environnementale très préoccupante.

Pour l’Europe, la majorité des pays ont pris la décision de ne pas s’aventurer sur le mode de la fracturation hydraulique.  La Pologne le fait pour un choix contraignant : ou la dictature de Poutine ou le gaz de schiste et pour leur souveraineté cela se comprend. Pour le reste des pays,  La question des « gaz de schiste » est venue dans le débat public dans le monde en général et l’Algérie en particulier avec la publication par l’Agence Américaine d’Information sur l’énergie (EIA), en avril 2011, de chiffres tendant à démontrer que l’Algérie occuperait la 3éme place dans les réserves de gaz de schiste et serait l’un des pays les mieux doté en qualité dans cette ressource.

Bien que ces chiffres aient été, depuis lors, révisés à la baisse, ils font état de ressources  extrêmement importantes mais n’ont pas manqué de donner de l’eau à la bouche aux décideurs pour en faire un futur vecteur de croissance peut-être même dans le seul souci de perpétuer l’économie de rente par un abandon progressif de la transition énergétique promise.

Pourtant, dans sa lettre lue par le ministre de l’Energie, le président de la république n’a pas manqué d’insister pour surseoir à l’exploitation du gaz de schiste et mettre tout le paquet sur le conventionnel sur un domaine minier de plus de 1,5 million de km2 exploité à moins de 5%.       

Auteur
Rabah Reghis

 




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