5 mai 2024
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La jeunesse algérienne en proie au chômage, radicalisation et violence

Regard

La jeunesse algérienne en proie au chômage, radicalisation et violence

La ghettoïsation des quartiers, des villages et des cités condamnent les plus pauvres à l’exclusion. Vanné par le rejet sempiternel de l’administration, le jeune algérien passe ses journées à tourner les pouces. L’oisiveté est la mère de tous les vices, dit-on souvent. Les jeunes en fin d’étude ou d’apprentissage, qui sont à la recherche de boulots sont laissés à eux même et la plupart d’eux sont confrontés à divers problèmes tels que l’alcoolisme, le tabagisme. Adossé aux murs, les jeunes oisifs se prélassent, même debout, à scruter les passants à longueur de journée. Un salon de détente à ciel ouvert où les films sont regardés « en live ». Un téléviseur en noir et blanc, car la laideur accompagne ce décor planté comme une toile au fond d’un mur.

Le vide sentimental, lesté par les carences affectives, noie le jeune oisif dans des rêvasseries à foison. La violation des femmes se fait en primo par les yeux, imaginant leurs corps veloutés, leurs poitrines galbées… Des films hollywoodiens et bollywoodiens sont tournés dans la boîte crânienne des apprentis réalisateurs.

L’alcool et les psychotropes ont bouffi leur visage estampant des cernes emplis de chagrins, de mélancolie et de tædium vitæ. Ce n’est ni par plaisir, ni par amour qu’ils noient leur chagrin dans l’alcool, mais par la force de déception et d’abattement moral. Devant le fait accompli, le jeune ne trouve d’autres moyens que de braver la mort, inconsciemment et insouciamment. La mort est devenue comme une ortie familière.

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Les tentatives de s’extirper de ce cercle vicieux tournent souvent en eau de boudin. L’agressivité brutale dans le comportement et dans les paroles ne peut aussi justifier cet excès de zèle d’une population en perte totale de repères. Une crise émotionnelle et intellectuelle brouillant toutes les cartes. Les stupéfiants et l’alcool sont devenus une douce compagnie qu’apprivoisent des milliers de jeunes, croyant trouver leur bonheur perdu. Pour un oui ou pour un non, ils déversent leur raz-de-marée de violence sur tout ce qu’ils trouvent sur leur chemin. Le recours aux pratiques alcoolo-toxico-tabagiques auprès des jeunes prend racine dans l’absence de repères. Les significations accordées à ces consommations addictives sont le plus souvent associées à la notion d’oubli des pressions ressenties dans le quotidien.

Les positionnements des jeunes face à leur avenir et leur présent se sont passablement transformés en quelques décennies et ont fait émerger certaines indéterminations et peurs. Ces dernières, omniprésentes dans les discours des jeunes, ne sont pas sans lien avec les significations associées aux temps des consommations. Oubli également recherché pour atténuer les représentations sociales véhiculées sur « les jeunes », le plus souvent négatives et accentuant une dépréciation de soi difficile à gérer à cet âge de construction d’une adultéité. En définitive, les addictions seraient des antidotes aux pressions du quotidien par la création d’une nouvelle (a)temporalité, un temps « à-côté ».

Le chômage endémique n’a fait qu’empirer la vulnérabilité d’une économie poussive qui bringuebale et avance à la vitesse de l’escargot. Sans emploi, les jeunes ne voient pas la couleur de l’argent. Ils battent de l’aile pour trouver un emploi, souvent précaire, qui n’arrange guère leur situation, déjà catastrophique. Les jeunes se heurtent à la sacro-sainte « expérience », ce qui présage souvent d’un avant-goût de ce qui va suivre. L’absence de choses à faire, de moyens pour en réaliser et de contacts avec des gens qui pourraient y contribuer deviennent rapidement des problèmes majeurs. Le jour se confond de façon imperceptible avec la nuit et les habitudes de sommeil changent.

La structuration du temps imposée par le jour est rapidement perdue et au lieu de jouir d’une sensation de relaxation comme une personne qui travaille tout le jour lorsqu’elle est au repos, le jeune en chômage n’éprouve que de l’ennui et un certain degré de confusion. Il y a perte de direction, perte de buts relativement clairs qui mènent certains jeunes à l’apathie et au retrait et d’autres, à l’agitation. Les jeunes perdent ainsi le sens d’avoir un but et un idéal dans leur vie.

La rue est devenue un théâtre à ciel ouvert, une arène où se mêlent des gens formant un hourvari inextricable et faisant un barnum de tous les diables. Les jeunes oisifs s’étirent de tout leur long en se levant tard dans la journée, car n’ayant d’autres à faire que de roupiller à volonté. Entre farniente et fainéantise, un voile de douleur rêche embue leurs yeux, adoptant ainsi un tempérament impulsif et malavisé. Tant que le pouvoir persiste dans la marginalisation et le mépris de ce qu’il considère comme la tourbe des bas-fonds, la récolte ne peut être qu’un champ d’épines. Le matraquage des classes sociales se poursuit en silence devant un mutisme des plus ahurissants de nos prétendus intellectuels.

La non-violence doit être la force du faible, et aucunement la perversion brutale de la pensée et le débridement moral ne doit prendre le dessus sur le pacifisme. La récupération politique de tout mouvement à l’état embryonnaire bat à tout rompre. C’est à cette fin qu’il faut faire la distinction entre activisme et militantisme pacifiste.

Auteur
Bachir Djaider (journaliste, écrivain)

 




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