5 mai 2024
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L’Irlande s’éveille enfin au XXI ème siècle européen

On vient d’y voter pour l’avortement

L’Irlande s’éveille enfin au XXI ème siècle européen

Le référendum irlandais sur le droit à l’avortement a été emporté à une écrasante majorité de 66,4 % par les défenseurs de la liberté des êtres humains contre un dogme moyenâgeux auquel seule l’Irlande était encore enchaînée en Europe.

Les Irlandais, surtout les femmes, remportent définitivement le combat face à l’obscurantisme que l’humanité a du mal à se débarrasser. Les femmes irlandaises pourront enfin être libres et détentrices du droit de leur corps.

Cette humanité a mis des siècles à se défaire du carcan qui l’empêchait de dissocier l’acte d’amour de celui de la procréation. Justement cette distinction qui faisait de l’être humain un cas unique dans le monde du vivant, un être réfléchi doué d’une sensibilité.

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Le combat contre l’obscurantisme fut très long en Europe, soit cinq siècles. Il faut dire qu’il aura été incroyablement plus long pour ce pays insulaire qui, pourtant, a embrassé le modernisme européen en bien d’autres points de la vie courante, intellectuelle et économique.

Même l’Espagne qui, pourtant, possédait une histoire très résistante de l’héritage des Rois «très catholiques », a cédé depuis un bon moment. La période détestable du général Franco lui avait définitivement enlevé le goût d’une religion despote et liberticide. Elle s’en est définitivement éloignée en 1977 et avait rejoint la grande Europe moderne qui l’a bien accueillie et lui permis d’aller de l’avant.

En fait, un premier combat fut déjà gagné en Irlande pour obtenir le droit à l’avortement. Celui-ci avait bien été légalisé mais seulement dans l’espace très restreint d’exceptions aux conditions tellement draconiennes qu’il était encore un frein insupportable pour la modernité.

Pourquoi ce pays fut à ce point prisonnier de la religion catholique ? Il n’est pas possible dans cet article de reprendre l’itinéraire complexe et précis d’une histoire mouvementée mais on peut en quelques phrases tenter d’en apporter un éclairage, rapide et incontestable.

Il faut relever que l’Irlande fut catholicisée par St Patrick, un personnage autant réel qu’entouré de légendes. L’île fut toujours pauvre jusqu’à être le berceau d’une émigration massive vers les États-Unis lorsque cela fut possible. On sait que la pauvreté d’un peuple, cause de son alphabétisme massif, l’amène inévitablement à être soumis aux dogmes et aux velléités des esprits qui trouvent toujours opportunité à étendre leur pouvoir sur les esprits faibles.

Mais cette raison n’explique pas tout car elle fut également celle de tous les pays européens pendant des siècles. C’est un autre événement qui va agir beaucoup plus fort et, surtout, durer. Il intervint au XVIème, lorsque le roi anglais Henri VIII proclama l’indépendance de son Église par rapport aux Papes et déclara qu’il en serait dorénavant le chef spirituel.

Ce fut alors une première occasion pour cette région inféodée au joug de la couronne anglaise de trouver sa première raison d’insubordination et d’affirmation de son nationalisme. Le catholicisme des Irlandais restera la marque de leur velléité d’indépendance jusqu’à celle, politique, du pays en 1922. Un pacte fut en quelque sorte scellé entre la population et les évêques d’Irlande. Nous connaissons tous le drame irlandais qui fut notre histoire contemporaine avec le combat sanglant dans la partie Nord, encore sous souveraineté du Royaume-Uni.

Mais en même temps, la hiérarchie de l’Église catholique irlandaise ne tarda pas à profiter de son immense pouvoir identitaire pour affirmer son joug sur une population que les événements cités auparavant avaient placés dans un repli profond et une haine tenace.  

Nous trouvons cette même situation chez les fidèles de la Reine Stuart en Écosse, une histoire à peu près identique où la résistance du catholicisme entraîna le même phénomène identitaire autour de la valeur la plus forte à l’époque, la foi catholique.

Mais la relation avec l’Église catholique est encore plus complexe qu’il n’y paraît car lors de l’indépendance de la république en 1922, l’Irlande dut avoir un comportement des plus méfiants envers la Cité vaticane dont la relation avec le pouvoir de Londres fut des plus équivoques, à ses dépends. Ce qui accentua encore plus le repli de la communauté catholique d’Irlande.

Il est heureux que cette longue traversée du tunnel se termine aujourd’hui. Même si nous pouvons encore accepter qu’il existe chez certains des résistances morales légitimes à l’avortement, il reste un argument qui vient définitivement nous convaincre du bien fondé de l’instauration de la loi libérale à ce sujet.

Cet argument évoqué par les partisans du « oui » est absolument le même que celui que Simone Veil, à la tribune de l’Assemblée nationale française, a brandi à une assistance encore très réservée envers son projet, voire pour certains, avec une hostilité qui ne s’interdit pas jusqu’aux insultes les plus indignes.

Cet argument est celui de tous temps, l’hypocrisie sociale des dévots. La plupart des femmes devaient affronter un funeste sort qui les plaçaient face à la terrible accusation morale de la société. Elles n’avaient guère le choix que celui d’une grossesse « honteuse » suivie le plus souvent d’un mariage forcé ou celui d’un avortement clandestin avec des conditions d’hygiène épouvantables qui pouvaient mener jusqu’au décès de la malheureuse.

Mais, comme toujours, pour celles qui en avaient les moyens par une famille peu regardante sur la morale des siens autant que sur celle des autres, c’était le voyage à l’étranger. Cette possibilité a toujours existé et existe encore dans tous les pays exposés à cette hypocrisie.

Ceux qui prônent avec véhémence le droit moral à la vie sont souvent ceux qui l’ont piétinée au cours de l’histoire.

En conclusion, ce moment de libération en Irlande n’est qu’un épisode parmi tant d’autres qui montre encore une fois les Lumières dans leur éternel combat pour leur survie face aux ténèbres.

S. L. B.

Notes

1) Titre attribué aux souverains espagnols par le Pape au XVIème siècle. Il symbolise  le lien fort avec la cité vaticane et ainsi, avec la religion catholique.

2) Il y a d’ailleurs à ce sujet une confusion constante et persistante. Ce n’est pas le protestantisme qui fut institué, comme le laisse supposer l’époque, mais une église indépendante dite « anglicane ».

 

Auteur
Sid Lakhdar Boumédiene

 




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