10 mai 2024
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Basta, barakat, ça suffit !

TRIBUNE

Basta, barakat, ça suffit !

Chef d’Etat-major depuis presque 16 ans, Ahmed Gaïd Salah n’a lâché Bouteflika qu’à la dernière minute.

Il y a quelques jours, j’ai failli être offusqué par un long article commis par un « éminent professeur » d’une université algérienne et paru dans les colonnes du journal « Le Matin d’Algérie ».

Notre AGS national, «moitié de Vizir » de son état, avait trouvé en ce personnage dispensant le savoir, un fervent admirateur qui l’encensait admirablement, fougueusement et avec une telle rhétorique et une telle ferveur rarement égalées.

L’encensé en question est celui à qui j’attribue le triste statut de gardien zélé du royaume des détournements de toutes sortes, de la gabegie, de la terreur, des spoliations des libertés et des deniers publiques et surtout d’un déni prononcé pour le discernement populaire, ce déni constant trahi par un mépris pathologique que les tenants du pouvoir et de l’argent cultivent comme une culture de caste parvenue.

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Pourtant, dans l’histoire sociologique de l’Algérie, rares ceux qui peuvent se targuer de l’appartenance à une strate supérieure de la société. J’entends par là une classe de nantis, une bourgeoisie citadine, montagnarde ou campagnarde cultivant des traditions puisées dans une vie confortable matériellement et jouissant d’une instruction, celles héritées d’une longue tradition.

La colonisation française dans son œuvre d’émancipation durant cent trente-deux longues années, avait laminé la société autochtone et en 1962 et à de rares exceptions, les neuf millions d’Algériens étaient tous logés à la même enseigne. Le laminoir colonial à coup de politique de la terre brûlée, d’expropriations brutales, de déplacements des populations et d’une extermination physique sans limite avait réussi le pari d’homogénéiser des millions d’âmes en un corps homogène où la misère était le lot commun de la majorité. L’Algérie indépendante avait hérité d’un pays exsangue où tout était à faire.

L’élite politique, administrative et économique actuelle ne s’est détachée du reste du peuple que grâce à la générosité induite et permise par une accumulation forcée de capitaux tirés de la politique de nationalisation des hydrocarbures et des richesses minières. C’est seulement au début de la décennie soixante-dix que l’Etat algérien, jouissant du quasi-monopole qu’il avait sur l’économie, que de gros investissements commençaient à se mettre en place pour créer une industrie et mettre en place un véritable plan volontariste de formation de masse de cadres de divers niveaux.

La création des instituts de technologie dans des domaines divers et variés ont vu le jour pour la formation de cadres intermédiaires et les multiples plans quadriennaux qui déversaient une masse de capitaux sur les régions que le pays n’avait jamais connues et dont ils avaient la charge pour une fructification largement souhaitée. Les cadres de hauts niveaux jouissaient du privilège de multiples formations dans les grandes écoles et les universités étrangères.

Cette politique d’accumulation capitalistique du modèle de développement étatique centralisé avait permis dans une première phase, la naissance d’une catégorie sociale formée par les cadres hautement qualifiés et par le recyclage de nombreux officiers de l’ALN en récompense de leurs engagements durant la guerre de libération. Le statut particulier de ses privilégiés est lié aux responsabilités acquises dans la haute administration et dans la direction des nouvelles sociétés nationales nouvellement créées les avait érigés en caste de privilégiés, ce qui les éloignaient progressivement mais sûrement du reste de la population dont ils étaient issus.

L’accélération de la mutation de cette élite s’est produite durant les vingt dernières années où des catégories distinctes se sont amalgamées pour n’en former qu’une seule dont le ciment reste exclusivement une accumulation par la prédation des richesses colossales du pays. C’est cette caste que l’on nomme facilement et vulgairement l’oligarchie.

Des connexions complexes existent entre un haut fonctionnaire de l’Etat, un «élu» du peuple, un haut responsable de certains partis au pouvoir, un haut gradé de l’Armée «Nationale Populaire» et beaucoup d’affairistes rapidement promus et qui sont chargés de jouer aux « porteurs de valises ». On a connu naguère des porteurs de valises, mais ceux-là avaient un but louable en soutenant une noble cause, la décolonisation de l’Algérie.

Après ce cours égarement, je reviens à mon article du début. Cet article dont je parlais dès l’entame de mon texte m’avait intrigué tant je ne comprenais pas de suite la teneur. Pour avoir l’esprit libéré, je me suis senti contraint de le lire dans sa totalité espérant découvrir quelques tournures qui me feraient croire que cet éminent professeur possédait une maîtrise redoutable du second degré ou pour débusquer quelques subtiles métaphores qui orienteraient ma compréhension du texte vers quelques subtilités langagières dont j’ignorais la teneur. Mal m’en a pris, car à la fin du texte, que nenni. Point de métaphores ni de subtilités d’aucune sorte.

Le texte dans son intégralité a été écrit au premier degré et cet « éminent professeur » n’est autre qu’un fervent défenseur d’un illuminé dictateur qui se refuse à croire que son heure est arrivée et que la poubelle de l’histoire l’attend pour le nicher au fond de son réceptacle.

Votre avertissement à la fin de l’article m’avait justement et rapidement ramené à plus de raison et m’avait fait comprendre les motifs qui vous avaient amenés à ne pas refuser une tribune quand bien même et malgré que le contenu pourrait heurter votre entendement.

Votre avertissement m’avait renseigné sur la véritable attitude à avoir dès lors où l’on se réclame des principes forts de la démocratie, de la liberté d’opinions, de la tolérance, du refus du dogme et en règle générale du respect d’autrui et de sa liberté d’expression combien même son opinion diverge de la nôtre. De mémoire et au risque de déformer ses propos, il me semble que c’est Voltaire qui avait interpellé quelqu’un en lui disant que malgré ce qui les opposait, il se battrait toujours pour que son adversaire garde la jouissance de toutes ses libertés afin qu’il puisse s’exprimer librement.

Merci de rester vigilant et de ne jamais dévier, c’est la base du respect que tout journal digne de ce nom doit à ses lecteurs. La lecture de cet article quelque peu iconoclaste m’amène tout droit à une réflexion sur les derniers soubresauts de la situation en Algérie.

Panel et interrogations

Ces dernières quarante-huit heures sont riches en événements et les analyses et interventions sont pléthoriques à ce sujet.

La gesticulation sur l’histoire du « panel » est symptomatique du vécu politique à l’algérienne à commencer par le choix de ce mot complètement inadapté à la situation. Dans la langue française, les mots sont toujours porteurs de sens et leur utilisation n’autorise aucun hasard. Enfin passons car certains pourraient rétorquer que la langue française étant « un butin de guerre », chacun pourrait la manier librement et qu’en raison de son « algérianisation », pourquoi s’interdire d’être inventif ? Les académiciens français acquiescent régulièrement en s’appropriant certaines locutions « usurpées » et adaptées et qui deviennent à l’occasion un patrimoine de la langue française. C’est le lot de toutes les langues qui ne finissent jamais de s’épanouir en s’enrichissant par l’emprunt à d’autres langues.

Sur l’actualité immédiate, le déclic a été ressenti au moment où un certain Karim Younès sorti de son havre douillet de retraité politicard commençait à diffuser et à divulguer à qui voulait ou voudrait l’entendre qu’il avait été approché pour rejoindre un groupe susceptible d’animer un futur dialogue. Cela pourrait s’entendre ainsi. Seulement, il aurait été plus honnête s’il avait commencé par se démarquer de cette fâcheuse habitude des politicards qui nous assomment sans cesse et continuellement par leur usage immodéré de la langue de bois. Monsieur Younes, si vous avez été approché comme vous le dites, pourquoi ne pas nous dire par qui tout simplement ? si c’est par le pouvoir, il n’y a aucune honte à le cacher. La honte réside dans le fait de le cacher et de faire croire que vous êtes un produit de la providence. Les Algériens, malgré leur forte inclination religieuse ont fini de croire à la providence depuis très longtemps de cela.

Chemin faisant, le concept de ce panel qui était l’idée d’un « Forum… » et de ce dialogue commençait à se focaliser dans les esprits que la presse nationale enfonçait quotidiennement dans les cerveaux des plus réfractaires.

Une première annonce avec un panel de treize personnalités fit surface, ce qui avait déclenché toutes sortes de tergiversations avec certains démentis venus de quelques noms célèbres pour montrer leur étonnement ou carrément leur refus de participer à une entreprise qu’ils considéraient déjà comme étant une émanation du pouvoir.

Sur les treize personnalités composant la liste, trois semblaient ne pas être contactées et seule l’une de ces trois a osé s’exprimer publiquement pour annoncer d’abord son étonnement d’y figurer et ensuite son courroux quant à la méthode qu’elle fustigeait et qu’elle considérait comme étant gravement irrespectueuse vis à vis de sa personne.

D’autres par la suite ont conditionné leurs participations à certains préalables louables tels que la libération des détenus pour délits d’opinion comme les porteurs de drapeaux amazighs par exemple.

Pour ma part, le déclic de suspicion est venu dès lors où l’animateur du « Forum… » avait indiqué lors d’un entretien que la liste des personnalités qui composeraient ce panel est en attente d’un agrément de la Présidence ? Pourquoi un agrément et pourquoi de la Présidence ?

Les jeux étaient déjà faits et les suspicions légitimes commençaient à s’élever et à s’exprimer à travers les multiples analyses publiées.

La magie algérienne opérant, nous passâmes de treize à six avec, bien entendu avec des noms les moins attendus et dont certains ne figuraient même pas dans la liste des treize. L’outrecuidance consiste même à désigner l’un des six en puisant dans le quota présidentiel des membres du Sénat.

Finira-t-on un jour avec ces manœuvres et ces manipulations douteuses que l’on souhaitera d’un autre temps ?

Avait-on certainement besoin que Monsieur Karim Younès ait les coudées franches pour mieux canaliser ses coéquipiers en lui octroyant les moins connus sur la place politique et aussi les plus amènes et les plus à mêmes d’être maîtrisés politiquement ? Pourquoi pas ? Le danger de l’opacité est justement cette propension à la suspicion.

« Les recalés » de la liste originelle commencent à s’exprimer et à dénoncer les péripéties et les arguties qui se sont déroulées et qui ont abouties à la recomposition et à la renomination de la dernière liste des six qui s’est trouvée reçue au siège de la Présidence de la République pour un adoubement visible et franc par celui-là même que le Hirak rejette et dont la légitimité constitutionnelle n’est plus garantie, cette légitimité constitutionnelle si chère à Madame Benabbou, membre « imminente » de cette moitié de « panel ».

Ce pouvoir ou ce système que le Hirak voudrait congédier et faire sortir par la grande porte, voilà qu’il revient par la petite fenêtre et le voilà qui s’approprie les commandes d’une initiative jugée à tort ou à raison comme étant une émanation de la société civile.

Ce que beaucoup oublient et ils sont nombreux, c’est que le jeu politique a changé de terrain et de règles. Les règles du nouveau jeu étant nouvelles, il faudrait que les protagonistes se les approprient pour continuer à jouer sous peine de disqualification.

Nous avons en face un peuple éveillé qui se mobilise depuis cinq mois et qui exprime sans discontinuer son ras le bol d’une vie de misère et son désir ardent d’une nouvelle vie où il aura sa juste place, ni plus ni moins. A la différence des mouvements contestataires antérieurs, celui que vivent les algériens actuellement est d’une autre ampleur de par sa vigueur, son étendue spatiale et temporelle et surtout, la vivacité et la grande qualité du discours politique qui est véhiculé. Fini l’infantilisation du peuple, ce sursaut révolutionnaire est une juste preuve de son éveil et de sa maturité, notamment politique.

Ce mouvement impose une nouvelle donne par sa dimension hautement politique et sa forte exigence d’un basculement obligatoire pour un salut définitif. Les règles qu’impose ce mouvement populaire sont claires, mais n’empêche, elles demeurent inaudibles pour la caste au pouvoir dont la résistance pourrait sembler de bons alois. Cette résistance fait partie de toutes les révolutions, où un ordre établi n’a jamais abdiqué de gaité de cœur et c’est pour cette raison que le Hirak doit rester sourd aux nombreux sons des sirènes qui essaient de l’enchanter pour le dévier de sa trajectoire.

Un mouvement politique de l’ampleur du Hirak est difficile à satisfaire tant ses exigences sont souvent inatteignables et difficiles à satisfaire. Et pour cela, ce qui devait arriver, arriva ce vendredi du vingt-troisième Hirak. On observe un certain Monsieur Lalmas, démuni, en difficulté et en manque d’arguments devant des « hirakistes » lambda qui, droits dans leurs bottes et avec une expression claire, dénuée de tout subterfuge sémantique et où le discernement et la justesse « naïve » du propos l’emportent sur les explications maladroites d’un « Alem » ne comprenant pas l’incompréhension de ses vis- à-vis. Un petit rappel Monsieur Lalmas, n’avez-vous pas dit clairement il y’a quelques jours de cela que votre présence au sein du « panel » serait conditionnée par une approbation franche et nette par le Hirak. Je trouvais cette assertion douteuse, car comment se faire adouber par un mouvement de masse dont justement la difficulté réside dans son incapacité à faire émerger une représentation légitimement reconnue.

Voilà quelqu’un qui d’emblée serait animé d’une grande sincérité et je lui concède cette qualité, mais qui maladroitement, dans un terrain où la roublardise et les manipulations sont la règle, s’aventure tête baissée avec seules armes sa sincérité et sa naïveté pour jouer à un jeu dont il ignore les règles. Pauvre Monsieur Lalmas. En politique, la naïveté est une erreur impardonnable.

Que dire aussi de Madame Benabbou, notre constitutionnaliste nationale, qui n’arrêtait pas à longueur de déclarations de nous convaincre du bien-fondé de notre constitution ? Elle n’avait pas arrêté de nous avertir d’une mise en danger imminente si par inadvertance l’on sortirait de ce cadre constitutionnel vertueux. Celui-là qu’elle considère comme étant le garant nécessaire pour la sauvegarde de nos libertés, ces mêmes libertés bafouées durant des décennies malgré et en dépit de toutes ces constitutions qu’a connues l’Algérie.

Où a-t-elle vécu pendant ces vingt dernières années ? Était-elle en hibernation ?

Madame Benabbou, imaginez-vous que ce gigantesque mouvement populaire que l’on s’évertue à nommer « Hirak », est une simple vue de l’esprit ? Pensez-vous que les algériens sont encore et à jamais des éternels enfants gâtés qui découvrent un jour de ce fameux 22 février 2019 un nouveau jeu pour occuper leurs fins de semaines ? S’ennuient-ils à ce point ?

Madame Benabbou, de grâce, revenez à la réalité. Votre niveau professionnel, votre intelligence et votre perspicacité ne doivent pas vous aveugler et vous distancer de la vie de votre peuple avec qui vous partagez une réalité morose, si ce n’est plus.

Cette constitution que vous encensez, n’est-ce pas elle qui a enfoncé l’Algérie dans les ténèbres durant plusieurs décennies et au moins les deux dernières ?

La dictature en Algérie a toujours eu ses jours de gloire et ce depuis bien avant l’indépendance. Une constitution demeure et demeurera toujours un texte écrit par des femmes et des hommes. Si l’esprit qui anime ces femmes et ces hommes est d’asservir, aucune constitution ne nous sauvera de leurs sombres desseins. Nous connaissons des pays qui vivent harmonieusement sans constitution à l’exemple du Royaume-Uni. Peut-on soupçonner ce pays d’être une dictature ?

La Belgique avait vécu plusieurs mois sans gouvernement, je dis bien sans gouvernement et non pas sans Etat. Ce pays a-t-il sombré dans le marasme que beaucoup lui avait prédit ? Et bien non, au contraire, l’État belge, comme beaucoup d’autres, est construit sur des structures décentralisées et rompues au jeu politique et aux alternances où la démocratie reste le paradigme essentiel. La Belgique reste toujours ce pays où il fait bon vivre, n’est-ce pas Madame Benabbou ?

Les diverses constitutions qui ont jalonné le jeu politique algérien n’ont jamais été un rempart pour protéger le peuple de la voracité et de la prédation sans limite de femmes et d’hommes sans scrupules. Les différentes affaires judiciaires dont nous abreuve la presse actuellement nous renseignent clairement sur les visées destructrices des multiples rapaces sans pour autant que la constitution nous ait protégés.

Comment peut-on oublier le triste souvenir de la première Constitution de l’Etat algérien naissant où la première Assemblée Constituante fut parasitée et remplacée par une autre réunie en catimini dans une salle de cinéma d’Alger pour adouber un texte contraire à l’esprit des meilleures résolutions que la guerre de libération avait péniblement accouchées.

Que dire du marasme actuel où un président sans légitimation constitutionnelle continue à gouverner et à représenter un peuple qui lui refuse cette prérogative ?

Que dire d’un gouvernement nommé par un président moribond et dont on ignore sérieusement l’authenticité de cette nomination et qui nous fait croire qu’il gère les affaires du pays ? Quelle est sa légitimité constitutionnelle ?

Que dire d’un vice-ministre dont le poste ministériel auquel il est rattaché n’existe pas ? Quelle est sa légitimité constitutionnelle ?

Que dire d’un chef d’état-major des armées qui s’arroge tous les droits en s’improvisant homme politique en haranguant son peuple auquel il ne reconnaît aucun droit élémentaire et qu’il assimile à ses troupes serviles et silencieuses et auquel il ne reconnaît même un droit élémentaire, celui de manifester librement ?

Que dire de ce même officier supérieur de quatre vingts ans qui au mépris de la réglementation demeure encore à son poste alors que des officiers généraux de moins de soixante ans sont mis d’office à la retraite sur ses ordres ?

Que dire encore de cet officier supérieur qui n’est autre qu’un fonctionnaire de la République qui se travestie en leader politique en usurpant des fonctions politiciennes qui ne sont pas les siennes ?

Que dire de lui quant au mépris du bon sens il se positionne en chef absolu dans une hiérarchie politique où il n’a légalement aucune place ?

Que dire tout simplement de l’usurpation et du mépris des institutions érigés en sport national ? 

Voilà pourquoi, cette constitution et tous les chemins que vous voulez rendre obligatoires pour une sortie de crise sont une vue de votre esprit bridé et prisonnier d’une lubie de constitutionnaliste qui refuse la dimension politique des enjeux et des combats soulevés par le Hirak. Enseignez plutôt à vos étudiants que le politique prime sur tout et qu’une constitution, quelle qu’elle soit, reste justement le produit de la politique et donc des rapports de force du moment et non l’inverse. CQFD.

Le chemin tracé par le Hirak reste l’unique voie pour une sortie de crise salutaire pour le pays. Le combat est éminemment politique et le débat doit demeurer enclavé dans une démarche tout aussi politique. Les tergiversations d’ordres techniques comme l’absolu préalable à l’application de la constitution reste une chimère et les chimères sont faites pour être déviées. Cette constitution qui a été maintes fois bafouée par ceux-là même qui l’ont écrite, votée et promulguée reste un texte sans aucun fondement, sans aucune consistance et donc sans aucune légitimité. S’y référer sans cesse devient soupçonnable et renseigne clairement sur les protagonistes et les défenseurs de cette voie sans issue où les arrières pensées politiciennes dominent.

L’ensemble des institutions qui émanent de cette constitution fonctionnent en bafouant l’esprit de cette Loi fondamentale qui devait leur servir de guide et de paravent.

Toutes les libertés fondamentales énoncées et constituant l’esprit de ce texte sont bafouées sans vergogne aucune, liberté de la presse, liberté de choisir sa religion, liberté de manifester sans entrave, liberté des élections et respect du libre choix du citoyen, impartialité de la justice…

Voilà une liste non exhaustive d’éléments négatifs plaidant en défaveur d’une constitution scélérate dès lors que le concept de démocratie reste un leitmotiv vidé da sa substance. On dit souvent qu’une hirondelle ne fait jamais le printemps, à juste raison, on pourrait dire qu’une constitution ne garantira jamais la démocratie.

L’absolue voie de la présidentielle est le véritable motif qui anime les « constitutionnalistes » de tout bord qui veulent convaincre de la justesse d’une application stricte de la constitution au préalable vidée de son essence et de son esprit. L’élection d’un Président de la République devient une hantise pour ceux qui croient et qui veulent imposer cette démarche. On nous bassine qu’une fois le Président élu, tout rentrerait dans l’ordre et tous les maux de l’Algérie disparaitraient comme par miracle. Ce serait au Président élu qu’échoit la tache de remettre le train en marche. Avec qui justement ? Aujourd’hui cette option ne suffit plus à garantir l’avènement d’un nouveau mode de gouvernance. Les arrières pensés sont nombreuses car les défenseurs de l’élection présidentielle comme unique préalable à la résolution des problèmes et à la sortie de crise ne désarment pas car guidés par leur seul souci de faire perdurer le système de gouvernance actuel qui a plongé l’Algérie dans la nuit éternelle. Celui-là qui leur garantirait une éternelle mainmise sur ce qui reste à prendre avant le tarissement total.

La magistrale démonstration de force de cette vingt-troisième sortie du vendredi 26 juillet demeure encore une fois une réponse et une position nette d’une majorité décidée à en découdre avec une minorité aussi bien prompte à résister.

Les manifestants disent massivement non au « panel », non à ce dialogue tronqué, non au système et à tout ce qu’il représente, non à Bensalah, non à Bedoui, non à Gaïd Salah.

Ces « NON » massifs, inlassablement réitérés depuis cinq mois sont la manifestation d’un rejet net et définitif d’une politique de la terre brûlée qui a transformé un peuple valeureux en masse humaine déshéritée et paupérisée.

La hantise d’une transition avec d’une remise à plat pourrait faire peur. Beaucoup surfent sur cette peur pour dissuader du mal fondé de cette alternative. On comprend qu’elle fasse peur, mais à qui justement ? Les catastrophes annoncées et les crises économiques prédites ne sont rien comparées au marasme de l’économie algérienne où la mal vie reste le lot providentiel de chaque citoyen.

Que dire de l’école algérienne disqualifiée pour longtemps, au point ou l’ensemble des décideurs de ce pays font fréquenter à leurs enfants d’abords les lycées français du pays et ensuite les écoles supérieures et les universités européennes ou nord-américaines ?

Que dire du secteur de la santé sinistré pour longtemps ou à jamais ? Qui se soigne en Algérie ? Pas nos gouvernants justement qui ne font aucunement confiance aux systèmes de soins prodigués dans les hôpitaux nationaux.

Que dire du déni de notre histoire plusieurs fois millénaires alors que l’on s’évertue à nous convaincre que nous sommes une jeune nation tout juste âgée de quinze siècles ? Que dire de nos origines lointaines ancrées dans une amazighité ancestrale, riche et lointaine ? Pourquoi vouloir nous imposer une arabité sous prétexte seulement qu’une partie des algériens est arabophone ? Pourquoi nous forcer à être des musulmans et à le revendiquer haut et fort alors que cette question qui demeure de l’intime de chacun ne doit aucunement faire partie d’un programme politique. Pourquoi la constitution doit consacrer l’Islam religion de l’Etat alors qu’un Etat laïque défendrait mieux et sans parti pris la liberté pour chacun de croire à sa guise. Il n’est pas dans la vocation d’un Etat de défendre des religions quelles qu’elles soient, mais plutôt de défendre le droit à chacun de choisir et de pratiquer sa religion, mais aussi de revendiquer son athéisme sans que quiconque ne soit offusqué et avec une liberté absolue sans aucun préalable.

Que dire de la relégation de la femme et de son infantilisation continuelle ?  Pourquoi un code de la famille juste pour dénier des droits fondamentaux à plus de la moitié de la population ? Une société moderne est celle qui protège toutes et tous et qui ne cherche pas de subterfuges en puisant des arguments ou des prétextes fallacieux dans des lois religieuses souvent rétrogrades et d’un autre temps.

Le chantier est vaste et les tâches nombreuses.

La transition nécessaire doit être ce chemin vertueux où la rencontre des femmes et des hommes de toutes sensibilités doivent s’atteler à créer cette synergie indispensable afin de communiquer, de communier, de débattre, d’échanger pour une sortie de crise salutaire où les jalons d’un Etat démocratique une fois posés feront qu’une véritable paix sociale s’installe et où chacun pourra à sa juste capacité participer pour relever ce pays longtemps meurtri.

Le chemin reste long et les difficultés parfois infranchissables. Ceux qui ont gouverné ce pays depuis longtemps déjà l’ont mis à sac. Ce chemin long et rude et les efforts qu’il nécessite seront au-dessus de tous, mais le pays recèle une richesse inestimable, pas le pétrole, mais seulement ces femmes et ces hommes de bonne volonté qui le peuple majoritairement.

 

Auteur
Mathias-Muhend Lefgoum

 




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