18 mai 2024
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Conseil des sinistres et coronavirus chinois

NOUVELLE

Conseil des sinistres et coronavirus chinois

La pandémie du coronavirus chinois n’épargne aucun pays ; même l’Anafrasie, pays cher à Kateb Yacine, en pâtit. Le gouvernement essaie, tant bien que mal, de faire face à cette crise.

Par crainte de contamination du covid-19, le vieux dictateur délègue le premier sinistre pour présider son conseil. On lui avait suggéré le télétravail mais il avait refusé arguant qu’il ne voulait pas déroger à la tradition, à son âge. Mais de mauvaises langues disent qu’il avait peur d’être espionné : si tous les murs (érigés par le système) ont des oreilles, que dire des téléphones et ordinateurs ? Alors, il a missionné son grand vizir qui lui rendra compte de la réunion.

Le premier sinistre commença par vérifier si tous les sinistres convoqués étaient présents. Il avait dispensé de leur présence les sinistres inutiles à la réunion.

La parole est donnée en premier à celui de l’intérieur, « Les oreilles de l’état », pour faire le point sur ce qui avait été fait depuis leur dernière réunion. Ce dernier prit une grande inspiration avant de se lancer :

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  • Grand vizir, la situation est calme, sous contrôle en ce qui concerne mes services. Lorsque les gens ont le droit de sortir, on les laisse faire ce qu’ils veulent. Lorsqu’ils doivent se confiner, ils rentrent chez eux. Comme ils ne sont plus nombreux dehors, il facile pour les services de sécurité de contrôler. Pour ceux qui se rencontrent en cachette, les policiers et le gendarmes sont toujours informés par leurs indicateurs ou des appels anonymes : lorsque nos policiers et gendarmes ne sont pas trop fatigués, ils traquent ces contrevenants. Pour cette partie de la prévention sanitaire, vous savez bien que notre expertise est mondialement reconnue.
  • Vos grandes oreilles n’ont entendu des échos de quelques projets séditieux ?
  • Oh que non ! les gens sont occupés à faire des stocks alimentaires chez eux pendant la journée, à essayer de comprendre ce virus le soir. Pour plus de sécurité, on diminue le débit de la connexion internet pour allonger le temps que passent les citoyens devant leurs portables et ordinateurs. Pour ceux qui sont obligés de travailler, ils doivent faire comme les autres en plus de leur travail. Tant que mes collègues du gouvernement feront leur travail, la situation sera sous contrôle.

Le premier sinistre regarda le sinistre de l’éducation et l’interrogea :

  • Et de votre côté, pas de chahut ?
  • Les enfants ne font de chahut que lorsqu’ils sont à l’école, monsieur. Ils sont trop contents d’être chez eux pour réaliser toutes les bêtises qu’ils veulent faire. A mon avis, il doit y avoir beaucoup de parents qui menacent leurs enfants de les renvoyer à l’école s’ils ne sont pas sages !
  • Et qu’est-ce que vous faites pour leur éducation ? demanda le grand vizir.
  • Cela fait quelques années que le ministère de l’éducation ne s’occupe plus de l’éducation de notre jeunesse, répondit le sinistre de l’éducation. On essaie seulement de les enseigner, si on peut qualifier ainsi ce qu’on fait pour nos enfants.

On leur passe des leçons à la télévision, comme au bon vieux temps. Je parie que ceux qui les regardent ne voient pas trop la différence avec ce qui se passait dans les classes : un enseignant qui parle et des élèves qui écoutent.

  • Et pour la suite, que suggérez-vous ?
  • De toute façon, on n’a pas les moyens de décréter une année blanche ; les experts de mon ministère trouveront une solution qui satisfera les élèves et leurs parents dans les proportions habituelles. Vous pouvez me faire confiance : j’ai une équipe de magiciens pour régler ce problème : ils maîtrisent les statistiques.
  • Et qu’a-t-on prévu pour les étudiants ? Interrogea le grand vizir.
  • Eux, ils sont en âge de voter. Je suggère de décréter une « année bleue » pour eux.
  • Une « année bleue » ? C’est quoi encore ce truc ?
  • Une trouvaille de mes experts, répondit le sinistre de l’éducation. On « donne » l’année à tous les étudiants : 100% de réussite. Vous verrez, il n’y aura aucune réclamation.

Les sinistres présents étaient admiratifs de la trouvaille de leur collègue. Le premier d’entre eux le félicita : le vieux dictateur allait être très content de cette solution.

Le grand vizir demanda ensuite au sinistre de la santé de présenter son bilan. Ce dernier réfléchit un moment avant de prendre la parole.

  • Nous soignons tous les malades que nous découvrons. Comme on n’a pas les moyens de dépister beaucoup, on ne trouve pas trop de cas ce qui nous permet de faire face à l’épidémie et de maîtriser les statistiques.
  • Et pourquoi vous ne dépistez pas plus ?
  • On n’avait qu’un seul institut Pasteur. Je ne sais pas si c’est du fait qu’on pensait que Pasteur était unique ou seulement un héritage du parti unique. C’est un petit institut qui s’occupe de tout. Mais la situation s’améliore du fait que des laboratoires étrangers à l’institut nous forcent la main pour faire plus de tests, ce qui ne va pas être bon pour nos statistiques. C’est une menace pour notre planification.
  • Et comment vous faites pour les traitements médicaux ?
  • On a adopté le protocole du Barbu de Marseille auquel on a apporté une touche nationale. On ne va pas quand même faire totalement confiance à ce mécréant ! On a choisi les deux potions les plus recommandées par la rumeur publique ; les deux guérisseurs qui les produisent sont très populaires. On a aussi sollicité notre grand mufti pour un traitement d’appoint afin de transformer ce protocole en produit halal après l’avoir nationalisé. Comme personne ne s’en plaint, on continue de soigner ainsi nos malades.

Le grand vizir interrogea du regard le grand mufti de la république qui assiste aux conseils des sinistres comme membre de plein droit. C’est aussi la garantie que cette institution est halal. Après la récitation de la fatiha, le mufti prit la parole

  • Notre traitement consiste à administrer trois fois par jour, aux moments des prises des médicaments par les malades du virus chinois, des récitations de coran d’une heure par le biais des sonorisations des mosquées situées à proximité des hôpitaux. Cette posologie a été établie par les docteurs de la foi de notre conseil.
  • Et comment se passent les choses avec les croyants et les fidèles du pays durant cette crise ?
  • Notre légendaire fatalisme est un atout inestimable. Nos fidèles prennent leur mal en patience. Ils s’habituent à leur condition de fidèles virtuels grâce aux connexions mais je crains que leur foi ne prenne exemple sur le débit internet du pays. J’espère que la crise sanitaire ne durera pas trop longtemps sinon on risque d’en perdre beaucoup. Déjà qu’on avait failli les perdre pour de vrai, et définitivement, lors de la mise en place du confinement en ne voulant pas accepter l’idée de la fermeture des mosquées. Le virus aurait circulé facilement et à très grande vitesse parmi les fidèles avec le risque d’une hécatombe. Les mécréants du pays n’avaient pas attendu les recommandations gouvernementales pour se confiner et se protéger. Contrairement à nous, ils n’avaient pas le dilemme de l’impossible puissance divine (protectrice des croyants) à résoudre ni de considérations politiques paralysantes.

Pour le ramadhan on s’est inspiré d’un de nos grands politiciens qui avait avoué qu’il participait aux tarawihs chez lui, devant la télévision. Sans doute que ses compétences médicales le mettaient déjà en garde contre les épidémies.

Le premier sinistre se tourna vers le responsable des bazars du pays et lui demanda :

  • Vous avez planifié le commerce ramadhanesque ? Avec ce qui se passe depuis le début de cette crise en matière de consommation, je crains le pire pour ce mois sacré : dans leur majorité, nos citoyens ont plus peur de la pénurie que du virus.
  • Ne vous inquiétez pas, répondit le sinistre du commerce, on ne risque pas d’émeutes de la faim avec notre programme d’approvisionnement. Nous avons de l’expertise pour le ramadhan : nous savons que nos citoyens s’occupent beaucoup de la nourriture pendant ce mois : ils y pensent la journée en faisant leurs courses ; le soir et la nuit, ils réalisent leurs projets d’alimentation et le matin, ils jettent tout ce qu’ils achètent juste pour « passer le temps ».
  • Mais faites attention pour les dépenses, quand même. Il y a des jours où on est obligé de payer pour vendre notre pétrole pour garder nos clients ! Le ministre de l’économie en est malade ; il n’a même pas pu assister à ce conseil.

Le grand vizir se tourna vers le sinistre de la défense. Bizarrement, c’est un civil.

  • Je sais que notre armée est très occupée par ses multiples missions, mais le peuple peut compter sur elle pour l’aider à traverser cette crise sanitaire ?
  • On fera de notre mieux. Mais je vais vous faire un aveu confidentiel. L’ancien et vieux chef aurait mieux fait que ce nouveau commandant : il aurait ordonné depuis le début à l’armée de traquer ce virus chinois et le détruire. Il aurait mobilisé l’artillerie, les blindés et, même, l’aviation pour éliminer ce virus ; il n’aurait pas eu peur d’une crise diplomatique avec les Chinois. Et il aurait eu raison : les Chinois n’avaient qu’à garder chez eux leur maudit virus !

Le premier sinistre revint vers le grand mufti.

  • Je ne sais pas si vous pouvez rendre encore un service au pays, grand cheikh. Avec ce confinement, notre collègue de la santé risque de se retrouver avec un sérieux problème dans moins d’une année : aujourd’hui, ce sont les services de réanimation qui risquent d’être débordés si on n’avait pas confiné le peuple mais dans quelques mois, ce sont les maternités qui vont être débordées si…
  • Allah ghaleb, là, c’est mission impossible. Une fatwa qui recommanderait l’abstinence sexuelle ne sera pas tolérée en ces temps de restrictions. Il fallait interdire la mixité dès le début du confinement pour éviter les tentations.

Le premier sinistre laissa le soin au grand mufti de conclure la réunion par la récitation de la fatiha et une prière anti-coronavirus.

 

Auteur
Nacer Aït Ouali

 




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