5 mai 2024
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La France post-coloniale: il fait bon vivre à l’ombre des dictatures africaines !

TRIBUNE

La France post-coloniale: il fait bon vivre à l’ombre des dictatures africaines !

«Le successeur d’un dictateur doit lui ressembler et être publiquement connu comme étant inférieur dans la vertu et pire dans le vice» Ahmadou Kourouma.

Dans les bouleversements qu’a connus la société algérienne colonisée puis décolonisée, on insiste toujours sur les conséquences de la colonisation rarement sur la phase de décolonisation. L’Algérie et la France vivent le passé au présent, elles en sont malades, d’une maladie qui semble incurable. Ni l’Algérie, ni la France ne veulent regarder ce passé ensemble. Il s’agit de sortir de la prison du passé et d’engager les relations sur la route de l’avenir. Un avenir hors de tous réseaux occultes dont les jeunes font les frais. Les algériens au milieu de la méditerranée, les français dans les rangs du terrorisme international produit des oligarchies financières qui avancent masquées dans un monde sans état d’âme où l’argent sale coule à flots’.

En fait, il s’agissait pour la France  d’imposer à l’Algérie indépendante un ordre politique et juridique qui garantisse la prééminence de ses intérêts stratégiques. C’est pourquoi, le rapport entre contestation et répression, domination et émancipation est récurrent en Algérie. Dans la tourmente qui enfante de nouvelles sociétés ou qui les étouffe dans l’œuf, les situations semblables créent des jugements semblables.

L’obstination de la France coloniale a produit le FLN, l’intransigeance du FLN au pouvoir a donné naissance au FIS. L’islam est un refuge pour les déshérités, un instrument de mobilisation des masses pour les révolutionnaires et une menace permanente pour l’hégémonie occidentale. Pour les dirigeants nationalistes algériens, une fois l’indépendance acquise, l’islam devait céder la place au socialisme « matérialiste » tout en décrétant l’islam religion de l’Etat et les frais de fonctionnement des mosquées prises en charge par l’Etat. Hier, le colonisateur proposait aux musulmans la citoyenneté française contre le renoncement à l’islam. Aujourd’hui, le pouvoir algérien suggère implicitement aux « islamistes » de participer au gouvernement contre une mise en sourdine de la « charia ». 

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En traitant les « autochtones » de « bougnols », des « moins que rien », (fainéants-nés, des voleurs-nés, des criminels-nés, des menteurs-nés), la France a fait de l’humiliation et de la soumission des techniques de maintien de l’ordre colonial. Le régime politique algérien n’a-t-il pas institué le mépris et l’arrogance comme mode de gouvernance ? Sur un autre plan, la disproportion des moyens de répression mobilisés ne vise telle pas qu’à humilier et à soumettre une population de plus en plus rebelle à l’ordre établi. L’histoire se répète, les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets. « L’histoire est terrible avec les hommes et d’abord elle leur bande les yeux en leur faisant croire que le pire n’est pas pour eux ».

La colonisation française a débuté avec le pillage du Trésor d’Alger (La Régence), l’indépendance a commencé avec la disparition des fonds et des bijoux collectés au titre de la Caisse de solidarité nationale sous prétexte de renflouer le trésor public pour finir par la dilapidation et le détournement de mille milliards de revenus pétroliers et gaziers par les gouvernants condamnant leur propre peuple à une pauvreté certaine. L’ordre colonial français fût une occupation du territoire par « l’épée et la charrue » ; l’ordre étatique algérien serait une appropriation privative du sol et du sous-sol algériens par les «textes et le fusil».

Si la violence exercée par la colonisation était légitimée par la mission « civilisatrice » de la France, la violence légale de l’Etat algérien s’effectue au nom du « développement ». La révolution algérienne qui a démarré avec la mort d’un instituteur français tué par le FLN dans les Aurès s’est terminée avec l’assassinat d’un instituteur algérien par l’OAS en Kabylie. C’est là tout un symbole. Les régimes déclinants résistent à la critique verbale. « La force de l’histoire contre la force des armes ».

L’enjeu des pouvoirs colonial et post colonial n’est en vérité que la soumission de l’homme à l’ordre établi c’est-à-dire l’acceptation de son statut de sujet par le « bâton » (la répression) et/ou la « carotte » (la corruption). Les dirigeants, dans leurs délires, se déclarant être « l’incarnation du peuple » ; considèrent l’Algérie décolonisée comme un « butin de guerre » à se partager et la population comme un troupeau de moutons à qui on a confié la garde. Tantôt, le berger les amène à l’abattoir, tantôt aux pâturages selon les circonstances du moment et les vœux du propriétaire. Ils gèrent les ressources du pays comme conquérants alors qu’ils se proclament ses libérateurs.

La France est partie mais ses intérêts sont préservés. L’élite dirigeante va reproduire les méthodes du colonisateur et parachever sa politique  économique et sociale Cette gestion autocratique, anarchique et irresponsable de la société et des ressources du pays n’est nous semble-t-il pas étrangère à l’influence et l’attraction de la France sur/par les « élites cooptées » du pays, aujourd’hui vieillissantes pour la plupart, maintenue en activité malgré leur âge avancé et pour la plupart finissent presque tous dans un lit d’hôpital parisien entre les bras de « notre mère patrie la France ».

Elle s’insère parfaitement dans la stratégie de décolonisation du général De Gaulle, engagée dés 1958 à son retour au pouvoir et parachevée en 1962 par la signature des accords d’Evian dont la partie la plus secrète a été semble-t-il largement exécutée. Elle a permis à la France d’accéder à la pleine reconnaissance internationale en tant que grande nation (indépendance énergétique), à l’unité nationale retrouvée (menace guerre civile évitée) et au rang de puissance nucléaire (premiers essais concluants au Sahara) et a miné l’Algérie post coloniale par la dépendance économique (viticulture, hydrocarbures, importations), par la division culturelle (langue, religion, ethnie), et par l’émergence d’un régime militaire autoritaire peu soucieux des intérêts de la majorité de la population.

En imposant un schéma institutionnel dont la logique de fonctionnement était radicalement opposée à celle de la société indigène, et un modèle économique étranger aux réalités locales des populations, le colonisateur préparait en fait la société postcoloniale à l’échec de la modernisation politique et au développement économique. Les services secrets français ont joué un rôle important. Ce n’est pas un pur hasard que la plupart des ambassadeurs qui sont passés par Alger se retrouvent le plus souvent à la tête de ces services.

Aujourd’hui, la France a-t-elle perdu pied en Algérie pour que son ambassadeur déclare avoir été surpris par le peuple algérien ? Depuis quand le peuple algérien fait partie de l’équation politique de la France ? « En politique, trahison, lâcheté, et hypocrisie sont des religions, c’est pour cela que nous avons de mauvais gouvernants » nous apprend Laurent Denancy  Déçu par tant de forfaitures et de trahisons, le peuple a tourné le dos aux élites et a décidé de prendre en charge lui-même son destin en mains. Il se méfie de tout, de tous. il a placé sa confiance en Allah sans passer par des intermédiaires, Allah suffit comme protecteur. La France n’est pas venue en Algérie pour la civiliser mais bien pour la militariser et en faire une armée de supplétifs prête à combattre à ses côtés le nazisme, le communisme, le terrorisme. Pour y parvenir, la France a pénétré l’intimité de la société algérienne afin d’en faire un levier puissant de domination et de dépendance.

La France a perdu la guerre par l’épée, elle l’a gagné par l’esprit. Coloniser un pays c’est conquérir son territoire par la force, posséder son corps par la prostitution, occuper son esprit par l’école. La domination des terres s’accompagne de la domination des corps. Il s’agit de s’approprier les corps et les âmes. La colonisation est une histoire de fantasmes : le harem des sultans arabes, la poitrine nue de la sénégalaise, le pénis surdimensionné de l’homme noir. Posséder le corps de l’autre c’est nourrir son propre narcissisme. Ressembler à l’homme blanc c’est accepter de se mettre sous sa domination. Le colonialisme a atteint ses objectifs. Il nous a détournés de la voie de dieu. Nous suivons les pas de Satan. Il a fait de nous des êtres égarés. On rêve de l’ailleurs. 1830, les français débarquèrent en Algérie pour l’occuper. 2030, les algériens embarquèrent pour la retrouver.

L’histoire est pleine de surprises. Hier envahisseurs, aujourd’hui envahis, les pays dits « d’accueil » ont essayé toutes les politiques que ce soit de cohabitation, d’assimilation ou d’intégration, aucune n’a réussie. Alors, ils se retournent vers les Etats post coloniaux pour leur ordonner de constituer une « ceinture de sécurité » de l’Europe menacée par un flux migratoire incontrôlé. Une émigration encouragée par une répression aveugle des autorités et l’absence de perspectives pour une jeunesse désœuvrée. Le mouvement migratoire des peuples  est un phénomène marquant de ce XXIe siècle. C’est une revanche de l’histoire des africains dépouillés injustement de leurs richesses naturelles par l’occident triomphant en perte de vitesse vivant de son passé « glorieux », d’un présent tumultueux et pour un avenir incertain.

Des populations à la recherche d’une liberté illusoire et d’un bonheur hypothétique fuyant les interdits de la religion, de la politique et de la pauvreté. Mais, une fois en contact avec la dure réalité de la société d’accueil et des valeurs qui la sous-tendent, ils deviennent nostalgiques en se chuchotant à l’oreille (pour que les compatriotes restés au bled ne les entendent pas) : « loin de toi je languis, près de toi je meurs ». La France est incrustée dans notre cerveau sclérosé, l’Algérie est vivante dans leur mémoire agitée.

Au débarquement des troupes françaises, les premières à s’habiller à la française sont des prostituées algériennes. Elles seront les premières indigènes à être infectées de la maladie de la syphilis transmise par les soldats français. Ironie de l’histoire, des familles entières envoûtées par l’image, se jettent à corps perdus dans la méditerranée en brûlant au passage leur « nationalité algérienne » pour rejoindre la France que leurs parents ont combattue. Les martyrs n’ont qu’à se retourner dans leurs tombes. Nous sommes en gare depuis 1962. Nous sommes dans l’attente du prochain train qui ne viendra pas. Il n’y a plus de voies ferrées ni de nouvelles gares. Entre temps, la locomotive rouille au soleil et les wagons-lits se transforment en basse-cour. « Le poulailler reste un palais doré pour le coq malgré la puanteur des lieux ».

Un Etat, qui tire ses ressources budgétaires non pas du travail laborieux de ses habitants mais du sous-sol saharien. Avec le gaz et le pétrole, l’argent public nous vient en dormant. « Dormez, dormez bonnes gens, l’Etat veille sur votre sommeil ». L’argent facile nous fascine. Nous achetons des biens que nos dirigeants importent pour nous donner l’illusion d’exister afin de se perpétuer au pouvoir.  Les choses que l’on possède finissent par nous posséder : une société en voie de « chosification » dans son ensemble. Nous avons cessé d’être des humains pour devenir des objets manipulables et par conséquent « jetables » comme les marchandises que nous importons. : « j’ai donc je suis » semble être notre credo ; « L’avoir » fait office « d’être », « l’être » se cache derrière « le paraitre » et le « je » derrière le « nous ».

Nous ne nous culpabilisons jamais. La faute incombe toujours à l’autre qui n’est autre que soi-même. Nous nous trouvons simultanément dans la posture du coupable, de la victime, du procureur et du juge. Qu’est-ce que l’indépendance d’un pays ? Est-ce la continuité, la rupture ou le legs de l’Etat colonial, un butin à partager ou une responsabilité à assumer ? L’indépendance est perçue par l’élite dirigeante comme un butin de guerre à partager et non comme une responsabilité à assume. Un régime fondé sur un double monopole ; celui de la violence légale et celui de l’argent facile. Des « pieds noirs » aux « pieds sales », de l’indigénat à l’indigence, le pas est vite franchi. Une indépendance à deux visages : celle des héritiers de l’Algérie de la France et celle des laissés pour compte de l’Algérie sans la France ? Si on remonte dans l’histoire l’Algérie ancestrale s’insère dans un ensemble géographiquement plus vaste plus prometteur qu’est le Maghreb qui s’étend du Maroc jusqu’en Libye et historiquement plus lointain remontant aux phéniciens, aux romains, aux arabes et aux turcs.

Après toutes ces invasions, sommes-nous des peuples « importés » ? Les pays de la région ont tourné le dos à leur passé ancestral commun et veille à l’intégrité géographique présente. Qui tient les cordons de la bourse tient le peuple : « Donnes lui le pain, tu en feras ton esclave, donnes lui la liberté, tu en feras ton maître. Ne lui donnes ni pain, ni liberté, tu en feras ton bourreau ». le pain sans la liberté, c’est la prison, la liberté sans le pain, c’est la jungle trop de pain corrompt, trop de liberté divise. Qui tient le fusil, tient en respect le peuple. L’argent et le fusil sont les deux leviers du pouvoir. 

Pour s’en servir, la ruse ne suffit plus, il faut faire appel à l’intelligence. Un Etat militaro-rentier se comporte à l’égard de la population comme ce père de famille, vis-à-vis de sa femme et de ses enfants. Un père riche d’un héritage qui ne lui appartient pas en propre menant un train de vie royal entouré de ses amis et de ses maîtresses laissant sa femme et ses enfants dans le dénuement le plus total. Nous manquons de maturité et de discernement..

Pris dans le tourbillon infernal de l’argent facile du pétrole et du gaz, nous sommes devenus ivres. Nous sommes un peuple puéril, nous attendons tout de l’Etat que nous savons entre des mains privées. Nous voulons des voitures et nous n’en fabriquons pas, nous voulons des logements et nous n’en construisons pas, nous voulons du pain et nous ne produisons pas de blé. Nous tournons le dos au pays pour scruter de nouveaux horizons. Qui tient les cordons de la bourse tient le peuple : « Donnes-lui le pain, tu en feras ton esclave, donnes lui la liberté, tu en feras ton maitre. Ne lui donnes ni pain, ni liberté, tu en feras ton bourreau ». le pain sans la liberté, c’est la prison, la liberté sans le pain, c’est la jungle trop de pain corrompt, trop de liberté divise. Qui tient le fusil, tient en respect le peuple. L’argent et le fusil sont les deux leviers du pouvoir.

Pour s’en servir, la ruse ne suffit plus, il faut faire appel à l’intelligence. Un Etat militaro-rentier se comporte à l’égard de la population comme ce père de famille, vis-à-vis de sa femme et de ses enfants. Un père riche d’un héritage qui ne lui appartient pas en propre menant un train de vie royal entouré de ses amis et de ses maîtresses laissant sa femme et ses enfants dans le dénuement le plus total. Nous manquons de maturité et de discernement. L’Algérie a été conquise par les armes et libérée par les armes. C’est « la sacralisation des armes ». Les militaires français seront les premiers colons qui vont s’emparer des terres fertiles et soumettre les populations autochtones.

Le départ des troupes françaises et l’exode des fonctionnaires vont créer un vide de la puissance publique et de l’administration. Comme la nature a horreur du vide ; il va être comblé par l’armée des frontières (le maquis intérieur étant décimé du moins épuisé) devenue l’armée nationale populaire et les résidus de l’administration coloniale. Ils seront l’ossature du nouvel Etat post colonial. L’Algérie souveraine sera finalement qu’un drapeau planté sur un puits de pétrole.

« Qu’est-ce que la France, je vous le demande ? Un coq sur un fumier. Otez le fumier, le coq meurt » Jean Cocteau

 

Auteur
Dr A. Boumezrag

 




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