26 avril 2024
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Le travail le plus pénible, c’est l’absence de travail    

Chômeur

La richesse la plus importante de tout pays, c’est le travail de ses habitants, leurs aptitudes, leurs expériences, leurs facultés d’adaptation, leurs comportements, leur sens de l’effort et leur santé mentale et physique.

C’est pour avoir nié cette évidence que des nations disparaissent au profit d’autres plus performantes, plus dynamiques et plus clairvoyantes. L’’Algérie, « un drapeau planté sur un puits de pétrole ». C’est le pétrole qui préside aux destinées du pays depuis sa découverte par les français en 1956 jusqu’à son épuisement par les algériens dans un avenir jugé très proche soit 2030 selon les prévisions officielles. Ce sont les pétrodollars qui dirigent le pays et lui donnent sa substance et sa stabilité.

Le pétrole est l’inspirateur et le fondateur du régime politique et du système économique de l’Algérie contemporaine. Il est à l’origine de l’orientation socialiste (parti unique, gratuité des soins, école obligatoire, usines clés ou produits en mains) dans les années 70. Il sera le promoteur du « programme anti pénurie » (équipements électroménagers destinés aux ménages, allocations touristiques pour tous les algériens) au cours des années 80.

Il sera le détonateur de la guerre fratricide dans les années 90 (émeutes en 1988, décennie rouge qui a fait des milliers de morts et de disparus, paix retrouvée après dix ans de guerre civile (une pluie diluvienne de dollars s’est abattue sur l’Algérie ensanglantée nettoyant toute trace de sang sur son passage). A la faveur d’une embellie financière, des milliers de logements seront importés de Chine et implantés sur des terres à vocation agricole sans équipements collectifs d’accompagnement.

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Il sera enfin un acteur de démocratisation et de banalisation la corruption dans le but d’asseoir un pouvoir hégémonique sur le long terme (multiplication et étouffement de nombreux scandales et de détournements de fonds publics). Il est l’architecte de la construction d’une économie illusoire et le bâtisseur des institutions factices C’est grâce à lui que le pays fonctionne.

C’est un stabilisateur du régime politique, un inhibiteur de la jeunesse, un serviteur capricieux de la paix sociale. Il est responsable de la décadence morale de la société et masque l’indigence de l’économie. Les pétrodollars constituent un instrument imparable de « domestication » des peuples et de corruption « des élites ».

A défaut d’être un levier de développement économique et d’émancipation sociale, les revenus pétroliers et gaziers ont débauché la société.et perverti les politiques économiques. Ils ont « pollué » nos esprits, nos corps et nos institutions. Ils ont créé le droit à la paresse de la population, à la médiocrité des gestionnaires, au gain facile des monopoles importateurs privés spéculatifs et au déficit chronique des entreprises publiques productrices.

Ils ont « cannibalisé » une économie traditionnelle de subsistance, « perverti » une société en quête d’identité, « dénaturé » les rapports sociaux, « inversé » la pyramide des valeurs, « assis » un système suranné sur des fondations antisismiques et « détruit » un environnement post colonial propice pourtant au développement des forces productives locales en devenir.

Ils masquent l’autoritarisme des Etats et la paresse congénitale des populations. Il abolit la propriété privée des moyens de production au profit de la propriété « publique » rendant invisibles et infaillibles les actionnaires « politiques » en socialisant les pertes et en privatisant les profits.

Ils seront à l’origine de la constitution d’une classe sociale formée d’une bourgeoisie d’Etat parasitaire et d’une oligarchie hégémonique, disposant d’un appareil sécuritaire puissant et de l’argent du pétrole et du gaz pour se pérenniser. Ils ont empêché quasiment le renouvellement du personnel politique atteint par la limite d’âge, la diversification de l’économie et la renaissance d’une culture ancestrale qu’elle soit ethnique ou religieuse.

Ils ont donné lieu à une véritable débauche des dépenses publiques et à une grande auto-complaisance en matière de politique économique et financière qui ont déstabilisé les attentes et entraîner des tensions sociales provoquant le chaos économique, social et culturel dans lequel « baigne » le pays.

Finalement, les pétrodollars, c’est la mort de l’économie locale de subsistance. Les déséquilibres de l’économie algérienne (interne et externe) sont les résultats d’une productivité insuffisante et d’une gestion laxiste.

L’entreprise publique ne peut déclarer faillite puisque s’agissant d’une propriété publique. L’Etat se trouve condamné à financer ses déficits et à couvrir sa mauvaise gestion. Dans un contexte de crise financière, déclarer faillite pour une EPE, ce n’est pas rendre les clés de la société à son propriétaire, c’est recevoir les clés du Trésor Public.

Quel en est le mécanisme ? En période de vaches grasses, ce sont les recettes pétrolières et gazières et en période de vaches maîtres c’est l’endettement extérieur. Toutes les réformes ont tenté de remettre les comptes à zéro. Autrement dit « On efface tout, on prend les mêmes et on recommence ». 

L’histoire recèle tant de leçons dans lesquelles biens de vérités ont déjà été énoncées, il suffit de se réformer dans ses attitudes et dans ses comportements. Il suffit de se regarder dans la glace sans rougir.

Se remettre en cause et enquêter soi-même sur les avantages et les acquis d’une carrière artificiellement prospère que la jeunesse découvre et met à nu la mort dans l’âme puisque s’agissant de ses aînés que peuvent être ses parents ou ses grands-parents. C’est pourquoi la réhabilitation de la dignité de l’individu ne peut être restaurée que par la dépersonnalisation des rapports dans le travail c’est-à-dire le primat du professionnalisme sur le clientélisme voire le tribalisme. Pour que l’esprit de la civilisation moderne s’épanouisse, il faut qu’il y soit une relation entre le travail et sa rétribution.

Il faut que l’entrepreneur ou le travailleur ait le sentiment qu’une augmentation de ses efforts se traduira par une amélioration de son sort. Or dans un pays où les revenus sont distribués selon des critères de proximité du cercle du pouvoir et/ou d’adhésion à une communauté d’intérêts, il devient difficile sinon impossible à un individu quel que soit son travail ou ses aptitudes d’accéder à un minimum de confort matériel sans prêter allégeance au prince du moment.et/ou sans donner des gages de compromission.

En effet, tant que les relations personnelles avec la hiérarchie sont intéressées et donc intéressantes, nombreux peuvent être les avantages, les faveurs et les privilèges. Les techniques d’approche sont personnelles, la stratégie est commune. Le bénéfice est individuel mais le risque est collectif. « tu me prends par le ventre, je te tiens par la barbichette ». Il y a une solidarité de groupe.

Il y a point de réussite sociale en dehors du groupe. La personnalité de chaque individu se fond et se confond avec le groupe et devient un élément d’un tout disparate, précaire et révocable. Lorsque de telles relations envahissent tous les espaces et neutralisent toutes les fonctions, le pouvoir rentier distributif devient par voie de conséquence le régulateur exclusif de la société dans son ensemble. La vie politique, économique, et sociale, s’organise autour de la distribution de cette rente à travers des réseaux clientélistes et de soumission au pouvoir politique.

La société algérienne est fondée sur la négation de l’individu libre et elle fonctionne au commandement. Cette position de l’Etat a dispensé les entreprises publiques de rentabiliser les investissements, de rembourser leurs dettes d’exploitation et/ou d’investissement ou tout simplement de couvrir leurs charges d’exploitation par des recettes d’exploitation. Mais cette position n’est possible que parce qu’elle est confortée par la rente suivie de l’endettement.

Une bonne partie de la masse salariale du secteur public est financée soit par la rente, soit par l’endettement, soit par la planche à billet, sans oublier l’amortissement financier des investissements libellés en dinars et en devises en l’absence de cash-flow positif dégagé par l’entreprise. La masse monétaire des entreprises publiques par rapport aux biens disponibles sur le marché (production locale ou importations) crée une situation inflationniste à deux chiffres insupportables pour les titulaires de revenus fixes (salariés, retraites, pensionnés etc..) et, ce d’autant plus que la productivité du travail du capital est faible.

Dans les faits, le personnel des entreprises publiques perçoit des salaires sans rapport avec sa contribution à la production ou à l’amélioration de la gestion. Il n’existe aucune sanction positive ou négative du travail accompli, ce qui conduit à une déresponsabilisation ou à une dilution des responsabilités. En effet, les cadres dirigeants ont la hantise des arrêts de travail ou des grèves, or la production standardisée, la production de masse implique une simultanéité d’actions, qui doivent converger vers la réalisation du produit final. Toute rupture d’un maillon de la chaîne signifie l’arrêt de la production, toute erreur de gestion, à quelque niveau que ce soit, se répercute sur l’ensemble en s’amplifiant. De plus, la promotion fonctionne dans un système clientéliste qui n’interfère que très peu avec l’efficacité du travail fourni.

Bref, l’encadrement n’est donc pas la hiérarchie coercitive de surveillance des entreprises capitalistes. Sans critères d’efficacité, ni motivation au travail, les salariés sont peu productifs.

L’économie rentière est un gaspillage de richesses entouré de mots mais le vent emporte les mots et on voit le trou. L’économie de marché est une création de richesses qui ne dilapide pas ses ressources, elle jongle avec les chiffres Lorsqu’on étudie la pensée économique dans ses lointaines origines, on est frappé par la rémanence de trois questions toujours posées mais jamais résolues : celle de la valeur, celle de la monnaie, celle de la propriété. Rien d’étonnant car à la réflexion, on s’aperçoit qu’elle conditionne la production et la distribution des richesses qui constituent l’essentiel de l’activité économique. Contrairement aux idées répandues ici et là, ce ne sont pas les urnes qui légitiment un pouvoir mais la production des biens et services c’est-à-dire la croissance économique suivant une logique purement économique en vertu de la valeur travail largement développées par les grands classiques de l’économie politique (Ricardo, Smith, Marx, etc.).

Par contre ce qui légitime le pouvoir en Algérie c’est la redistribution de la rente sous formes de biens et services provenant pour l’essentiel des importations financées par la rente énergétique relayée par l’endettement extérieur suivant une logique essentiellement politique en vertu du principe sacrosaint que tout peut s’acheter, y compris les consciences il suffit d’y mettre le prix (le pouvoir, la sécurité, la paix sociale etc.).

Dans une économie de marché, les rapports de production sont dominants et de nature conflictuelle parce qu’il s’agit d’exploitation de la force de travail c’est-à-dire des ressources humaines. Dans une économie rentière, les rapports dominants sont des rapports d’aliénation de nature non conflictuelle parce que reposant sur l’exploitation des ressources naturelles, énergétiques entre autres et non sur l’exploitation de la force de travail des populations qui reste en jachère.

Ces rapports se traduisent par une double aliénation de la population vis-à-vis du pouvoir et du pouvoir vis-à-vis de l’Occident. Il est utile de parler d’aliénation que d’exploitation car le premier définit un rapport social, le second un rapport économique.

Le résultat de ces doubles aliénations, c’est que la société se trouve divisée en deux classes sociales distinctes : la classe des rentiers du système qui est au pouvoir ou dans l’opposition, en activité ou en retraite, apparente ou cachée.

Cette classe bénéficie à un titre ou à un autre, à un degré ou à un autre d’une part de la rente relayée par l’endettement extérieur ou du moins de leurs contreparties en biens et services importés. C’est principalement la frange d’âge des plus de trente ans. Pour cette couche sociale, la richesse distribuée est proportionnelle à l’âge et à la position de chacun dans la hiérarchie du pouvoir ou sa place dans le réseau des relations clientélistes. Il s’agit de la génération de novembre. La classe des laissés pour compte, c’est la classe sociale qui est exclue ou marginalisée par le pouvoir. Elle ne bénéficie qu’indirectement des retombées de la redistribution de la rente perçue par les chefs de famille, il s’agit principalement de 

la génération de l’indépendance. C’est la catégorie la plus décidée à affronter le système de domination en place parce qu’elle n’a rien o perdre. C’est cette catégorie de jeunes marginalisés par l’appareil de formation, de production, ou de distribution vivant d’expédients soumis à l’autorité tatillonne des aînés représentant plus de la moitié de la population. Elle est aussi la moins apte à prendre la direction du changement qu’elle contribue à provoquer. Ce qui explique qu’elle soit courtisée par les uns et par les autres. Les deux s’abreuvant à la même source (rente pétrolière ou endettement extérieur).

La spécificité de la société algérienne, c’est qu’elle ne permet pas aux forces de s’auto-transformer, de s’autoréguler, de s’accroître. Pour des jeunes frustrés et désespérés, humiliés et brimés par des parents narcissiques, déçus par la politique, écœurés par le sport, étouffés par les traditions, obnubilés par la modernité, pressés de se libérer de la tutelle des parents, tentés par la traversée de la méditerranée à la recherche d’un emploi productif sous d’autres cieux.

L’Algérie indépendance n’est pas née par voie naturelle mais à la suite d’une césarienne. Cela laisse des cicatrices. Ce qui n’est pas le cas de l’histoire des sociétés européennes (par voie naturelle). L’Algérie a arraché son indépendance par l’emploi de la ruse, elle a raté son développement par manque d’intelligence. Elle n’a pas su coudre la peau du renard avec celle du lion.

Elle n’avait pas de fil ni aiguille. Soixante ans après le recouvrement de son indépendance, elle souffre de l’absence d’une bourgeoisie entrepreneuriale et d’une classe ouvrière laborieuse. Pourtant, ce ne sont pas les pétrodollars qui ont fait défaut. L’Algérie indépendance n’est pas née par voie naturelle mais à la suite d’une césarienne. Cela laisse des cicatrices. Ce qui n’est pas le cas de l’histoire des sociétés européennes.

L’Algérie a arraché son indépendance par l’emploi de la ruse, elle a raté son développement par manque d’intelligence. Elle n’a pas su coudre la peau du renard avec celle du lion. Elle n’avait pas de fil ni aiguille. Soixante ans après le recouvrement de son indépendance, elle souffre de l’absence d’une bourgeoisie entrepreneuriale et d’une classe ouvrière laborieuse sans oublier la paysannerie qui fait grandement défaut au moment où une menace de famine pointe à l’horizon. Et ce ne sont les pétrodollars qui vont nourrir une population de cinquante millions d’habitants. « Si vous fermez la porte à toutes les erreurs, la vérité restera dehors »  Rabindradarnath.

Dr A. Boumezrag

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