6 mai 2024
spot_img
AccueilCultureLounis Aït Menguellet revisité : "Yenna-d Umɣar", le patriarche a dit !

Lounis Aït Menguellet revisité : « Yenna-d Umɣar », le patriarche a dit !

POESIE

Lounis Aït Menguellet revisité : « Yenna-d Umɣar », le patriarche a dit !

Crédit photo : Hayet Aït Menguellet.

Après les interro-réflexions adressées au patriarche dans « Inid ay Amɣar » (*), nous vous proposons la traduction des enseignements de notre « Amɣar ».

À retenir que l’obstacle d’une traduction fidèle, du kabyle vers n’importe quelle autre langue, se ressent fortement quand on s’acharne à trouver l’équivalent de certains qualificatifs comme « Amɣar azemni », par exemple. « Patriarche des temps anciens » ça peut passer mais ca ne colporte pas toute la féérie de l’imaginaire du terme et du qualificatif initiaux. 

Pour ceux qui veulent relever le défi voici une strophe d’un poème de Si Moh U Mhend qui m’a été communiquée par Fodil Fellag (le petit frangin de notre humoriste national), un féru de poésie, en général, et de Si Moh, en particulier, depuis ses 18 ans :

- Advertisement -

Yeḥced i segmi n ellim

Ibbedel ţelqim

yeqqur yuɣal d isɣaren

À propos du poème, Fodil fait remarquer, à juste titre « comment l’entrechoquement violent des sons évoque chez l’auditeur cette sensation physique de desséchement et de craquement de bois mort. Une sensation désagréable car cela fait allusion à sa vieillesse et son propre dépérissement, mais en même temps c’est d’une beauté sublime pour le locuteur kabyle aux oreilles et à l’âme sensibles à la poésie ».

Pour ceux qui auraient le livre de Dda El Mouloud Mammeri, «Les Isefra de Si Mohand», le poème complet est celui qui porte le numéro 230, page 394.

C’est le charme des langues de nos terroirs d’être quasiment intraduisibles en paroles et en sonorités (Ahmed Ben Bella, le « nous sommes arabes, trois fois », ne se moquait-il d’ailleurs pas de nos accents kabyles gutturaux ?) et de garder quelques secrets et mystères dans leurs citadelles imprenables.

Seuls ceux qui ont la chance d’en avoir été les prisonniers (une détention douce et enchanteresse en somme), et d’avoir été formatés au berceau par ces langues, peuvent en ressentir les sens et les dimensions magiques. 

Revenons à notre poète vivant !

« Yenna-d Umɣar », le patriarche a dit 

Le patriarche des temps passés

Quand on l’a interrogé

Que nous dira-t-il

Que nous a-t-il dit

Rep.

 

Il affirma ceci :  ce qui s’est produit

Même si c’est sous d’autres aspects

Cela s’est produit par le passé

Rien de nouveau ne s’est créé

 

Le toit du ciel abrite la terre

Il l’observe depuis ses débuts

Il voit les jours ériger les siècles

Il a vu ce qui s’est passé et ce qui s’y passe

Il a vu des hommes tuer leurs semblables

Ceux qui se sont trompés, dans l’erreur persister

Ce qui se produit

Même si c’est sous d’autres aspects

Cela s’est produit par le passé

Rien de nouveau ne s’est créé

 

Tout ce que le temps bâtit, le temps l’anéantit

Le bien en mal s’altère

Le mal en bien se rénove

Le monde suit un cycle qui cèdera son tour

Secoue-là elle se décante…C’est ce qui se dit

Mais nous n’attendons jamais ce qui en surgit

Ce qui se produit

Même si c’est sous d’autres aspects

Cela s’est produit par le passé

Rien de nouveau ne s’est créé

 

La justice n’est qu’un mot, elle nait de l’obstination 

Combien la désirent ne l’obtiennent pas

L’injustice est ancienne, sur elle repose le monde

Quand elle s’invite parmi vous, la peur la nourrit

C’est d’elle que grandi celui qui cherche la grandeur

Quand il vous veut du tort, habile il vous paraît

Ce qui se produit

Même si c’est sous d’autres aspects

Cela s’est produit par le passé

Rien de nouveau ne s’est créé

 

Le pauvre naïf, son sommeil est troublé

De peine abattu ses os sont rongés

Le pauvre riche, il en possède trop

Des biens qui l’entourent il redoute la folie

Le pauvre doué, son cerveau est tourmenté

Ceux qui l’observent de son état son étonnés

Ce qui se produit

Même si c’est sous d’autres aspects

Cela s’est produit par le passé

Rien de nouveau ne s’est créé

 

Que c’est beau l’amour pour celui qui est jeune

Il porte sur l’émoi un autre regard

Mais très vite change ce regard en lui

Jeunesse est aveugle, l’amour s’impatiente

Quand il a vieilli il le cherche à nouveau

Il voudrait le revivre mais c’est trop tard pour lui

Ce qui se produit

Même si c’est sous d’autre aspects

Cela s’est produit par le passé

Rien de nouveau de s’est créé

 

Quand la vigueur est là, le savoir ne l’est pas

Quand le savoir est présent, la vigueur s’est ternie

Erreurs de jeunesse deviennent remords de vieillesse

Ceci est, cela sera, on ne peut y échapper

Celui qui désire la paix il ne trouve pas sa trace

Celui qui vit en son sein en ignore le prix

Ce qui se produit

Même si c’est sous d’autres aspects

Cela s’est produit par le passé

Rien de nouveau ne s’est créé

 

D’eau propre tu te décrasses

L’eau est salie, toi tu es purifié

Vous salissez ceux qui vous enrobent de pureté

Vous laissez en liberté l’écervelé

Pourquoi cherchez-vous donc à percer tous les secrets 

Restez comme vous êtes, vous n’en serez que plus fortunés

Ce qui se produit

Même si c’est sous d’autres aspects

Cela s’est produit par le passé

Rien de nouveau ne s’est créé

Kacem Madani

Renvoi

(*)https://lematindalgerie.comlounis-ait-menguellet-revisite-yenna-d-umgar-eclaire-nous-patriarche

 

Auteur
Kacem Madani

 




LAISSEZ UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

ARTICLES SIMILAIRES

Les plus lus

Les derniers articles

Commentaires récents