5 mai 2024
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Réaction à la tribune « Jeunes universitaires… »

Débat

Réaction à la tribune « Jeunes universitaires… »

Le chômage endémique des universitaires soulève en fait différentes problématiques imbriquées dont le noeud gordien se trouve dans les choix stratégiques du pouvoir, au-delà des différents gouvernements qui se succèdent.

D’abord, le pouvoir a toujours eu besoin d’avoir une base sociale pour pérenniser sa mainmise sur l’Etat. L’université et son ouverture sociale, sans respect de vrais critères de niveaux en terme de savoir, lui permet de faire un rattissage aussi large que possible dans toutes les couches sociales et leur dire: « Voyez, l’Etat permet à vos enfants d’étudier même à l’université! ».
Ensuite, le maintien de l’arabisation comme langue principale d’études universitaires, malgré les avis les plus autorisés et objectifs que dans la plupart des disciplines scientifiques, une formation universitaire respectant un minimum de quantité doit se faire en langue étrangère. Plus Arabe que les Arabes, l’Université de l’Algérie est aujourd’hui presque la seule à offrir un enseignement de licence et de master et doctorat en arabe et ce dans la plupart des disciplines.

Personne n’écoute quand on soulève les questions de contenu de la langue en concepts précis, en théories précises, en termes scientifiques précis. La plupart y compris et surtout l’Etat oublient et négligent que l’anglais recevant plus de 40 000 mots nouveaux par an, le français presque 25 000, alors que l’Arabe presque rien, il n’est pas difficile de déterminer quelles sont les langues les plus adéquates à un enseignement universitaire de qualité. En fait, le pouvoir politique qui dirige l’Etat, vise-t-il la production d’un universitaire bien formé, maîtrisant sa discipline et les langues étrangères, ouvert sur le monde et sur ses droits et ses devoirs, ou plutôt son vrai objectif est d’avoir des « citoyens » suiveurs (Cf Mohamed Mebtoul : Algérie la citoyenneté impossible ?, Koukou, 2018), démunis en termes scientifiques et en moyens d’ouverture sur le monde, pour mieux les embrigader, les orienter selon ses désirs qui consistent en la perpétuation du pouvoir d’une certaine catégorie d’Algériens, celle qui applaudit, accepte et avale toutes les couleuvres et ne remet jamais le pouvoir en cause ni dans ses choix, ni dans ses politiques, ni dans ses hommes, quoique leurs compétences et leurs intégrités soient proches de zéro. (Cf Affaires Sonatrach I et II, Panama Papers, SCGA, etc.).

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Ensuite, d’autres facteurs importants mais secondaires par rapport au facteur essentiel (le facteur politique), participent à la persistance structurelle du chômage des universitaires :

– a – Le manque d’entreprises et de PME/PMI: l’Algérie ne renferme qu’environ 1 000 000 de PME dont 90% sont de très petites entreprises souvent unipersonnelles. Plus de 55% de ces PME/PMI sont spécialisées dans l’agroalimentaire (chocolaterie, biscuiterie, produits laitiers, boissons, etc).

Le reste active dans les services d’une part (commerces, transports, communication) et le BTP d’autre part. La plupart de ces entreprises, au-delà de leurs tailles modestes ou très petites, donc non créatrices d’emplois par nature, préfèrent s’auto-financer plutôt que recourir aux crédits bancaires pour leurs investissements. Cela limite leurs possibilités d’expansion et de création d’emplois. La raison essentielle est qu’elles n’ont pos confiance dans les politiques de l’Etat (Cf classement de l’Algérie dans le rapport 2018 « Doing Business »). Cela les entraîne à privilégier l’économie informelle pour une grande partie de leurs activités. Qui dit économie informelle, dit emplois informels, non protégés, non rémunérés selon la réglementation et dont le nombre ne peut évoluer rapidement pour leur informalité même. L’autre avantage de l’informalité pour les PME/PMI qui la pratique, consiste en le gain pour ces PME/PMI des parts de charges fiscales non réglées. On se retrouve ainsi dans une configuration structurelle et systémique où d’un côté les investisseurs potentiels n’ont pas confiances dans l’Etat, ses politiques et ses hommes, donc ils n’investissent pas et ne recourent que très modérément aux crédits pour l’entreprise. Donc la création d’entreprises et donc d’emplois ne peut qu’être faibles dans ce cas.

De l’autre, ce manque de confiance ajouté aux pratiques de quelques « pontes » proches des pouvoirs politiques, poussent à préférer activer dans les circuits de l’économie informelle. Les possibilités de gains rapides y sont sans communes mesures avec le niveau de gain escompté dans les activités formelles souvent en butte aux tentatives de corruptions, d’extorsion, etc.
– b – La gouvernance universitaire : La manière dont sont gérées les universités en Algérie concourent à leur inaptitude à former des universitaires de qualité. Ainsi, le fait qu’un recteur reste recteur dans la même université plus de vingt ans, ne milite aucunement pour la qualité de la formation universitaire. Voyons ce qui se passe dans le monde, et cherchons si les cas Algériens se retrouvent ailleurs.

Ensuite le maintien de Doyens et de Chefs de Département approchant les 70 ans, sans que ces personnes se particularisent par une compétence académique prouvée à l’international dans leur discipline, comme à l’Université d’Annaba, est un non-sens. Je préconise souvent à ceux qui m’écoutent cette simple action pour vérifier la qualité et les compétences de ces responsables inamovibles, jamais inquiétés par l’exigence d’un bilan de leurs actions en tant que Recteur et Doyen: Donc je préconise toujours ce simple procédé pour voir qui est qui à l’université :

Ecrire le nom du responsable universitaire sur Googlescholar et voir le résultat. Ainsi on saura si cette personne a ou non une compétence académique quelconque à faire valoir pour sa prise de responsabilité, ou bien si sa nomination et son maintien durant des années à son poste est contre les intérêts généraux de l’université elle même.
D’ailleurs on se demande, au vu de la persistance de ce genre de personnes dans les postes de direction et de gestion dans les facultés et les rectorats, si ce n’est pas finalement un des révélateurs des causes réelles de la médiocrité des formations universitaires ?

Enfin, je termine en remarquant, à partir des cas connus à l’Université d’Annaba et ailleurs en Algérie à l’occasion d’encadrements, de contacts de collègues et d’étudiants, de conférences, que l’étudiant aujourd’hui qui vise réellement à acquérir un niveau universitaire acceptable, sait que quelques préalables sont nécessaires.

Ces préalables sont :
A – compter sur ses propres efforts de formation quotidienne et organisée.
B – Maîtriser au moins 1 langue étrangère (français ou anglais et le mieux les deux).
C – Maitrise l’outil informatique pour la formation et la recherche.
Ces préalables ne sont pas satisfaits par l’université.
C’est à partir de sa propre volonté et en mobilisant quotidiennement ses propres moyens que l’étudiant peut fructifier son passage à l’université pour son propre avenir personnel.

Auteur
Pr Nadji Khaoua

 




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