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Soufiane Djilali : « Le pouvoir devra accepter des changements fondamentaux »

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Soufiane Djilali : « Le pouvoir devra accepter des changements fondamentaux »

Soufiane Djilali. Crédit photo : Zinedine Zebar.

« L’Algérie vient de vivre une élection présidentielle dans un climat de défiance généralisée. Bien que massivement rejetée, elle s’impose toutefois de fait comme un repère nouveau pour l’ensemble des protagonistes de la crise politique que vit le pays.

Si pour le pouvoir, cette élection lui donne une marge de manœuvre plus importante, elle n’est en rien un échec du hirak.

En effet, pour évaluer l’effet de ce scrutin sur l’évolution de la situation, il faut cerner toutes ses conséquences.

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Aujourd’hui, je souhaite partager avec l’opinion publique, avec le hirak populaire, l’analyse des faits et les positions de Jil Jadid, sur les nombreuses questions qui en découlent.

Permettez-moi d’abord de rappeler que Jil Jadid est aligné, sans ambiguïtés, sur la volonté populaire, représentée par le hirak. Si personne ne peut s’approprier l’initiative de ce mouvement, il n’empêche que Jil Jadid, à travers l’ensemble de ses militants, a été partie intégrante de cette « révolution du sourire » depuis le 22 février au moins.

Plus encore, Jil Jadid, avec plusieurs autres personnalités nationales, avait pris l’initiative d’entamer les manifestations contre le pouvoir dès le mois d’août 2018, et ceci après avoir boycotté les législatives, puis les locales de 2017.

Pour la clarté de ce préliminaire, les questions du Hirak, du pouvoir et enfin des positions politiques de Jil Jadid seront présentées successivement. 

1)  Le Hirak :

Après 10 mois de manifestations, le Hirak a imposé une nouvelle réalité politique. Certes, il n’a pas pris le pouvoir, n’a pas désigné de zaïms et n’a pas formulé d’idéologie ni de programme politique. L’élection présidentielle a été organisée sans son assentiment. Et visiblement, les méthodes du système politique n’ont pas encore changé.

Et pourtant, son influence sur le cours de l’histoire récente du pays aura été incommensurable. 

En résumé, le Hirak aura réussi à montrer au monde entier la nouvelle société algérienne. Il a permis le démantèlement d’un des régimes des plus corrompus,  et des plus dangereux pour leur peuple qui puissent exister, et ce dans un pacifisme admirable.

Il a réussi à former et à offrir au pays, une conscience politique nouvelle dont s’abreuveront des générations d’hommes et de femmes, maintenant engagés dans l’action citoyenne.

La révolution du sourire a, au final, imprimé une dynamique de changement exceptionnelle que ni le pouvoir ni les vieux réflexes ne pourront en venir à bout.

L’Histoire inscrira cet épisode national comme un nouveau mythe fondateur de l’Algérie nouvelle.

2)  Le pouvoir :

En apparence, il vient de remporter une manche. Formellement, il s’est donné une légalité juridique avec cette élection. En réalité, le régime politique s’est effondré. L’Algérie aura donc à en reconstruire un nouveau. 

Il s’agira de changer très largement le personnel politique et exécutif, d’une part et de faire évoluer significativement l’organisation de l’Etat et des règles de son fonctionnement.

Le pouvoir devra donc accepter des changements fondamentaux et dans le sens de la demande populaire. Il n’a plus le choix car le chaos guette le pays.

Il devra ainsi convaincre les Algériens en faisant des concessions significatives pour ressouder le pays dont l’unité a été mise en danger par ses pratiques. 

A ce sujet, des signaux lourds ont été envoyés à l’opinion publique. Le score rachitique de l’association FLN-RND, intentionnel, reflète la disgrâce de ce tandem, éternels instruments de l’escroquerie politique et morale de l’ancien régime.

Le choix des candidats et la répartition des scores du scrutin annoncent donc une reconfiguration générale du champ politique. Elle se fera, au détriment d’une classe politique, pour l’essentiel obsolète et inutile et pourquoi pas en faveur du Hirak, et des nouvelles générations qui s’en réclament.

Pour le reste, il y a la promesse d’un dialogue et de changements constitutionnels à venir. Le pouvoir sera jugé sur pièce.

3) Les positions de Jil Jadid : 

Tout d’abord, je rappelle que Jil Jadid n’a pas soutenu l’élection présidentielle, ni aucun candidat d’ailleurs. Cependant, conscients de la complexité de la situation que traverse le pays, nous interagirons avec responsabilité avec le Président de la République, qui l’est ainsi de fait.

Nous aurons à prendre position, en toute indépendance, sur les différents sujets.

Nous jugerons, au fur et à mesure, des actes concrets que décideront les autorités en fonction des objectifs du mouvement populaire, soit la construction de l’Etat de droit, -dans les faits et non pas dans les discours-, et la démocratie.

Jil Jadid attend donc des gestes forts de la part du Président, avec une libération immédiate des détenus d’opinion, la libération des champs médiatique et politique avant l’entame d’un dialogue inclusif, sincère et sérieux pour formaliser dans un accord global la volonté populaire. 

Jil Jadid a toujours défendu le principe du dialogue. Cependant, il n’acceptera pas de subterfuges ni de fausses solutions. Il s’agira d’obtenir de vraies avancées pour le pays et en aucun cas, une négociation sur un quelconque partage de responsabilités. C’est le sens profond de notre position de principe : « aider le pouvoir à s’en aller et non pas à mieux rester ».

Jil Jadid ne veut pas de postes politiques en dehors de ceux que pourraient lui attribuer des électeurs dans un cadre transparent. Il ne participera donc à aucun gouvernement ni à aucune fonction politique en dehors de la volonté populaire.

La direction de Jil Jadid représente ses militants, ses sympathisants et toutes celles et ceux qui lui font confiance au sein du Hirak. Elle ne parlera qu’en leur nom et non pas au nom du Hirak.

Nous refuserons par ailleurs, toute imposture présentant des individus propulsés par les appareils médiatiques comme représentants du mouvement populaire. Les tentatives qui fleurissent par-ci par-là à cet effet, seront dénoncées comme une manœuvre de récupération et d’usurpation et dévoileront les véritables intentions des différents acteurs.

Aujourd’hui, le Hirak a trois issues possibles : celui du refus catégorique et radical à tout dialogue, débouchant alors sur la désobéissance civile et la sédition ; l’abandon du terrain politique et le retour à la situation antérieure au 22 février, ou enfin à la transformation de la conscience du hirak en action politique organisée.

Désormais, le Hirak doit exister non pas seulement de vendredi en vendredi dans la rue, mais aussi et surtout entre les vendredis. Les marches hebdomadaires doivent donner naissance à un véritable travail et engagement le long de l’année. C’est « le devoir d’agir ».

L’action organisée doit se faire à travers des outils politiques et la structuration du Hirak se réaliser dans la pluralité et non pas dans la pensée unique.

Il faut passer de l’action isolée des individus, fragiles et facilement manipulables à l’action collective, réfléchie et de longue portée. 

C’est ainsi que nous bâtirons l’Etat de droit et la démocratie que les Algériens réclament. »
 

 




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