4 novembre 2024
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XXXe marche : une formidable réponse à un discours antique

DISSIDENCE CITOYENNE

XXXe marche : une formidable réponse à un discours antique

Réveillés de leur soirée sous-marine, provoquée par des pluies diluviennes qui ont causé, cette année encore, de gigantesques inondations dans tout l’Algérois, les marcheurs viennent apporter leur réponse à un pouvoir dont la cécité  n’a d’égale que la surdité. 

Humiliés d’avoir été traité de shirdima i.e de petite poignés de gens mal intentionnés, ou encore de petite association de malfaiteurs, ils surgissent de toutes parts pour rejoindre leur circuit hebdomadaire. Ils sont très nombreux. Décidés, évoluant dans une parfaite symbiose, ils récréent cette atmosphère et retrouvent cet esprit du 22Février, qui a vu naitre la revendication citoyenne. 

Ils réclament la libération des otages, de Bouragâa, de Messouci pour ne citer que ceux-là. Porté sur le dos d’un quinquagénaire, le jeune fils de Karim Tabou, âgé d’une dizaine d’années, en pleurs et drapeau sur les épaules, chante libérez Karim Tabou libérez, en cœur avec la foule de marcheurs qui l’entoure. Ils répètent Allah ou Akbar Karim Tabou. L’arrestation dans des conditions obscures et illégales de Karim Tabou a galvanisé les foules. Il est omniprésent en ce vendredi 13, hissé du rang de leader politique à celui de héros. 

Les innombrables litanies, faites par le vieux général cette semaine ont eu, comme toujours, l’effet de durcir la contestation et de le placer, lui ainsi que les généraux, au centre de la contestation. Ils ont crié, pour la première fois avec une telle intensité, et durant tout l’après-midi : echaab yourid is9at Gaid Salah i.e  le peuple veut la tête de Gaid Salah, ou encore, Karim Tabou Echaab yhebou ou Gaid salah yahbas kelbou i.e Karim Tabou est aimé par le peuple et Gaid Salah en attrape une crise cardiaque. Ils traitent le vieux général d’ennemi de dieu. Ils crient sherdima Gaid Salah sherdima i.e faisant partie d’une association de malfaiteurs pour répondre à ses insultes télévisées. Ils scandent Bensalah, Gaid Salah tarhalou i.e  Bensalah, Gaid Salah, vous partirez. Ils inventent une nouvelle chansonnette : habitou el vote, nvoutou non à 100%, nediouha de toute façon, tetnahaou c’est urgent, Gaid Salah ya elirhabi tatnaha bikedrat rabi, hna ouled lebled m3ana yatnahaw eddoubabat i.e vous voulez le vote, nous voterons non à 100%, on gagneara de toute façon, on vous enlèvera c’est urgent, Gaid Salah le terroriste, tu partiras avec l’aide de Dieu, nous sommes des citadins, avec nous il n’y aura plus de parasite. Ils reprennent gouloulhoum i.e dites-leur en :  houkoumet bedoui makach el vote hata nchoufou gaid bli menot, goulou lel kadi ou lel ouakil el djoumhouria 3ambalna tharartou mazalkoum fil3ouboudia i.e avec le gouvernement Bedoui, il n’y aura pas de vote, jusqu’au jour où l’on verra Gaid avec les menottes, dites au juge et au procureur de la république que nous pensions que vous vous étiez libérés mais hélas vous êtes toujours dans l’esclavage. 

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Ils répètent les généraux à la poubelle et echaab yedi el istiklal i.e les généraux à la poubelle et le peuple aura son indépendance ou encore y en a marre des généraux. C’est tous les hauts gradés de l’armée qui deviennent un dommage collatéral à l’entêtement de l’état-major.

Ils réaffirment leur identité en répetant Imazighen zkara fi elgaid i.e berbères malgré Gaïd ou encore les algériens imazighen el ya el gaid salah daz m3ahoum i.e les algériens sont des amazigh et Gaid on en a cure. 

Ils tonnent mayatachraouch Casbah Bab El Oued i.e les gens de la Casbah et de Bab El Oued ne s’achètent pas.

Ils innovent encore une fois en entonnant : echa3b 9oua chouf chouf i.e leu peuple est une force, regarde, regarde. Ils redisent leur détermination à continuer leur combat. Ils réaffirment leur exigence de voir le pouvoir transféré aux civils en scandant : gouloulhoum 57 sna 3askaria rana habinha madania i.e dites leur 57 ans militaire, nous la voulons désormais civile en parlant de la république. Ils exhortent une énième fois le chef d’état-major de bien écouter. Ils crient yakhal3ouna blahbas ouahna 3aichin fi el habs i.e ils tentent de nous effrayer avec les prisons alors que nous vivons dans une prison à ciel ouvert.

Les forces de l’ordre déployées à une échelle démesurée, ne sont pas épargnées. Ils chantent les slogans qui leur sont habituellement destinés, devant la mine défaite et les yeux candides des jeunes policiers accoutrés de leur tenue anti-émeute  qui ont l’air de ne pas comprendre grand-chose à ce qui se déroule devant leurs yeux. Ils lancent à leur adresse machi ettunel 3assou el petrol i.e ne surveillez pas le tunnel mais le pétrole, en réponse au dispositif impressionnant déployé place Audin, devant le tunnel.

Ils insistent sur le fait qu’ils n’iront pas voter tant que le gouvernement Bedoui sera là, et qu’ils ne cesseront pas, même sous la pression des balles en répétant sans cesse leur fameux slogan, inventé il y a quelques semaines et qui figure, en ce moments, dans le top Ten des slogans les plus populaires. Ils redisent leur refus de voter tant que les conditions ne seront pas réunies.

Ils appellent à la désobéissance civile haut et fort, sans hésitation et sans interruption en scandant rahou djai rahou djai el3isian el madani i.e elle arrive elle arrive la désobéissance civile.

Voilà donc les marcheurs dans un face à face interminable avec l’état-major. Il ne leur échappe pas qu’ils vivent la feuille de route du cinquième mandat ou du quatrième rallongé. Le pouvoir veut organiser ses élections à sa manière, en faisant adopter les amendements de la loi électorale par une assemblée et un sénat issus de la fraude et qui ne sont que la piètre image d’un régime déphasé, anachronique, dépassé, et corrompu. 

Les manifestants, jeunes, ont assimilé cela. Ils comprennent que l’élection qui se prépare, avec leurs frères et sœurs comme otages, des interpellations à tout va, la même administration qui a sévi durant le règne chaotique de Bouteflika, ne sera et ne pourra pas être transparente et propre. 

Le pouvoir s’adresse à eux, à partir de casernes, comme avec ses soldats : au même moment, avec le même discours, en usant du même ton. Cette manière de communiquer, propre aux régimes militaro-islamo-nationalistes des années 70, ne semble pas importuner les décideurs. Pourtant, les marcheurs n’ont cessé de le répéter : ils ne sont pas des militaires, ne veulent pas d’un pouvoir politique militaire et ne désirent pas vivre dans une caserne géante. Ils aspirent à la vie, à humer de cet unique et doux parfum que seule la liberté peut dégager. 

Au lieu de cela, le vieux général leur propose des solutions du passé, ils disent donc, leur formidable réponse à un discours antique.

 

Auteur
Djalal Larabi

 




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